Né le 30 janvier 1936, à Tiendanite, durant la pleine lune de la robustesse physique, dans un petit village de montagne, à la pointe septentrionale du Territoire, sous la rosée et le souffle marin des lagons, de l’actuel Hienghène, dans la Grande Terre, de Ty Vencelas, son père et de Dya, sa mère. Des parents ayant des références sociales dignes de la considération humaine dans la communauté. Car le père était l’un des premiers instituteurs kanaks dans la tirade annuelle des années 1940-1945; la mère était la fille d’un grand chef respecté de la région.
L’enfant terrible de la Nouvelle-Calédonie qui fera ses premiers pas à l’école primaire catholique de Ouaré à Hienghène, poursuivra en 1949 ses études au petit séminaire de Païta. A la fin de ce cycle, il s’inscrit au noviciat de l’école de Pin où il achèvera ses études, le conduisant au sacerdoce royale, en 1965, devenant le premier prêtre noir de Hienghène.
Fort distingué dans ses prêches augmentant la graine de sa foi, deux ans plus tard, en 1967, il sera nommé second vicaire à la Cathédrale de Nouméa.
Porté par la soif de la connaissance de l’homme dans la société, il s’orientera vers des études de sociologie à la Faculté catholique de Lyon où le Cardinal Emile Biayenda du Congo-Brazzaville, avait obtenu son doctorat en Sociologie en 1969. Jean-Marie Tjibaou s’inscrit ensuite, en 1970, en section ethnologie à l’Ecole pratique des hautes études, à Paris. La question de l’identité kanak le préoccupe au point où il se consacre par tous les moyens afin de la faire connaître à la face du monde, lui permettant de commencer une thèse sur le thème cher de l’identité culturelle qui malheureusement restera inachevée.
Quand la société Kanak vivra des changements pendant qu’il est en formation dans la métropole; les espoirs que nourrissent son peuple sur le territoire l’interpellent et le poussent de rentrer au bercail pour en prendre une part active. Celle consistant de faire entendre sa voix. Au mieux de renoncer à son habit de presbytère lui permettant d’être plus proche du peuple et plus libre dans ses prises de position. Il se marie à Marie-Claude Wetta avec qui il a eu quatre enfants.
Conscience éclairée de la nation, il défend la culture Kanak par l’organisation du festival « Mélanésia 2000 » avec Jacques Iekawé. Cette grande fête jette, pour la première fois, les bases de la promotion de la culture kanak en Nouvelle Calédonie, une manière de la porter sur le piédestal du monde. C’est une heureuse initiative qui attire l’attention des Territoires d’Outre-mer et donne la fierté à ce peuple lointain perdu dans l’Océanie.
Peu à peu, il prend goût au combat, cultive sa volonté, nourrit ses ambitions, assoit, à travers, la culture sa détermination politique, pour laquelle il devient le fer de lance. La plupart de ses discours ont pour point de chute : l’indépendance pour son pays natal.
Engagé en politique, grâce sa légitimité où la population lui attribue sa confiance, il s’entoure des jeunes turcs comme Yeiwene Yeiwene et Eloi Machoro.
Vice-président du parti indépendantiste de la Nouvelle-Calédonie en 1977, lors de son baptême en politique; la même année aux élections municipales de Hienghène, il est élu pour représenter et de défendre la cause de ses citoyens.
A la création du Front indépendantiste où il devient le leader charismatique et incontesté, il en est le chef de file à l’Assemblée territoriale chargé de négocier l’émancipation avec le pouvoir central.
En juin 1982 quand le jeu des alliances bascule en sa faveur, il est élu vice-président du Conseil de gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Poste qu’il occupera jusqu’au boycott actif des élections territoriales orchestrées par les indépendantistes, le 18 novembre 1984, pendant le règne du président François Mitterrand.
Présent sur le terrain pour la cause de son peuple à l’auto-détermination, il participe, en 1983, au nom du Front indépendantiste, à « la table ronde » de Nainville-Les-Roches. Une rencontre durant laquelle une reconnaissance est octroyée aux Kanaks « un droit inné et actif à l’indépendance ». Il se retrouve dans un tournant riche en événements car l’année suivante sera celle de la création du Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS), durant laquelle Jean-Marie Tjibaou prend les rênes de l’organisation politique.
Propulsé à la présidence du Gouvernement provisoire grâce à ses multiples responsabilités tant de porte-parole incontesté et incontestable des Kanaks, en 1984. Dans la charnière des années 1985-1986, il assure la présidence de la région Nord, issue du statut Fabius-Pisani; dont le premier est aujourd’hui Ministre des Affaires étrangères de la France.
Fort de sa connaissance des dossiers, de sa réputation ainsi que de son franc-parler, il participe aux Accords de Matignon, le 26 avril 1988, peu de temps après le drame d’Ouvéa sous l’égide de Michel Rocard et de Jacques Lafleur, respectivement, Premier ministre et président du RPCR, principal parti loyaliste en Nouvelle-Calédonie.
Acteur et interlocuteur de premier plan pour la quête de l’indépendance, sa détermination, fruit de sa volonté, est un facteur pouvant réguler et gérer avec dextérité, la furie raciale, tout en tempérant le processus de décolonisation sur une échelle graduelle de dix ans. Cette vision non comprise, a valu, à Jean-Marie Tjibaou avec son collaborateur précieux Yewene Yewene, l’assassinat sans commune mesure par un opposant indépendantiste, le 4 mai 1989.
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=hlsUDSbo3s0
La disparition tragique de Jean-Marie Tjibaou qui faisait l’honneur et la fierté de la Nouvelle-Calédonie, sur le plan de la politique internationale – attirait l’attention et l’écoute des étudiants que nous étions en Afrique – éteignait le flambeau de l’espoir et éloignait toute revendication du droit à l’auto-détermination du peuple Kanak .
Bernard NKOUNKOU