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Présidentielle au Cameroun : l’opposition conteste a priori les résultats du scrutin

octobre 18, 2011

Plus d’une semaine après la tenue de l’élection présidentielle camerounaise, six candidats de l’opposition ont signé un document, appelant à rejeter le résultat du scrutin, qui devrait être connu avant le 24 octobre.

À quelques jours du verdict de l’élection présidentielle au Cameroun, les leaders de l’opposition n’ont pas attendu pour condamner d’ores et déjà les résultats présumés du scrutin. « Nous (…) rejetons tout résultat que pourra déclarer le Conseil constitutionnel », ont écrit sept candidats de l’opposition, dont le principal adversaire du président sortant et leader du Social Democratic Front (SDF), John Fru Ndi.

Cette « Déclaration de Yaoundé », ainsi nommée par les opposants de Paul Biya, qui, à 78 ans, brigue un 6e mandat, appelle tous les Camerounais à refuser le résultat de cette élection, qui s’est tenue le 9 octobre. « Dans le cas où le Conseil constitutionnel refuse d’annuler cette mascarade électorale et persiste à déclarer les résultats, nous appelons (…) le peuple à venir massivement manifester en faveur de leur droit de participer à des élections libres et transparentes », ont-ils écrit.

Avant la signature de ce texte, dix candidat à la présidentielle ont déposé à la Cour suprême dix-huit recours en annulation partielle ou totale de la présidentielle, dont les résultats doivent être proclamés avant le 24 octobre.

« Environnement chaotique »

Parmi les principales dénonciations de la « déclaration de Yaoundé », un « environnement électoral (…) chaotique avec d’innombrables irrégularités ». « Nous déclarons qu’Elections Cameroon (Elecam, la commission électorale) a failli complètement à sa mission d’organiser une élection libre, juste et transparente », fustige le document, indiquant que « plus de 70% des cartes d’électeurs n’ont pas été distribuées », ce qui fait que « la majorité de ceux qui s’étaient inscrits sur les listes électorales n’ont pas pu exercer leur droit de vote ».

Outre John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, leader de l’Union démocratique du Cameroun (UDC), 3ème de la présidentielle de 2004, Edith Kahbang Walla, plus connue sous le nom de Dite Kah Walla, candidate du Cameroon People’s Party (CPP), une ancienne du SDF, Bernard Muna, candidat de l’Alliance des forces progressistes (AFP), ancien membre du SDF également, ainsi que Jean de Dieu Momo, du parti des Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun (Paddec), Albert Dzongang (parti La Dynamique) et Paul Ayah Abine, un magistrat transfuge du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, parti du président Biya) investi par le People’s Action Party (PAP), ont cosigné le document.

Tous ont appelé les Camerounais à défendre la démocratie, et seront en tête des manifestations dans les prochains jours. « Quel que soit le candidat qui sera proclamé vainqueur, il n’aura pas de légitimité », a asséné John Fru Ndi.

Face à cette menace, le ministre chargé des Relations avec les Assemblées et secrétaire général adjoint du RDPC, Grégoire Owona, a réagi. « Le secrétaire général (du RDPC) a invité nos militants et nos sympathisants à rester mobilisés et surtout très vigilants, à accepter le verdict quel qu’il soit », a-t-il affirmé.

Jeuneafrique.com avec AFP

Cardinal Christian Tumi : « Le Cameroun n’est pas un royaume ! »

octobre 14, 2011

et « Paul Biya n’est pas un empereur ! » C’est en ces termes que s’exprime le cardinal Christian Tumi, qui fête ses 81 ans le samedi 15 octobre. Dans l’interview exclusive accordée à jeuneafrique.com, il donne son point de vue sur le déroulement de l’élection présidentielle du 9 octobre dernier. Et prône l’alternance pacifique au Cameroun grâce à la mise en place d’une nouvelle loi électorale.

Jeuneafrique.com : êtes-vous allé voter, le 9 octobre ?

Bien sûr, mais je ne vous dirai pas pour qui. Ça relève du secret électoral !

Pourquoi avoir refusé d’intégrer Elecam ?

Il faut d’abord préciser que je n’ai jamais été approché, même si j’ai déjà dit dans une interview que je ne voudrais pas l’intégrer. Ceci dit, en ce qui concerne Elecam, le nom n’a pas de sens ! « Elections Cameroon », ça ne veut absolument rien dire. On devrait plutôt parler d’une « commission électorale indépendante ». En plus de ça, on ne sait pas vraiment qui est dedans et qui fait quoi ! Il faut prêter serment et promettre qu’on va fermer sa bouche alors que moi, quand ça ne ça va pas, je critique.

Qu’avez-vous pensé du déroulement de la campagne électorale et de l’élection ?

L’opposition n’a pas les moyens de se faire connaître auprès des Camerounais. C’est une injustice politique grave.

L’opposition n’a pas eu les moyens de financer sa campagne. À mon humble opinion, il y a une injustice quelque part, car tous les fonctionnaires sont mobilisés pour le parti au pouvoir. Préfets et gouverneurs font campagne pour le RDPC alors que l’opposition n’a pas les moyens de se faire connaître auprès des Camerounais. C’est une injustice politique grave.

Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Jupé, a jugé que le déroulement de la présidentielle était « acceptable » ? Que pensez-vous de ce soutien implicite à Paul Biya ?

Eh bien, cela signifie que la France ne sait pas ce qui se passe au fin fond du Cameroun. L’Église a formé une cinquantaine d’observateurs indépendants et d’après les premiers échos que j’ai eus, les opérations électorales se sont déroulées dans la paix, même s’il y a eu une très forte abstention. Tant que le sang n’est pas versé, tout va bien !

Une personne a quand même été tuée dans un bureau de vote à Bandjoun…

C’est vrai mais c’est un cas isolé, ce n’est pas un soulèvement populaire.

Vous seriez opposé à un soulèvement populaire ?

La violence ne résout rien ! Quand une guerre civile éclate, ce sont souvent les innocents qui meurent avec des enfants sur le dos. Nous préférons continuer comme ça, car ça va changer un jour, cette situation n’est pas permanente.

Pourtant, Paul Biya ne semble pas prêt à quitter le pouvoir…

Il a bien dit que si quelqu’un d’autre que lui gagnait, il se retirerait. Le RPDC est certes très bien implanté partout dans le pays, mais comme j’ai dit à un ancien Premier ministre : « Au sein du parti, vous ne savez pas qui est pour vous ou contre vous ». Dans la fonction publique, les gens vous soutiennent pour garder leur place ! C’est la même chose dans les affaires. Quand on est militant du RDPC, on a l’impression qu’on peut faire ce qu’on veut…

Les gens qui sont au RDPC ne peuvent pas critiquer le président car tout le monde a peur.

Les citoyens camerounais n’ont donc d’autre choix que le RPDC ?

Non, ils ont le choix et d’ailleurs, depuis que Paul Biya est au pouvoir, il y a plus de liberté d’expression que sous la présidence d’Amadou Ahidjo mais c’est vrai que les gens qui sont dans le parti ne peuvent pas critiquer le président car tout le monde a peur. Regardez la primaire socialiste en France, c’est vraiment démocratique !

Comment l’alternance politique et pacifique est-elle alors possible ?

La conférence épiscopale continue de lutter pour avoir une nouvelle loi électorale. On en avait proposé une mais le ministre de l’Administration territoriale nous a dit qu’on se mêlait de ce qui ne nous regardait pas ! On a donc retiré cette proposition… Il y a encore beaucoup trop de partis politiques au Cameroun. On en compte plus de 200, c’est ridicule ! Pourtant, à l’occasion de la présidentielle du 9 octobre, on a vu quatre partis émerger à côté du RPDC. C’est largement suffisant !

Le politicien M. Owona Nguini estime qu’il n’y aura pas d’alternance pacifique au Cameroun…

Pourquoi il a dit ça ? Car en 1992 l’opposition avait gagné mais elle n’a pas gouverné, on a changé les chiffres et c’est à partir de ce moment là que les Camerounais se sont désintéressés de la vie politique. Les gens se sont dit : « Le changement ne peut pas intervenir démocratiquement dans ce pays ! » Je l’ai déjà dit, si un jour il y a des troubles ou des violences, ce sera à cause d’une élection mal organisée.

Justement, il y a eu de nombreuses irrégularités cette année…

S’il y a alternance, ce ne sera pas contre Paul Biya mais simplement parce que ça fait longtemps qu’il est au pouvoir.

Certains défendent Elecam en évoquant sa jeunesse mais il fallait lui laisser un peu de temps pour organiser l’élection. Tout le monde n’avait pas sa carte d’électeur ! La distribution des cartes a été très très mal organisée. Regardez au Nigeria, avec des machines modernes, les élections ont été bien organisées. Pourquoi ne pas faire la même chose au Cameroun ? S’il y a alternance, ce ne sera pas contre Paul Biya mais simplement parce que ça fait longtemps qu’il est au pouvoir.

Avez-vous pu parler avec Paul Biya récemment ?

Ca fait longtemps… C’était en 1996 je crois, lors de la révision de la Constitution de 1972. Depuis, je lui ai écrit pour lui dire ce que je pensais du pays et qu’à un certain âge, il fallait laisser le pouvoir. Lors de la béatification de Jean-Paul II, il m’a juste dit qu’il avait reçu cette lettre.

Alors, qui après Paul Biya ?

Je ne vois pas qui… Ce que souhaite la conférence épiscopale, c’est une bonne loi électorale pour que n’importe quel Camerounais puisse proposer sa philosophie de vie. Kah Walla, qui était au sein du SDF vient d’émerger en très peu de temps, elle a gagné le cœur des Camerounais ! Il existe des leaders dans ce pays mais il faut qu’ils prouvent leur valeur et qu’ils puissent s’exprimer sans avoir peur. Même au sein du RDPC, il y a des personnalités qui ont des compétences politiques mais ils ont peur de perdre leur travail en s’exprimant.

Selon vous, un scénario à la gabonaise est-il envisageable avec Franck Biya ?

Non, non, le Cameroun n’est pas un royaume ! Paul Biya n’est pas empereur ! Et la jeunesse n’aimerait pas ça…

Vous fêtez vos 81 ans le 15 octobre. Vous gardez toujours la même fraîcheur et la même envie de dire les choses ?

Tant que j’ai la santé et que je crois quelque chose, je le dis ! Certains auraient voulu que je me présente à la présidentielle mais la politique, ce n’est pas mon domaine et puis, je fais partie des anciens (rires) !

Jeuneafrique.com par Matthieu Cotinat, à Douala

Présidentielle au Cameroun : trois partis d’opposition favorables à l’annulation du scrutin

octobre 12, 2011

Les nombreuses irrégularités et fraudes présumées relevées sur le terrain pendant l’élection présidentielle camerounaise du 9 octobre poussent au moins trois partis de l’opposition à demander l’annulation du scrutin. Mais pour Elecam et la France, ce dernier s’est déroulé de manière « acceptable », « sans dysfonctionnement majeur ».

La proclamation des résultats, même partiels, n’est pas intervenue que déjà plusieurs voix s’élèvent dans l’opposition pour réclamer l’annulation de l’élection présidentielle du 9 octobre au Cameroun. En cause : les nombreuses suspicions de fraude et les irrégularités multiples relevées par plusieurs observateurs.

Au moins trois opposants, dont deux comptent déposer des requêtes en justice, se sont exprimé en ce sens. « Nous sommes favorables à l’annulation du scrutin », a ainsi affirmé Joshua Osih, vice-président du Social Democratic Front (SDF), le principal parti d’opposition du candidat John Fru Ndi. Le vote « ne peut pas donner de légitimité au vainqueur, y compris le SDF qui reste en course pour le gagner », a ajouté Osih pour qui l’élection s’est déroulée dans une « cacophonie totale ».

Même son de cloche au Mouvement africain pour la démocratie et la nouvelle indépendance (Manidem) de Anicet Ekanè, qui « compte d’ailleurs déposer une requête dans ce sens demain (mercredi) à la Cour suprême ». Enfin, Albert Dzongang du parti La Dynamique – un des vingt-trois candidats en lice pour la magistrature suprême, estime qu’« il n’y a pas eu d’élection » et promet également de « déposer demain (mercredi) une requête dans laquelle nous exigeons l’annulation » du scrutin.

Madeleine Afité témoigne de fraudes

Les suspicions de fraude ont été renforcées hier par les déclarations de l’égérie de la société civile camerounaise, Madeleine Afité qui a affirmé avoir assisté à des bourrages d’urnes ayant pour but de minimiser le taux d’abstention. « J’ai vu un monsieur portant une carte (badge) Elecam (Election Cameroon, commission électorale) (…) il donnait des lots (de cartes d’électeurs) aux enfants (qui) allaient émarger sans carte d’identité » dans un bureau de vote du quartier Bessangue à Douala.

« Ce n’était pas pour voter RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, au pouvoir) », reprend-elle, mais parce que « les urnes étaient vides. C’était le problème du taux de participation. Il fallait qu’il y ait des bulletins dans les urnes ». De fait, les observateurs et les journalistes présents ont noté une faible affluence, et une campagne électorale ayant suscité très peu de mobilisation des Camerounais. « Les électeurs boudent la présidentielle » soulignait même le quotidien privé Mutations.

Le scutin « acceptable » pour la France

De son côté Elecam s’est félicité du bon déroulement du scrutin et n’a noté « aucun dysfonctionnement majeur », a déclaré son président Samuel Fonkam Azu’u. Dans son sillage, la France a jugé le déroulement du scrutin « acceptable » par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. Quant à l’équipe d’observateurs du Commonwealth à Yaoundé, elle a estimé avec plus de précaution et de neutralité que le scrutin avait été exempt de « coercition » et souligné qu’il y avait un « bon nombre de plaintes » sur l’organisation du scrutin.

En clair, tout indique que le président Paul Biya (78 ans), au pouvoir depuis 1982, sera réélu pour son sixième mandat, cette fois de 7 ans. « Paul Biya en pole position », titrait mardi L’Action, le journal du RDPC, sans apporter aucune preuve : « Quelques heures après la fermeture des bureaux, les premiers échos du terrain ne laissent aucun doute sur la victoire du candidat », affirmait-il.

Pour la plupart des Camerounais, l’issue des résultats ne fait aucun doute. « On est pas trop concernés par le vote. De toute façon, on sait bien que le président va gagner il n’y a rien qui change, donc nous on est tranquilles », dit Clarisse, 29 ans, commerçante au centre de Douala. « Ici rien ne change, il n’est pas question que les gens aillent dans la rue (…) On sait que le président sera réélu et voilà, il y a la paix », soulignait Justin Temola, chômeur de Douala.

Jeuneafrique.com avec AFP

Présidentielle camerounaise : le fossé se creuse entre les jeunes et les élites

octobre 7, 2011

La participation des jeunes est l’un des enjeux de l’élection présidentielle camerounaise. Pourtant, sur le terrain, ils ne sont pas nombreux à se sentir concernés par un scrutin qu’ils jugent fréquemment sans intérêt.

À part ceux du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, parti de Paul Biya), les jeunes semblent se désintéresser totalement de la politique. Leurs témoignages se ressemblent. La plupart de ceux qu’on croise dans les rues de Yaoundé l’affirment : « On n’ira pas voter puisque les jeux sont déjà faits ! Ce serait comme d’aller voir un match Barça-Real en connaissant déjà le résultat ! »

Vendredi, Elections Cameroon (Elecam) ne disposait toujours pas du pourcentage de jeunes inscrits sur les listes électorales. « Elecam se concentre sur la distribution des cartes d’électeurs » se justifiait-on au siège de cet organisme chargé d’organiser l’élection présidentielle. La participation des jeunes est pourtant l’un des enjeux du scrutin. À eux seuls, ils représentent plus de la moitié de la population camerounaise.

Frustration

La campagne électorale ne tend pas à rapprocher la jeunesse des élites au pouvoir au Cameroun. Ce serait même plutôt l’inverse, selon le politologue Eric Martial Owana Nguini. « Le fossé s’agrandit car toute la machinerie sociale et le circuit étatique en particulier ne parviennent pas à insérer une bonne partie des jeunes, surtout ceux qui sont formés. Cette jeunesse ressent donc une certaine frustration car elle a été préparée à accéder à des positions sociales attrayantes ».

D’après l’ONG International Crisis Group, les postes à responsabilité économique et politique sont, la plupart du temps, occupés par des dirigeants de 60 voire 70 ans. Dans le même temps, le taux de chômage des jeunes atteint 22 % officiellement mais sans doute beaucoup plus dans la réalité. Certains arrivent à s’en sortir mais la majorité vit du système D en devenant « call boxer » (vendeur de crédit téléphonique) ou « benskinner » (conducteur de moto taxi à Douala).

« Bétail électoral »

À 34 ans, le rappeur Valsero est devenu le porte-parole de cette jeunesse désabusée. Dans son petit studio taggué de Yaoundé, au quartier Melen, le « Général » comme on l’appelle au Cameroun, ne mâche pas ses mots : « Ici, les jeunes, c’est du bétail électoral, du bétail pour applaudir dans les meetings. C’est ridicule car on parle des jeunes dans chaque discours politique mais en fait, les jeunes ne pensent pas ici, ils sont dirigés par la peur »

Au début de l’année, Paul Biya a annoncé la création de 25000 emplois réservés aux jeunes dans la fonction publique. L’État a reçu 300 000 dossiers. Dans son dernier titre, « 3e lettre au président », le « Général » y fait référence : « T’as promis 25 000 emplois, 9 millions de chômeurs, excuse-moi, c’est comme donner un os à une centaine de lions ».

Éric Martial Owana Nguini estime quant à lui que la mesure relève de « l’électoralisme ». Pour le politologue, « cette solution là montre les tensions auxquelles les autorités vont faire face dans les mois et les années à venir », dit-il avant d’affirmer que Paul Biya ne quittera pas le pouvoir de sitôt. « Il n’y aura pas d’alternance pacifique au Cameroun ».

Jeuneafrique.com par Matthieu Cotinat, à Yaoundé

Présidentielle au Cameroun : « Les partis sont les meilleurs garants de la transparence » du scrutin

octobre 4, 2011

Samuel Fonkam Azu’u, président du Conseil électoral d’Elections Cameroon (Elecam), l’organisme chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de la présidentielle, fait l’état des lieux sur la préparation du scrutin à quelques jours du vote, prévu le 9 octobre. Interview.

Où en êtes-vous avec la préparation de des opérations de vote ?

Le matériel électoral nécessaire est presque complet. Les encres indélébiles, les cachets, isoloirs et tout le kit électoral est déjà au niveau des antennes communales d’Elections Cameroon [Elecam, la commission électorale du Cameroun, NDLR]. Ils n’attendent plus qu’à être acheminés dans les bureaux de vote. Le matériel non sensible, à l’instar des isoloirs, est en train d’être acheminé vers les bureaux de vote. Le matériel sensible, comme les urnes ou les bulletins de vote, sera distribué aux bureaux de vote la veille du scrutin mais elles sont déjà stockées dans les communes.

L’incident survenu sur le pont du Wouri, à Douala, menace-t-il la tenue du vote ?

Non, pas du tout. Ce n’était qu’un militaire isolé, qui tirait en l’air. La situation a été maîtrisée, le calme est revenu. Les mesures de sécurité qui ont été prises nous semblent adéquates et opportunes. Il n’y a pas eu d’autre incident et nos collaborateurs travaillent en toute sérénité.

La loi prévoit un financement public de 45 000 euros pour chaque candidat à la présidentielle, mais l’argent tardait à arriver. Où en est-on ?

Je dois vous dire que ce n’est pas de la compétence d’Elecam. Mais à ma connaissance, le ministère de l’Administration territoriale, qui s’en occupe aurait déjà versé les fonds dans les comptes de campagne des candidats.

Certains candidats recalés par Elecam ont été repêchés par le Conseil constitutionnel. Est-ce que vous vous êtes trompés dans l’examen de leurs dossiers ?

Non. Nous avons bien fait notre travail. Sur les 52 dossiers déposés, nous avons rejeté ceux qui n’étaient pas conformes à la loi. Dix neuf d’entre eux ont formulé des recours. Mais deux seulement ont obtenu gain de cause. Cela est dû à un problème d’interprétation. Elecam, qui n’est pas une juridiction, a fait une interprétation littérale de loi, qui exigeait de la part des postulants un certificat d’imposition. Nous ne savions pas qu’une jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel admettait les certificats de non imposition.

Un membre du conseil électoral d’Elecam, Pauline Biyong, est pressée de démissionner par plusieurs candidats parce qu’elle serait impliquée dans la campagne du parti au pouvoir (RDPC). Qu’en est-il exactement ?

Ce sont des allégations dont personne n’a jusqu’à présent apporté la moindre preuve…

Avez-vous au moins ordonné une enquête ?

Bien sûr ! J’ai reçu l’intéressée le jour même où la presse l’a mise en cause, pour entendre sa version. Le même jour, le conseil électoral s’est réuni pour examiner la question. Encore une fois, aucune preuve n’a été fournie et M. Biyong travaille sereinement.

Que répondez-vous à ceux qui disent d’Elecam qu’elle a moins le souci de la transparence que celui de donner une apparence de crédibilité à cette présidentielle ?

C’est un mauvais procès. La crédibilité de ce scrutin ne sera pas qu’apparente. Pour qu’une élection puisse être crédible, il faut l’organiser dans des conditions de transparence. Le système mis en place permet à toutes les parties prenantes d’être présentes à chaque étape du processus. De l’inscription des électeurs aux opérations de vote, les partis politiques sont présents. Ils signent les procès-verbaux. La loi nous l’impose. Nous n’avons pas le choix. D’ailleurs, ce sont les partis politiques qui sont les meilleurs garants de la transparence.
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Jeuneafrique.com, propos recueillis par Georges Dougueli

Cameroun : les silences de Paul Biya

août 8, 2011

Le temps s’est-il arrêté au Cameroun ? À trois mois de l’élection présidentielle, rien n’est encore décidé. Ni la date du scrutin ni celle à laquelle doit se tenir le congrès du parti au pouvoir. Paul Biya lui-même n’a pas officiellement dit qu’il serait candidat… Enquête sur une énigme.

Ni fièvre électorale ni choc des ambitions. La présidentielle doit se tenir en octobre, au Cameroun, mais seuls les orages de la grande saison des pluies grondent sur les collines boisées de Yaoundé, la capitale. Le chef de l’État est le seul maître du temps et il a, tout au long de cette périlleuse année électorale, joué du suspense comme mode de gouvernement. Suspense sur la date du scrutin, qui n’a pas été arrêtée. Suspense sur la date à laquelle se tiendra le congrès du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Suspense, enfin, sur le moment que choisira Paul Biya pour annoncer sa candidature à sa propre succession – puisqu’il ne fait aucun doute qu’il se relancera dans la course. À trois mois de l’élection, le Cameroun est incertain. Et se perd en spéculations sur l’identité d’un éventuel dauphin.

« Les gens n’ont pas l’air concernés », note Martial B., patron quadragénaire d’une agence de communication, installé à Yaoundé. Comme plusieurs de ses amis, ce jeune chef d’entreprise tout juste rentré de l’étranger assure qu’il ne votera pas. « Je n’ai pas confiance dans ce système électoral qu’on met en place un peu dans la précipitation », se justifie-t-il.

Soupçons de partialité

À l’origine de sa méfiance, Elections Cameroon (Elecam), l’instance chargée d’organiser le scrutin et soupçonnée de partialité par l’opposition. Le 6 mai, le nombre de ses membres est passé de 12 à 18. Le 7 juillet, 6 nouveaux membres au profil plus consensuel ont été nommés (5 membres de la société civile et 1 évêque). Mais cela n’a pas suffi à rassurer Martial B. D’autant que, dans le même temps, Elecam s’est vu retirer l’autorisation de publier les tendances du scrutin (les chiffres doivent être transmis au Conseil constitutionnel) et qu’une loi sur le vote des Camerounais résidant à l’étranger a été votée à l’Assemblée nationale, ajoutant à la confusion. Surtout, le Cameroun en est encore à parler décrets, lois et textes réglementaires, alors qu’il devrait faire la connaissance des candidats et débattre des programmes.

Fidèle à son habitude, Paul Biya se tait. Accompagné d’une brochette de ministres, il a d’abord quitté Yaoundé, le 17 juillet, pour s’envoler pour la Chine (l’occasion de signer d’importants contrats). Pour un proche du Palais, il préfère donner l’image d’un président au travail plutôt que celle d’un chef d’État en campagne. Mais au Cameroun, jamais absent n’aura été aussi présent. La parole, les actes, le moindre signal du chef, sont attendus, analysés, décryptés. On s’agace de devoir guetter l’annonce de sa candidature. Au sein du RDPC, on s’est écharpé sur l’opportunité de tenir un congrès du parti avant le scrutin. Le silence du président a mis au jour des guerres de clans de moins en moins feutrées. Dans l’ombre du chef de l’État, qui n’a pourtant pas dit qu’il était prêt à passer la main, les baronnies s’affrontent pour sa succession.

Depuis plusieurs semaines, l’entourage du secrétaire général du Comité central du RDPC, René Emmanuel Sadi, essaie d’organiser la grand-messe pour donner une impulsion à la campagne de Paul Biya. Mais au palais d’Etoudi, quelques influents conseillers ont pesé de tout leur poids pour empêcher la tenue du congrès. Tenir une simple session du bureau politique du parti aurait suffi, estimaient-ils. Problème : ledit bureau politique ne se réunit que très rarement, et n’a pas été renouvelé depuis quinze ans. Sur les 22 membres qui le constituaient à l’origine, 12 seulement sont en activité. Cinq d’entre eux sont décédés ; certains, à l’instar de Dorothy Njeuma ou de Cécile Bomba Nkolo, font partie du collège électoral d’Elecam, une fonction incompatible avec une activité au sein du RDPC. Depuis 1999, Pierre Désiré Engo purge une peine de prison pour des infractions liées à des détournements de deniers publics. Quant à Joseph Charles Doumba, ancien tout-puissant secrétaire général du parti, il s’est retiré de la vie publique pour cause de maladie.

Certains, au bureau politique, craignent que René Sadi, le fidèle lieutenant de Paul Biya, n’en profite pour placer ses hommes à tous les étages du munificent Palais des congrès de Yaoundé, où siège le parti au pouvoir, et agitent le spectre d’une candidature concurrente (improbable) au sein du RDPC.

Disgrâce

« Au gré des entrées et des sorties au Comité central et dans le saint des saints, le bureau politique, on pourra juger des disgrâces et des ascensions vers les sommets », conclut le politologue Manassé Aboya Endong. Pour l’instant, rien ne filtre sur les noms des prétendants. En revanche, assure-t-on, gare aux ambitieux. Une disgrâce pourrait bien présager du déclenchement de poursuites judiciaires dans le cadre d’Épervier, opération de lutte contre la corruption qui a déjà conduit des dizaines de dignitaires du parti en prison.

La presse évoque l’éventualité d’un report de l’élection. Les ambassades du Cameroun à l’étranger ont été prises de court par l’adoption de la loi sur le vote des nationaux résidant à l’étranger. Aucun recensement ne permet d’établir le nombre exact des expatriés. Dans certaines représentations diplomatiques, on a même évoqué la possibilité de demander l’aide de l’administration des pays d’accueil, avant d’abandonner l’idée. Il est désormais question de recourir à des études démographiques effectuées par des chercheurs camerounais pour localiser les plus importants foyers de la population expatriée et choisir où installer les bureaux de vote.

Ces derniers mois, Paul Biya est parvenu à apprivoiser son éternel rival, John Fru Ndi, fondateur du Social Democratic Front (SDF), principal parti d’opposition. Les deux hommes affichent une entente cordiale qui contraste avec l’hostilité des années 1990. Il n’a pas non plus de raisons de redouter des candidatures issues du reste de l’opposition. Trop usés, sans argent pour battre campagne, dépourvus de soutiens extérieurs pour donner de l’écho à leurs discours, fragilisés par des querelles intestines… La plupart iront à la bataille sans espoir de l’emporter.

Finalement, la grande incertitude concerne la gestion du contentieux postélectoral, qui ne manquera pas de se poser. Peut-on éviter que la contestation ne dérape ? Peut-on aussi éviter que la communauté internationale ne s’en mêle, comme cela s’est vu ailleurs ? Dans les milieux proches du pouvoir, on répète que l’on est prêt à faire barrage à toute forme d’ingérence dans les affaires intérieures. Et pour que le message soit bien clair, les évêques du Cameroun ont, dans une lettre rendue publique le 25 juillet, demandé aux chrétiens de ne pas céder aux « effets de mode » qui exposent le pays aux « ingérences extérieures ».

Jeuneafrique.com avec AFP