Paris – Un ancien colonel vietnamien, Bui Tin, qui avait fait défection du régime communiste dans les années 1990 pour devenir l’un de ses dissidents les plus critiques, est mort samedi à 90 ans dans un hôpital en France où il vivait en exil, a-t-on appris auprès de proches.
Bui Tin, dont l’état de santé s’était dégradé ces dernières semaines, a succombé à une insuffisance rénale tôt samedi dans un hôpital de Montreuil (région parisienne), ont rapporté dimanche à l’AFP un membre de sa famille vivant à Hanoi (qui a souhaité garder l’anonymat) et l’un de ses amis.
« L’hôpital m’a dit que Tin était décédé après être tombé dans le coma », a déclaré à l’AFP cet ami proche, Tuong An.
Bui Tin vivait depuis 1990 en France, où il s’était rendu pour participer à une conférence organisée par le journal communiste L’Humanité à Paris. Il avait alors fait défection et demandé l’asile en France.
Un retournement singulier du destin pour celui qui avait alors passé une partie de sa vie à se battre pour l’indépendance du Vietnam, notamment contre les forces coloniales françaises.
Il avait en effet rejoint à l’adolescence le Vietminh en lutte contre les forces françaises en Indochine. Il s’était ensuite illustré comme officier au front et correspondant de guerre tout au long du conflit qui s’est achevé sur une humiliante défaite des troupes américaines et de leurs alliés sud-vietnamiens.
Le 29 mars 1973, il faisait partie à Saïgon d’une mission militaire nord-vietnamienne, et avait été chargé de constater le retrait du dernier groupe de soldats du corps expéditionnaire américain à quitter la capitale du Sud-Vietnam, depuis rebaptisée Ho Chi Minh Ville.
Sa carrière militaire a été jalonnée de nombreux succès. Il avait ensuite occupé des postes importants dans la presse officielle vietnamienne.
En France, Bui Tin avait multiplié les appels à une démocratisation du système politique du Vietnam et pris vivement à partie les dirigeants de Hanoï qui le considéraient comme un « traître ».
Il a passé la plus grande partie de son exil à écrire sur la politique et les évènements se déroulant dans son pays d’origine, restant – selon ses amis – un journaliste et un militant « pour la démocratie au Vietnam » jusqu’à sa mort.
Pays à parti unique, le Vietnam jette régulièrement ses opposants derrière les barreaux, et l’année 2017 a été particulièrement sombre.
Quelques jours avant que son état de santé ne se dégrade le mois dernier, Bui Tin a eu un problème avec sa connexion internet. Il a donc écrit un article à la main plaidant pour le multipartisme au Vietnam, et demandé à un ami de s’occuper de le publier.
« Quand je lui ai rendu visite à l’hôpital, il était très faible, mais la première question qu’il m’a posée est de savoir si son article avait été publié ou pas », a raconté Tuong An.
Né en 1927 à Hanoi, M. Tin laisse derrière lui deux enfants.
Selon des proches, ses funérailles seront organisées en France.
Romandie.com avec(©AFP / 12 août 2018 15h11)