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Leyla Bouzid : « Filmer le corps de l’homme arabe, quoi de plus politique ? »

juillet 14, 2021
La réalisatrice tunisienne Leyla Bouzid au festival de Cannes 2021

Avec « Une histoire d’amour et de désir », présenté en clôture de la Semaine de la critique à Cannes, la réalisatrice tunisienne s’intéresse à « la première fois », du côté masculin. Rencontre sur la Croisette.

En 2015, son premier long métrage, le trépidant « À peine j’ouvre les yeux », sur le vécu de la jeunesse tunisienne lors des dernières années du règne de Ben Ali, a connu le succès en France comme en Tunisie et dans bien d’autres pays. Aujourd’hui, Leyla Bouzid vient pour la première fois au festival de Cannes pour présenter « Une Histoire d’amour et de désir ». Qui aura l’honneur d’être projeté en clôture de la Semaine de la critique, la plus ancienne des sections « parallèles » de la manifestation avec ses soixante ans d’existence.PUBLICITÉ

Ce second film de la cinéaste tunisienne, une femme qui vient de dépasser le milieu de la trentaine, que l’on pourrait croire frêle mais dont l’énergie et la détermination en imposent, ne risque pas de passer inaperçu. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que son auteure n’a pas eu peur de s’attaquer à un sujet rarement abordé au cinéma en général et dans les cinématographies arabes en particulier. Les spectateurs pourront s’en rendre compte en France début septembre et en Tunisie à l’automne, date prévue de sa sortie en salles.

Le film raconte en effet comment un jeune homme, l’étudiant français d’origine algérienne Ahmed, est attiré par une jeune femme, la Tunisienne Farah, juste arrivée à Paris. Tous deux fréquentent les bancs de la Sorbonne où ils ont choisi, elle volontairement et lui par erreur, un cours de littérature arabe qui se trouve consacré aux écrits érotiques du XIIe siècle. Comme son titre ne le cache pas, le récit convoque largement autant le désir que l’amour éprouvés par les deux tourtereaux et ne tente pas d’esquiver la rencontre des corps. Qui ne se produit pas très rapidement puisque le timide Ahmed, déjà choqué au début par ce qu’on lui enseigne, fait tout pour tenir à distance une envie de passer à l’acte qu’il pense interdite par sa culture malgré les encouragements de celle qu’il convoite, une femme libérée.

La fragilité des hommes, leur difficulté à affronter « la première fois » en matière sexuelle, voilà un sujet peu traité sur les écrans. A fortiori par une femme cinéaste qui réussit à opposer au fameux « male gaze » (regard masculin) sur la sexualité féminine, un classique dans le septième art, une sorte de « female gaze » sur la sexualité et le désir masculins. Mais le film, jamais vulgaire, jamais simpliste, permet de croiser d’autres thèmes. En témoignent les réponses à nos questions de Leyla Bouzid, rencontrée au bord de l’eau sur la Croisette à la veille de la projection « officielle » de son film.

Jeune Afrique : Le premier film sélectionné à la Mostra de Venise, le second, aujourd’hui, dans le plus grand festival de cinéma du monde, à Cannes. Un pas de plus ?

Leyla Bouzid : Il ne faut pas comparer. Cette année, à cause de la pandémie, Cannes est un festival très particulier, celui de la reprise du cinéma. Avec beaucoup plus de films que d’habitude. Et une grande attente de la part des réalisateurs. Pour ma part, le film aurait pu être prêt, même si cela aurait supposé de le terminer dans un délai très, très court, pour Cannes 2020, si le festival avait eu lieu. Et donc pour Venise 2020. Mais j’ai décidé d’attendre. Ce film a été tourné en France et son contenu, la résonance de son sujet, ont à voir avec ce qui se passe dans la société française. Donc j’avais envie que sa première projection se passe dans un festival français. Et Cannes, avec son aura, avec la présence massive des médias français, était évidemment l’idéal. Mais Venise, qui a été un tremplin pour « À peine j’ouvre les yeux », a été une expérience très belle.

C’EST JUSTEMENT LE FAIT DE POUVOIR FAIRE CE QUE JE VOULAIS QUI COMPTAIT

On dit souvent qu’on est surtout attendu au tournant avec le second film. Plus question d’indulgence, surtout si le premier a eu du succès. De quoi vous inquiéter ?

Je me suis surtout beaucoup interrogée au tout début de l’écriture du projet : est-ce que les Tunisiens allaient me reprocher de faire un film qui se passe en France, et en langue française ? Par ailleurs, d’aucuns avaient l’air de penser que proposer un portrait intime d’un jeune homme maghrébin après mon premier film, cela manquait d’ampleur. Ces réactions ne m’ont pas paru justifiées. De toute façon, le succès d’ »À peine j’ouvre les yeux » n’avait pas été immense. Le résultat – 100 000 entrées en France, 50 000 en Tunisie, une sortie dans une vingtaine de territoires, 45 prix gagnés ici et là – n’était pas écrasant. Mais c’était une belle carte de visite, qui a permis que l’on s’intéresse à la suite et qu’on la finance. Alors, même si certains se sont dit : « Quoi ! elle peut faire ce qu’elle veut et elle fait ça ! », c’est justement le fait de pouvoir faire ce que je voulais qui comptait.

Était-il nécessaire pour vous de faire un film très différent du premier, aussi bien s’agissant du sujet – la Sorbonne, la littérature du XIIe siècle, on est loin de la jeunesse survoltée sous Ben Ali – que la façon de le traiter, beaucoup plus sage, y compris d’un point de vue esthétique ?

Il s’agit quand même, dans les deux cas, d’un récit d’émancipation. Mais j’avais en effet conscience de devoir aller, avec ce film très différent, vers une mise en scène plus formelle, plus esthétique, pour raconter l’histoire de ce jeune garçon. Dans « À peine j’ouvre les yeux », le film déployait une énergie très forte, celle de la jeunesse, là, ce qu’il y avait à déployer, c’était la sensualité. Donc plus de caméra à l’épaule, mais un cinéma autre, avec un travail plus important sur la couleur, et surtout sur la musique puisque j’ai fait là appel à une musique originale.

Une musique surprenante, très contemporaine…

L’idée de cette musique instrumentale, parfois dissonante, était très présente, je ne sais pas pourquoi, dans ma tête. J’avais demandé, au départ, à un ami saxophoniste un morceau particulier qu’on devait entendre quand les personnages se croisent dans la rue. Ce morceau, qu’on entend dans le film, m’a saisie, il m’a semblé être comme une voix d’Ahmed, quelque chose qui émanerait de lui. Alors j’ai voulu qu’on le décline pour créer une bande originale et cela a été très fructueux : j’ai l’impression que la musique est une sorte de double d’Ahmed, l’expression de son intériorité. Je ne sais pas si lui écouterait cette musique, mais en tout cas elle parle de lui.

J’AI ENVIE D’INVITER CES JEUNES-LÀ À L’AMOUR ET AU DÉSIR

Autre grande différence avec le premier film, il n’est pas question de politique…

Oui … et non. L’ancrage politique d’ »À peine j’ouvre les yeux » était direct puisqu’on évoquait les années Ben Ali. Et j’avais écrit ce film à la fin de mes études, habitée par l’énergie de la révolution de 2011. Avec l’envie de filmer une Tunisie qui n’avait guère été représentée, celle des dernières années avant cette révolution. Là je filme autre chose, un garçon qui s’éveille à l’amour et au désir. Et je pense en vérité que c’est encore plus politique – filmer est d’ailleurs toujours politique. Filmer le corps de l’homme dit arabe, le désir d’un jeune homme certes français mais qui se revendique d’origine maghrébine, de cette culture, quoi de plus politique? J’ai envie d’inviter ces jeunes-là à l’amour et au désir.

Vous dites : un film sur l’émancipation sensuelle d’un jeune homme. Mais il y a deux personnages principaux. Et le plus fort, celui qui permet cette émancipation, c’est Farah, la femme. En le caricaturant, on pourrait résumer le film ainsi : une heure et demi pour voir une femme décoincer un homme arabe…

Si on considère l’intérêt porté aux personnages, la mise en scène, on est en permanence avec Ahmed, qui est de tous les plans. On n’est jamais dans le point de vue de Farah. Même si celle-ci joue un rôle moteur, c’est Ahmed qui porte la problématique du film. Et si vous voulez résumer le film comme vous le faites, pourquoi pas. Mais en fait, je crois que ce n’est pas seulement Farah en tant que femme qui fait évoluer Ahmed, c’est aussi grâce à des textes, ceux de la littérature, grâce à sa découverte de la langue arabe à laquelle il va avoir accès en demandant à son père de lui traduire un poème. L’éducation sentimentale et charnelle d’Ahmed ne passe donc pas que par Farah, cette tunisienne belle, intimidante et sensuelle.

JE VOULAIS FILMER LA BANLIEUE COMME UN SIMPLE LIEU D’HABITATION, UN LIEU NON CONFLICTUEL, UN REFUGE POUR AHMED

La très libre Farah, est-ce Leyla Bouzid ? On se pose d’autant plus la question que dans votre premier film, il y avait également une Farah…

On m’a plusieurs fois posé la question. Même ma mère m’a demandé si je mettais au monde une fille, si je comptais l’appeler Farah. Mais non, ce n’est pas un prénom particulier pour moi. Si ce n’est que Farah, cela veut dire joie et cela correspond au personnage dans mes deux films. Alors, s’agit-il quand même d’une sorte d’alter ego ? Possible, mais ce n’est pas moi. J’aurais peut-être voulu être comme cela, mais je ne suis pas aussi fonceuse. Et je n’ai pas rencontré d’Ahmed au cours de ma vie.

Leyla Bouzid (au centre) reçoit le prix Muhr lors de la cérémonie de clôture du festival du film international de Dubaï, le 16 décembre 2015

La part d’autobiographie est-elle donc très réduite, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer ?

En effet. Même si je me suis inspirée de moments de ma vie. J’ai commencé par des études à la Sorbonne, j’ai rencontré beaucoup d’amis d’origine algérienne, et nombreux étaient ceux qui étaient timides. Mais sans que cela implique des relations amoureuses. Cela m’a surtout permis de me documenter, notamment sur les questions liées à l’identité maghrébine. Mais, même au-delà de la culture arabe, je voulais m’intéresser aux premiers émois d’un garçon, à cette « première fois » qui ne va pas de soi pour tant de jeunes hommes, un sujet très peu représenté au cinéma. Ou alors seulement sous forme de comédie, genre « 40 ans et toujours puceau ». Alors même que le thème de la virginité féminine a été rabâché avec tout son lot de clichés. La fragilité masculine, la difficulté des hommes à répondre à leur assignation à la virilité, à être des moteurs dans les relations amoureuses, leur non-certitude par rapport aux émotions, il me semblait important d’en rendre compte.

Même si Ahmed habite chez ses parents algériens hors de Paris, on a l’impression de voir une sorte d’anti-film de banlieue au sens habituel du terme. Une volonté de se démarquer du genre ?

Je voulais filmer la banlieue comme un simple lieu d’habitation, un lieu non conflictuel, qui est un refuge pour Ahmed. Notamment en la filmant avec une caméra qui est posée, avec des travellings, que ce soit à l’extérieur ou dans l’espace de la maison. Car ce lieu ne charrie pas de grandes interrogations pour le personnage, c’est à Paris qu’il n’est pas à l’aise, qu’il cherche sa place, qu’il est fébrile.

Une opposition Paris-Banlieue. Il y a aussi une opposition France-Tunisie : paradoxalement, c’est la Tunisienne à peine arrivée du Maghreb qui est libérée et le Français, le Franco-Algérien, qui ne l’est pas du tout. Une façon d’aller à l’inverse de l’idée reçue à ce sujet ?

Je voulais montrer le fossé qui existe entre ces deux types de personnages. Ceux qui arrivent de Tunisie pour poursuivre leurs études en France sont probablement d’une classe sociale un peu bourgeoise, ou en tout cas de la classe moyenne supérieure. Ils n’ont pas de problèmes d’identité. Et ils se trouvent en face de ceux qu’on appelle les deuxième ou troisième génération d’origine maghrébine, coupés malgré eux de la culture arabe, dont l’identité s’est fabriquée, le plus souvent en opposition, même pas au sein de la famille mais au lycée et dans le climat qui règne en France autour de l’identité arabe. Du coup, la façon dont ces Français d’origine maghrébine revendiquent leur identité ne correspond pas du tout à ce que vit la jeunesse arabe dans les pays arabes.

Un problème d’identité, sur fond d’ignorance mémorielle comme le soulignait le rapport Stora, difficile à surmonter, donc ? Surtout pour un jeune homme d’origine algérienne ?

On m’a demandé pourquoi je n’avais pas choisi un Tunisien pour le rôle du jeune homme. Il fallait en effet qu’Ahmed soit d’origine algérienne et non pas tunisienne. L’Algérie et la France portent en elles une histoire plus douloureuse et plus complexe. De plus, avec les années noires, les personnes immigrées venues d’Algérie ont été souvent complètement coupées de leur pays d’origine, au point de ne plus vouloir jamais y retourner, comme le père d’Ahmed. D’où des problèmes de transmission, une absence de mémoire, de discours sur ce qui s’est passé. Ce qui rejoint effectivement la problématique du rapport Stora. Quand je suis arrivé en France, j’ai découvert qu’on n’étudiait quasiment pas, ou très, très peu, la période la colonisation dans les cours d’histoire. Alors qu’en Tunisie, c’est pendant trois ans au programme. Je ne vois pas comment on pourrait résoudre en France les problèmes liés aux immigrations africaines si on continue à ignorer tout un pan de l’histoire. La guerre d’Algérie, bien sûr, mais aussi tout le reste doit être mis au programme, pendant au moins une année.

JE CRAIGNAIS QUE L’ON M’ACCUSE DE TRAHISON AVEC CE FILM

Votre film, construit autour de la sensualité mais qui évoque et montre aussi des rapports charnels et en particulier le corps des hommes, pourra-t-il être vu en Tunisie et dans le monde arabe sans susciter de polémiques ?

Je n’en sais rien. J’ai simplement essayé d’aller au plus juste, et au plus près de mon sujet. Sans aucune volonté de provoquer. Et au cœur du film, il y a surtout cette culture arabe du moyen-âge qui est une culture de la sensualité. Le distributeur tunisien qui a déjà vu le film avec son équipe et quelques autres m’a paru enthousiaste, sans s’interroger outre-mesure. Et tous m’ont dit que mon film était extrêmement tunisien. Ce qui m’a fait très plaisir puisque je craignais, je vous l’ai dit, qu’on m’accuse de trahison avec ce film.

Un film, surtout avec le personnage de Farah, qui participe d’un combat féministe à l’heure de Me too ?

En fait, il y a quelque chose de marrant à ce sujet. Dès mes premiers courts métrages, pendant les débats, on me disait toujours : « Leyla Bouzid, vous êtes féministe ! » Mais c’était alors sinon une insulte, du moins un mot réducteur et en quelque sorte une accusation. Aujourd’hui, c’est le contraire. On ne peut plus ne pas être féministe, il faut le revendiquer. Dans les deux cas, ce n’est pas ma manière d’aborder les choses. J’essaye, je viens de le dire, d’être simplement au plus juste vis à vis du sujet que je veux aborder au cinéma. D’échapper aux clichés. La revendication féministe, je ne sais pas trop quoi en faire en fin de compte.

Vous faites un film qui prône une certaine libération des mœurs alors même que cela ne semble pas être ce qui a le vent en poupe dans le monde arabe où l’influence des islamistes ne se dément pas…

Peut-être. Mais moi, notamment en accompagnant la sortie d’« À peine j’ouvre les yeux », je me suis rendue compte que je ne parlais pas seulement dans ce film de la jeunesse tunisienne énergique et qui veut s’émanciper. En Égypte, au Liban et ailleurs, j’ai vu des jeunes qui sont eux aussi dans la modernité, très connectés. Seulement, dans les pays arabes, ces jeunes, contrairement à ceux qui prônent l’autre dynamique, n’ont pas la parole.

Faudra-t-il encore attendre six ans pour voir votre prochain film ?

J’ai cette fois un projet assez avancé, une histoire qui se passera en Tunisie, à Sousse. Un sujet plus frontalement politique et différent des deux premiers. Il n’y aura pas de femme dans l’histoire ! (rire) Tout devrait aller cette fois plus vite, le film existera si tout va bien d’ici à deux ou trois ans. Depuis la sortie de mon premier film, il y a eu la pandémie qui m’a fait perdre un an et puis j’ai été maman. Un vrai problème pour une femme réalisatrice. Ce qui heureusement n’a fait que ralentir les choses, sans les arrêter comme cela aurait pu être le cas.

Avec Jeune Afrique Renaud de Rochebrune

Le sexe chez les aînés, un tabou qui perdure

novembre 18, 2019
Se regarder, se désirer, puis s’enlacer pour se perdre dans un mélange de sensations et d’abandon. Une scène que l’on croit réservée à ceux dont le corps n’a pas encore été (trop) marqué par le poids du temps. Pourtant, cette scène pourrait bien se dérouler entre deux personnes âgées. Et peut-être même dans une résidence pour aînés (et vlan pour le tabou !).Royal (en haut à gauche), 74 ans, Chloé (en haut à droite), 70 ans, Diane, 72 ans, et Gérald, 73 ans, ont accepté de parler de leur sexualité dans des capsules vidéo qui seront diffusées sur le site Internet de l’organisme Les 3 sex* et sur les réseaux sociaux jusqu’en avril. Le but, dit l’organisme, est d’éveiller les consciences sur le fait que le sexe chez les aînés est vécu et apprécié et qu’il doit être assorti de droits.

© Les 3 sex* Royal (en haut à gauche), 74 ans, Chloé (en haut à droite), 70 ans, Diane, 72 ans, et Gérald, 73 ans, ont accepté de parler de leur sexualité dans des capsules vidéo qui seront diffusées sur le site Internet de l’organisme
Les 3 sex* et sur les réseaux sociaux jusqu’en avril. Le but, dit l’organisme, est d’éveiller les consciences sur le fait que le sexe chez les aînés est vécu et apprécié et qu’il doit être assorti de droits.  
« On pense que la sexualité diminue avec l’âge, mais c’est faux. Ce n’est plus le même rythme, mais la sexualité est encore là. Il suffit de l’entretenir », raconte au Devoir Chloé Viau, âgée de 70 ans. Et la sexualité, c’est aussi, voire beaucoup, une question d’expérience et de pratique qui se raffine, rappelle-t-elle. « Disons que j’ai plus de raffinement aujourd’hui. »

L’image peut déranger. En effet, l’idée voulant que la sexualité s’arrête à un certain âge est tenace dans la société. Peut-être parce que, penser à la sexualité des personnes âgées, c’est penser à ses parents, à des corps qui flétrissent ou encore à la fatigue et à la maladie. Peut-être aussi simplement parce qu’on n’en parle pas, ou si peu.

Pourtant, c’est une réalité et il faut la démystifier, clame Marion Bertrand-Huot, qui lance ce lundi le projet « On existe. Ça existe » avec l’organisme Les 3 sex*, qui milite pour l’amélioration de la santé et des droits sexuels. Une vingtaine de capsules vidéo de moins d’une minute et demie — mettant en scène des personnes de 55 ans et plus issues de la diversité sexuelle et de genre, racontant leur sexualité, confiant leurs peurs et plaisantant sur leurs expériences — seront diffusées, jusqu’au mois d’avril, sur le site Web de l’organisme et sur les réseaux sociaux.

« L’objectif, c’est de changer les perceptions et les mentalités. Et de marteler le message que la sexualité continue d’exister quand on est une personne aînée et qu’il faut s’y intéresser », explique Marion Bertrand-Huot.

On y voit par exemple Chloé Viau, une personne trans lesbienne, témoigner du fait que sa sexualité se porte aujourd’hui « mieux, même beaucoup mieux ». Même si elle a parfois des doutes, parce que son corps change et vieillit. « C’est toujours difficile de penser qu’on peut être désirée. »

Denis, 70 ans, raconte que « le désir reste jusqu’à la mort ». Diane, 72 ans, affirme avoir besoin de sexe « pour être équilibrée physiquement et mentalement ». « J’ai la santé […] Quand t’es en santé, t’as le goût de baiser. »

Hélène, 63 ans, décrit ses fantasmes. Et Royal nous apprend qu’à 74 ans, il connaît encore des « matins glorieux ».

 

Une intimité difficile à préserver 
Les témoignages — qui visent à lutter à la fois contre les préjugés âgistes, homophobes et transphobes — sont essentiellement positifs. Une posture adoptée par l’équipe de production dans le but avoué de faire fléchir les idées reçues et d’éveiller les consciences sur le fait que cette sexualité, vécue et appréciée, doit être assortie de droits.« Le scénario idéal, ça serait pas dans ma chambre de résidence », souligne dans une capsule Marie-Michèle, 77 ans. « Avec pas de monde qui viennent frapper à la porte : “Avez-vous besoin d’un piqué ?” »

Parce que voilà, être une personne âgée et vouloir vivre sa sexualité, c’est souvent devoir lutter pour préserver son intimité. Dans une résidence pour personnes âgées, les portes de chambres ne se ferment pas à clé. Les préposés entrent sans cogner, ou en cognant et en entrant d’un même geste. Les visites sont interdites après le couvre-feu. Et les enfants sont mis au courant lorsque leur parent développe une relation avec un autre résident. Tout pour nuire à l’épanouissement sexuel des aînés, voire les décourager, croit Marion Bertrand-Huot. « Il y aurait sûrement moyen de trouver un système qui serait sécuritaire pour les aînés, mais sans passer outre leur intimité », estime-t-elle.

L’existence du tabou à l’égard de la sexualité des aînés conduit également à des problèmes de santé publique, déplore la sexologue. « Les médecins ne leur demandent plus s’ils sont actifs sexuellement. » Exit donc les tests de dépistage des infections transmissibles sexuellement et par le sang et les notions d’éducation à la sexualité. « Beaucoup de personnes âgées croient qu’elles n’ont pas besoin de se protéger. » Les cas de gonorrhée, de chlamydia et de syphilis sont conséquemment en hausse chez les aînés.

 

Découvertes  
 

Vivre sa sexualité longtemps, ça implique également de l’entretenir et d’accepter qu’elle évolue au fil des ans. « Il faut pouvoir adapter sa sexualité à certains impératifs physiques et élargir ses horizons », suggère Marion Bertrand-Huot.

Car la sexualité, c’est aussi la tendresse. « Ça peut être s’embrasser, s’enlacer », souligne Chloé Viau. « On peut être seule et avoir une sexualité. On peut être deux et avoir une sexualité. »

Et pour certaines femmes issues d’une génération où le plaisir était tabou, la sexualité au troisième âge, c’est enfin la découverte du temps qui s’étire, des caresses moins furtives et d’une sensualité décomplexée. « Puisqu’il n’y a plus l’impératif de la pénétration, pour plusieurs femmes, ça ouvre un nouvel univers », avance Marion Bertrand-Huot.

Dans les capsules vidéos, la sexologue a décidé de braquer les projecteurs sur les aînés issus de la communauté LGBTQ+, puisque ceux-ci vivent une double discrimination, mais les capsules visent un public plus large. « Habituellement, on fait des messages en prenant des personnes hétérosexuelles et en disant qu’ils sont pour tous. Là, on a décidé de faire l’inverse, en faisant une campagne avec des membres de la communauté LGBTQ+, mais qui s’adresse à tout le monde. »

Malgré les démarches, répétées et étirées dans le temps, la sexologue n’a pas réussi à trouver des représentants des communautés culturelles acceptant de témoigner devant la caméra. Une des capsules vidéo met donc en scène une chaise vide. « Ce n’est pas tout le monde qui s’identifie aux concepts occidentaux de diversité sexuelle. Ce n’est pas tout le monde qui veut ou qui peut parler de sexualité ouvertement », peut-on lire à l’écran.

Le Devoir.com par Magdaline Boutros

Le jour de la Saint-Valentin

février 13, 2018

 

Valentin

 

Le jour je me lève sur la Saint-Valentin

Égrenant des lèvres mon chapelet de baratin

Quand mon souffle dégage des pétales de rose

Qui s’envolent de mes mains à peine éclosent

 

La glue de mes mots accroche une femme

Auprès de laquelle je déclare ma flamme

Qui fait trembler les boutons de son chemisier

Révélant sous sa poitrine ses seins de pommier

 

Mon regard scrute les durillons de ses tétons

Quand la pulpe de sa bouche à l’orient du désir

Avale les soupirs fantasmés des baisers lénifiants

Savoureusement délectés avec bonheur et plaisir.

 

Bernard NKOUNKOU

Au bord du lac du printemps

octobre 15, 2016

 

Sur le lit des feuilles du printemps

Dans la douceur fraîche du vent

Nos mains aux doigts entremêlés

Se frottent de notre sang coagulé

Quand soudain dans la fougue animale

Elles reprennent leur élan de pieuvre bestiale

Qui enlace sa proie avec ses douces ventouses

Épiant sa victime qui gémit de chaudes partouses

Elle tombe à la renverse ivre d’un vrai bon plaisir

De cette alchimie qui maintient la soif du désir

Quand nos langues au confluent de nos bouches

Savourent la succulence de nos baisers de mouches

Elle me serre à la ceinture plate de son vaste bassin

Pour m’étreindre d’affection contre la poitrine de ses seins.

 

Bernard NKOUNKOU

Sur le sable de la mort

juin 29, 2015

Sur le sable du désir
Je fumais un fin plaisir
Dans la tendresse du loisir
Loin du rêve d’en mourir

Nos visages collés face à l’océan
Goûtaient à la fraîcheur du moment
Quand soudain crépitèrent des balles
Assassines qui nous coupèrent des ailes

Maculés du sang innocent des touristes
La mer et le sable pleuraient leurs amis
Qui ont rendu brutalement l’âme si vite
Au cœur ou à la fin de la visite de la vie

Bernard NKOUNKOU

237 raisons de faire l’amour

juillet 13, 2011

Du pur désir charnel à la recherche de Dieu ou se soulager d’une migraine, il y a au moins 237 raisons de faire l’amour, affirme une étude publiée aux Etats-Unis, remettant en question le stéréotype selon lequel hommes et femmes diffèrent quand il s’agit du sexe.

Hommes et femmes partagent en effet les mêmes motivations pour avoir des relations sexuelles, selon cette recherche qui paraît dans les « Archives of Sexual Behavior » du mois d’août.

20 des 25 principales raisons citées par les participants étaient les mêmes pour les 2 sexes avec, au premier rang de la liste, l’attraction physique, suivie par le désir d’avoir du plaisir et de se sentir bien.

L’étude a été effectuée auprès de 1.549 étudiants âgés pour la plupart de 18 à 22 ans de l’Université du Texas (sud-ouest) et est basée sur les réponses à un questionnaire détaillant 237 raisons pour lesquelles les gens font l’amour.

Le besoin d’« exprimer son amour » ou « de montrer son affection » figure également dans les 10 premières motivations pour avoir des relations sexuelles chez les hommes comme chez les femmes.

Cette dimension sentimentale a néanmoins une plus grande préséance chez les femmes pour lesquelles ces raisons apparaissent aux 4ème et 5ème rangs alors que pour les hommes, elles se situent respectivement à la 5ème et 8ème places.

« Cette étude démonte néanmoins le stéréotype selon lequel les hommes font l’amour par pur désir charnel à la différence des femmes surtout motivées par leurs sentiments », soulignent les 2 auteurs de cette recherche, Cindy Meston et David Buss, professeurs de psychologie à l’Université du Texas.

Pour conduire leur étude, les chercheurs avaient tout d’abord demandé à 444 hommes et femmes de 17 à 52 ans d’établir une liste de raisons pour lesquelles, selon eux, les individus font l’amour. Ils en ont finalement retenu 237 qu’ils ont ensuite soumis aux 1.549 étudiants en psychologie ayant participé à cette recherche.

« Nous avons aussi découvert que les gens font l’amour pour un tas d’autres raisons parfois très étonnantes », relève Cindy Meston.

Parmi celles-ci, des participants ont dit avoir eu des relations sexuelles parce qu’ils « s’ennuyaient », pour « avoir une promotion », « célébrer une occasion spéciale », faire disparaître une migraine ou encore « se sentir plus près de Dieu ».

Surprenante dernière raison.

« La plupart des écrits et études indiquent que les personnes religieuses connaissent davantage de problème avec leur sexualité », note-t-elle, ajoutant que certaines théories établissent aussi un lien étroit entre le sexe et la foi religieuse.

Des raisons données pour faire l’amour sont aussi « très choquantes » comme « le désir d’infecter quelqu’un avec une maladie sexuellement transmissible », souligne la chercheuse.

Le désir de procréer ne figure qu’en 55ème position des motivations citées pour avoir des relations sexuelles.

Mieux connaître les motivations conduisant les personnes à faire l’amour devrait permettre d’améliorer l’éducation sexuelle, d’élaborer des stratégies plus efficaces pour combattre la transmission du sida et d’autres maladies vénériennes et de concevoir de meilleurs traitements psychiatriques pour les celles ayant des problèmes sexuels, explique encore Cindy Meston.

La condition du regard

octobre 6, 2010

Mes yeux ont vu l’horreur
Goûtant au cru la torpeur
Avant le bandeau noire
Entourant mes paupières

Quand l’obscurité était lumière
De ma compréhension solitaire
Je marchais comme une taupe
Et droit comme un hippocampe

J’étais nourri sans le désir
Dans l’absence du plaisir
Au grès du singulier caprice
Me plongeant dans la tristesse

Ma vue était sans regard
Comme une abeille sans dard
Je vivais dans le grand silence
D’une parole sans existence

Bernard NKOUNKOU

Oasis de féminité

septembre 20, 2010

Femme du régime solitaire
Oasis isolée de féminité
Au milieu de notre terre
Enfermée dans sa sérénité

Femme de condition seule
Lune nocturne entourée d’étoiles
Où les enfants de sa tendre lumière
Représentent de précieuses pierres

Femme du silence maternel
Ciel bleu du monde naturel
Trésor corporel de riche désir
Fruit juteux d’énormes plaisirs

Femme du grand soleil d’avenir
Rayon de lumière du sourire
Chaque instant de sa belle vie
Est un bonheur caché d’envie.

Bernard NKOUNKOU

Le nectar de ta chair

janvier 22, 2010

A la belle plage des grâces de ta chair
Mon regard bleu océan de la vaste mer
Vient lécher l’azur éclatant de ton désir
Sur la baie sentimentale de ton plaisir

Mes pieds sur le sable éclair de ta beauté
Comme un crabe brun marchant avec doigté
Courrent dans la forêt des poils de ta féminité
Pour se réfugier dans le trou de la félicité

Quand je me loge au fond solitaire de ton cœur
Goûtant à l’élixir mirifique du grand bonheur
D’un soir à la tombée éclatante de la douce neige
Je germe en toi comme une belle tige d’asperge

Ivre à la lie par le goût de tes baisers
Escorté dans la joie de tes lèvres apaisées
Mon regard dans ton charme en diamant
Fond comme l’or pur du premier marchand

Bernard NKOUNKOU