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Conte : La Poule de Hienghène

septembre 4, 2012

Il était une fois dans la Grande Terre, en Nouvelle Calédonie, Polynésie française, deux enfants se lavaient au confluent de la mer et de la rivière, à ce bel endroit de l’embouchure en bordure des falaises noires.

Un jour dans la chaleur du climat tropical pendant qu’ils nageaient, s’amusaient, se touchant du bout des pieds, ils se poursuivaient entre le flot de petites vagues candides et timides. Au moment où ils plongeaient en faisant le sous-marin et le dauphin, Jocelyne demanda à Élodie de la rattraper au fond de l’eau dès sa première immersion devant son attention. Elle la suivit quelques instants après. Mais dans la joie de la douceur et la profondeur des eaux, elles entendirent un bruit insolite de glouglou. Prises de panique et de peur, elles remontèrent précipitamment à la surface de l’eau et gagnèrent le rivage avec leur sauvetage.

Sur la vaste baie où elles étaient sur le sable noir, elles virent, à la surface de l’eau, des bulles chaudes dégageant des vapeurs de fumée qui s’élevaient au ciel. Une crête brûlante sortie se dressait sur une tête accompagnée de son cou et d’un plumage de roches qui prenaient la forme d’une poule. Quand elle essaya de remuer ses ailes, la terre trembla et la poussière de la rosée mouilla Jocelyne et Élodie qui assistaient au spectacle. Irrésistiblement, leurs yeux ne pouvaient plus supporter de regarder la poule qui devenait de plus en plus grande et d’un noir de jais. Elles coururent au village pour informer les anciens.

Le chef du village ayant appris la nouvelle rassembla tous les chefs de clan de Tiendanite, Werap et Tendo. Chacun d’eux invita les membres de sa communauté pour se rendre au bord de la mer, y apportant leurs objets de la tradition pour une cérémonie nocturne. Ils y apprêtèrent aussi des noix de coco, des goyaves, des fruits à pain, des ignames pour offrir à cette étrange nature qui apparut dans leur milieu de proximité et de liberté.

Quand ils arrivèrent sur le lieu de l’apparition et de la contemplation, le chef fut stupéfait, frappé d’une vive émotion, il prit la parole, la salua, présenta les membres de sa communauté puis lui posa la question d’où venait-elle ? Elle répondit qu’elle vient du fond des eaux pour les aider à vivre en ce lieu si reculé du monde. Il lui offrit les offrandes qu’il jeta dans l’eau et mangea une bonne quantité avec le reste de chaque village.

A la fin du repas, la poule remua sa tête et ses ailes en forme de remerciements ainsi que sa belle queue qui produisit des vagues éclaboussant la population qui était sur le sable noir. Elle se recroquevilla sur ses pattes et pondit un œuf qui flotta de sa coquille blanche et reçut l’acclamation de la communauté. Elle le tira de son bec et le plaça sous ses grandes ailes. Le chef, portant ses deux mains ouvertes autour de la bouche, lui demanda encore si elle pouvait lui pondre d’autres œufs. Quand la puissance de l’écho fit le tour de la nuit puis se reposa au-dessus de la poule, sous la forme d’une belle nuée éclatante et scintillante, un calme plat envahit l’espace de la plage. Elle recommença l’exercice et arriva jusqu’à six œufs.

Dès cet instant, elle les couva, transforma l’eau de la mer en chaleur jusqu’à l’éclosion d’où l’on vit sortir trois poussins. Elle gloussa et firent la ronde devant les spectateurs et leur demanda de gagner le rivage. Dès qu’ils arrivèrent sur le sable, le Chef du village des Kanaks les prit et les plaça dans un panier d’osier tout en la remerciant. Il  plaça une lampe torche pour les réchauffer avec quelques grains. Ensuite, elle pondit d’autres œufs d’où sortir des poissons qui sautillaient à la surface de l’eau sous l’acclamation de tous les membres du village. Ceux-ci aussi partirent vers le Chef qui prit dans ses mains, les jeunes fretins, les couvrit de câlins, les éleva aux cieux, les bénit et les jeta dans la mer pour se reproduire. Des acclamations fusaient de la foule pour honorer cette divinité ancestrale qui venait de voir le jour sur la terre des Kanaks. On la baptisa « Hienghène » qui signifie pleurer en marchant. Il demanda à la population de veiller sur le bord de la mer. Les hommes et les femmes cherchèrent du bois sec et firent un feu de campagne, vêtirent leurs habits traditionnels, fabriqués avec d’écorces, des feuilles et des fibres de cocotiers teintés, attachés autour des reins, la peau badigeonnée de poudre blanche. Il invita, Jocelyne et Élodie, les deux enfants témoins de l’apparition d’inaugurer la veillée de la soirée culturelle par d’élégants petits pas, chantant et dansant au son des bambous creux frappés au sol produisant différents sons folkloriques. La population rentra dans le cercle illuminé, s’exhiba toute la nuit jusqu’au lever du soleil pour rendre gloire à cet heureux évènement vécu offert par la grâce céleste.

De retour au village, la joie était grande, chaque chef de village de Tiendanite, Werap et Tendo partit avec un poussin pour l’élevage. Quand, les duvets cédèrent la place au plumage et que le sexe se fit connaître, deux femelles et un mâle sortirent du lot. A la maturité, les deux chefs qui avaient des femelles apportèrent leur poule chez celui qui avait le coq. Les animaux s’accouplèrent jusqu’à la ponte et à l’approche de la couvaison chacun emmena sa femelle chez lui pour attendre l’éclosion des poussins. Les propriétaires des poules donnèrent deux femelles à celui du coq pour sa solidarité à la contribution et la participation à la reproduction.

Le Chef, par ce grand signe, organisa sa communauté. Il trouva des boutures d’ignames, de taros qu’il distribua à toutes les femmes. Elles plantèrent et veillèrent jusqu’à la croissance de leurs tubercules quand les feuilles se flétrissent et devinrent jaunes. A la récolte, elles apportèrent leur production au chef qui célébra l’évènement par une grande fête populaire, dite « fête de l’igname ».

Après avoir passé une belle saison agricole pleine d’ignames, pendant qu’il dormait dans sa maison traditionnelle, en forme de ruche, surmontée d’une flèche faîtière en bois, symbolisant les ancêtres, il rêva d’une conversation avec la poule de Hienghène qui lui annonça que les eaux de la mer étaient poissonneuses.

Le lendemain matin, il informa toute la communauté qui descendit à la mer avec leurs filets et d’autres objets de pêche. Les hommes montèrent dans les embarcations des pirogues et à chaque coup d’épervier dans l’eau, ils ramenaient une grande quantité de poisson. Même les femmes qui plaçaient leur nasse dans l’eau pouvaient avoir du poisson, réalisant la promesse de la poule de Hienghène. Chaque famille avait trouvé une grande provision pour manger désormais à sa faim.

Un rite d’adoration fut institué pour adorer et honorer la poule de Hienghène, incarnation d’ancêtre Kanaks vivant dans l’eau qui vaut respect et considération envers toute personne habitant ou en séjour dans la Grande Terre.

Depuis lors, ce monument gigantesque est devenu le symbole généreux du peuple de la Nouvelle-Calédonie.

© Bernard NKOUNKOU

Cameroun : René Emmanuel Sadi, successeur de Paul Biya ?

juin 20, 2012

En janvier 2011. À l'époque, il était encore le patron du RPDC. En janvier 2011. À l’époque, il était encore le patron du RPDC. © Nicolas Eyidi

À Yaoundé, beaucoup le voient déjà succéder à Paul Biya, dans un pays où il ne fait pas bon afficher ses ambitions. Évincé de la direction du parti au pouvoir, mais maintenu au gouvernement, René Sadi cultive la discrétion. Portrait d’un homme qui encaisse les coups, mais refuse de livrer bataille.

S’il devait n’en rester qu’un, ce pourrait être lui : René Emmanuel Sadi, 63 ans. Un à un, les prétendants (réels ou supposés) à la succession du président camerounais Paul Biya ont été écartés, mais lui est resté. Certains ont échoué en prison, pris dans les filets de l’opération anticorruption Épervier, d’autres sont tombés en disgrâce, pas lui. Son secret ? La discrétion. Toujours. En toutes circonstances. Pas question d’afficher ses ambitions, encore moins depuis que Marafa Hamidou Yaya (un autre successeur potentiel) a été arrêté et qu’il se répand dans la presse contre son ancien mentor.

Mais quand Marafa, ce « fils spirituel » naguère si proche du soleil, refuse de mourir sans combattre, René Sadi, le fidèle lieutenant, choisit de ne pas livrer bataille. Les deux hommes ont occupé les mêmes fonctions (en décembre 2011, Sadi a été fait ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation en remplacement de Marafa), mais ils ne se ressemblent pas. Sadi n’est pas homme à partir à l’assaut d’un système auquel il appartient, et c’est à son corps défendant qu’il a parfois été présenté comme un dauphin possible de Paul Biya.

Au départ, c’est vrai, il a semblé se prendre au jeu, goûtant honneurs et privilèges, ne se déplaçant plus qu’avec une escorte et affichant la satisfaction de celui qui sait qu’il a réussi. Mais c’était avant qu’il ne prenne la mesure des risques encourus. Il n’aura pas, comme Marafa, l’imprudence de briguer ouvertement le palais d’Etoudi. Il n’oubliera pas non plus que, à quelques minutes seulement de son ministère, Titus Edzoa, ancien très proche du chef de l’État, croupit dans un cachot du secrétariat d’État à la Défense (SED).

Cet homme de l’ombre n’a aucune intention de devenir une cible. À Yaoundé, le président exige, sans obtenir de résultats probants, que ses proches se consacrent à la réalisation des grands chantiers du septennat, mais eux ne pensent qu’à la succession du chef, 79 ans. Intrigues et coups bas occupent depuis longtemps l’agenda réel des ministres et assimilés, et, dans la tempête qui gronde, Sadi s’est replié sur lui-même, protégé par une garde rapprochée chargée d’éconduire courtisans et journalistes. Il sait combien le chef exècre ceux qui parlent d’eux plutôt que de lui.

Sa longévité, il la doit aussi à l’influent sultan des Bamouns, qu’il a connu au Caire.

Terrain miné. Licencié en droit de l’université de Yaoundé, diplômé de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric), le jeune diplomate est d’abord envoyé à l’ambassade du Cameroun en Égypte avant de s’essayer à la politique. Revenu au pays, il devient conseiller (technique puis diplomatique) du président Ahmadou Ahidjo. Quand celui-ci démissionne, en 1982, Sadi parvient à sauver sa tête, jusqu’à la tentative de coup d’État – attribuée à des partisans d’Ahidjo – du 6 avril 1984. Il est alors écarté de la présidence, reversé au ministère des Affaires étrangères, avant de revenir à Etoudi comme conseiller de Paul Biya. « Il n’aurait peut-être pas eu cette carrière s’il n’avait pas été soutenu par Ibrahim Mbombo Njoya », analyse un connaisseur de la politique camerounaise. Sadi et l’influent sultan des Bamouns se sont connus au Caire, où Njoya servait comme ambassadeur en Égypte, et voici Sadi installé pour longtemps.

Tour à tour directeur adjoint du cabinet civil et secrétaire général adjoint de la présidence, Sadi sait que pour survivre sur ce terrain miné il faut calquer ses pas sur ceux du chef de l’État, qu’il accompagne dans presque tous les voyages officiels. Dans la frivolité du microcosme camerounais, les casaniers sont une espèce rare…

Pas plus que celui de Biya son visage ne trahit d’émotions. La politique, il en est convaincu, ne laisse pas de place aux sentiments. Longtemps, les Camerounais ont ignoré presque tout de cet homme dont on dit qu’il est la plume du président. Dans l’ombre, il cultive l’image du commis honnête et désintéressé. L’un de ses proches en veut pour preuve le fait qu’il « vient de finir de payer les dernières traites de sa maison, dans le quartier de Biyem Assi, à Yaoundé ». On pourrait le croire mondain, avec sa diction et sa courtoisie un peu désuètes. Il n’en est rien. On aperçoit parfois sa silhouette enrobée au Café de Yaoundé, où il aime retrouver ses rares amis, mais il s’en retourne toujours à ses dossiers. Fils d’un infirmier, il a gravi une à une les marches de l’État avec un sens tactique que lui envierait son frère aîné, Jean-Pierre, qui fut plusieurs fois entraîneur des Lions indomptables, la sélection nationale de football.

Machine à gagner. Le chef l’apprécie, et ça se voit. On le soupçonne vite de préparer Sadi aux plus hautes fonctions. Le 4 avril 2007, il le propulse au poste de secrétaire général du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir). Lui qui n’était même pas membre du bureau politique se retrouve patron « opérationnel » de la machine à gagner. Il se murmure que le chef vieillissant pourrait même lui en confier les rênes, ce qui, en cas de vacance du pouvoir, ferait de Sadi son candidat « naturel » à la présidentielle. À Yaoundé, beaucoup pensent la succession en voie d’être réglée, et, autour du dauphin presque désigné, de nouveaux amis affluent. Les anciens reviennent aussi, à l’instar de la communicante française Patricia Balme, qui soigne ses liens avec lui.

Son visage, comme celui du chef de l’Etat, son mentor, ne trahit aucune émotion.

Les ennemis se font aussi plus nombreux. Son ascension agace. Il ne s’entend plus avec Martin Belinga Eboutou, le directeur du cabinet civil et proche conseiller du président, qui ne manque jamais une occasion de l’égratigner. Rien ne va plus avec Grégoire Owona, son adjoint au secrétariat général du parti, qui le rend responsable des ratés du congrès du RDPC de septembre 2010. Cela ne va pas mieux avec Laurent Esso, qui prend de haut celui qui fut, jusqu’en juin 2009, son adjoint au secrétariat général de la présidence. À l’époque déjà, l’entente n’était pas franchement cordiale. Dans la presse et pendant les meetings du parti, les deux hommes se taclent. Jusqu’à ce jour d’avril 2010 où Esso lui donne du « monsieur le président ». Un faux lapsus vachard dont tout le monde sait, à Yaoundé, ce qu’il pourrait coûter à son destinataire tant il ne fait pas bon avoir des ambitions.

Finalement, en décembre dernier, Sadi est débarqué du RDPC et nommé au poste de Marafa, sans même se voir accorder le rang de ministre d’État. A-t-il été lâché par son patron ou celui-ci a-t-il tenté de le mettre à l’abri en lui confiant un poste moins exposé ? Difficile à dire… Toujours est-il qu’il trébuche d’entrée. Soucieux d’apparaître proche de ses administrateurs, il choisit d’aller installer dans ses fonctions chacun des gouverneurs de région, plutôt que de venir défendre à l’Assemblée nationale le tout premier code électoral du Cameroun.

Le 3 avril, alors que Sadi est encore à Bertoua (Est), c’est Jules Doret Ndongo, son ministre délégué, qui s’y colle, et cela se passe mal. Sadi rentre précipitamment, retire le projet de loi au mépris de la procédure, s’attire les foudres des députés, qui n’aiment pas être ainsi malmenés… Et quand le ministre revient finalement devant les députés, c’est la bronca. Sur les bancs du gouvernement, Jean Nkuété, nouveau patron du RDPC, ne bouge pas. Sadi est seul. Pendu au téléphone, Jacques Fame Ndongo, pilier du système Biya, informe en temps réel un mystérieux interlocuteur. Amendé, le texte finira par être adopté, mais le dauphin a pris un sérieux coup de trique. À Yaoundé, beaucoup veulent y voir un avertissement. 

Ni du Nord ni du Sud, rené Sadi rassure

Même s’il est né à Maroua, dans l’Extrême-Nord, René Sadi est issu de la minorité vutée, originaire du centre du Cameroun. Du coup, dans un pays mosaïque où les équilibres ethniques et régionaux sont complexes, il rassure à la fois le Grand Nord et le Sud, dont est originaire Biya et qui demeure hanté par le fantôme d’Ahmadou Ahidjo. La dispute Biya-Ahidjo a dégénéré en une sanglante tentative de coup d’État en avril 1984, et le fait que les restes du premier président du pays, un musulman du Nord, soient toujours à Dakar montre que la question est sensible. Au Cameroun, beaucoup pensent désormais que choisir le futur président au sein d’une minorité permettrait d’éviter que les Nordistes ne cherchent à se venger de la répression qui a suivi le putsch manqué. Reste que le candidat retenu devra, quoi qu’il arrive, séduire aussi les grands groupes ethnolinguistiques (Bamilékés et anglophones notamment), qui ne veulent plus être tenus à l’écart.

Jeuneafrique.com par Georges Dougueli

Dans l’eau du château

février 27, 2012

Flottant dans l’eau du château

Comme un poisson dans l’eau

Tu ressembles à une princesse

Dotée d’une éternelle jeunesse

 

Ton corps à la lumière du soleil

Brille par l’éclat vibrant du ciel

Ejectant d’énormes beaux reflets

Qui m’emprisonnent dans ton filet

 

A la première plongée dans la piscine

J’atterris sur les tétons de ta poitrine

Me promenant sur tes doux ailerons

Comme un vif dauphin du bataillon

Bernard NKOUNKOU