
François Bozizé
La politique ne se porte pas comme les oreilles qui ne se voient jamais sur les deux côtés de la tête. Or en politique, il faut chercher à regarder partout. Voir ce qui va et ne va pas. La négligence peut être fatale.
Face à une rébellion du Séléka décidée et tenace qui progresse et occupe déjà 80% du territoire depuis le 10 décembre, le régime du général François Bozizé chancelle. Il n’a pas pu voir le danger à temps. Il a sous-estimé cette avancée comme beaucoup de Chefs d’États africains qui sont tombés par simple orgueil. En sa qualité de chef suprême des armées, cela est une faute grave de la gestion d’une république dont la stabilité était menacée.
Plongé dans le rêve du soutien de son ancien ami et allié Idriss Déby qui l’avait aidé en 2003. En dix ans de règne, il n’a pas organisé son armée, devenue sous équipée et incontrôlée. Il a reposé sa confiance cette fois-ci sur l’intervention des militaires de la Fomac(Force multinationale d’Afrique centrale); il a oublié entre négociations et le temps de l’arrivée de la force tampon, le décalage fait parfois défaut. Durant cette période, de nombreux enjeux se passent, dont il faut avoir la pleine maîtrise. La politique, en ce moment-là, demande une haute diplomatie.
Persuadé par la lenteur des opérations d’intervention, se retourner vers son armée constitue une grande honte, car personne ne peut aller mourir pour un régime qui n’a pas su motiver les hommes de troupes. Ils ne peuvent pas être efficaces sur le terrain.
Dès lors dans un discours à la nation, François Bozizé a parlé en sango, la langue nationale pour demander à ses cousins Français et Américains de pouvoir l’aider d’arrêter la progression de la rébellion du Séléka : « Nous demandons à nos cousins français et aux Etats Unis d’Amérique qui sont des grandes puissances, de nous aider à faire reculer les rebelles à leur base initiale de façon à permettre la tenue du dialogue à Libreville pour résoudre la crise actuelle ». Triste appel lancé aux cousins blancs, resté lettre morte. Lamentable, pitoyable et regrettable…Quels conseillers a-t-il pour tenir de tels propos d’une familiarité indigne ? Pour un Général habitué des coups d’État, c’est inconcevable et très grave.
Or, il y a peu, hier, des manifestants pro-Bozizé ont attaqué les symboles de la France en violant l’intégrité territoriale de l’Ambassade de France jusqu’à déchirer le drapeau, paisible et innocent, qui flottait dans l’enceinte de la représentation diplomatique. Bien avant, les mêmes manifestants ont fait un sit-in à l’ambassade des États-Unis. Pour les Occidentaux cette attitude permissive, dans un pays gouverné où existe une police chargée de veiller aux troubles d’ordre public, à la protection des édifices nationaux et internationaux et à l’organisation des manifestations, ce dérapage – surtout celui de l’ancienne puissance coloniale – est un acte fâcheux pouvant entraîner des conséquences diplomatiques. La raison d’État va classer cette violence dans l’action des groupes incontrôlés. Mais l’appréciation n’est pas de bon goût dans les chancelleries. Cela laisse planer une culpabilité laxiste du pouvoir central de n’avoir pas stoppé cette progression de personnes.
Si les États-Unis et l’Onu ont demandé à leur personnel non essentiel de quitter le pays et d’interdire aux Américains de partir en séjour en Centrafrique. Il y a souvent anguille sous roche. L’avenir n’est plus sécuritaire, il faut chercher un havre de paix. Et la réponse de François Hollande depuis Rungis ne s’est pas fait attendre devant les pleurs de Bozizé : La France est en Centrafrique pour ses ressortissants et non pas pour protéger un régime. Une manière de rompre avec les vieilles méthodes classiques de la Françafrique. Les problèmes internes des États doivent se régler sans immixtion.
Qui va vite essuyer les larmes de Bozizé et lui apporter la consolation la plus sécuritaire et la garantie la plus souhaitée?
Bernard NKOUNKOU