
Charles Zacharie Bowao.
Ancien ministre délégué chargé de la coopération, puis ancien ministre à la présidence de la République, chargé de la défense nationale, membre du bureau politique du P.c.t (Parti congolais du travail), professeur des Universités, Charles Zacharie Bowao est, depuis son séjour en France, ces dernières semaines, dans une sorte d’offensive médiatique sur la question constitutionnelle, dans le but de convaincre le président de la République, Denis Sassou-Nguesso, à ne pas céder à la tentation de changer la Constitution, pour se maintenir au pouvoir.
Après une longue interview au magazine «Afrique Asie», dans son édition de mars 2015, il a été, mercredi 18 mars dernier, l’invité de R.f.i-Afrique, en martelant que «le changement de la Constitution est illégal».
Charles Zacharie Bowao a choisi le terrain médiatique pour poursuivre le combat déclenché, en novembre 2014, au sein du bureau politique du P.c.t, contre le changement de la Constitution. Il s’explique sur tout: sa lettre ouverte au président de la République, qui, selon lui, est «comme la meilleure expression intellectuelle de cet engagement citoyen». «Je suis satisfait de l’intérêt qu’elle continue de susciter sur la place publique», ajoute-t-il; sur l’affaire des explosions du 4 mars 2012: «On a cherché à faire de moi non pas un fusible, ce que j’aurais bien compris, mais un bouc-émissaire, et cela je ne pouvais l’accepter. Je me suis publiquement défendu. Je ne pouvais pas laisser faire un complot qui pouvait avoir raison de ma vie. J’ai été inculpé à tort dans cette triste affaire. Heureusement, la Cour suprême m’a mis hors de cause, dans le fond comme dans la forme. Le procès s’est déroulé sans que je ne sois concerné à un titre ou à un autre»; son éviction du gouvernement, la refondation du P.c.t, etc.
Mais, analysant la situation créée par le débat sur la Constitution, Charles Zacharie Bowao dégage trois hypothèses qui peuvent subvenir:
«La première est: le président décide le passage en force, crée les conditions pour aller au référendum et gagne. Cela signifie que toutes les institutions s’effondrent. Il y aura nécessairement une période de transition au cours de laquelle il lui faudra regagner une légitimité dans le cadre de cette nouvelle Constitution. Quel est le génie politique qui pourrait le faire passer d’une Constitution d’où il a tiré sa légitimité vers une autre légitimité tirée d’une nouvelle Constitution, tout en gardant un consensus politique? Je n’y crois pas. D’où une période de troubles. Les Congolais ne sont pas aussi résignés qu’on le croit.
Deuxième hypothèse: le peuple met en déroute le processus conduisant au référendum. Par conséquent, le président doit démissionner, puisqu’il aura engagé sa responsabilité. Il faut, ensuite, environ quatre-vingt-dix jours pour organiser les élections, ce qui ne sera pas possible. Il faut, donc, négocier une période de transition.
Dernière hypothèse, le peuple s’enflamme et chasse le président. Ceux qui arrivent s’appuient sur la Constitution pour négocier le tournant politique. Comme au Burkina, on peut opter pour une charte…
Dans tous les cas, le Congo aura perdu sa crédibilité sur tous les plans: interne et international. On n’a pas besoin d’un tel recul».
L’ancien ministre de la défense pense que l’alternance est possible au Congo: «Il y aura inévitablement quelqu’un, pourvu que les règles du jeu soient consensuelles et que la culture démocratique fasse le reste. Des talents et des intelligences foisonnent dans ce pays. Les hommes de caractère, compétents et libres ne manquent pas».
Mais, il met en garde contre une dégénérescence de la situation actuelle qui met le président de la République au centre de tout: «Si nous ne gérons pas bien la période qui s’annonce, un recul en arrière n’est pas impossible. On peut avoir des problèmes, mais peut-être pas comme en 1997. Je crois qu’il y aura un autre type de discours et de réflexe qui l’emportera sur le scepticisme çambiant. Je suis optimiste quant à notre capacité à dépasser l’incertitude politique et le soupçon de modernité dans lequel baigne le pays, pour négocier à haute échelle les défis d’humanité qu’impose la temporalité. Le Congo est à la croisée des chemins. Denis Sassou-Nguesso est un homme seul face à son peuple, un président seul face à la République, un mythe seul face à l’Histoire, une légende seule face à l’avenir. À lui de savoir et savoir-faire. Sa sortie intelligemment négociée est une promesse à tenir, qui fait signe à la capacité des Congolaises et des Congolais à se projeter dans un avenir épanoui».
Sur Radio France internationale, il conseille au président de la République «d’entrer dans l’histoire par la grande porte»: «Qu’est-ce qu’il faut selon vous pour éviter au Congo une nouvelle crise politique? Il faut très peu de choses. Le président de la République se remet au-dessus de la mêlée, et il dit clairement aux Congolais, aux Congolaises qu’il respectera la Constitution. Ça veut dire: ne pas se donner une démarche qui, demain, nous amène au changement de la Constitution.
Deuxième chose, puisque nous avons fait le point des élections précédentes et que nous sommes tombés d’accord qu’il y a un problème avec le fichier électoral, qu’il y a un problème de gouvernance des élections, en tant que président de la République, il appelle les différents partis pour s’accorder sur la manière de tirer les leçons et il entreprend le processus qui devra aboutir demain à l’élection apaisée du nouveau président de la République en 2016. Il entre dans l’histoire par la grande porte, ça va le hisser au niveau où il mérite d’être».
Lasemaineafricaine.net par Joël NSONI