Posts Tagged ‘Cultivateur’

Le maïs à maturité

mai 20, 2018

 

Entre les cuisses ouvertes des nuages

Glissent des rayons qui font ravage

Sur les clitoris pointus des fines tiges

 

A califourchon sur le dos de leurs épis

Les maïs prennent du volume en grains

Attendant l’heure de la cueillette du matin

 

Empruntant à maturité la corbeille du cultivateur

Dans leur robe verte ils prennent la route du vendeur

Pour terminer leur existence dans la bouche du consommateur.

 

Bernard NKOUNKOU

Conte: L’Aveugle et le Gorille

février 20, 2011

Il était une fois, dans un village de la forêt de Mbangou, un Aveugle, grand et beau, occupait le trottoir de la grand-route conduisant au marché public. Il avait fait de cette place, au pied du badamier, laissant entrevoir la bosse de ses racines, son bureau car il s’y rendait tous les jours, sauf le samedi et le dimanche.

Conscient de son handicap visuel, il n’éprouvait aucun complexe. Dindo comme il s’appelait jouait de la guitare. Chaque passant ou spectateur lui donnait des pièces d’argent qui résonnèrent dans la boîte attachée à son cou, par un fil descendant au niveau de sa poche.

Un jour sa mélodie, à résonance symphonique, attira un Gorille – au nez écrasé, sans protubérance et aux poils abondants d’une belle fourrure noire – qui sortit de la forêt et venait en dansant jusqu’à son lieu d’établissement.

Un cultivateur qui passait avec sa charrette tirée par un bœuf, aux cuisses robustes et aux épaules larges, s’arrêta devant lui et lui offrit un régime mûr de sa cueillette. Les bananes d’un jaune doré furent réceptionnées par le Gorille qui les plaça contre l’arbre sous lequel il donnait sa libre prestation.

Les compositions musicales de l’Aveugle séduisaient les arrêts momentanés des passants qui savouraient ses morceaux et admiraient, à la fois, l’exhibition du Gorille dans une parfaite communion entre un homme et un animal.

Quand les uns lui donnaient de l’argent, les autres lui essuyaient la sueur qui perlait sur son front et ses joues.

A la pause de midi, l’Aveugle et le Gorille s’assirent sur le banc en bois installé à côté du badamier. Dindo demanda au Gorille de lui donner quelques doigts de banane et autorisa aussi à son compagnon de circonstance d’en manger tout en lui réservant une quantité suffisante pour sa chère Nzoumba restée à la maison.

Dans l’après-midi, ils reprirent leur partie musicale; les pièces d’argent résonnaient toujours dans leur chute au contact de la boîte.

Pendant ce temps, le Gorille qui avait apprécié et aimé la succulence des bananes repartit s’asseoir sur le banc, à son insu, car ne le voyant pas et mangea tout le régime. Il prit un sac en polyester, plaça au fond une grosse brique en terre cuite avant le régime pour simuler le poids.

A la fin de leur travail, le Gorille demanda à l’Aveugle de lui payer sa contribution dansante car il voyait comment les passants ne cessaient de jeter dans la boîte des pièces de monnaie. Dindo lui fit la suggestion de l’accompagner à la maison en lui transportant le régime de banane. Une fois arrivés, il pourrait lui donner sa part d’argent.

Cheminant dans la joie d’une bonne prestation dosée d’une curiosité dansante, Nzoumba, l’épouse de l’Aveugle, qui se tenait à la devanture de la parcelle courut vers son mari, l’embrassa à la joue d’un geste rapide et furtif. Elle lui décolla aussitôt la boîte de son cou et rentra dans la maison.

Le Gorille déposa le régime de banane à terre et dit à l’Aveugle de lui donner son argent. Celui-ci lui répondit qu’il n’était plus possible de récupérer la boîte qui se trouvait déjà dans les mains et sous la gestion de sa femme. Il promit de le lui donner le soir quand il irait se laver à la rivière Loukouni, lui priant de l’attendre en bordure du sentier.

L’Aveugle appela sa femme pour venir prendre son colis. Quand elle sortit de la maison, elle ouvrit celui-ci et découvrit, au grand regret, que le régime était dépouillé de sa substance, laissant les épluchures de bananes collées à la tige principale avec une bonne brique en terre cuite. Elle insulta son mari de cette farce qu’il ne comprenait pas. Il répliqua qu’il a été trompé par le Gorille car tous deux ils n’avaient mangé que quelques doigts de banane, à midi. Il retenu sa colère dans sa bouche et n’exprima aucun mot car il préféra gérer sa honte.

Au crépuscule, dans la perte de la lumière et de la clarté du jour, l’Aveugle prit son flambeau allumé et dit à Nzoumba de lui donner un peu d’argent à remettre au Gorille, selon la convenance d’entente de leur prestation commune. Sa femme refusa d’entendre raison à cette demande et à ce partage, car son acte de gloutonnerie ne le plut point.

L’Aveugle partit quand même à la rivière. A sa vue, au lieu de rendez-vous, le Gorille l’interpella et lui rappela les termes de la promesse d’argent. Il lui dit n’avoir pas convaincu sa femme et qu’il était dans l’impossibilité de le payer, lui reprochant d’avoir mangé tout le régime de banane, causant un excès de colère à sa femme.

Une brève discussion éclata entre l’Aveugle et le Gorille. Pour le punir, il lui arracha le flambeau allumé afin de l’égarer sur la piste de la rivière et du chemin de retour à la maison.

L’Aveugle criait et pleurait sans objet pouvant le guider. Le Gorille qui fuyait avec le flambeau, se cogna contre une pierre qui le déséquilibra et se fit brûler les poils de son corps, devenant une torche vivante. Il pleurait en criant, à son tour, et, courut se jeter dans la rivière pour éteindre le feu qui le consumait.

Des hommes de bonne volonté qui connaissaient l’Aveugle le conduisirent chez-lui.

Quant au Gorille, il fut brûlé au deuxième degré.

Depuis ce jour, le Gorille est devenu l’ennemi du feu et prend toujours la fuite à la moindre flamme. Car le mauvais souvenir dans l’amitié du feu est la marque de sa brûlure parfois mortelle.

© Bernard NKOUNKOU

Conte : L’Abeille, la Mouche et le Cultivateur

août 29, 2010

Il était une fois, l’Abeille fut invitée seule et sollicita encore la compagnie de la Mouche au mariage de Tâ Nkouka, le Cultivateur, dans la ville de Mbanza Bitala, à cinq cents mètres du village de Kingoma.

Le jour de la cérémonie nuptiale, avant l’heure du départ à la fête, l’Abeille demanda à la Mouche de l’accompagner au jardin et aux champs pour préparer des cadeaux du Cultivateur. Elle apprêta du miel recueilli de ses ruches et du vin de palme récolté des jeunes palmiers qui s’égouttait dans des calebasses. Elles transvasèrent le vin dans des dames-jeannes, aux pieds des arbres. L’Abeille pria la Mouche à transporter le vin. Elle accepta car elle n’avait pas de présents à offrir. L’Abeille fît gouter à sa compagne le vin blanc qu’elle apprécia fort bien car celui-ci était bien sucré. Elle coupa un rameau de palmier, tissa les feuilles vertes en entrelacs et forma un osier facilitant le transport du miel.

Quant à la Mouche, elle arracha des fougères vertes, en bordure du ruisseau, les rassembla, tint les tiges et forma un nœud de serpent servant de coussinet végétal pour soulager le frottement de la dame-jeanne contre le cuir chevelu. Elle demanda, en plus, à l’Abeille de lui placer la dame-jeanne sur la tête. Elle prit son osier qu’elle épaula et quittèrent toutes deux les champs.

Elles empruntèrent les pistes herbacées jonchées de souches mal arrachées comme des cornes plantées et dressées durement au sol qu’il fallait éviter dans la prudence de la marche et l’agilité des pattes.

Avant d’atteindre la route principale conduisant au lieu du mariage, la Mouche se heurta sur une racine morte qui la déséquilibra avec son fardeau, tituba, à grands pas, avant que celui-ci ne fût amorti par le dos de l’Abeille qui s’arc-bouta sur ses pattes supérieures. Elles se relevèrent et arrivèrent à la grand-route. Là, elles virent l’Ane du Cultivateur revenant d’une mission de transport des biens dotaux du Cultivateur. L’Abeille lui sollicita un service pour leur écourter la distance car elle aussi partait au mariage. Elle acquiesça de sa tête docile, chargeant les bagages dans la charrette et les invita à monter derrière au lieu de marcher à sa suite.

L’âne marchait doucement, sa clochette attachée au cou résonnait durant le trajet dans le balancement rythmé de sa tête. Malonga, le secrétaire du Cultivateur, chargé de grands secrets de la production et de la commercialisation des agrumes était à l’entrée de la porte pour attendre l’Âne. Dès qu’il entendît les sons, à son approche, et vît l’animal porteur, il courut les accueillir. Il déchargea le contenu de la charrette, récupéra les biens dotaux ainsi que les cadeaux apportés par l’Abeille. Il les plaça au centre du carré de la manifestation autour duquel se trouvaient des dignitaires et des hôtes de marque : le Lion, l’Éléphant, la Panthère, le Tigre, la Girafe, l’Hippopotame, le Caïman et le Lièvre.

La cérémonie commença dans une ambiance de remerciements de tous les invités. Le mariage débuta selon les us et coutumes de la tradition Kongo. La femme montra son mari à son père. Le père accueillit son gendre, le Cultivateur. Le Lièvre se précipita au centre, prit une belle coupe métallique versa le vin de palme et remit à la fille qui la porta dans les mains de son père en guise d’acceptation de son mari. Le père en recevant sa coupe prononça une parole solennelle: « si seulement ce vin que tu me fais boire est véritablement celui de ton choix, que je le boive et ne le rejette point.».

Dès qu’il eût terminé de prononcer ces paroles et qu’il voulût approcher la coupe de ses lèvres, la Mouche plongea dans la coupe. Le père sentant la présence de la Mouche, cracha le contenu et repoussa avec force la coupe qui alla cogner sur la dame-jeanne de vin de palme. Elle explosa comme un coup de grisou, mouilla tous les invités et se vida au sol. Les gens sentaient l’odeur du vin de palme dans leurs beaux vêtements de fête. Le père qui ne put boire le vin, manifesta sa désapprobation. Le Cultivateur était aussi confus devant la cour car son vin, gage du mariage, ne put être bu. La dot ne fut pas versée. Tout le monde fut consterné. La foule grogna et grommela:« c’est une honte, c’est une grande honte!»

Les Fourmis qui assuraient la sécurité de la cérémonie maîtrisèrent la Mouche et partirent la manger. Le mariage fut reporté à une date ultérieure.

Le Cultivateur reprocha à l’Abeille d’avoir emmené la Mouche qui n’était pas invitée au mariage. Elle est souvent un trouble fête et dérange régulièrement car il n’est pas de bon usage de venir avec des étrangers qui ne sont pas attendus pouvant perturber le bon déroulement de la cérémonie.

© Bernard NKOUNKOU