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Documentaire: « Femmes et science en Afrique : une révolution silencieuse » projeté à Brazzaville

mars 31, 2022

Dans le cadre de la clôture des activités du mois dédié à la lutte pour les droits de femme, la Fondation congolaise pour la recherche médicale (FCRM) a projeté, le 30 mars à l’Institut français du Congo, le documentaire « Femmes et science en Afrique, une révolution silencieuse ».

1- Une capture du film « Femmes et science en Afrique : une révolution silencieuse » lors de sa projection à l’IFC/Adiac

C’est en présence de Kate Thompson-Gorry, Michel Welterlin et de la Pre Francine Ntoumi, respectivement réalisatrice, producteur et l’une des héroïnes du film, que s’est faite la projection du documentaire « Femmes et science en Afrique : une révolution silencieuse ». Cette cérémonie s’inscrit dans la vision du programme « Femmes & Sciences » de la Fondation congolaise pour la recherche médicale dont les actions incluent des campagnes de sensibilisation en milieu scolaire, l’encouragement des femmes engagées dans les sciences par l’attribution du prix d’encouragement scientifique et des bourses aux étudiantes.

« Femmes et science en Afrique : une révolution silencieuse » est un documentaire inédit au cœur d’une communauté bouillonnante de femmes du continent, réservoir unique de talents pour la science et l’innovation. Des femmes qui, par leur dynamisme, leur travail acharné et leur implication pour l’égalité des droits, ont réussi à briser les stéréotypes dans le milieu de la recherche, tout en participant aujourd’hui au développement de l’Afrique.

Pre Tebello Nyokong (Chimiste) de l’Afrique du Sud, Pre Francine Ntoumi (Biologiste moléculaire) de la République du Congo et enfin, Zara Randriamanakoto (Astrophysicienne) de Madagascar, sont les trois protagonistes du film. En 51 min, l’œuvre les met en lumière et apporte des réponses aux questions ayant un lien direct avec leurs parcours et leurs exploits : qui sont ces femmes ? Quels obstacles ont-elles dû surmonter pour arriver au sommet de leur art ? Quel impact ont-elles sur leur communauté ? Sauront-elles trouver des solutions concrètes aux défis majeurs du XXIe siècle ? Et si le Einstein de demain était une femme africaine ?

2- Une vue des panélistes durant les échanges/DR

La projection du film s’est suivie d’une causerie-débat avec l’assistance composée, entre autres, des cadres ministériels, scientifiques, enseignants et chercheurs, étudiants, élèves, communicants, cinéastes, etc. « Mon métier de réalisatrice est avant tout de raconter des histoires qui peuvent porter, inspirer et faire découvrir des choses et des personnes qu’on ne connaît pas forcément. En étudiant le sujet de la science, j’ai découvert ces trois femmes exceptionnelles que je ne connaissais pas. Et d’ailleurs, le titre révolution silencieuse, c’est parce qu’il y a des femmes scientifiques en Afrique, mais peu d’entre elles sont connues. A travers ce film, j’ai voulu donner une voix à ces femmes et faire connaître cette révolution », a fait savoir Kate Thompson-Gorry, réalisatrice du documentaire sorti en 2019.

A ce propos, la Pre Francine Ntoumi, engagée dans la lutte contre le paludisme et présidente de la FCRM, a remercié toute l’équipe de production du film d’avoir bien voulu mettre sous les projecteurs les efforts des femmes africaines afin de porter haut cette science qui est importante pour l’avenir du continent. Aux jeunes filles intéressées par les métiers scientifiques, elle les a exhortées à se projeter à grande échelle en vue d’aller le plus loin possible. Ce, en s’appuyant sur la formation comme participation à la construction de ce rêve. « La femme ne doit pas limiter ses ambitions. Ce film est un outil formidable de plaidoyer, d’éducation et d’encouragement pour les filles et les femmes de science en Afrique », a-t-elle indiqué.

De ce temps de partage, Channie Rhonda Kono, étudiante en troisième année de biologie à l’Université Marien-Ngouabi, a exprimé sa satisfaction qu’aujourd’hui la société comprend de plus en plus que la femme est indispensable et qu’elle a beaucoup apporté dans le développement. « C’est juste magnifique de voir toutes ces femmes scientifiques rayonner, elles qui n’ont pas abandonné et qui pour nous jeunes sont de véritables modèles et sources d’inspiration », a-t-elle confié.

Notons que « Femmes et science en Afrique : une révolution silencieuse » a été produit par Michel Welterlin et la compagnie Taxi-Brousse, avec le soutien de Canal + international et de la fondation L’Oréal.

Lien pour suivre gratuitement le film en ligne : https://vimeo.com/418381005.

Avec Adiac-Congo par Merveille Atipo

RDC : « L’Empire du silence », testament choc et polémique de Thierry Michel

mars 16, 2022

Après avoir passé trente ans à filmer le pays, le réalisateur belge sort son nouveau – et il l’assure, dernier – documentaire. Une chronique saisissante sur un quart de siècle de conflits dans l’est de la RDC.

Quel sentiment a pu étreindre Thierry Michel lorsque les lumières de la salle de spectacle du Palais des peuples de Kinshasa se sont éteintes pour laisser les premières images de son film s’afficher sur l’écran géant ? Après des années à avoir été persona non grata en République démocratique du Congo, le plus connu des documentaristes belges dans le pays y faisait son retour avec les honneurs. Là où habituellement se réunissent députés et sénateurs, son dernier film, L’Empire du silence, était projeté en avant-première fin novembre, avant sa sortie officielle, le 16 mars.

« Revenir à Kinshasa, c’était un grand moment », lâche sobrement le réalisateur. L’homme n’est visiblement pas du genre à s’épancher. Ce soir-là, dans l’immense salle à la décoration surannée, il s’agite, virevolte. Seule sa suractivité trahit son stress : la salle est peu remplie et les expatriés sont au moins aussi nombreux que les Congolais. Une défaite ? Thierry Michel suggère des explications : le lieu est trop officiel, la communication a été mal orchestrée, et le lendemain, jurera-t-il plus tard, la salle était au contraire « pleine à craquer » – nous n’avons pas pu vérifier.

Morts, exécutions et cadavres par dizaine

Et qu’importe finalement, car ce n’est pas à ce public-là que L’Empire du silence semble destiné. Plus qu’un documentaire, ce film d’1h50 se veut un plaidoyer à l’attention des dirigeants mondiaux. Et le support d’une vaste campagne militante intitulée « Justice For Congo », initiée avec Denis Mukwege, – un médecin de Bukavu qui avait été l’objet de L’Homme qui répare les femmes : La Colère d’Hippocrate, un des précédents documentaires du réalisateur. Une campagne qui a pour but de pousser à l’instauration de tribunaux pénaux internationaux pour juger les crimes commis ces dernières 25 années dans l’Est de la République démocratique du Congo, à la manière de ceux mis sur pied pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie.

C’est cette histoire que le long-métrage nous raconte. Celle d’un quart de siècle de guerres largement oubliées, celle de crimes de masses, de massacres atroces. Avec des images toutes tournées durant ses innombrables voyages en RDC, le réalisateur montre la fuite de centaines de milliers de Rwandais hutus depuis les camps de réfugiés, à travers les forêts congolaises, lors de l’offensive des troupes rebelles de Laurent-Désiré Kabila, en 1996. Il raconte aussi la tuerie de Tingi Tingi, en 1997, ou celle de Mbandaka, la même année.

On y voit les victimes et parfois les héros anonymes, à l’instar de cet ancien responsable de la Croix-rouge qui a refusé de se taire face aux exactions. Certains témoignages sont saisissants ; les images, souvent à la limite du supportable. Thierry Michel ne nous épargne rien de la saleté de la guerre. Il filme les morts, les exécutions, les cadavres par dizaines.

Polémique

Ce documentaire choc risque de faire autant de bruit que de susciter de polémiques. Car dans ce plaidoyer, le réalisateur s’appuie notamment sur le très controversé rapport Mapping. Établi par des experts mandatés par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme pour recenser les crimes commis entre 1993 et 2003 en RDC, il a servi de supports aux tenants de la thèse du « double génocide ».

LE CONGO N’A JAMAIS FAIT ŒUVRE DE JUSTICE ET DE MÉMOIRE

Ce rapport a aussi établi une liste des responsables des crimes de guerre, qui n’a jamais été rendue publique. Un secret que Thierry Michel veut voir lever. « Le Congo n’a jamais fait œuvre de justice et de mémoire », explique-t-il.

Lui désigne ceux qu’il considère comme les coupables : ils sont Congolais mais aussi Rwandais et Ougandais. Leurs noms ? James Kaberebe, ancien chef d’état-major de la RDC sous Kabila avant de devenir celui du Rwanda, ou encore les généraux Gabriel Amisi Kumba et Éric Ruhorimbere – mais aucun de ces hommes n’est interrogé sur ces accusations dans le documentaire.

Fin d’un cycle

Avec la fin du régime de Joseph Kabila et l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, le Belge veut croire que la vérité peut enfin émerger, et venir clore un quart de siècle de conflits dans l’Est de la RDC – une guerre qui est hélas toujours en cours.

Cela apporterait-il de la paix à Thierry Michel ? Peut-être est-ce aussi l’objet de ce long-métrage, qui apparaît comme le testament d’un homme qui a passé trente ans de sa vie à voyager en RDC. De Mobutu, roi du Zaïre, à ses démêlés avec le régime de Kabila qui interdira son film sur le premier procès de l’assassinat du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya, Thierry Michel a documenté l’histoire récente de cette région d’Afrique décrite tant de fois, depuis Joseph Conrad, comme le « cœur des ténèbres ».

Plus de cent fois, dit-il, il s’est rendu en RDC. Il en a tiré treize documentaires. « Je suis à la fin d’un cycle. Je suis fatigué du combat, je n’en n’ai plus la force », témoigne-t-il. Récemment, cet homme d’image de 69 ans a perdu la vue d’un œil. L’autre est abimé. Il l’assure : L’Empire du silence est son dernier film.

Avec Jeune Afrique par Anna Sylvestre-Treiner

Dans la peau de Kanye West

mars 3, 2022

Netflix diffuse un documentaire en trois parties qui revient sur l’ascension difficile de Kanye West, sans rien ignorer de ses récents dérapages.

Kanye West en 2020.
Kanye West en 2020.© RICH FURY/VF20 / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Los Angeles, 23 octobre 2002. Comme tous les jours depuis ses 15 ans, Kanye West produit des beats. Aujourd’hui, il travaille pour les Black Eyed Peas, mais aussi Beanie Sigel et Peedi Crakk, des rappeurs de Roc-A-Fella, le label de Jay-Z sur lequel il a signé. Derrière sa console, Kanye soupire. Il est l’un des producteurs de rap les plus demandés du pays, mais il en a marre de jouer les rats de studio. Or, quand il a essayé de faire écouter son flow à son mentor Jay-Z, celui-ci a gardé ses pupilles collées à son bipeur : dans le fond, le grand Jay le méprise un peu. Kanye n’est pas assez « ghetto ». Il vient du Midwest, pas des rues. Il n’a jamais dealé de drogue, pas même une boulette de shit dans les couloirs du lycée. Sa mère est prof d’anglais à l’université, son père est un photo-journaliste, ex-militant des Black Panthers. L’inspiration pour ses rimes, il la puise dans son expérience… à la fac ! Du jamais-vu chez les rappeurs américains.

D’ailleurs, Kanye se sent plus poète que rappeur. Alors, en cette chaude journée d’automne californienne, il s’est lancé dans un freestyle devant Ludacris, le rappeur d’Atlanta. Lui aussi a été à l’université, peut-être qu’il appréciera ses punchlines ? De mauvaise humeur, Ludacris l’envoie balader. Kanye est humilié. Il est 3 heures du matin à L.A. Kanye grimpe, furieux, dans sa Lexus de location. Est-ce qu’il était encore en colère quand son véhicule s’est écrasé, quelques instants plus tard ? Il se réveille à l’hôpital, la mâchoire fracassée, et l’air de « Through the Fire », la ballade kitsch de Chaka Khan, tourne dans sa tête.

Investi d’une mission divine ?

Allongé sur un canapé dans cette pièce qui sent l’alcool à 90°, les yeux tellement tuméfiés qu’il peine à les ouvrir, il rappe en silence : «  Une vitamine C est mon petit-déjeuner, une boisson protéinée mon dessert/Quelqu’un a commandé des pancakes, je n’avale que le sizzurp. » À sa sortie de l’hôpital, il se dirige tout droit vers le studio d’enregistrement. Il sample « Through the Fire », en fait une boucle, rajoute quelques beats, et s’installe enfin derrière le micro. Il a cru mourir et se croit investi d’une mission divine. Sa diction est entravée par les fils qui maintiennent ensemble les os de sa bouche. Entre ses lèvres, il crache son venin encore plus fort. « Through the Wire », à travers les fils, sera son premier single. Trois ans plus tard, Time Magazine l’élève au rang des 100 personnes les plus influentes du monde. La carrière de Kanye a atteint d’inatteignables sommets, puis s’est écrasée.

C’est la trajectoire de l’une des personnalités les plus étranges du monde de la musique, mi-fou, mi-génie, mégalomaniaque passé du rap à la présidence des États-Unis (enfin, il s’y est présenté), que ce documentaire entreprend de retracer. En trois épisodes dont le dernier vient d’être dévoilé sur Netflix, Clarence « Coodie » Simmons le suit de ses débuts laborieux à Chicago, à son triomphe grâce à Jay-Z et son accident qui failli lui coûter la vie, sans oublier ses dérives psychiatriques et politiques.

La force de cette série, c’est l’accès privilégié qu’a eu le coréalisateur depuis les tout débuts du rappeur, lui permettant de rendre un témoignage ancré dans le temps. Il est fascinant de voir la détermination de West à se faire entendre quand personne ne le prend au sérieux. Dans les bureaux de Roc-A-Fella, il met sa chanson sur les sonos de toutes les secrétaires, leur rappe les paroles, yeux dans les yeux. Il ne récolte que des sourires gênés, mais sa foi ne faiblit pas. Il a une idée très claire de ce qu’il veut faire en studio en termes de paroles et de productions, il est en avance sur tout le monde, et seule sa mère croit en lui. Donda, qui l’a élevé seule, connaît tous ses raps par cœur. Elle l’encourage à se comporter comme une star jusqu’à en devenir une. Elle est son socle, son moteur, sa meilleure amie, son manageur, sa conseillère. Elle le filme à 13 ans enchaînant les rimes comme un grand, déjà en plein ego trip dans son pull à pois.

« Comment peut-on avoir trop confiance en soi ? »

« On dit que j’ai un excès de confiance en moi, comme si c’était mal, comme si c’était un gros mot », déclare-t-il des années plus tard à l’ouverture de son œuvre de charité, alors qu’il est au sommet. « Comment peut-on avoir trop confiance en soi ? Il faut avoir trop confiance en soi, il en faut toujours plus. Ils veulent qu’on se fonde dans la masse, qu’on baisse la tête et qu’on dise oui à tout. […] Je suis prêt à bousculer la vision négative des gens vis-à-vis d’un Noir sûr de lui. Parce qu’ils n’ont jamais vu ça. C’est comme la mentalité de l’esclave trop bruyant. […] Je suis le meilleur et vous devriez penser la même chose de vous ! » On remarque que ce qu’on trouve cool chez Liam Gallagher, le plus arrogant des rockeurs, on ne le supporte pas chez un rappeur noir. Le péché d’orgueil est excusé.

Époux d’une marque reine des réseaux sociaux et de la télé-réalité, il semble au bord du gouffre depuis la perte de sa mère et l’annonce de son divorce, s’enfermant deux semaines dans les loges d’un stade pour terminer un album après un concert où il venait de le présenter. Son nouvel album Donda 2 est complaisant, brouillon, inachevé, mais on ne peut que recommander cette série documentaire tant elle éclaire sur l’impitoyable industrie du hip-hop, la grâce des moments de création, les relations mère-fils, la résilience et la bipolarité.

« Jeen-Yuhs, la trilogie Kanye West », de Clarence « Coodie » Simmons et Chike Ozah, sur Netflix

Avec Le Point par Anne-Sophie Jahn

« Saint-Louis, une histoire calédonienne »: le visage d’une tribu kanak

mars 11, 2018

Le documentaire sur la tribu kanak de Saint-Louis sera diffusé mercredi 14 mars à 20 h 50 sur France Ô et en avant-première dès dimanche sur le Monde.fr.

De la route qui relie Nouméa à Mont-Dore, distantes d’une vingtaine de kilomètres dans le Grand Sud de la Nouvelle-Calédonie, la seule image que l’on aperçoive de la tribu kanak de Saint-Louis, c’est le clocher de la mission, construite dans les années 1860. La rocade, sur laquelle circulent plus de vingt mille véhicules par jour, traverse de part en part le territoire de la tribu. Les jeunes de Saint-Louis savent qu’ils disposent là d’un moyen de pression stratégique, parce que, comme le raconte Ambrosio Kamodji, qui fut le premier bachelier de la tribu et est aujourd’hui éducateur spécialisé, « quand ils bloquent, ça bloque tout ».

La RP2 est souvent le théâtre de violences. Organisées ou plus ou moins spontanées, collectives et revendicatives ou simplement délictuelles. Fin 2016, à la suite de la mort d’un des leurs, William Decoiré, tué par un gendarme à un barrage routier au volant d’une voiture volée, de violents affrontements entre jeunes et forces de l’ordre s’y déroulèrent pendant plusieurs semaines. Il fallut plusieurs jours pour déblayer les dizaines de carcasses de voitures brûlées. Les gendarmes ont dit avoir agi en « légitime défense ». Le parquet avait classé l’affaire, attisant la violence des jeunes. Une enquête a finalement été ouverte et, tout récemment, l’association William, qui se bat pour « obtenir la vérité », a obtenu qu’une reconstitution soit organisée, ce que les autorités avaient toujours refusé.

Référendum en novembre

Ben Salama et Thomas Marie, les auteurs du documentaire « Saint-Louis, une histoire calédonienne », projeté mercredi 14 mars à 20 h 50 sur France Ô et dont Le Monde est partenaire (il est diffusé en avant-première sur le site du monde.fr entre le 11 et le 14 mars), peuvent à juste titre estimer que leur travail, qui a réclamé près de deux mois de contacts préalables puis de tournage sur place, y aura contribué. Mais, pour les jeunes de la tribu, la mort de William Decoiré reste une blessure, qui parfois peut virer à la « haine ».

Il ne s’agit pas pour les réalisateurs de « réhabiliter » Saint-Louis, cette tribu urbanisée, gagnée par les faubourgs de Nouméa, la pieuvre tentaculaire en constante expansion, mais d’en montrer un visage plus contrasté. De se plonger dans ses contradictions. Saint-Louis a mauvaise réputation. Pour un jeune Kanak à la recherche d’un emploi, c’est une tache sur le CV. Aussi, quand une jeune fille de la tribu obtient une bourse pour aller poursuivre des études supérieures en métropole, c’est un événement partagé par toute la famille, et un véritable déchirement. De même que l’on perçoit bien ses interrogations, alors qu’elle manifeste avec les indépendantistes, sur l’avenir d’une Kanaky indépendante, sur laquelle la population calédonienne va avoir à se prononcer au début du mois de novembre.

« Saint-Louis, c’est les Etats-Unis de la Kanaky »

Les éléments les plus radicaux, eux, farouchement indépendantistes, assurent qu’ils n’iront pas voter, car ils ne se retrouvent pas dans ceux qui les représentent et expriment même parfois une forme de rejet. Saint-Louis, comme l’explique justement le titre du documentaire, est un concentré de l’histoire calédonienne et de ses contradictions, de la religion, de la politique et de la coutume. « Saint-Louis, c’est les Etats-Unis de la Kanaky », assume fièrement Marie-Luce Wemoadjou, une « ancienne », rappelant la tradition d’accueil de la tribu. Mais c’est aussi là qu’eurent lieu au début des années 2000 de violents affrontements intercommunautaires, chassant les Wallisiens de leur quartier de l’Ave Maria.

Saint-Louis a mauvaise réputation, et elle n’est pas forcément usurpée. Pour la majeure partie de la population, elle rime avec caillassage, violence, délinquance, malgré tous les efforts déployés ces dernières années par la municipalité de Mont-Dore et les services de l’administration territoriale. Et pourtant, le documentaire s’achève sur la « fierté » des jeunes de la tribu d’accueillir, à l’occasion des journées du patrimoine, des « étrangers » pour leur faire découvrir leur territoire et leurs réalisations. De quoi, le temps d’une journée, pouvoir espérer en un « destin commun ».

Lemonde.fr par Patrick Roger

Documentaire : « Trop noire pour être française ? »

juillet 1, 2015

Isabelle Boni-Claverie

Isabelle Boni-Claverie

Diffusé sur Arte le 3 juillet, le documentaire « Trop noire pour être française ? » réalisé par Isabelle Boni-Claverie interroge le racisme plus ou moins ordinaire de la société française. En fil directeur, l’histoire des grands parents de la réalisatrice, l’un des premiers couples mixtes mariés en France.

L’histoire des grands-parents d’Isabelle Boni-Claverie est un conte moderne. Imagine-t-on l’histoire d’un Ivoirien, né en 1909 dans une grande famille de chefs, quittant Grand Bassam pour Bordeaux (France) à l’adolescence, étudiant au Collège Jésuite Saint-Paul d’Angoulême, puis à la fac de droit de Toulouse ? Imagine-t-on cet homme épousant une fille de Gaillac en 1937 – mais au milieu de la nuit par souci de « discrétion » ? Si la réalisatrice française a décidé de plonger dans sa propre histoire pour écrire et tourner le documentaire Trop noire pour être française ? (à voir sur Arte le 3 juillet à 23h10 ou quelques jours avant sur le site de Libération, qui a a lancé sur Twitter un appel à témoignages avec le hashtag #TuSaisQueTesNoirEnFranceQuand), c’est sans doute en raison de deux événements concomitants.

Enceinte, sans doute s’est-elle demandé dans quelle France son enfant à venir serait appelé à vivre. « Je me suis alors demandé dans quelle histoire familiale je m’inscrivais, dans quelle histoire j’inscrivais mes enfants, et des problématiques que je croyais avoir résolues sont réapparues avec les peurs que beaucoup de gens éprouvent, comme moi, pour leurs enfants. Avec l’envie qu’ils n’aient pas à subir ce que nous subissons », dit-elle. Surtout que les propos racistes tenus ouvertement sur France 2 par le parfumeur Jean-Paul Guerlain, le 15 octobre 2010, firent déborder le vase en venant lui rappeler, une fois de plus, que les idées les plus rances avaient encore droit de cité dans la « patrie des droits de l’homme ».

Expérience quotidienne de la « négritude »

Suivant le fil de la généalogie, Isabelle Boni-Claverie brosse dans son documentaire le portrait d’un pays qui n’a pas encore poussé la réflexion assez loin sur son histoire et où les erreurs du passé continuent de contaminer le présent. Pudique sur sa propre histoire – elle fut élevée par la sœur cadette de son père, la journaliste Danièle Boni, et par le mari de cette dernière, le juriste Georges Claverie, dans un milieu extrêmement protégé – la réalisatrice la met en perspective grâce à des interviews d’intellectuels comme Pap Ndiaye, Achille Mbembe ou Eric Fassin.

Qu’est-ce qu’être noir aujourd’hui en France ? Loin des grand discours des sociologues et des historiens, de simples citoyens noirs essaient aussi de trouver une réponse aux questions qu’elle se pose, face caméra, en racontant leurs expériences personnelles de la « négritude » – souvent édifiantes. Le quotidien des « 3 millions 300 mille » Noirs de France est ainsi mis en regard avec la perception générale qu’en ont ceux qui s’imaginent « français de souche », l’esprit modelé tant par les publicité racistes (Uncle Ben’s, Banania, Woolite, Skip…) que par les propos des politiques (Nicolas Sarkozy à Dakar…) ou les politiques d’affichage qui ne permettent en rien de réduire les inégalités raciales.

La persistance d’un racisme bien ancré dans les pensées apparaît notamment quand Isabelle Boni-Claverie, enquêtant sur son père, s’en va à la rencontre des dirigeants du Cercle anglais de Pau dont il fut membre. « S’il y avait un Noir qui valait le coup d’entrer au cercle… moi je le prendrais sans doute », déclare, hésitant, l’un d’eux, dont l’embarras et la gêne sautent aux yeux… Militant discrètement en faveur des quotas, le documentaire Trop noire pour être française ? est une missive sur la France d’aujourd’hui à laquelle il convient de prêter attention – comme il convenait de lire les Lettres persanes à l’époque de Montesquieu.

Jeuneafrique.com par Nicolas Michel

RDC – Affaire Chebeya : un nouveau témoignage met en cause le général Numbi

juillet 11, 2012
Floribert Chebeya a été retrouvé mort en juin 2010. Floribert Chebeya a été retrouvé mort en juin 2010. © AFP

Refoulé dimanche à son arrivée à l’aéroport de Kinshasa par les autorités congolaises, le réalisateur belge Thierry Michel, auteur du film « L’Affaire Chebeya », a rendu public, mardi 10 juillet, le témoignage d’un policier affirmant avoir assisté à l’assassinat du directeur de l’ONG La voix des sans voix. Un témoignage qui pourrait relancer le procès en appel qui doit rependre le 17 juillet.

Ce nouveau témoignage, s’il était authentifié, pourrait changer la donne du procès en appel des accusés du meurtre de Floribert Chebeya, qui doit reprendre mardi 17 juillet. Recueilli par le réalisateur belge et auteur du documentaire L’affaire Chebeya, Thierry Michel, il met directement en cause l’ex-inspecteur général de la police, John Numbi. La Haute cour militaire de Kinshasa, seule institution habilitée à le juger, doit statuer le 17 juillet sur la demande des parties civiles de le voir comparaître comme prévenu.

Le témoin est un policier, il s’appelle Paul Mwilambwe. En fuite dans un pays d’Afrique, il a été jugé par contumace dans la même affaire, le 23 juin 2011, pour association de malfaiteurs, assassinat, terrorisme et désertion. Aujourd’hui, il affirme s’être trouvé dans les locaux de l’inspection générale de la police (IGP) lors de l’assassinat de Floribert Chebeya, le 1er juin 2010. Un assassinat qu’il décrit de manière très détaillée et dont il assure qu’il a été intégralement filmé.

Selon Paul Mwilambwe, Chebeya a été assassiné parce qu’il comptait transmettre au roi Albert II, lors de sa visite à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, des informations sur les massacres des adeptes de la secte Bundu dia Kongo, tués par des policiers en 2007 et 2008. Ces documents mettaient directement en cause le bataillon Simba commandé par le second de Numbi, le Major Christian Ngoy, dit-il.

C’est en possession de ces preuves que Floribert Chebeya, accompagné par son chauffeur Fidèle Bazana, se présente à l’Inspection générale de la police, le 1er juin 2010 à 16 H45. Paul Mwilambwe raconte avoir reçu le militant des droits de l’homme seul dans son bureau pendant près d’une heure et demi.

Étouffé avec des sacs plastiques

Les deux hommes sont ensuite rejoints par Christian Ngoy. Ce dernier informe Chebeya que John Numbi n’a pu se déplacer mais qu’il peut l’emmener à son domicile, ce qu’accepte Floribert Chebeya, poursuit le policier. Les deux hommes sortent. Dans les minutes qui suivent, le directeur de la Voix des sans voix est étouffé avec des sacs plastiques dans un hangar de l’inspection. Resté dans son bureau, Mwilambwe raconte avoir assisté à la scène via des caméras de surveillance et dit s’être rendu immédiatement sur le lieu du crime. Il va y découvrir les corps de Floribert, à l’agonie, et de son chauffeur, dont il assure qu’il a été assassiné pendant son entretien avec Chebeya. Il est environ 19 heures 30.

Les corps auraient été ensuite placés dans deux voitures distinctes, puis celui de Bazana finalement enterré. Paul Mwilambwe affirme que les restes de ce dernier se trouvent dans une parcelle appartenant au général Numbi, dont il indique le lieu avec une grande précision.

S’il n’était pas présent lors de l’assassinat, c’est John Numbi qui tirait les ficelles, assure Paul Mwilambwe dans son témoignage. C’est lui qui aurait donné l’ordre au Major Christian Ngoy, aujourd’hui en fuite, d’exécuter Floribert Chebeya contre la somme de 500 000 dollars. Lui aussi qui récompenserait les huit hommes ayant participé aux assassinats. Ou encore lui qui organiserait la fuite de Ngoy. Joint par Jeune Afrique, Thiery Michel assure détenir d’autres témoignages corroborant encore cette version des faits.

« Que toute la lumière soit faite »

Le réalisateur insiste cependant sur le fait que ce témoignage, qu’il a transmis aux avocats et aux autorités congolaises, doit être « vérifié ». Mais il estime qu’il permet d’éclairer « toutes les zones d’ombre de l’affaire. Car les policiers suspectés ont toujours nié que Chebeya ait été assassiné. Les avocats de l’État ont même nié qu’il soit venu dans les bureaux de l’inspection militaire »

Et de conclure : « Je donne au gouvernement des documents pour que la vérité éclate sur une affaire dont le ministre de la Justice congolais a récemment déclaré vouloir que toute la lumière soit faite ».

 Jeuneafrique.com par Vincent Duhem