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Canada: Roxham Road, le chemin qui ne dort jamais

décembre 18, 2021

L’espoir d’une vie meilleure est redevenu un commerce florissant au sud de la frontière. À Roxham, nuit et jour, des dizaines de migrants traversent ce chemin, bagages et passeport à la main. Plongée au cœur d’un des passages les plus célèbres au monde, qui vient de rouvrir ses portes.

CHAMPLAIN, État de New York – Un cigare à la main, Abdul éclate de rire. Vive Trudeau! Vive le Canada!, lâche-t-il, en arborant un large sourire.

Adossé au mur du McDonald de Champlain, un village américain situé à quelques centaines de mètres de la frontière canadienne, ce chauffeur de taxi à la barbe bien taillée et grisonnante ne feint pas sa bonne humeur.

Vive l’ouverture des frontières!, ajoute-t-il, avant de s’adresser à trois jeunes aux allures d’étudiants sortant tout juste du restaurant.

Ce seront bientôt tes voisins, lance-t-il, assez fort pour qu’ils l’entendent. Mais ces derniers, d’origine turque, ne comprennent pas l’anglais. Ils sourient et marchent vers le taxi.

Abdul s’apprête à les déposer à Roxham Road, sept kilomètres plus loin.Un chauffeur de taxiAbdul est chauffeur de taxi depuis plus de 30 ans. Tous les jours, il ramène des migrants de Plattsburgh à Roxham Road. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

C’est mon troisième trajet, raconte le volubile chauffeur qui, à l’instar des nombreuses personnes rencontrées par Radio-Canada, préfère taire son nom de famille, pour éviter de quelconques ennuis judiciaires.

Ce trajet ne sera pas le dernier de sa journée. Il n’est que 14 h en ce lundi doux et ensoleillé.

« Ils viennent de partout. Les gens arrivent en bus, tout le temps. J’en ai vu des centaines depuis trois semaines. »— Une citation de  Abdul, chauffeur de taxi

Un jour, j’ai pris deux personnes. Ces deux personnes ont parlé de moi à cinq amis dans leur pays, poursuit-il. Puis, il y en a eu 10, 20, 30. Maintenant, on m’appelle même de Turquie pour savoir si je peux aller à Roxham.Les installations canadiennes au bout de Roxham RoadLa frontière canadienne se trouve au bout de Roxham Road, avec des installations érigées par le gouvernement de Justin Trudeau. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Un chemin méconnu devenu célèbre

Devenu au fil des ans l’un des points d’entrée irréguliers les plus connus au monde, ce passage, côté américain, n’a en réalité plus rien du simple chemin qu’il était à l’origine.

Au bout d’une route d’un petit kilomètre longeant un ruisseau, une ferme et des chevaux, et parsemée de quelques bungalows, Roxham Road se termine sur une sorte de stationnement bétonné, avec deux poubelles bleues en guise de bornes-frontières et quelques rochers.

Le sol du terrain, au fil des passages, a été considérablement aplani, rendant l’accès au Canada, normalement interdit ici, d’une facilité déconcertante.Des poubelles bleuesDes poubelles bleues servent de bornes-frontières entre les États-Unis et le Canada. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Le secteur a considérablement changé depuis 2017. Après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et les messages d’ouverture envoyés par Justin Trudeau, une vague de milliers de migrants a afflué au Canada par cette route pourtant méconnue à l’époque.

À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera, avait notamment écrit, sur Twitter, le premier ministre Trudeau le 28 janvier 2017.

Des installations, côté canadien, ont vu le jour dans l’urgence et accueillent toutes ces personnes, qui, en prenant ce passage, évitent les contraintes qu’impose l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Cet accord canado-américain oblige les migrants à demander l’asile dans le premier pays où ils mettent le pied. Concrètement, ceux qui passent par les États-Unis ou qui y vivent se font refouler aux postes frontaliers canadiens. En revanche, ce texte – contesté devant les tribunaux – ne vise pas les migrants qui empruntent des passages jugés irréguliers comme Roxham.

Sur place, des panneaux préviennent d’ailleurs qu’il est illégal de traverser la frontière à cet endroit, tout en donnant dans le même temps des indications pour y faire une demande d’asile.Des panneaux sur Roxham RoadDes panneaux donnent des indications aux migrants qui arrivent au bout de Roxham Road. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Nuit et jour, les migrants reviennent

En mars 2020, au début de la pandémie, le gouvernement de Justin Trudeau avait fermé le chemin Roxham. La grande majorité des migrants qui s’y présentaient étaient aussitôt renvoyés aux États-Unis. Mais tout a changé, à nouveau, le 21 novembre, provoquant la colère et l’incompréhension de nombreux élus politiques.

Principalement Haïtiens ou Nigérians par le passé, les demandeurs d’asile qui se présentent à Roxham Road ont des origines désormais très variées. Il y en a d’Haïti, mais aussi beaucoup qui viennent de Turquie, de Colombie, du Venezuela, de Colombie, du Yémen, du Soudan, énumère Abdul.

Nuit et jour, ils arrivent en taxi par dizaines, quotidiennement, au bout de cette route située à la périphérie du paisible village de Champlain, en provenance principalement de Plattsburgh, à environ 40 kilomètres au sud. La conclusion d’une coûteuse expédition qui a commencé par autobus, transports privés ou, parfois, par avion.Panneau du village de ChamplainRoxham Road est située en périphérie du centre du village de Champlain, dans l’État de New York. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Peu avant 15 h, Janet McFetridge stationne sa voiture à la fin de Roxham Road. A smart lady, prévient Abdul.

J’ai vu que le bus de New York arrivait plus tôt, indique-t-elle, en parlant du trajet quotidien opéré par Greyhound, qui s’arrête quotidiennement à Plattsburgh à 15 h 25.

À bientôt 70 ans, cette bénévole, qui a cofondé l’organisme Plattsburgh Cares, vient quasiment tous les jours à Roxham Road, à la même heure, le coffre rempli de tuques, manteaux, gants, peluches et doudous pour les enfants.

Ce sont des amis qui les tricotent, d’ici ou de partout aux États-Unis. Ou alors, on en achète, détaille-t-elle, le sourire caché par son masque qu’elle tient à garder pour des raisons de sécurité.Une femme devant sa voitureJanet McFetridge est présente quasiment chaque jour à Roxham Road. Elle est aussi la mairesse de Champlain. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Une bénévole et mairesse omniprésente

Enseignante de français durant quatre décennies, à la retraite depuis huit ans, Janet McFetridge veut absolument donner un bon mot, avant leur départ des États-Unis, à ces migrants, ces familles et ces couples parfois inquiets, désemparés, anxieux et, surtout, vulnérables.

« Une amie appelle cet endroit le carrefour du monde. C’est vrai, il y a des personnes de partout. Et j’essaye de faire une petite différence dans ce moment difficile. »— Une citation de  Janet McFetridge

Ce chemin a vraiment changé. J’habite ici depuis 35 ans, mais je ne connaissais pas cette route. Au début, il n’y avait presque rien ici, poursuit-elle, dans un français impeccable, en désignant ces bâtiments blancs temporaires, faits de tôle et de toile, érigés par le gouvernement Trudeau, qui se sont finalement fondus dans le paysage.

Après l’élection de Trump, c’était fou. Il y avait beaucoup de confusion, de peur, même chez les Américains. Les gens avaient peur d’être déportés, d’être expulsés. J’ai donc décidé de venir pour parler à ces personnes, pour les rassurer.

Le bruit d’une voiture qui s’arrête non loin attire son attention. Elle s’interrompt. Un couple de Colombiens, avec leur enfant de 5 ans, sort du véhicule, à quelque 200 mètres de la frontière. Le chauffeur déguerpit rapidement. Et Janet file à leur rencontre.

You’re in safe now, affirme-t-elle d’un ton calme.Une famille avec des valisesAlejandro est arrivé de Colombie, avec sa famille. Il invoque des menaces, dans son pays, qui le poussent à vouloir aller au Canada. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Alejandro, bagages à la main, fond en larmes lorsque Janet apporte des gants à son fils, qui porte des baskets à l’effigie de Spiderman. On vient de Colombie en avion, raconte-t-il, sans donner plus de détails. La famille est menacée, on a subi des violences.

Vous serez arrêtés, mais temporairement. Ne vous inquiétez pas, leur dit-elle, en anglais.

Ils sont généralement terrifiés, c’est pour ça que je leur explique qu’ici, c’est safe, signale-t-elle, avant de former un cœur avec ses doigts repliés, lorsque la petite famille rejoint les policiers canadiens.

« Je comprends leur départ. Les États-Unis n’ont pas un système qui fonctionne. Ça prend beaucoup d’argent. Au Canada, ce n’est peut-être pas plus facile, mais les autorités sont plus aimables. »— Une citation de  Janet McFetridge

Son but? Établir une connexion avec ces personnes. Un simple contact, une parole ou une main sur l’épaule peut rassurer ces familles, qui ont possiblement vécu de terribles drames, soutient-elle.

On ne sait pas ce qu’elles ont vécu avant. Elles ont peut-être été emprisonnées avant de venir. Comment sont-elles arrivées ici, dans quelles conditions?Une femme fait un cœur avec ses doigtsJanet McFetridge rassure les migrants qui traversent la frontière à Roxham Road. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Janet McFetridge n’est pas une bénévole comme les autres. En 2019, elle a été élue mairesse de Champlain. Un village, narre-t-elle, qui a plutôt tendance à voter conservateur. Des démocrates, il y en a, mais pas beaucoup. Ce sont mes amis, dit-elle en riant. Ici, les gens ont voté pour Trump en majorité.

Comment les résidents de Champlain vivent-ils cette situation qui perdure depuis des années? On n’en discute pas beaucoup. Des personnes n’aiment pas ça, mais ne disent rien. En général, ils m’aiment et ne veulent pas critiquer.

Ce que je fais ici, c’est la même chose qu’au village, estime-t-elle. J’aide des personnes, ce n’est pas vraiment très différent.

Au total, en seulement une heure, une vingtaine de personnes, aux profils bien différents, vont débarquer.Un homme devant le chemin Roxham.Thomas est un Kurde qui a quitté la Turquie. Il ne parle ni français ni anglais et hésite à franchir les quelques mètres qui le séparent du Canada, à travers le chemin Roxham. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Une arrestation temporaire

Il y a Thomas, un Kurde qui a fui la Turquie. Il n’a pas de valise. Juste un petit sac à dos et une paire de chaussures dans un sac en plastique. Il n’ose pas avancer, incapable de comprendre les consignes des policiers canadiens.

Il n’est pas le seul. Trois jeunes Yéménites sont eux aussi muets face à ces membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui répètent, à chaque passage, les mêmes phrases.

Est-ce que vous parlez français ou anglais?

Il est illégal de passer par ici. Si vous passez, vous allez être arrêtés.

Aucune menotte n’est cependant sortie par les agents. Ces derniers accompagnent les migrants, tranquillement, vers l’entrée d’une tente blanche.Des jeunes patientent au bout de Roxham Road.Quatre jeunes, sac sur le dos, veulent entrer au Canada, à l’aube. Ils ont appris l’existence de Roxham Road par « un ami ». Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Plus tard, l’un de ces policiers fédéraux sort même son cellulaire, en utilisant une application pour traduire son message vocal en turc, afin de communiquer avec d’autres jeunes d’une vingtaine d’années.

Certains migrants baragouinent quelques mots en anglais. Je viens pour immigrerJe veux demander l’asileJ’ai été en dangerJ’aime le Canada. Ces petites phrases, ils les répètent comme des leçons apprises dans la ferveur de l’urgence.

D’autres connaissent la langue de Molière, comme Wendy et Johan, originaires d’Haïti.

Je devais être déportée [des États-Unis], mais je suis enceinte de cinq mois. Ici, je ne peux pas travailler, pas aller à l’hôpital, relate Wendy. Je ne connais pas le Canada, je n’y ai pas de famille, mais j’ai hâte de connaître.

À l’instar de nombreuses personnes rencontrées à Roxham Road, Wendy décrit un Canada accueillant et ouvert d’esprit. Une réputation qui attire inlassablement ces demandeurs d’asile qui, une fois leur dossier déposé, peuvent obtenir un permis de travail.

Même les policiers sont plus gentils et polis, dit en riant Janet McFetridge. Ces gens pensent qu’au Canada ils trouveront de l’espoir.

« Beaucoup de personnes m’ont dit qu’au Canada, on aime les immigrants, que les gens sont meilleurs. Je parle français, je pense qu’on sera bien accueillis et qu’on pourra travailler. »— Une citation de  Wendy

On retrouve aussi des familles. Des enfants. Ou encore une femme noire, visiblement très âgée, toute seule avec trois bagages, et emmitouflée de plusieurs couches de vêtements, qui ne dit pas un mot.Une femme au chemin RoxhamUne femme âgée traverse, seule, le chemin Roxham avec trois bagages. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Des milliers de dollars dépensés pour arriver à Roxham

À Roxham Road, dans ce petit coin perdu de l’État de New York, les accents, les couleurs et les histoires s’entremêlent, formant une mosaïque multiculturelle éphémère, mais constamment renouvelée.

Chacun y vient avec ses craintes, ses rêves, ses appréhensions. Et si certains préfèrent rester silencieux, d’autres engagent volontiers la conversation et évoquent un contexte politique ou religieux pour justifier ce long périple qui touche à sa fin.

Wendy et Johan, par exemple, ont pris deux avions pour arriver dans la région. Après un premier vol entre Orlando et Washington, le couple a atterri à Plattsburgh. La famille, murmure Wendy, a payé le voyage.

J’ai fait beaucoup de recherches pour arriver ici. Aux États-Unis, beaucoup de personnes m’ont parlé de Roxham, plaide la jeune femme de 30 ans.

Savez-vous si on doit marcher longtemps maintenant pour aller au Canada?

C’est juste ici, répond Janet McFetridge.

Oh, c’est là? Je ne savais pas, s’étonne-t-elle.

D’autres ont traversé l’Amérique dans une fourgonnette privée. Par exemple, tôt lundi matin, un transporteur, parti de Floride trois jours plus tôt, a déposé une dizaine de futurs demandeurs d’asile à Plattsburgh.

Les coûts varient, selon nos sources, de quelques centaines à parfois près de 2000 $ US, selon le chauffeur et le trajet.

Ces tarifs ne figurent sur aucun site officiel. L’information, l’astuce ou la combine se transmet par bouche-à-oreille, entre migrants, leur famille et quelques personnes de confiance, qui viennent en aide à ces personnes.Une famille à Roxham Road avec ses valisesJean, Marie et leurs trois enfants sont arrivés à Roxham Road après un périple de 26 heures en bus, commencé dans l’Indiana. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Jean, Marie et leurs trois enfants de 12, 9 et 4 ans ont fait appel à une compagnie privée. Ils sont épuisés. Avec son ourson rose dans les bras, offert par Janet McFetridge, la plus petite bâille de fatigue.

« On vient de l’Indiana. On a voyagé durant deux jours, en bus, pendant 26 heures. »— Une citation de  Jean

Le téléphone de sa maman sonne. C’est ma sœur, confie la mère. Celle-ci vit à Montréal. On était en Haïti, au Brésil, puis aux États-Unis. On a eu des difficultés. Le Canada, ça me fait rêver, soupire-t-elle.

Jean, Marie et leurs enfants traversent la frontière canado-américaine, un moment à la fois intimidant et émouvant pour eux que nous avons pu filmer.(Nouvelle fenêtre)

Abdul, le chauffeur de taxi croisé plus tôt, est déjà de retour. Il confesse être fasciné par Justin Trudeau. J’ai même suivi le parcours de son père [lorsqu’il était premier ministre], certifie-t-il, avant de décrire un voyage génial au Canada et à Montréal en 1988.

Avec Janet McFetridge, ils discutent de la situation des Kurdes et des problèmes au Moyen-Orient.

Janet précise : he’s a good guy. Ce dernier explique avoir transporté gratuitement, deux jours plus tôt, une dame smart mais désespérée, provenant du Yémen.Un taxi devant les installations canadiennes à Roxham RoadLes taxis sont au cœur des coulisses de Roxham Road. Ils défilent sans arrêt sur ce passage. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Une industrie de taxis toujours lucrative, mais surveillée

Les taxis. Ils sont au cœur des coulisses de Roxham Road.

Officiellement, seuls les chauffeurs licenciés peuvent se rendre au bout de ce chemin pour déposer des personnes souhaitant traverser la frontière à pied. Si un autobus ou un véhicule privé s’arrête à cet endroit, le conducteur peut être considéré comme un passeur. L’organisateur d’un tel voyage peut lui aussi être arrêté par les autorités canadiennes ou américaines.

Un homme qui n’a pas de plaque de taxi sur sa voiture nous a d’ailleurs menacés après avoir vu notre appareil photo alors qu’il déposait une famille de cinq personnes.

Ce va-et-vient prend en réalité sa source à une trentaine de minutes de Roxham Road.

Le terminal d’autobus de Greyhound, situé entre une station-service et un Dunkin’ Donuts, dans une zone industrielle de Plattsburgh, à côté d’un motel délabré, est devenu le point névralgique de cette industrie toujours florissante.

Malgré la pandémie, les restrictions aux frontières et les risques, rien ne semble stopper ni freiner la réputation du chemin Roxham. Ni l’attrait de ce lucratif marché pour des compagnies de taxis qui se sont littéralement spécialisées dans ce domaine.

Il y en a beaucoup qui ne sont pas du tout honnêtes. Money talks, déplore Janet McFetridge.Des chauffeurs de taxiDes chauffeurs de taxi, dont Chad, avec son pull jaune, attendent des migrants qui arrivent par autobus à Plattsburgh, avant de les amener à Roxham Road. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Lundi, en début de soirée, l’obscurité est déjà pleinement tombée à Plattsburgh.

Avec son pull jaune fluo, une affiche en papier dans les mains, Chad tente de convaincre les rares passagers qui s’arrêtent dans le siège du comté du Clinton.

L’autobus s’apprête à reprendre sa route, direction Montréal, mais, une fois n’est pas coutume, ce chauffeur de taxi de 31 ans repart à son véhicule bredouille.

Il est loin d’être le seul à proposer ses services. Plusieurs chauffeurs sont à ses côtés. Ils seront tous de retour, bien avant le lever du soleil, pour l’arrivée du premier autobus.Un autobus arrive Des autobus en provenance de New York, qui se rendent ensuite à Montréal, s’arrêtent tous les jours à Plattsburgh, dans une station-service. Des migrants les utilisent avant de prendre un taxi jusqu’à Roxham Road. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Chad jure avoir le cœur sur la main. Il montre des bouteilles d’eau et de coca qu’il distribue gratuitement. Son père, assure-t-il, a même hébergé une famille de migrants durant deux mois, en plein cœur de la pandémie.

Il parle d’un milieu weird et impitoyable. Certains de ses collègues profitent de la misère, confie-t-il, assis à l’intérieur de son auto. Il faut être prudent.

Il sort aussi un vaporisateur rose de son coffre à gants. C’est du poivre de cayenne. Une femme l’a oublié, l’a fait tomber.

« C’est la guerre parfois entre conducteurs. J’ai vu un gars prendre 700 $ pour faire un trajet de 40 minutes. »— Une citation de  Chad, chauffeur de taxi

Janet McFetridge a eu vent, elle aussi, d’une série d’histoires dramatiques.

Durant le voyage, des chauffeurs ont dit à leur client de payer plus d’argent. Ils leur disaient : « Si vous ne me payez pas, ça va mal se terminer, je vous laisse au bord de la route ou je vous ramène à la grande frontière [où ils pourraient être arrêtés] ». Donc, les gens paient.Un taxi qui se rend à Roxham Road.Des chauffeurs de taxi affichent clairement, sur leur véhicule, la destination du trajet, soit Roxham Road. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Chad nous tend sa carte professionnelle. Le nom de son entreprise est évocateur : Roxham Rd Taxi.

D’autres affichent des mentions similaires sur leur voiture. Canadian border, peut-on lire sur celle de Chris’s shuttle service. La même entreprise a également un autobus scolaire, transformé pour accueillir des migrants, qui est stationné devant le Dunkin’ Donuts.

Sur les vitres et les ailes du véhicule, présent bien avant l’aube pour transporter des migrants vers Champlain, on y lit Roxham border et frontier.Un autobus scolaire pour les migrantsUn autobus scolaire a été transformé pour accueillir et ramener des migrants vers Roxham Road. Ce taxi les attend à Plattsburgh. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Le chauffeur de Chris’s shuttle service refuse d’être pris en photo. Il répète son opposition à de multiples reprises. Quelques instants plus tard, un autre conducteur glisse à Radio-Canada une copie d’un jugement.

Le propriétaire de cette compagnie, Christopher Crowningshield, a été condamné pour avoir réclamé des sommes jugées abusives à des demandeurs d’asile. Il exigeait jusqu’à 300 $ par famille pour la petite demi-heure de trajet entre Plattsburgh et Roxham Road.

Les immigrants ont peur et il n’est pas raisonnable que des propriétaires d’entreprise essaient de profiter de cette situation pour se remplir les poches, a tranché, en mai 2019(Nouvelle fenêtre), la procureure générale de l’État de New York, Laetitia James.

Désormais, les chauffeurs de taxi ne doivent pas demander plus de 92,50 $ pour ce trajet, quel que soit le nombre de passagers.

Les taxis se méfient des journalistes et des flics, avance Chad, qui argue prendre 60 dollars ou parfois moins si [les migrants] disent qu’ils n’ont plus rien.Des personnes marchent avec des valises.Jour et nuit, des dizaines de migrants traversent toujours Roxham Road. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Poussettes et bébés dans la nuit

Mardi matin, il est tout juste 6 h. Des phares éclairent Roxham Road. Quelques étoiles scintillent dans l’obscurité.

Une demi-douzaine de taxis arrivent, les uns après les autres, devant les agents canadiens qui sortent de leurs installations avec une lampe torche.

Des familles, des couples, des personnes seules, des bébés, des enfants, des ados. Un nouveau groupe d’une vingtaine de migrants s’apprête à rejoindre le Canada, les bras chargés de valises. Certains profitent des poubelles bleues pour y jeter des restes de beignes.

La vaccination n’est pas obligatoire à Roxham Road

« Les personnes non vaccinées sont autorisées à entrer au Canada si elles viennent y présenter une demande d’asile », souligne une porte-parole de l’Agence des services frontaliers du Canada. Elles doivent cependant s’isoler durant 14 jours après leur arrivée.

D’ailleurs, aux États-Unis, l’obligation vaccinale pour arriver à Roxham Road ou Plattsburgh varie selon le moyen de transport. Une preuve vaccinale est demandée en avion, mais ce n’est pas le cas, par exemple, pour le service d’autobus Greyhound.

Dès leur venue au Canada par Roxham Road, les demandeurs d’asile sont pris en charge par la GRC, qui les accompagne à un poste frontalier pour, entre autres, une prise d’empreintes digitales et de photos.

Abdul est encore là, il parle en arabe à des Soudanais. Chad aussi. J’ai dormi quelques heures. J’ai ramené aussi dans la nuit un couple de Philippins, avoue-t-il.

On vient chercher la protection, bafouille une mère, en tenant sa poussette.Une femme avec une poussette.Des couples, des personnes seules, des familles nombreuses, des enfants, des femmes avec des poussettes : il y a une grande diversité à Roxham Road. Photo: Radio-Canada/Romain Schué

Le soleil se lève maintenant sur Roxham Road. Le calme revient. Temporairement.

D’autres autobus arriveront bientôt à Plattsburgh. Des taxis seront au rendez-vous. Pour combien de temps encore?

Je ne sais pas, soupire Janet McFetridge, qui paraît pessimiste.

J’espère que ces gens n’auront, un jour, plus besoin de quitter les États-Unis. On a de belles choses ici. Tous les jours, je me demande ce que je peux faire de plus, mais c’est trop compliqué, je n’ai aucun contrôle. Je sais bien que ça ne va pas bien aller pour tout le monde au Canada, concède-t-elle.

Il faut un système qui accepte les immigrants. Tout le monde a droit à une belle vie, une éducation, un travail et le bonheur. C’est mon rêve.

En réaction à notre reportage, Justin Trudeau, interrogé par Radio-Canada, a admis que cette situation, à Roxham Road, ne peut être éternelle. « On est en train de travailler avec les États-Unis pour régler cette question-là des traversées irrégulières », a convenu le premier ministre libéral, qui espère aboutir à une révision de l’Entente sur les tiers pays sûrs en 2022. « Le Canada va continuer d’être un pays ouvert à l’immigration », a-t-il néanmoins précisé, en évoquant un « système » d’immigration » qui est « rigoureux ». 

Des installations au bout de Roxham Road

Par Radio-Canada avec Texte et Photos de Romain Schué :

Canada: Moins de 3000 anges gardiens régularisés au Québec

septembre 18, 2021

Le programme de régularisation des demandeurs d’asile ayant travaillé au plus fort de la pandémie dans le système de santé a majoritairement profité aux anges gardiens ontariens.

Des gens manifestent.

Différentes manifestations avaient été organisées en 2020 pour pousser Québec et Ottawa à lancer ce programme de régularisation. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / GRAHAM HUGHES

« On est content d’avoir lancé un mouvement qui a plus profité aux gens de l’Ontario qu’au Québec », confie Marjorie Villefranche, la directrice de la Maison d’Haïti.

Son commentaire, jure-t-elle, est cynique.

Comme d’autres organismes d’aide aux immigrants vulnérables, Marjorie Villefranche n’a pas digéré la décision du gouvernement Legault de restreindre l’accès au programme de régularisation des demandeurs d’asile.

Annoncé l’été 2020 par le gouvernement fédéral, ce programme a permis aux demandeurs d’asile ayant fourni des soins dans les premiers mois de la pandémie d’obtenir une résidence permanente. L’équipe de Justin Trudeau voulait élargir l’accès à ce programme (aux agents de sécurité et aux préposés à l’entretien dans les établissements de santé par exemple), mais François Legault s’y est opposé.

Ce programme a pris fin le 31 août. Au total, selon des données obtenues par Radio-Canada, Québec a finalisé moins de 1500 dossiers, ce qui correspond à environ 2900 certificats de sélection (CSQ) délivrés pour autant de personnes.

Ce chiffre pourrait légèrement grossir dans les prochains jours, puisque la date limite concerne la transmission d’une demande au gouvernement fédéral, précise une porte-parole du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI).

Sur réception de celle-ci, le gouvernement fédéral en détermine l’admissibilité à la politique d’intérêt public. Ensuite, il en informe [Québec] qui poursuit le traitement de la demande, ajoute-t-elle.

L’Ontario en tête des demandes

Combien de ces anges gardiens, tels qu’ils ont été publiquement qualifiés, ont obtenu ou vont recevoir dans l’ensemble du Canada une résidence permanente? Le chiffre final n’est pas encore connu, mais le gouvernement fédéral a reçu 5260 dossiers, pour 11 910 personnes.

Ces demandes proviennent essentiellement de l’Ontario (7085 personnes potentielles) et du Québec (4270 personnes potentielles).

Mais les exigences pour pouvoir postuler à ce programme pancanadien variaient selon les provinces. Contrairement au reste du Canada, le Québec – qui sélectionne ses propres immigrants dans plusieurs programmes d’immigration – avait sa propre liste de documents à fournir.

Si le travailleur n’avait pas le bon titre de poste, il ne pouvait pas être sélectionné par Québec, regrette Marjorie Villefrance. Pourtant, on l’a vu, avec le manque de personnel dans les CHSLDCentre d’hébergement et de soins de longue durée, tout le monde a mis la main à la pâte et a fait d’autres tâches, même si ce n’était pas l’intitulé du poste.

Aux yeux de la responsable de la Maison d’Haïti, l’un des trois organismes reconnus par Québec pour accompagner ces immigrants dans leurs démarches, les exigences du gouvernement Legault ont privé de nombreux demandeurs d’asile à ce programme.

Marjorie Villefranche.

Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti. PHOTO : RADIO-CANADA

Des gens ont abandonné ou ont été refusés. Je le sais, je le voyais en les aidant à réunir ces documents. C’était la croix et la bannière.Une citation de :Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti

Selon Marjorie Villefranche, 10 000 personnes, familles comprises, auraient pu revendiquer une résidence permanente, par le biais de ce programme spécial, au Québec.

Aucun élargissement envisagé

C’est très décevant, juge également Stephan Reichhold, le directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).

On aurait dû, dès le départ, élargir ce programme, surtout dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre.Une citation de :Stephan Reichhold, directeur de la TCRI

Ce dernier estime que plusieurs candidats ont quitté le Québec, ces derniers mois, pour s’installer en Ontario, afin de profiter de ce programme de régularisation et de démarches simplifiées.

On se complique la vie inutilement [au Québec], clame-t-il.

À l’instar de Marjorie Villefranche, Stephan Reichhold espère encore un élargissement de ce programme, mais aussi un accès à tous ceux qui ont travaillé dans le milieu de la santé depuis la première vague de COVID-19.

Mais le gouvernement Legault ferme définitivement la porte à une telle idée.

Aucune révision, allongement, élargissement ou prolongation du Programme spécial des demandeurs d’asile en période de COVID-19 ne sera fait.Une citation de :Marie-Hélène Blouin, porte-parole du MIFI

C’est un peu mesquin quand on regarde tout ce que ces gens ont fait, assure Marjorie Villefranche. Finalement, ce n’était pas très généreux.

Avec Radio-Canada par Romain Schué

Canada-Québec: Le programme de régularisation des «anges gardiens» voit le jour

décembre 9, 2020

Le programme de régularisation des anges gardiens sera lancé le 14 décembre. Seules les personnes ayant déposé une demande d’asile avant le 13 mars (déboutées ou non depuis) et qui auront notamment travaillé dans un établissement de la santé dans les soins directs aux patients seront admissibles à la résidence permanente, en vertu d’une entente négociée cet été entre Ottawa et Québec.

Plusieurs manifestations réclamant un statut migratoire pour les demandeurs d’asile, dont les «anges gardiens», se sont tenues l’été dernier à Montréal.

© Valérian Mazataud Archives Le Devoir Plusieurs manifestations réclamant un statut migratoire pour les demandeurs d’asile, dont les «anges gardiens», se sont tenues l’été dernier à Montréal.

Il leur faudra avoir acquis au moins six mois d’expérience professionnelle à temps plein dans l’une des professions admissibles, en plus d’avoir travaillé pendant au moins 120 heures entre le 13 mars et le 14 août 2020 comme infirmière, préposée aux bénéficiaires, aides de maintien à domicile ou encore comme coordonnateurs et superviseurs de soins infirmiers.

Les demandeurs d’asile devront également satisfaire une liste de critères déterminés par les ministères de l’Immigration des deux paliers de gouvernement.

De plus, les époux ou conjoints de faits pourront être inclus dans la demande de résidence permanente, a annoncé le fédéral. « Comme il est possible que des demandeurs d’asile aient contracté la COVID-19 et succombé à cette maladie, les époux ou conjoints de fait de ces personnes qui se trouvent actuellement au Canada et sont arrivées avant le 14 août 2020 pourraient également se voir octroyer la résidence permanente », a fait savoir le ministère canadien de l’Immigration par communiqué.

Annoncée en août, l’entente avait été jugée trop restrictive par certains qui auraient voulu la voir s’élargir à toutes les personnes ayant travaillé dans les établissements de santé, comme les agents de sécurité ou les préposés à l’entretien . La Coalition pour la régularisation des statuts a mené une série d’actions publiques pour dénoncer l’injustice d’exclure du programme les demandeurs d’asile ayant été exposés aux mêmes risques que leurs collègues qui ont travaillé aux soins directs aux patients.

Le gouvernement fédéral s’est toujours dit ouvert à un élargissement du programme. Le premier ministre du Québec, François Legault, avait pour sa part laissé entendre il y a un mois qu’il pourrait vouloir négocier à nouveau, mais la porte avait aussitôt été refermée par sa ministre de l’Immigration, Nadine Girault.

Avec Le Devoir par Lisa-Marie Gervais

Le Canada reprend ses expulsions

décembre 1, 2020

À compter du 30 novembre, des milliers de demandeurs d’asile déboutés pourront être renvoyés du pays.

Le 17 mars dernier, l'ASFC avait décidé de suspendre la plupart de ses mesures de renvoi.© Graham Hughes La Presse canadienne Le 17 mars dernier, l’ASFC avait décidé de suspendre la plupart de ses mesures de renvoi.

En pleine deuxième vague de COVID-19, le Canada va recommencer les expulsions, a appris Le Devoir. Suspendues, sauf exception, depuis le début de la pandémie, les mesures de renvoi, qui concernent des milliers de demandeurs d’asile déboutés, seront en effet de nouveau exécutées par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

« À compter du 30 novembre 2020, l’Agence reprendra les opérations de renvoi pour tous les ressortissants étrangers interdits de territoire au Canada », lit-on dans une communication officielle de l’ASFC. Cette décision semble avoir été motivée par la réouverture progressive des pays, l’instauration de stratégies des compagnies aériennes pour minimiser les risques de propagation et l’émergence des divers scénarios de vaccins.

L’ASFC a tenu à préciser que la décision d’arrêter les expulsions pendant la pandémie « était une mesure exceptionnelle qui n’était pas partagée par la communauté internationale ». Rappelons que, le 17 mars dernier, elle avait décidé de suspendre la plupart de ses mesures de renvoi. Seules les personnes ayant participé à des activités criminelles ou celles qui voulaient volontairement partir étaient renvoyées.

Pour Guillaume Cliche-Rivard, président de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI), c’est une « très mauvaise nouvelle ». « Ça veut dire que les gens qui étaient en attente et dans l’espoir de régulariser leur statut, certains avec le programme qui vise les anges gardiens, pourront être renvoyés avant », a-t-il dit. « Ces gens jouent pourtant un rôle important dans tous les secteurs de notre société. Ça comprend les personnes comme les agents de sécurité qui font le guet dans les établissements de santé ou ceux qui nettoient dans les CHSLD, qui ne sont visées par aucun programme [de régularisation], mais qu’on ne peut pas se permettre de perdre. »

Moment mal choisi

Pour lui, à quelques semaines de Noël et au plus fort de la deuxième vague, le moment pour reprendre les expulsions ne peut pas être plus mal choisi. « On est en pleine recrudescence avec 1400 cas par jour. Qu’on soit en mesure de laisser partir certaines personnes me semble complètement illogique », a déploré Me Cliche-Rivard. « Ce même gouvernement qui nous dit de ne pas sortir et d’éviter de prendre l’avion nous dit qu’il va renvoyer des gens dans leurs pays en ce moment. »

Si elle trouve « absurde » de recommencer les renvois ces jours-ci, Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti et co-porte-parole de la Coalition pour la régularisation des statuts, ne s’en étonne pas. « Ils choisissent un moment où on ne va pas faire trop attention à ça. C’est dans leur habitude. On est un peu avant Noël, et tout le monde est occupé à autre chose », dit-elle. Cela ne l’empêche pas de voir cela comme une bien mauvaise nouvelle. « Ça veut dire que les personnes qui sont des demandeurs d’asile déboutés, et qui justement pourraient bientôt voir leur statut se régulariser, sont à risque d’être expulsées. »

Renvoyer des anges gardiens ?

Pour l’heure, l’entente de régularisation des anges gardiens, qui doit entrer en vigueur d’ici la fin de l’année, vise les personnes ayant travaillé dans le domaine de la santé, dans les soins directs aux patients. Avec la reprise des expulsions, Mme Villefranche craint que ces personnes ne soient expulsées avant que le programme n’entre en vigueur, de même que les quelque 5000 demandeurs d’asile déboutés qui sont déjà au pays et qui pourraient être inclus dans le même programme s’il était élargi à tous les travailleurs des services essentiels. « Toutes ces personnes qu’on visait en demandant l’élargissement du programme pourraient être renvoyées », déplore-t-elle.

Selon Guillaume Cliche-Rivard, l’ASFC, qui relève du ministère de la Sécurité publique du Canada, ne détient pas d’informations précises sur la personne qui est renvoyée, notamment sur l’emploi qu’elle occupe. « L’Agence ne sait pas le travail que font les gens. Peut-être que des procédures pourraient être suspendues à l’endroit de certaines personnes qui occupent des emplois dans les services essentiels, mais en ce moment, légalement, rien ne l’empêche d’expulser un préposé aux bénéficiaires. »

Des recours possibles

Les demandeurs d’asile déboutés pourront toutefois se prévaloir, comme d’habitude, des divers mécanismes tels que les appels, les contrôles judiciaires et les demandes de résidence permanente pour motifs humanitaires. L’examen des risques avant renvois, pour s’assurer que les personnes ne sont pas renvoyées dans un endroit du monde où elles courent un risque, sera également possible.

Ni l’Agence des services frontaliers du Canada ni le cabinet du ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, n’ont été en mesure de donner davantage d’explications sur cette décision. Les ressortissants de certains pays, où la situation locale est considérée comme trop dangereuse, comme Haïti, la Syrie et la République démocratique du Congo, ne peuvent pas être expulsés, car ils font partie des personnes figurant sur la liste canadienne des sursis aux renvois.

Avec Le Devoir par Lisa-Marie Gervais 

Niger : un millier de demandeurs d’asile soudanais manifestent à Agadez

décembre 17, 2019

 

Un millier de demandeurs d’asile soudanais d’un camp de l’ONU ont manifesté mardi à Agadez, dans le nord du Niger, pour exiger l’accélération du traitement de leurs demandes du statut de réfugié et leur acheminement vers l’Europe.

«Ils sont un millier de réfugiés soudanais qui ont marché depuis leur camp, situé à une dizaine de kms de la ville d’Agadez, jusqu’au bureau du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), où ils ont entamé un sit-in», a rapporté à l’AFP un habitant d’Agadez, la grande ville du nord désertique du Niger. «Les dossiers des Soudanais d’Agadez sont en train d’être traités dans la célérité. A ce jour nous totalisons 435 dossiers qui sont tous pris en charge», a affirmé à l’AFP une source au ministère nigérien de l’Intérieur. Sur «198 dossiers examinés en juillet 2019», «162 statuts (de réfugié) ont été accordés, 33 dossiers ont été rejetés et 3 ajournés. Les 162 ont déjà reçus leurs cartes de réfugié», a assuré cette source. En outre, «237 dossiers seront examinés» du 20 au 31 décembre 2019 «avec une priorité» pour les demandeurs d’asile soudanais vivant à Agadez, a-t-elle relevé.

En septembre, une centaine de ces demandeurs d’asile d’Agadez avaient manifesté pour les mêmes raisons. En mars 2019, les autorités d’Agadez avaient mis en garde ces demandeurs d’asile qui avaient violemment manifesté dans leur camp en insultant et jetant des pierres sur une équipe locale du HCR. «Le Niger n’acceptera d’aucune manière qu’on lui mette la pression», avait prévenu Sadou Soloké, le gouverneur d’Agadez qui s’était rendu dans le camp où vivent quelque 1.400 Soudanais ayant fui depuis 2017 l’insécurité et l’esclavage en Libye.

Mi-décembre 2018, des Soudanais évacués de Libye avaient manifesté pendant plusieurs jours devant le HCR à Niamey pour exiger une accélération de leur installation dans des pays d’accueil, notamment en Europe. Des centaines de réfugiés, en particulier des Ethiopiens et des Erythréens vivant à Niamey, ont pu être réinstallés en France, en Suisse, aux Pays-Bas, en Suède et en Finlande et d’autres attendent un pays d’accueil. Le président nigérien Mahamadou Issoufou avait promis que le Niger continuerait à accueillir des demandeurs d’asile mais avait souhaité qu’ils «ne restent pas longtemps» dans son pays.

Par Le Figaro.fr avec AFP

L’assaillant du commissariat parisien vivait dans un foyer de réfugiés en Allemagne

janvier 10, 2016

Berlin – L’homme tué jeudi après avoir tenté d’attaquer un commissariat parisien vivait dans un foyer de demandeurs d’asile dans l’ouest de l’Allemagne, que la police a perquisitionné samedi, a indiqué la police régionale allemande.

Aucun indice de possibles autres attaques n’a été trouvé lors de cette perquisition dans ce foyer situé à Recklinghausen en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest), a assuré la police dans un communiqué dans la nuit de samedi à dimanche.

Précisant avoir procédé à cette perquisition sur information des autorités françaises, la police judiciaire du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie assure que les enquêtes se poursuivent et que les résultats de la perquisition vont encore être examinés en détail.

La police n’a pas précisé si cet homme, dont l’identification est toujours en cours mais qui a été reconnu par ses proches comme un Tunisien nommé Tarek Belgacem, était dûment enregistré comme demandeur d’asile en Allemagne. Mais une source proche du dossier a indiqué à l’AFP que c’était effectivement le cas.

Un an jour pour jour après les attentats contre le journal Charlie Hebdo, ayant fait douze morts, l’homme est arrivé en courant vers les policiers en faction devant le commissariat de la Goutte d’Or, un quartier populaire de Paris, en brandissant un hachoir de boucher, et muni d’un dispositif explosif factice.

Il n’a pas répondu aux injonctions de s’arrêter des policiers, qui ont alors ouvert le feu.

Une revendication jihadiste incluant une profession de foi en faveur de l’organisation Etat islamique (EI) a été retrouvée sur lui, de même qu’une puce allemande pour téléphone portable, selon les autorités françaises.

Selon des informations publiées dimanche par l’hebdomadaire allemand Welt am Sonntag, l’homme avait peint un symbole de l’EI sur un mur de son foyer pour demandeurs d’asile à Recklingshausen.

L’édition en ligne du magazine Spiegel dit elle qu’il a posé dans le centre avec un drapeau de l’organisation, ce qui a amené les autorités locales à le classer comme potentiellement dangereux. Toutefois il a disparu de Recklingshausen au mois de décembre, ajoute Spiegel Online.

Welt am Sonntag précise pour sa part que l’homme s’était fait enregistrer en Allemagne sous quatre identités différentes et en donnant des nationalités variables, par exemple syrienne, marocaine ou encore géorgienne.

Il avait déposé sa demande d’asile sous le nom de Walid Salihi, selon le journal.

Romandie.com avec(©AFP / 10 janvier 2016 08h13)

Allemagne : Merkel pour l’expulsion des réfugiés condamnés, même avec sursis

janvier 9, 2016

Mayence (Allemagne) – La chancelière allemande Angela Merkel s’est prononcée samedi en faveur d’un très net durcissement des règles d’expulsion des demandeurs d’asile condamnés par la justice en Allemagne, demandant que même ceux auxquels est infligée une peine avec sursis puissent être renvoyés.

Si les réfugiés ont commis un délit, cela doit avoir des conséquences, (…) cela veut dire que le droit (de séjour) doit s’arrêter s’il y a une peine de réclusion, même avec sursis, a déclaré Mme Merkel, tirant les leçons des agressions sexuelles intervenues le soir de la Saint-Sylvestre à Cologne (ouest) qui auraient impliqué des demandeurs d’asile.

 Au cours d’une réunion à Mayence (sud-ouest), les dirigeants du parti conservateur de la chancelière CDU se sont mis d’accord pour demander que la perte du droit d’asile en Allemagne soit plus systématique en cas de délit. Cette prise de position doit désormais être discutée avec l’autre grand parti présent dans la coalition gouvernementale à Berlin, les sociaux-démocrates (SPD).

Il est important que là où la loi n’est pas suffisante, elle soit modifiée, a affirmé, pendant une conférence de presse Angela Merkel, y voyant là aussi l’intérêt de la grande majorité des réfugiés.

Pour l’heure, en vertu de la loi allemande, l’expulsion d’un demandeur d’asile n’a lieu qu’après une condamnation à au moins trois ans de prison, mais à la condition que sa vie ou sa santé ne soient pas menacées dans son pays d’origine.

L’Allemagne a vu affluer 1,1 million de demandeurs d’asile en 2015 et les violences du Nouvel An à Cologne y ont créé un choc, faisant s’accroître les critiques à l’égard de la politique d’ouverture des frontières aux demandeurs d’asile suivie depuis septembre par Mme Merkel.

Dans le cadre du durcissement de son régime d’asile, Berlin réfléchit également à étendre à des pays comme l’Algérie et le Maroc la liste des Etats considérés comme sûrs – après y avoir récemment inclus ceux des Balkans occidentaux – et dont les ressortissants ne pourraient en conséquence plus obtenir le statut de réfugié en Allemagne.

Une décision concernant ces deux pays n’a pas encore été prise mais la chancelière a estimé que les perspectives de séjour pour ces réfugiés (algériens et marocains, ndlr) sont bien moindres que celles par exemple des Syriens et des Irakiens.

La question se pose avec d’autant plus d’acuité pour le gouvernement allemand que les statistiques du mois de décembre ont montré une forte augmentation du nombre des Algériens et des Marocains entrant en Allemagne pour y déposer une demande d’asile, alors que jusqu’ici ils étaient en très petit nombre par rapport aux Syriens, aux Irakiens et aux Afghans.

Romandie.com avec(©AFP / 09 janvier 2016 15h38)