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La Gambie veut faire la lumière sur le coup d’État déjoué contre Adama Barrow

décembre 28, 2022

Une commission d’enquête doit rendre son rapport dans un mois après la tentative de putsch contrecarrée le 21 décembre visant le chef de l’État.

Président gambien Adama Barrow (le 12 septembre 2022, à Banjul) visé par le coup d’État avorté. © Muhamadou Bittaye/AFP.

Une commission d’enquête, qui doit rendre son rapport dans un mois, a été créée le 27 décembre en Gambie pour faire la lumière sur la tentative de coup d’État déjouée il y a tout juste une semaine, a indiqué le porte-parole du gouvernement.

Composée de onze personnes parmi lesquelles des membres du ministère de la Justice, de la police, de l’armée et des services de renseignement, la commission a « trente jours pour enquêter, préparer et soumettre » son rapport, a écrit Ebrima G. Sankareh dans un communiqué.

Sept personnes arrêtées

La veille, la présidence a aussi annoncé dans un communiqué l’arrestation au cours du week-end du 25 décembre d’un capitaine et d’un lieutenant supposément impliqués dans le coup d’État manqué. Cinq autres soldats sont détenus dans le cadre de cette affaire. Au moins deux autres personnes accusées d’avoir joué un rôle dans cette tentative de putsch sont toujours recherchées, selon les autorités.

Par ailleurs, un responsable politique, ancien ministre des Affaires présidentielles sous le régime de Yahya Jammeh (1996 – 2017) et membre du principal parti d’opposition, le Parti démocratique unifié (UDP), est aussi détenu après être apparu dans une vidéo suggérant que le président sera renversé avant les prochaines élections locales. Son parti exige sa libération immédiate.

Force régionale contre les putschs

Il s’agit de la dernière tentative de coup de force en date en Afrique de l’Ouest depuis 2020, après deux putschs réussis au Mali et au Burkina Faso et un autre en Guinée, et une tentative en Guinée-Bissau. Elle a été massivement condamnée par la communauté internationale.À LIREAfrique de l’Ouest : comprendre l’inflation de putschs, après coup…

Réunis en sommet début décembre à Abuja, au Nigeria, les dirigeants des États membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dont fait partie la Gambie, ont décidé la création d’une force régionale vouée à intervenir en cas de coups d’État, s’inquiétant d’un effet de contagion.

Par Jeune Afrique (avec AFP)

Les autorités allemandes déjouent un coup d’État

décembre 7, 2022
Le prince menotté.

Le prince Heinrich XIII Reuss a été arrêté à Francfort. Photo : AP/Boris Roessler

La justice allemande a annoncé mercredi avoir déjoué des projets d’attentats d’un groupuscule d’extrême droite et complotiste qui voulait s’en prendre aux institutions démocratiques du pays et notamment au Parlement.

Au cœur de cette conspiration criminelle, selon la presse et le parquet : un descendant de la noblesse allemande, d’anciens militaires, une ressortissante russe et une ancienne députée d’extrême droite.

Ils comptent parmi les 25 personnes arrêtées au petit matin lors d’un vaste coup de filet dans tout le pays. La justice les soupçonne d’avoir fait des préparatifs concrets pour pénétrer violemment dans le Bundestag allemand, la chambre des députés à Berlin, avec un petit groupe armé, selon un communiqué du parquet.

Quelque 3000 membres des forces de l’ordre ont été mobilisés et plus de 130 perquisitions ont été menées dans ce que les médias ont décrit comme la plus importante opération policière de ce type jamais menée en Allemagne.

Un hélicoptère devant un château.

Des milliers de policiers ont effectué mercredi des raids dans une grande partie de l’Allemagne contre des extrémistes présumés d’extrême droite qui auraient cherché à renverser le gouvernement lors d’un coup d’État armé. Photo : AP/Michael Probst

Les investigations en cours lèvent le voile sur l’abîme d’une menace terroriste, a commenté la ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser.

La cellule démantelée était mue par des fantasmes de renversement violent et des idéologies conspirationnistes, a-t-elle ajouté.

Des insurgés connus

Sont cités par la justice comme meneurs présumés : Henri XIII P. R. et Rüdiger v. P..

Le premier, identifié par la presse allemande comme le Prince Reuss, descendant d’une lignée de souverains de l’État régional de Thuringe (est), est un entrepreneur septuagénaire, avec qui une partie de sa famille a pris ses distances.

Arrêté à Francfort, il possédait également un château près de Bad Lobenstein, dans le centre du pays, qui a fait l’objet d’une perquisition.

Le second est, selon les médias, un ex-lieutenant-colonel de la Bundeswehr. Commandant d’un bataillon de parachutistes dans les années 1990 et fondateur d’un commando d’Unité des forces spéciales (KSK), il a dû quitter l’armée allemande à la fin des années 1990 après avoir enfreint la loi sur les armes.

Est également mentionnée dans le communiqué du parquet une Russe Vitalia B., identifiée par la presse allemande comme la compagne de Henri XIII. Elle a, selon les procureurs, servi d’intermédiaire pour tenter de prendre contact avec les autorités russes en vue d’un éventuel soutien.

Toutefois, l’ambassade russe à Berlin, citée par les agences de presse d’État Ria Novosti et Tass, a démenti tout lien avec des organisations terroristes ou illégales en Allemagne.

Également arrêtée, une certaine Birgit M.-W.. Il s’agirait d’après la presse allemande de Birgit Malsack-Winkemann, juge et ancienne députée du parti d’extrême droite AFD qui siégeait au Bundestag entre 2017 et 2021.

Un groupe formé récemment

Outre les interpellations, 27 autres personnes sont visées par l’enquête, selon le parquet. Une arrestation a eu lieu en Autriche et une autre en Italie.

Fondé au plus tard fin 2021, le groupuscule avait pour objectif de venir à bout de l’ordre étatique existant en Allemagne et de le remplacer, un projet ne pouvant être réalisé que par l’utilisation de moyens militaires et de la violence contre les représentants de l’État, selon le communiqué du parquet de Karlsruhe, responsable des affaires concernant la sécurité de l’État.

Ses membres sont unis par un profond rejet des institutions de l’État et de l’ordre fondamental libéral et démocratique, et bien décidés à participer à son élimination, décryptent les procureurs.

Des milliers d’Allemands radicalisés

Les autorités allemandes ont classé ces dernières années la violence d’extrême droite au premier rang des menaces à l’ordre public, avant le risque djihadiste.

Au printemps, elles avaient démantelé un autre groupuscule d’extrême droite soupçonné d’avoir projeté des attentats et l’enlèvement du ministre de la Santé, à l’origine des mesures de restriction anti-COVID.

Cette nébuleuse se reconnaît dans le mouvement allemand dit des Reichsbürger (citoyens du Reich), qui ont pour point commun de rejeter les institutions, refusant les ordres de la police ou le paiement des impôts.

Sur les quelque 20 000 militants estimés de cette idéologie en Allemagne, une frange s’est radicalisée, intégrant notamment des négationnistes et envisageant le recours à l’action violente.

Dans le cas du groupe démantelé, les membres se référaient également aux théories de la mouvance QAnon, groupe conspirationniste d’extrême droite venu des États-Unis, selon le parquet.

Par Radio-Canada avec Agence France-Presse

Coup d’État déjoué à São Tomé-et-Principe : l’ex-président de l’Assemblée et un mercenaire arrêtés

novembre 25, 2022

Patrice Trovoada, le Premier ministre de l’archipel, a annoncé qu’une tentative de putsch a échoué dans la nuit de jeudi à vendredi. Quatre hommes ont été appréhendés après avoir tenté d’attaquer le quartier général de l’armée.Patrice Trovoada, le Premier ministre de l’archipel, a annoncé qu’une tentative de putsch a échoué dans la nuit de jeudi à vendredi. Quatre hommes ont été appréhendés après avoir tenté d’attaquer le quartier général de l’armée.

Le Premier ministre de São Tomé-et-Principe, Patrice Trovoada, le 5 septembre 2018 © Parker Song / POOL / AFP

« Je veux rassurer tout le monde, les forces armées ont la situation sous contrôle », a déclaré le chef du gouvernement, Patrice Trovoada, qui apparaît assis à un bureau, les traits fatigués, en tee-shirt blanc sous un vêtement de pluie bleu. « Il y a eu une tentative de coup d’État, qui a débuté autour de 00 h 40 et […] s’est terminée peu après 6 heures du matin », a-t-il poursuivi, ajoutant : « Les forces armées ont subi une attaque dans une caserne ».

Quatre hommes, dont l’ancien président de l’Assemblée nationale sortante, Delfim Neves, et un ex-mercenaire déjà auteur d’une tentative de putsch en 2009, qui ont été arrêtés, ont tenté d’attaquer le quartier général de l’armée, a précisé le Premier ministre dans une vidéo authentifiée et envoyée par la ministre de la Justice, Ilsa Maria dos Santos Amado Vaz.

En lien avec le Bataillon Buffalo

Une habitante, contactée par téléphone, a raconté sous couvert de l’anonymat qu’elle avait entendu des « tirs d’armes automatiques et d’armes plus lourdes, ainsi que des détonations, deux heures durant à l’intérieur du QG de l’armée » à Sao Tomé, la capitale. Un militaire, « pris en otage », a été blessé, « mais il pourra reprendre ses activités dans quelques jours », a précisé Patrice Trovoada.

« Un groupe de quatre personnes associé au tristement célèbre groupe Buffalo a pénétré dans la caserne, tandis qu’un autre groupe se trouvait à l’extérieur […] dans des fourgonnettes et l’état-major m’a informé avoir arrêté certaines personnes […] du premier groupe de quatre […], neutralisé », a-t-il poursuivi.

Parmi les personnes interpellées, selon lui, figure Delfim Neves. Ce dernier a perdu sa fonction de président de l’Assemblée nationale le 11 novembre lors de l’installation de la nouvelle chambre, issue des législatives du 25 septembre, remportées à la majorité absolue par l’Action démocratique indépendante (ADI), le parti de centre droit de Patrice Trovoada. Delfim Neves avait également été éliminé dès le premier tour de la présidentielle du 18 juillet 2021, finalement remportée par Carlos Vila Nova, de l’ADI.

Selon le Premier ministre, les militaires ont également arrêté dans la nuit Arlecio Costa, un ancien mercenaire du groupe sud-africain « Bataillon Buffalo », démantelé en 1993 par Pretoria. En février 2009, Arlecio Costa, alors chef d’un parti d’opposition, avait déjà été arrêté et accusé d’être le meneur d’une tentative déjouée de coup d’État 12 jours auparavant.

Alternances politiques

« La situation dans la caserne est sous contrôle, mais nous devons avoir la certitude que le pays est complètement sous contrôle », a assuré le chef du gouvernement. Il a annoncé une enquête en cours et expliqué que l’armée « a l’obligation de clarifier la situation, s’il y a eu d’autres ramifications au sein des forces armées ».

Des militaires ont été déployés dans la nuit pour sécuriser les résidences des membres du gouvernement et du président de la République, a également témoigné l’habitante contactée par téléphone, après avoir fait un tour en voiture dans la capitale. « La ville est calme, les gens vaquent à leurs occupations normales mais les écoles ont demandé aux parents de ne pas envoyer leurs enfants », dit-elle.

Deux grands partis se disputent la direction du pays depuis son indépendance en 1975 : l’ADI de Patrice Trovoada et le Mouvement de libération du Sao Tomé-et-Principe-Parti social-démocrate (MLSTP-PSD, centre gauche).

L’archipel, considéré comme un modèle de démocratie parlementaire en Afrique, est habitué aux alternances au pouvoir de ces deux formations, qui dominent la scène politique depuis l’instauration du multipartisme en 1991, après quinze années d’un régime marxiste de parti unique. À la suite de plusieurs tentatives de coup d’État – les dernières en 2003 et 2009 –, le régime parlementaire s’est affirmé dans l’ancienne colonie portugaise et a permis plusieurs alternances entre l’ADI et le MLSTP, ce dernier étant issu de l’ancien parti unique.

Par Jeune Afrique (avec AFP)

Burkina Faso : la crainte d’un nouveau coup d’État

septembre 30, 2022

Depuis que des tirs ont résonné et que des militaires se sont déployés dans plusieurs endroits stratégiques de Ouagadougou, à l’aube, ce vendredi, le pays a de nouveau basculé dans l’incertitude, huit mois après le putsch du lieutenant-colonel Damiba.

Des soldats burkinabè déployés dans les rues de Ouagadougou, le 30 septembre 2022. © Olympia de Maismont / AFP

Un nouveau putsch est-il en cours au Burkina Faso, à peine huit mois après celui du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le 24 janvier ? Ou s’agit-il, comme certains le laissent entendre, d’un mouvement d’humeur de militaires réclamant le paiement de leurs primes ? Ce vendredi 30 septembre, en fin de matinée, personne ne semblait vraiment avoir de réponse à ces questions à Ouagadougou.

Rafales de tirs

Une chose est sûre : malgré une apparente normalité dans les rues de la capitale, la situation y est très volatile depuis que des tirs y ont été entendus à l’aube. Vers 4 h 30 (heure locale), des rafales ont ainsi résonné près du camp militaire Baba Sy, l’un des principaux de la ville, ainsi que dans le quartier de Ouaga 2000, dans les environs du palais présidentiel de Kosyam.

Dans les heures qui ont suivi, des véhicules militaires se sont déployés dans plusieurs endroits stratégiques de Ouagadougou : au rond-point des Nations unies, mais surtout autour de la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB), la télévision nationale, qui a connu une interruption de ses programmes.

Selon des sources sécuritaires, des soldats des Forces spéciales, membres de la fameuse unité Cobra, seraient à l’origine de ce mouvement. Ils réclameraient notamment le paiement de primes qui leur avaient été promises. De leur côté, les militaires de l’armée qui composent le Groupement de sécurité et de protection républicaine (GSPR), chargé de la protection de la présidence et de celle du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, auraient effectué des tirs de sommation.

Tractations entre officiers

Depuis son arrivée au pouvoir, Damiba réside dans une villa ministérielle proche du palais de Kosyam. Un de ses intimes, qui a échangé avec lui en début de matinée, a confié à Jeune Afrique que le chef de l’État « allait bien » et était toujours à Ouagadougou. Selon plusieurs sources militaires, des tractations ont désormais lieu entre officiers afin de trouver une solution à cette situation potentiellement explosive.

Pour le lieutenant-colonel devenu président, l’alerte est en tout cas très sérieuse. Rentré en début de semaine de New York, où il a participé à l’Assemblée générale des Nations unies, il essuyait jusqu’à présent des critiques régulières sur son incapacité à régler la crise sécuritaire qui plombe son pays, mais jamais il n’avait été à ce point défié par une partie de l’armée. Reste maintenant à savoir s’il parviendra à contenir, ou non, la situation.

Avec Jeune Afrique par Benjamin Roger

Soudan : les putschistes font neuf nouvelles victimes

juillet 1, 2022

REPORTAGE. La répression des cortèges de ce 30 juin, date historique du calendrier révolutionnaire, a été d’une violence quasiment inédite depuis le coup d’État.

Des manifestants anti-coup d'Etat soudanais dans les rues de Khartoum. Le 30 juin 2022.
Des manifestants anti-coup d’État soudanais dans les rues de Khartoum. Le 30 juin 2022.© – / AFP

Son sanglot transperce la foule massée devant l’hôpital Ajwada de Khartoum. Un jeune homme d’une vingtaine d’années s’effondre, la tête entre les genoux, incapable d’accepter le décès de son ami. Il est l’un des neuf « martyrs » abattus par les balles, les bombes lacrymogènes, les coups de couteau et autres actes de torture perpétrés par les forces de l’ordre soudanaises ce 30 juin.

Cette date était déjà historique pour avoir marqué le début de la dictature d’Omar el-Béchir en 1989. Puis, pour avoir accueilli, trente ans plus tard, des manifestations monstres forçant les généraux ayant succédé au dictateur déchu à reprendre le dialogue avec les civils. Ce 30 juin 2022 restera, lui, gravé dans la mémoire des Soudanais comme l’une des journées les plus meurtrières depuis le putsch du 25 octobre. Le bilan tenu depuis par le Comité des médecins soudanais atteint désormais 113 morts.

Des appels à la communauté internationale

Vers 16 heures, ce jeudi, les dizaines de milliers de Soudanais rassemblés en direction du palais présidentiel – l’un des nombreux cortèges organisés à travers le pays – commencent à rebrousser chemin. L’avalanche de gaz lacrymogènes rend l’air irrespirable, brouille la vue et brûle la peau. Beaucoup de manifestants aguerris sont pourtant parés de masques leur couvrant intégralement le visage.

« Je suis déçue. Je m’attendais à un vrai changement aujourd’hui mais c’est toujours la même chose. Quelques-uns vont mourir et on va rentrer chez nous. La communauté internationale doit comprendre que les militaires ne partiront pas d’eux-mêmes », prédit Amna Yasir. Les télécommunications étant coupées depuis le matin, non sans rappeler les 24 jours sans Internet après le coup d’État, cette étudiante en médecine ignore encore que certains révolutionnaires se sont déjà éteints.

Large chapeau de paille et appareil photo réflex à la main, Lamees Hassan incite directement l’ONU et les États-Unis à « forcer les généraux à quitter le pouvoir en imposant des sanctions individuelles au chef de l’armée Abdel Fattah al-Burhane et à Hemeti [surnom du numéro du Conseil de souveraineté, NDLR]. Car ces derniers ont besoin d’agent pour financer tout cela, pour payer les balles des policiers… Il faut geler leurs comptes à l’étranger de toute urgence. »

Un combat pour la génération future

À quelques mètres de là, abritée sous un margousier, une équipe d’infirmières soigne les blessés revenant du front. L’une d’elles bande le thorax ensanglanté d’un manifestant heurté par une cartouche de gaz lacrymogène. Tandis que le flot de motos, transportant les cas les plus sévères à l’hôpital, s’intensifie.

« Le tueur de mon fils ne gouvernera pas mon pays », peut-on lire sur la pancarte de Sakina Mohieldin, venue défiler avec ses deux filles, qui continuent à croire en la portée de la désobéissance civile. « Plus il y aura de monde dans la rue et plus vite les militaires comprendront qu’ils doivent partir », espère l’aînée, Layla Hamza, 21 ans. Les artères des grandes villes du pays ont beau être noires de monde, la jeune femme aux longues tresses, drapée dans un drapeau aux couleurs nationales, reconnaît néanmoins une baisse de la mobilisation, comparée à l’apogée de la révolution de décembre 2018.

« Les Soudanais ont essayé d’obtenir leurs droits mais, à chaque fois, ils se font tuer. Ils sont désespérés. Cependant, certains, comme moi, ne peuvent pas perdre espoir. Le Soudan est en ruines et il faudra beaucoup de temps pour bâtir un pays prospère. Mais nous ne pouvons pas abandonner notre nation. Nous voulons un meilleur avenir pour nous, et surtout pour nos enfants et petits-enfants », détaille Layla Hamza.

Des centaines d’arrestations et un possible cas de viol

Le corps abîmé par huit mois d’affrontements hebdomadaires, une frange de la jeunesse conserve donc une détermination intacte. Et fustige, par conséquent, les revirements des partis politiques de la coalition des Forces pour la liberté et le changement. « Ils soutenaient officiellement les trois “non” : ni négociations, ni partenariat, ni compromis avec l’armée. Mais ils nous ont trahis en allant parler aux militaires », dénonce Reem (1).

Cette membre d’un comité de résistance, antennes pro-démocratie fer de lance du mouvement pro-démocratie, fait référence aux discussions entamées le 11 juin sous l’égide de l’Arabie saoudite et des États-Unis. Une sorte de solution de la dernière chance alors que le dialogue chapeauté par l’ONU, l’Autorité intergouvernementale pour le développement et l’Union africaine demeure gelé, faute de participation de la branche civile.

Ce 30 juin, des témoins évoquent un nouveau cas de viol. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU dénombre déjà treize allégations de viols et de viols collectifs de femmes et de filles intervenues lors de précédentes manifestations. Haitham Abusham, un représentant de l’Association des avocates d’urgence, recense en outre plus de 300 arrestations arbitraires, dont une cinquantaine dans les jours précédant cette « marche du million ». « Une fois interpellées, ces personnes sont soumises à un traitement inhumain, alerte le magistrat, depuis un poste de police du nord de la capitale. Tous ont été torturés, la majorité d’entre eux sont blessés. »

avec Jeune Afrique par notre correspondante à Khartoum, Augustine Passilly

Mali : le gouvernement d’Assimi Goïta affirme avoir déjoué un coup d’État

mai 17, 2022

La tentative de putsch a eu lieu dans la nuit du 11 au 12 mai et a été « soutenue par un État occidental », selon le communiqué de l’exécutif malien.

Le colonel Assimi Goïta, à Bamako, le 18 septembre 2020. © Michele Cattani/AFP

Vingt-et-un mois après avoir renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), la junte d’Assimi Goïta a-t-elle été victime d’une tentative de coup d’État ? C’est ce qu’affirme, ce lundi 16 mai, un communiqué du colonel Abdoulaye Maïga, le porte-parole du gouvernement.

Selon ce texte, les faits remontent à la nuit du mercredi 11 au jeudi 12 mai et sont imputables à un « groupuscule d’officiers et de sous-officiers anti-progressistes ». Ni leur identité ni leur nombre ne sont donnés mais certains de ces soldats ont été « interpellés et seront mis à la disposition de la justice ».

« État occidental »

Précision d’importance : ces militaires étaient « soutenus par un État occidental », affirme Abdoulaye Maïga, qui assure qu’ils avaient pour but de « briser la dynamique de la refondation » malienne. Aucun pays n’est cité, mais les regards ont de fortes chances de se tourner vers la France dans les prochaines heures.

Hier encore partenaire du Mali d’IBK, Paris est devenu l’ennemi juré du régime d’Assimi Goïta. Vendredi 13 mai, une manifestation appelant à la fin de « la présence militaire française » – prévue pour dans quelques mois – et durant laquelle des slogans de soutien à la junte et à son partenaire russe ont été scandés était encore organisée dans la capitale malienne.

Le gouvernement annonce que « tous les moyens nécessaires ont été déployés » dans le cadre de l’enquête aussitôt diligentée et que les « contrôles aux sorties de Bamako et aux postes frontaliers du Mali » ont été renforcés. La situation « est sous contrôle », assure-t-il.

Avec Jeune Afrique

Guinée-Bissau : Embaló accuse des barons de la drogue d’être derrière la tentative de coup d’État

février 11, 2022
Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, à Bissau, le 1er février 2022. © ALIU EMBALO/AFPTV/AFP

Le président bissau-guinéen a désigné José Americo Bubo Na Tchuto, Tchamy Yala et Papis Djemé, comme étant derrière le putsch raté du 1er février.

Le président de Guinée-Bissau a accusé, jeudi 10 février, un ex-chef de la Marine nationale et deux autres hommes – arrêtés dans le passé par l’agence américaine antidrogue – d’être derrière ce qu’il présente comme une tentative de coup d’État avortée. Devant la presse, Umaro Sissoco Embaló a cité les noms de l’ex-contre-amiral José Americo Bubo Na Tchuto, chef de la Marine pendant la première décennie des années 2000, de Tchamy Yala, également ancien officier, et de Papis Djemé. Tous ont été arrêtés après les évènements du 1er février, a précisé le chef de l’État.

Umaro Sissoco Embaló a présenté le coup de force du 1er février comme directement lié au trafic de stupéfiants, alors que la Guinée-Bissau est considérée comme une plaque tournante du trafic de cocaïne en provenance d’Amérique latine. Dans un pays où les positions rémunératrices sont rares et disputées, nombre de membres des forces armées, omniprésentes, passent pour tremper dans les trafics.

Condamnés aux États-Unis

Il y a dix jours, le palais du gouvernement, siège des ministères, a été attaqué par des hommes armés pendant que le président et les membres du gouvernement y tenaient un conseil des ministres. Le président était sorti indemne, après des heures d’échanges de tirs qui ont fait 11 morts, selon les autorités. « Je ne dis pas que ce sont les politiciens qui sont derrière ça, mais la main qui porte les armes, ce sont des gens liés aux grands cartels de la drogue », a dit le président Embaló, avant de citer les noms des trois hommes. Il a rappelé que tous trois avaient eu maille à partir avec la justice américaine.

“ATTENDEZ, ON VA L’APPELER POUR QU’IL NOUS ENVOIE DES RENFORTS”

Ils avaient été arrêtés en avril 2013 par des agents des services antidrogues américains, à bord d’un bateau qui naviguait dans les eaux internationales au large des côtes ouest-africaines. Selon la justice américaine, les mois précédents, ils avaient négocié, avec des enquêteurs américains se faisant passer pour des représentants de narcotrafiquants sud-américains, l’importation en Guinée-Bissau de cocaïne qui aurait ensuite été redistribuée en Amérique du Nord ou en Europe.

Bubo était déjà à l’état-major de la Marine

José Americo Bubo Na Tchuto avait été désigné comme un baron de la drogue par le Trésor américain. Il avait été condamné en 2016 à quatre ans de prison à New York. Tchamy Yala et Papis Djemé avaient été, eux, condamnés en 2014, à cinq et six ans et demi de prison, à New York également. Ils sont depuis rentrés en Guinée-Bissau.

Alors qu’il était coincé à l’intérieur du palais du gouvernement, et que les combats faisaient rage dehors, le président Embaló a rapporté : « Bubo était déjà à l’état-major de la Marine et en uniforme militaire. À un certain moment, j’ai entendu un des assaillants dire : “attendez, on va l’appeler pour qu’il nous envoie des renforts”. »

Par Jeune Afrique avec AFP

Coup d’État au Burkina : Paul-Henri Sandaogo Damiba prend la parole pour la première fois

janvier 28, 2022
Capture d’écran d’une vidéo du de la junte militaire du Burkina Faso, Paul-Henri Sandaogo Damiba durant son premier discours, trois jours après sa prise de pouvoir. © AFP PHOTO / Radiodiffusion Télévision du Burkina

Depuis le palais présidentiel de Kosyam, le nouveau chef du pays s’est adressé à la nation, le 27 janvier. Le lieutenant-colonel a fait de la sécurité sa priorité et lancé un appel à la communauté internationale, alors qu’un sommet de la Cedeao se tient ce vendredi.

« La priorité principale demeure la sécurité », a déclaré le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba dans une allocution diffusée au journal de 20 h de la télévision nationale, la RTB. S’il était apparu, le 24 janvier au soir, auprès de Sidaoré Kader Ouédraogo lors de la lecture du communiqué revendiquant la destitution du président Kaboré, le président de la junte ne s’était pas encore exprimé publiquement. C’est désormais chose faite, dans un message d’une quinzaine de minutes enregistré depuis le palais présidentiel de Kosyam. Le nouveau chef du pays dessine les grandes lignes de l’action du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) à la tête du pays depuis la chute de Roch Marc Christian Kaboré.

« Il nous faut en effet, réduire significativement les zones sous influence terroriste et les impacts de l’extrémisme violent en redonnant aux Forces de défense et de sécurité ainsi qu’aux Volontaires pour la défense de la patrie, la volonté de combattre et d’aller encore plus à l’offensive avec des moyens adéquats. Ceci est un préalable indispensable au retour progressif de l’administration publique et à la réinstallation des personnes déplacées internes dans leurs villages d’origine », a-t-il insisté, vêtu de son treillis militaire et coiffé d’un béret rouge.

« Grande opportunité »

Le lieutenant-colonel de 41 ans, passé par de prestigieux centres de formations au Burkina et à l’international et auteur de l’essai Armées ouest-africaines et terrorisme : réponses incertaines ? (Les 3 colonnes, juin 2021), a également insisté sur le caractère « consensuel » de la « démarche », c’est-à-dire du coup d’État.

Pour lui, ce putsch est une « une grande opportunité pour réconcilier notre peuple avec lui-même ». Il s’est engagé à convoquer les forces vives de la nation pour convenir d’une feuille de route qui prendra en compte les préoccupations de ses compatriotes. « J’ai entamé des concertations avec certaines composantes de la nation, y compris avec les personnalités du régime, sortant afin de dégager les grandes lignes qui nous conduiront, à terme, vers des décisions consensuelles et inclusives pour la refondation et la restauration d’une paix durable », a-t-il ajouté.

Aucun agenda

Damiba a également rassuré sur la poursuite des dossiers judiciaires engagés. Au lendemain du coup d’État, des rumeurs – démenties depuis – avaient circulé sur la libération du général Gilbert Diendéré. L’ancien chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré est le principal accusé du procès de l’assassinat de Thomas Sankara. Alors que les audiences ont été interrompues depuis le putsch, la justice militaire a depuis publié un communiqué informant de leur reprise le 31 janvier.

« Lorsque les conditions seront réunies selon les échéances que notre peuple aura souverainement définies, je m’engage à un retour à une vie constitutionnelle normale », a-t-il déclaré, sans préciser d’agenda.

Cette allocution était aussi adressée aux partenaires internationaux du Burkina, notamment à la Cedeao qui tient un sommet extraordinaire virtuel ce 28 janvier. « Le Burkina Faso a plus que jamais besoin de ses partenaires. C’est pourquoi j’appelle la communauté internationale à accompagner notre pays afin qu’il puisse sortir le plus rapidement possible de cette crise », a-t-il déclaré. Et d’ajouter que « le pays continuera de respecter ses engagements internationaux, notamment en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme ».

Avec Jeune Afrique

Coup d’État en Guinée : le mirage des mandats perpétuels

septembre 13, 2021
Affiche montrant le portrait du colonel Mamady Doumbouya, à Conakry, le 11 septembre 2021.

La situation en Guinée est intimement liée au refus de certains chefs d’État de limiter le nombre de leurs mandats. L’Afrique de l’Ouest doit scruter Conakry en s’interrogeant sur l’état de la démocratie dans la région.

« Si le peuple est écrasé par ses propres élites, c’est à l’armée de donner au peuple sa liberté », a déclaré le colonel Mamady Doumbouya, le nouvel homme fort de Conakry, pour justifier son coup d’État du 5 septembre. Il citait Jerry Rawlings, l’officier qui avait pris le pouvoir au Ghana en 1979.

La référence historique est parlante car la situation en Afrique de l’Ouest commence en effet à rappeler une autre époque, caractérisée par des dérives autoritaires, l’instabilité politique croissante et parfois, comme maintenant en Guinée, des coups d’État.

L’Afrique de l’Ouest a pourtant déjà payé un lourd tribut aux régimes militaires. C’est précisément pour cela que la région, qui a connu une longue période de relative paix et prospérité depuis le retour à la démocratie à la fin des années 1990, a proscrit les coups d’État dans ses traités, et les dénonce systématiquement aujourd’hui. Un large consensus demeure d’ailleurs en Afrique contre un retour aux gouvernements militaires.

Attachement à la démocratie

Comme le disait inlassablement Kofi Annan, en effet, la démocratie n’est pas seulement un bien en soi, mais aussi le système le plus propice à la paix, au développement inclusif et au respect des droits humains. Et les sondages d’Afrobaromètre confirment, année après année, l’attachement à la démocratie de la grande majorité de la population d’Afrique de l’Ouest.

CINQ DES DOUZE PAYS QUI ONT CONNU LE PIRE RECUL DE LA DÉMOCRATIE DANS LE MONDE DEPUIS 2015 SE SITUENT EN AFRIQUE DE L’OUEST

En revanche, selon les mêmes sondages, la majorité demeure insatisfaite du fonctionnement de ses gouvernements, dont beaucoup ne sont démocratiques qu’en apparence. Ainsi, Freedom House note que cinq des douze pays qui ont connu le pire recul de la démocratie dans le monde depuis 2015 se situent en Afrique de l’Ouest.

Tous les pays de la région organisent certes des élections, mais ces processus tendent à être de moins en moins crédibles. La politisation du recensement, des commissions électorales, de l’administration, de la justice et de la vie économique, souvent associée à des pressions sur l’opposition, la presse et la société civile, sapent la légitimité de maintes élections.

Et les élections – aussi importantes soient-elles – ne sont qu’un pan de la vie démocratique, et force est de constater des dérives autoritaires dans l’exercice du pouvoir dans bien des pays de la région.

Dérives autoritaires

En Guinée, il faut ajouter à tout cela un changement très contesté de la Constitution en 2020, pour permettre au président Alpha Condé de se représenter pour un troisième mandat, malgré les nombreuses voix qui se sont élevées contre ce projet. La Fondation Kofi Annan et le National Democratic Institute ont conduit une mission pré-électorale conjointe de haut niveau en décembre 2019, à l’issue de laquelle ils avaient, comme beaucoup d’autres partenaires, déconseillé au président de changer la Constitution.

Le président est passé outre à ces conseils et aux vives tensions suscitées par les doutes sur la légitimité de ce troisième mandat. Le pays en a malheureusement fait les frais le 5 septembre avec ce coup d’État condamné par les instances régionales et internationales.

Cette issue est d’autant plus regrettable qu’Alpha Condé a passé la majeure partie de sa vie à se battre pour la démocratie. À sa victoire en 2011, il avait même annoncé son ambition de devenir le Nelson Mandela de la Guinée. Sans doute a-t-il oublié par la suite que Madiba s’était retiré après un seul mandat en raison de son âge avancé.

Que faire à présent ? Tout d’abord, si la libération des prisonniers politiques peut être saluée, il faudra surveiller attentivement la mise en œuvre des autres promesses faites par le colonel Doumbouya, surtout en ce qui concerne la tenue d’élections dans dix-huit mois.

Encadrer la transition

Les partis politiques et la société civile de Guinée doivent jouer ce rôle de surveillance mais, au regard du rapport de forces, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Union africaine et l’ONU devront aussi contribuer à encadrer la transition. C’est bien ce à quoi la Cedeao semble s’atteler, ayant décidé de suspendre la Guinée et d’envoyer rapidement une mission de haut niveau à Conakry.

Le rapport de notre mission avait relevé de nombreux problèmes qui devront être traités avant la tenue d’un nouveau scrutin. Le gouvernement de transition pourrait certes s’y référer, mais il faudrait surtout organiser un grand dialogue inclusif avec les partis politiques, la société civile et toutes les forces du pays pour dégager le consensus nécessaire sur les mesures à prendre pour assurer un retour de la confiance dans les processus électoraux.

LA NON-LIMITATION DES MANDATS ENTRAÎNE UN PLUS GRAND RISQUE DE CORRUPTION, D’ÉROSION DES DROITS CIVIQUES ET DE CONFLITS

Enfin, ce coup d’État, survenu l’année même du 20e anniversaire du Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la Cedeao, est l’occasion pour les pays de la région de reconduire les normes auxquelles ils ont souscrit en 2001, et d’en adopter de nouvelles afin de prévenir des interventions militaires.

À la lumière des événements en Guinée, aucune ne paraît plus urgente et essentielle que le respect des limitations des mandats présidentiels, telles qu’ancrées dans les constitutions. Parce que les recherches en science politique montrent que la non-limitation des mandats entraîne un plus grand risque de corruption, d’érosion des droits civiques et de conflits, de nombreuses constitutions prévoient une limite stricte au nombre des mandats, limite que trop de dirigeants cherchent à contourner. Mais que peut-on vraiment prétendre accomplir en quinze ans qu’on n’a pas accompli en dix ?

Il faut espérer que les déboires de la Guinée servent de sonnette d’alarme à toute l’Afrique de l’Ouest. Comme le dit le proverbe : « Quand la maison de ton voisin brûle, hâte-toi de l’aider à éteindre le feu de peur que celui-ci ne s’attaque à la tienne. »

Par  Elhadj As Sy

Président du Conseil de la Fondation Kofi Annan, Genève