Posts Tagged ‘Corbeau’

Sortie épisodique des corneilles

décembre 20, 2019

 

Après une chute abondante de neige

Les corneilles prudentes aux belles toges

Après une météo clémente et rassurante

Sortent en quête d’une provision gratifiante

 

Sur le bord de la route saupoudrée de sel

Un couple de corvidés racle de leur bec le sol

Pour assouvir leur soif de la maigre saison

Où les poubelles sont fermées à tort ou à raison

 

Promenant mon regard sur les fils noirs

Dans le but aimable de leur redonner espoir

Par un petit morceau de mie de pain ramolli

La prudence et la confiance sont amoindries

 

Par la crainte d’un piège tendu à leur endroit

Le couple s’envole le gosier obstrué par le froid

Leur empêchant de croasser dans la fuite ailée

Où mon regard assiste impuissant mon plan raté

 

Bernard NKOUNKOU

 

Le corbeau aux ondes négatives

décembre 19, 2019

 

Communicateur oisif en quête de naïfs

Le corbeau anonyme d’un discours incisif

Profère des menaces coriaces à ses victimes

Avec ses plans de persuasion sans états d’âme

 

Au bout du fil lorsqu’ il atteint sa pauvre cible

Il se frotte les mains pour sa prise comptable

D’avoir attrapé un bon petit poisson couillon

Qu’il tourne en dérision avec ses histoires à foison

 

Sentant sa proie mordre à l’appât de son hameçon

Avec ses envolées de potentiels escrocs et de griffons

Il caresse son pelage vernissé sans un brin d’amertume

Criant victoire avant la clairvoyance de sa pauvre victime.

 

Heureux d’avoir pu soutirer certaines vraies informations

Dans la panique où il a placé sa victime en perte de raison

Il hausse le ton d’être un agent de police de recouvrement

Chargé de retrouver les délinquants dans leur maison

 

Plusieurs victimes tombent dans le filet du malin esprit

Tandis que d’autres se ravisent à la dernière minute du répit

Grâce à la reprise de leur conscience en sursaut éclairé

Pour chasser de leur emprise le corbeau des villes malfamé

 

Bernard NKOUNKOU

 

Sur la côte du Kenya : les corbeaux, cette menace qui vient du ciel

avril 26, 2016

Un corbeau sur la côte kényane, face à l'océan.

Un corbeau sur la côte kényane, face à l’océan. Crédits : MK Campbell / Flickr
La côte kényane est à une heure d’avion de Nairobi : 530 kilomètres de plages, mais aussi de menaces terroristes, de minorités persécutées, d’une biodiversité exceptionnelle mais en danger. Une zone-clé, entre Inde, Somalie et Yémen, pour comprendre l’Afrique. Un reporter du Monde Afrique l’a parcourue, depuis Mombasa, plus grand port d’Afrique de l’Est, jusqu’à Lamu, berceau de la culture swahilie.

« Ils sont très intelligents, très puissants et conscients de leur force. Sur la côte, tous les animaux ont peur d’eux. Ils attaquent en groupe. A quatre, dix, parfois plus. Ils mangent de tout : de la viande, des végétaux, du plastique. Ils se cachent très bien, très haut dans les arbres, de sorte qu’il est très difficile de les attraper. »

Mais de qui Lennox Kirao, de l’ONG de protection de la nature A Rocha, confortablement attablé face à l’océan indien, à Watamu, parle-t-il ? Quel est ce terrible et insaisissable prédateur de la côte ? Ici, Nul jaguar ou autre lion. C’est bel et bien d’un corbeau qu’il s’agit.

Le corbeau familier, ou corneille d’Inde, n’est pas un petit moineau. Une quarantaine de centimètres et un peu plus de 300 grammes de plumes. De grands yeux bruns, un pelage noir brillant, une poitrine et une nuque toute de collerette grise. « House Crow » en anglais, « Corvus Splendens » en bon latin, « kunguru » en swahili. Sur la côte, on le connaît mieux sous le surnom peu élogieux de « black devil ». Le diable noir.

Ambiance de film d’Hitchcock

Alerte : le corbeau indien envahit la côte ! De Malindi à Mombasa, entend-on les croassements, perché sur la cime de chaque arbre. On le voit, au petit matin, posé sur les fils électriques par-dessus les bennes à ordure, goûtant à un fétide petit-déjeuner. « Ils sont partout ! », s’alarme Joel, photographe de mariage, qui simule un lance-pierre en tendant la cordelette de son appareil photo entre ses doigts. « Sur les églises, les mosquées, les orangers, les tours de télécoms, les baobabs, les manguiers, les palmiers ! ». Ou quand la côte kényane prend des allures de films d’Hitchcock, avec pêcheur swahili et touristes européens en crème solaire pour se partager le rôle (tout de suite moins glamour) de Tippi Hedren.

Le kunguru ne respecte rien. Ni personne. À Mombasa, seuls quelques rares pigeons ont survécu, et si peu d’oiseaux marins. « Avant, on avait de très jolis passereaux rouges et jaunes dans les jardins publics… Les corbeaux les ont chassés », s’attriste Kelvin Mazera, guide ornithologique dans la deuxième ville kényane, aujourd’hui à la peine.

De Zanzibar à Djibouti via Mombasa

Retour dans le temps, direction 1891. La colonisation britannique prend ses quartiers sur la côte est-africaine, depuis la Somalie jusqu’à Zanzibar. De l’autre côté des mers, aux Indes, on identifie le « house crow », gourmand en déchets, comme un bon moyen de réduire décharges. Quelques volatiles sont importés vers l’archipel Zanzibar, passée depuis 1890 sous protectorat britannique.

Mais l’espèce, qui ne trouve ici aucun prédateur, se reproduit plus vite que prévu. Dès 1917, l’oiseau est identifié comme un invasif. Le « diable noir » n’en a cure et remonte la côte tanzanienne, atteignant Mombasa en 1947, déboulonnant sur Watamu, Malindi pour atteindre Djibouti les zones somaliennes.

Le corbeau profite, au fil des années, d’un système cataclysmique de ramassage des ordures. Dans un article, publié en 2004, Colin Jackson, fondateur d’A Rocha, énumère les ennuis causés par le volatile. Ils sont nombreux :

  1. Les corbeaux tuent et pourchassent les autres espèces d’oiseaux, dévorant les œufs et démolissant les nids, chassant jusqu’aux petits reptiles et mammifères.
  2. Ils causent de sévères dommages à l’agriculture locale, attaquant les poussins, détruisant les cultures de maïs ou de sorgho.
  3. Ils transportent et transmettent nombre de maladies (jusqu’à huit parasites humains, et sans doute le choléra), répandant les ordures à travers la ville. À la recherche des diaboliques corbeaux, dans les décharges publiques, l’auteur de ces lignes a contracté une sévère infection bactériologique à la gorge (mais peut-être n’est-ce qu’une coïncidence).
  4. Ils dégradent les infrastructures publiques, allant jusqu’à paralyser l’aéroport international de Mombasa en se faisant aspirer par les réacteurs des avions, polluent les sources en eau potable (via le fameux « guano »), provoquant coupures de courant et « black-out » en se posant – trop nombreux – sur les câbles électriques.

Une espèce qui menace la biodiversité

Le « kunguru » met ainsi en péril la biodiversité de la côte. « La forêt d’Arubuko-Sokoke, en bordure de Watamu, 260 espèces d’oiseaux dont six en danger », s’alarme Lennox Kirao. Parmi eux, on compte le Tisserin de Clarke, plumage sombre et ventre doré, dont la population ne dépasserait pas les 6 000 individus. « Sur l’ensemble du globe, il ne vient pondre qu’ici. Ces oiseaux sont tout petits et très chétifs. Ils se font exterminer par les corbeaux. »

Lire aussi : Kenya : l’amère commémoration du massacre de Garissa

Lennox Kirao prédit des temps obscurs pour la côte. « À Watamu, on trouve le Sterne de Dougall : un oiseau marin qui vient pondre chaque année sur les rochers entre mai et août, explique-t-il. C’est un petit oiseau, mais capable de se défendre. Ils sont 3000 chaque année. Si les corbeaux les trouvent, ça va être un carnage, une véritable guerre. »

Après Hitchcock, comme un air de Games of Thrones.

Côté humain, on se protège comme on peu. Les hôtels embauchent des employés, chargés de faire fuir le corbeau. Ainsi en va-t-il de Kenny, serveur rencontré au Palm Tree Hotel de Mombasa. « Je dois sans cesse les effrayer, sinon ils se jettent sur la table pour prendre la nourriture des clients », explique le jeune homme, qui a accroché de petits bouts d’aluminium autour de la cour de l’établissement pour effrayer le kunguru. Des fermiers sont allés jusqu’à asperger leurs poussins de spray rose ou bleu fluo afin d’effrayer l’oiseau de mauvais augure. « On utilise des cages en bois, avec de la nourriture, pour les piéger. Mais ils ont déjà compris le truc, et ne se laissent plus avoir », se lamente Kelvin Mazera. « Les corbeaux ont une excellente mémoire, ils arrivent à reconnaître ceux qui les ont mis en danger », complète Lennox Kinao.

Vers une chasse aux corbeaux ?

Que faire alors ? Une politique d’éradication à base d’un poison, le starlicide, a produit quelques effets dans le passé. Mais l’opération a été menée à petite échelle, et le produit est aujourd’hui interdit d’importation. « On n’a rien fait depuis cinq ans, déplore Lennox Kinao. À la fin de l’éradication, il restait une centaine de couples de corbeaux à Watamu. Aujourd’hui, ils sont au moins dix fois plus nombreux. »

Après des années d’indifférence, les autorités locales semblent enfin se saisir de problème. « On pourrait vendre une licence aux touristes et aux habitants afin de tirer les corbeaux au fusil », propose-t-il. Un « ball-trap » au corbeau familier tentera-t-il les vacanciers en quête d’originalité pour meubler les fins d’après midi tropicales ? « Il faudra faire attention à ce qu’ils ne tirent pas sur les autres oiseaux quand même… », s’inquiète déjà le chercheur.

À Zanzibar, le mix de « trapping » et d’empoisonnement a cependant permis de réduire la population de corbeaux de 75 à 80 %. Mais n’est-il pas déjà trop tard ? Le « diable noir » remonterait déjà vers Nairobi. La capitale compte près de 600 espèces d’oiseaux, dont des aigles couronnés et d’imposants marabouts. Ceux-ci pourraient opposer une résistance bien plus farouche que les frêles passereaux de la côte, et la bataille de Nairobi pourrait bientôt être engagée.

Lemonde.fr/Afrique par Bruno Meyerfeldcontributeur, envoyé spécial Watamu (Kenya

Conte : Le Chien, la Huppe, le Hibou et le Corbeau

mars 3, 2016

 

 

Il était une fois, un Chien berger gardait son troupeau dans la vallée: un riche héritage qu’il avait reçu par voie testamentaire de son défunt maître. Il avait l’impérieuse mission de perpétuer son patrimoine. Il voulait aussi, à tout prix, expérimenter l’adage Kongo: Wa dia fwa, yika dio (Celui qui veut hériter d’un bien, doit le fructifier).

Chaque jour, après le lever du soleil, des hérons blancs passaient, en file indienne, à cent mètres, au-dessus de sa tête. Il aboyait pour saluer leur départ au travail : houa, houa, houa. Ces oiseaux des premières heures du matin, indifférents de son aboiement, dessinaient au ciel bleu des itinéraires linéaires et fléchés, le bec tendu en direction de leur destination préférée: le dépotoir d’ordures.

Le Chien au poil roux se préparait à quitter sa résidence. Il brossait de sa patte, sa petite moustache rectangulaire, située en bordure de son menton. Fin prêt, il prit son bâton de berger puis conduisait les moutons noirs, les brebis blanches et les chèvres grises, dans la prairie, au bord du ruisseau. Là-bas, les animaux de leurs canines et incisifs immaculés, broutaient, paisiblement et lentement, l’herbe grasse parsemée dans la vaste étendue au voile verdoyant et luxuriant se mariant, à perte de vue, avec l’horizon bleu.

Bon éleveur, il savait surveiller d’un œil vif son troupeau mais il lui arrivait aussi de discipliner les quelques bêtes récalcitrantes qui couraient partout. Il les rattrapait par un coup de griffes à la patte, les maîtrisait, les ramenait dans le cercle de son champ visuel afin de les contrôler et de les compter facilement.

Dans son bon pâturage, il avait de nombreuses brebis et chèvres qui attendaient des agneaux et des chevreaux, des petits qui devraient grandir ensemble et agrandir le troupeau. Quand les femelles donnaient naissance, il partait chercher l’eau à la rivière pour nettoyer les nouveau-nés, en dehors, des premiers soins donnés par leur maman consistant à lécher leurs poils. Il veillait à leur sécurité contre les méchantes langues et autres turbulents qui frappaient de jalousie les nourrissons, à coups de tête.

Un jour, fatigué pendant qu’il rentrait avec son bétail, il reçut de la part d’un propriétaire une proposition de croisement de caprins de belle race avec ses chèvres apparentées aux bouquetins. Ces gentilles bêtes, certaines avaient un doux pelage, d’autres une fourrure soyeuse et cotonneuse pouvant être tondue sans difficulté pour fabriquer la laine à tisser.

Après trois croissants de lune et trois pleines lunes, les animaux nourris et engraissés passèrent à la phase d’accouplement. La sélection obéissait à son critère de choix selon les couleurs: les noirs avec les blancs, les gris avec les blancs puis les noirs avec les gris. Les femelles qui étaient sur le point de mettre bas aimaient se reposer à l’ombre d’un avocatier dont les branches touchaient le sol. Celles dont la conception était encore lointaine partaient auprès des femmes du village qui épluchaient les tubercules de manioc. Elles prenaient soins de leur jeter les épluchures qu’elles mangeaient fièrement dans le remuement de leur bouche qui effectuait un mouvement de va-et-vient, de gauche à droite. Les mamans qui se prélassaient au pied de l’arbre recevaient de coups de sabot dans leur ventre de la part de leur bébé.

Cependant dans la somnolence de leur ventre bedonnant, une Huppe vint se poser au sommet de l’arbre. Elle tourna sa tête à gauche puis à droite, dressant les plumes de son crâne qui regardent toujours au ciel. Assurée de ne point être perturbée, elle commençait à chanter : hu hu, hu hu, hu hu. Son chant retentit comme une forte et désagréable alerte dans tout le village: les femmes se précipitèrent d’aller cacher leurs enfants dans les maisons. Celles qui les portaient au dos, voilèrent le visage de leurs enfants pour ne pas regarder dans la direction d’où provenait le chant de l’oiseau maléfique. Les cultivatrices qui étaient encore aux champs se débarrassèrent de leur deuxième pagne, noué autour du rein, pour couvrir et protéger au sol leurs enfants. Le chant de la Huppe passait à travers les feuilles des arbres qui tremblaient elles aussi de frayeur. Les feuilles jaunes, à peine anémiées, et mortes sans sève, tombaient d’effroi. L’écho de son hululement dressa les oreilles du Chien qui vint en courant dans une grande meute pour le chasser par son aboiement. Du haut de la cime, elle tourna sa tête, la crête de ses plumes pencha en arrière puis s’éloigna en chantant : Nuni na Nuni, za tanga kwa, ka toyo ka mana tanga bakiri mambu (Chaque oiseau peut chanter mais si la Huppe chante, elle devient fautive).

Après son départ, le calme revint au village, les femmes sortaient de leur cachette pour vaquer à leurs occupations. Les enfants retrouvèrent leur visage caressé par l’air agréable du petit vent. Ceux qui étaient en âge de parler, demandèrent à leurs parents ce qui s’était passé. Une explication du chant de la Huppe leur a été donnée, consistant à prévenir un éventuel malheur dans le village.

Le soir, le Chien contrôla tous ses habitants pour voir si personne ne manquait après le chant de la Huppe. Il rentra dans l’enclos tout son troupeau. Les femmes préparèrent à manger pour la communauté tandis que les hommes cassaient le bois pour se réchauffer : kwaka, ka, kwaka, ka. Kwaka, ka.

Après le repas, ils racontèrent des histoires aux enfants et dormirent. Une chorale de grillons chantait. Des bruits d’autres insectes nocturnes se répandaient dans le village : cri, cri, grin, grin, cri, cri, grin, grin. La nuit était chargée de chants qui la rendaient joyeuse et heureuse.

A minuit, quand la nuit était noire et silencieuse comme le deuil, un Hibou vint se poser sur l’avocatier de la cour, puis commençait à chanter. Des frissons ébranlaient les nerfs des habitants qui étaient déjà couchés. Certains s’étiraient au lit en un léger soupir, se courbant, se tordant et se redressant. Ceux qui étaient dans le sommeil léger prêtèrent les oreilles pour bien écouter et suivre le chant funeste. Les enfants pleuraient. Les mamans leur fermèrent la bouche de la main. La peur gagna aussi le troupeau. Les mâles poussèrent des râles en se levant de leurs pattes recroquevillées au sol. Tous les animaux se réveillèrent. De leurs cornes, les mâles brisèrent le bois de protection de l’enclos. Ils se dirigèrent dans les maisons des humains pour plus de sûreté. Les animaux trouvèrent refuge sous leur lit. Les femelles en gestation se bousculaient au fond avec leur gros ventre contre le mur. Le chant du Hibou s’amplifiait et devenait lourd comme s’il voulait remuer la toiture des maisons. Les tôles en aluminium se froissaient comme si une personne marchait dessus : coin, coin, coin. Celles qui étaient en pailles renvoyaient un bruit d’herbes coupées à la faucille : frou, frou, frou. Des frissons de peur dressaient les cheveux sur la tête et les poils sur les bras.

Le chant de l’oiseau nocturne coupa le sommeil et haleta le souffle. Les femmes affolées par la frayeur et la peur passèrent elles aussi sous le lit où se trouvaient déjà les femelles des animaux qui leur donnaient des coups de sabots, en se disputant la place exiguë et contiguë.

Le Chien à l’écoute de la répétition de ce chant de malheur fit le tour des maisons pour donner l’alerte d’un mauvais message. Il demanda à tous les hommes de le suivre, Ceux-ci vinrent se rassembler autour de lui. Claquant leurs mains, pour le chasser, ils lui proférèrent des oracles pour s’en aller et laisser le village en paix. Récalcitrant, il leur ouvrit grandement ses yeux. En croisant leur regard, il changeait son visage devenant, peu à peu, humain comme celui du sorcier du village.

A cet effet, le Chien rentra dans la cuisine, prit un long bois qui se consumait encore, et vint le tendre en direction du Hibou. Ébloui par l’éclat de la braise, il plaça ses ailes à son cou, détalant en hululant puis partit se poser au-dessus du toit du sorcier. Il se glissa par la faîtière de sa maison et disparu. Une clameur de victoire résonna dans la nuit dense et épaisse. Le village reprit son sommeil entrecoupé. Les hommes ronflaient du fond de leur gorge comme une chorale de crapauds : grond, grond, grond.

Vers cinq heures du matin, le Corbeau croassait, son chant faisait la ronde de toutes les cases du village. Soudain des pleurs retentissaient partout. Les femelles qui étaient en gestation ne purent pas se réveiller de leur cachette sous les lits. Elles étaient toutes mortes, le corps raide, avec leurs bébés dans le ventre. La situation était insupportable et intenable. Le Corbeau de son manteau noir ne cessait de regarder le village tout éploré, frappé par un deuil en série.

Le Chien prit la parole et dit : je savais depuis ce matin que le chant de la Huppe, suivi de celui du Hibou la nuit, n’était pas un bon présage pour le village. Car la faute n’est pas au Corbeau. Il joue seulement le rôle d’annonciateur de ce qui s’est passé pendant que les gens dormaient. Mais d’aucuns lui proférèrent aussi des insultes qu’il est un oiseau de mauvais augure au même titre que la Huppe et le Hibou. Fâché de cette accusation, le Corbeau rouspéta: han, han, han. Face à cet entêtement, il fut interdit de toute nourriture de la part des hommes.

Le Chien demanda aux hommes d’aller enterrés les cadavres des bêtes dans la forêt, loin des habitations du village, pour éviter toute contamination de mauvaises odeurs de putréfaction.

Le Corbeau, très en colère de cette accusation, décida de manger des cadavres de toutes espèces en chair. Du haut des airs, dans sa ronde, il découvrit, le lieu où avaient été enterrés les animaux. Il exhuma les corps en putréfaction et commençait à les manger. Il en prit goût et en fit son habitude même s’il mange du pain et des biscuits mais les cadavres constituent sa nourriture préférée.

Depuis lors, dans certains pays du monde, le chant de la Huppe, du Hibou ainsi que celui du Corbeau, à certaines heures, annonce souvent le malheur à venir ou une mort dans le village. Les hommes ont pris l’habitude de chasser ces animaux de leurs habitats car ils sont de mauvaise compagnie.

© Bernard NKOUNKOU