L’exécutif maintenait mardi le suspense sur l’inscription ou non dans la Constitution de la controversée déchéance de nationalité, mais plusieurs proches du chef de l’État ont suggéré une porte de sortie en proposant de lui substituer une « peine d’indignité nationale ». Les ténors de droite, anticipant l’abandon de la mesure, se sont saisis de l’occasion pour dénoncer sur les ondes le « zigzag » du président François Hollande, qui s’était pourtant engagé « de façon très solennelle devant le Congrès » le 16 novembre.
L’inscription dans la Constitution de la déchéance des binationaux condamnés pour acte de terrorisme permettrait d’étendre la mesure, déjà appliquée aux Français par acquisition, aux Français de naissance. Elle fait craindre à ses détracteurs une remise en cause du droit du sol, et une discrimination envers les 3,5 millions de binationaux. « Je pense qu’on risque d’ouvrir une brèche et je vois beaucoup malheureusement utiliser cette opportunité pour remettre en cause le droit du sol », a encore dit mardi le député PS, Patrick Bloche.
Une mesure « symbolique »
Depuis une semaine, l’exécutif a préparé les esprits à un rétropédalage sur le sujet, sans officialiser sa décision. Le Conseil des ministres pourrait être l’enceinte adéquate pour l’entériner. « Le Conseil des ministres est un lieu suffisamment solennel, dont il faut garder l’impact et la règle, l’annonce sera faite demain » mercredi, a affirmé mardi le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll.
D’autres proches du chef de l’État ont laissé entrevoir une solution alternative. « Il ne faut pas en faire le débat central, je préférerais que nous travaillions sur la peine d’indignité nationale », a ainsi lancé le président du groupe PS à l’Assemblée, Bruno Le Roux. Même suggestion de l’avocat Jean-Pierre Mignard, proche du président de la République : « En 1944 (…) on avait créé l’indignité nationale, ça c’est très intéressant. » La mesure est avant tout « symbolique », comme la déchéance de nationalité, mais elle « poserait infiniment moins de problèmes ». Créée à la Libération, la peine d’indignité nationale permet de priver un Français de ses droits civils et civiques.
L’indignité nationale, rejetée en avril
Proposée par la droite après les attentats de janvier, elle avait été rejetée en avril par l’Assemblée, reprenant à son compte l’avis hostile du président de la commission des Lois Jean-Jacques Urvoas. Chargé par le Premier ministre, Manuel Valls, de réfléchir à la question, Jean-Jacques Urvoas avait jugé fin mars que cette nouvelle incrimination risquait d' »alimenter la martyrologie djihadiste » en étant « vécue comme une confirmation glorieuse de la non-appartenance à la communauté nationale ».
La droite ne devrait pas manquer de relever cette contradiction, comme elle s’est plu mardi à pointer le revirement probable du chef de l’État sur la déchéance de nationalité. « C’est assez étonnant de changer d’avis comme ça. Il ne s’est pas adressé dans un cercle restreint ou en privé, il l’a dit devant le Congrès (…) Revenir un mois après dessus (…) ça montre qu’il y a assez peu de colonne vertébrale chez François Hollande », a souligné le secrétaire général du parti Les Républicains, Éric Woerth. « On est dans le zigzag (…) Encore une fois, (François Hollande) prend un engagement pour le renier quelques semaines plus tard », a déclaré le sénateur Bruno Retailleau (LR), tandis que son collègue, Roger Karoutchi, pointait « les élections régionales passées », l’enclenchement de « la marche arrière générale ».
L’exécutif doit présenter mercredi en conseil des ministres son projet de réforme constitutionnelle. Du projet initial ne devrait plus subsister que l’article premier, qui prévoit l’inscription dans la Constitution de l’état d’urgence. Celui-ci ne fait toutefois pas non plus l’unanimité. Me Mignard a ainsi affirmé mardi qu’il préférait « renvoyer l’état d’urgence à une loi organique ».
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