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Canada: Québec prêt à accueillir plus d’immigrants, s’ils sont francophones

novembre 9, 2022

Le gouvernement Legault réfléchit à créer une autre voie d’immigration pour les travailleurs et les diplômés francophones déjà installés au Québec, a appris Radio-Canada.

François Legault à l'Assemblée nationale

L’équipe de François Legault étudie différentes possibilités concernant les prochains seuils d’immigration, pour privilégier notamment les immigrants francophones. Photo : Radio-Canada/Sylvain Roussel

Il pourrait bientôt y avoir plus d’immigrants permanents au Québec. Mais uniquement s’ils sont francophones.

Le gouvernement Legault, qui s’était pourtant récemment fermement opposé à une hausse des seuils d’immigration, songe à la création d’un nouveau programme ou d’une nouvelle catégorie qui viserait spécifiquement les immigrants déjà installés au Québec.

On parle par exemple des diplômés d’une institution francophone – dans les universités et les cégeps – ou de travailleurs temporaires francophones bien intégrés au Québec depuis plusieurs années.

Cette idée est dans les cartons, nous ont confirmé plusieurs sources, tant du côté de Québec que d’Ottawa. Des discussions vont avoir prochainement lieu sur ce sujet.

L’objectif serait de garder ces familles, ces étudiants et ces travailleurs dans la province, en créant ainsi une autre voie plus rapide vers la résidence permanente.

Urgence de protéger la langue française

Selon nos informations, l’équipe de François Legault aurait pris conscience de l’urgence de protéger la langue française en attirant ainsi plus d’immigrants francophones de manière durable au Québec.

Voir les leviers qu’on a pour choisir plus de francophones, ça me semble être une priorité, nous a glissé une source gouvernementale, alors qu’Ottawa compte attirer 500 000 nouveaux résidents permanents par an d’ici 2025.

Le nombre d’immigrants admis au Québec comme résidents permanents, actuellement aux alentours de 50 000, pourrait ainsi augmenter, mais rien n’est encore formellement décidé, nous a-t-on précisé.

Aucun chiffre sur d’éventuels nouveaux seuils ne circule non plus. On est en train de brasser ça, a mentionné une autre source.

Le gouvernement Legault pourrait notamment proposer différentes options dans les prochains mois à Ottawa, mais aussi aux acteurs québécois du milieu de l’immigration.

Repoussées en raison de la campagne électorale, des consultations publiques sont prévues l’année prochaine pour définir le prochain plan triennal d’immigration au Québec.

Ça va aboutir assez vite, affirme-t-on, tout en soutenant qu’il faut également évaluer rigoureusement l’impact sur les logements et services sociaux.

Un inventaire toujours très important

Le Québec accueillera cette année un nombre record d’immigrants permanents. Outre les quelque 50 000 personnes initialement prévues, un rattrapage de 18 000 immigrants supplémentaires a été programmé, en raison de problématiques liées à la pandémie. Ces objectifs, selon des informations provenant d’Ottawa, sont en passe d’être remplis. Selon nos informations, ces seuils ne suffisent cependant pas à vider l’inventaire de demandes, toujours très important. À l’heure actuelle, plus de 40 000 travailleurs qualifiés québécois attendent leur résidence permanente, qui leur est délivrée en fonction des cibles de Québec.

Québec a déjà les pouvoirs, mais…

En réalité, rien n’empêche, à l’heure actuelle, Québec de revoir déjà ses critères de sélection et de choisir plus d’immigrants francophones dans les catégories économiques. Selon l’accord Québec-Ottawa en immigration, le gouvernement provincial dispose de ces pouvoirs.

Imposer une obligation de connaître la langue française pour immigrer au Québec n’est cependant pas à l’étude. Cette idée se heurte au monde des affaires – bien connu par la nouvelle ministre de l’Immigration Christine Fréchette – qui a déjà fait connaître son opposition.

Le milieu entrepreneurial privilégie, tout comme le gouvernement Legault, une francisation des immigrants, dès leur arrivée, à travers notamment les entreprises. Ainsi, ces dernières peuvent recruter plus aisément des travailleurs très convoités, anglophones, dans des secteurs de pointe.

Québec ne peut pas demander non plus à Ottawa de délivrer en priorité des résidences permanentes aux candidats francophones. Cette éventualité, nous a-t-on indiqué, pourrait se heurter aux tribunaux.

La création cependant d’un nouveau programme spécifique avec d’autres critères, comme l’envisage Québec, pourrait régler cette situation et faciliterait grandement les négociations avec Ottawa, qui verrait cette éventualité d’un bon œil.

Le plan d’immigration au Québec pour 2023 devrait être déposé d’ici la mi-décembre. Le prochain plan triennal, pour 2024-2026, sera quant à lui connu dans un an.

Avec Radio- Canada par Sébastien Bovet et Romain Schué

Du « racisme » à Immigration Canada

octobre 18, 2022

Ottawa s’engage à revoir ses procédures pour augmenter le taux d’acceptation des permis pour les étudiants africains francophones.

Les bureaux d'Immigration Canada à Montréal

Selon le gouvernement fédéral, le comportement de certains agents d’immigration pourrait expliquer la forte proportion de refus de demandes de permis d’études visant les étudiants africains francophones. Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers

« [Immigration Canada] reconnaît qu’il y a du racisme au Canada ainsi qu’au sein de sa propre organisation. »

Les mots sont forts et expliqueraient, en partie, le taux important de refus de permis d’étudiants visant des ressortissants africains francophones souhaitant venir au Canada, et particulièrement au Québec.

Cette phrase figure au milieu d’une réponse du gouvernement fédéral, donc du ministre de l’Immigration Sean Fraser, à un rapport publié à la fin du printemps réalisé par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM).

Ce document de 22 pages a été discrètement mis en ligne à la fin du mois de septembre et n’a fait l’objet d’aucune conférence de presse ni intervention publique du ministre.

Des refus par inadvertance

Ce constat survient après différents reportages, ces derniers mois, révélant des rejets massifs de demandes en provenance de certains pays d’Afrique. Cela a provoqué l’incompréhension et la colère des établissements d’enseignement et des demandeurs concernés.

Pour justifier ces refus, Immigration Canada leur reproche, la plupart du temps, une intention de rester au Canada à l’issue de leur formation. Pourtant, dans le même temps, Ottawa met en place des programmes fédéraux pour prolonger le séjour des étudiants étrangers.

Jusqu’alors, le ministère s’était défendu en affirmant que toutes les demandes sont traitées de manière identique, peu importe le pays d’origine.

Dans sa réponse au CIMM, le ministre Fraser se montre beaucoup plus critique envers le comportement des agents d’immigration de son ministère.

« Le gouvernement convient qu’il est possible d’en faire plus en ce qui concerne les préjugés raciaux et la discrimination au sein de l’organisation et de ses politiques, programmes et fonctions de traitement opérationnel. »— Une citation de  Extrait d’une réponse du ministre de l’Immigration, Sean Fraser

Par inadvertance, il y aurait ainsi des taux de refus plus élevés chez les étudiants africains, souligne Sean Fraser, tout en précisant qu’Immigration Canada lancera une nouvelle étude interne portant sur la « lutte contre le racisme » au « premier semestre de 2023 », avec une « ronde de discussions » menée auprès de ses employés.

Sean Fraser parle assis à une table de presse.

Le ministre canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser Photo : La Presse Canadienne/Adrian Wyld

Un comité de travail avec Québec en préparation

Ottawa, dans l’ensemble de ce rapport, se dit très ouvert à revoir ses processus et se montre favorable à une série de recommandations proposées par un comité parlementaire. Mais peu de détails sur la réalisation de celles-ci y sont mentionnés.

Le gouvernement, promet Sean Fraser, accepte de revoir le processus de sélection des étudiants étrangers. Ces derniers doivent être évalués en fonction de critères davantage liés à leur potentiel et à leur valeur, ajoute-t-il.

Immigration Canada, dit-il, doit déployer davantage d’efforts pour comprendre les différences entre le taux d’approbation des demandes de permis d’études qu’obtiennent les demandeurs africains et celui qu’obtiennent les demandeurs d’autres régions.

Les étudiants africains qui souhaitent rester vivre ou travailler au Canada après leurs études ne devraient pas être pénalisés, résume le ministre, en reconnaissant qu’il faut clarifier les directives à l’intention des agents.

« L’intention de demander la résidence permanente ne peut mener au rejet d’une demande de permis d’études. »— Une citation de  Extrait d’une réponse du ministre de l’Immigration, Sean Fraser

Le gouvernement Trudeau compte aussi renforcer le dialogue entre le Canada et le Québec.

Un groupe de travail conjoint sur les permis d’études sera formé cet automne avec l’objectif d’aboutir à des mesures concertées.

Là encore, malgré nos relances, Immigration Canada reste flou et n’a fourni aucun plan sur ce sujet. [On est] en train d’élaborer un mandat pour le groupe de travail afin de mieux définir ses objectifs et la fréquence des réunions, indique Isabelle Dubois, porte-parole du ministère.

Cette idée est cependant accueillie favorablement par Québec, qui, tout en garantissant sa pleine collaboration aux travaux, met la pression sur Ottawa.

« Le Québec souhaite observer des résultats rapidement dans ce dossier. »— Une citation de  Émilie Vézina, porte-parole du MIFI

Le MIFI demeure préoccupé par les taux d’acceptation des demandes de permis d’études des étudiants africains francophones, soutient Émilie Vézina, porte-parole du ministère québécois de l’Immigration.

Plus de transparence avec Chinook

Le logiciel Chinook est utilisé depuis 2018 par les agents d’immigration pour traiter les demandes de permis d’études. Celui-ci est vivement dénoncé par différents experts en raison de son opacité. Immigration Canada « est d’accord avec la nécessité de la transparence », écrit le ministre Fraser. Des « consultations publiques sur les nouvelles technologies » seront menées et une « évaluation » de Chinook sera faite, ajoute-t-il, tout en spécifiant que cet outil ne prend pas « lui-même de décisions ».

Une étudiante fait ses travaux devant une fenêtre.

Le taux de refus des demandes de permis d’études provenant de certains pays d’Afrique francophone dépasse les 80 %. Photo : Getty Images/Thomas Lohnes

Ouverture pour un ombudsman

Sans s’y engager pleinement, Ottawa compte également étudier la faisabilité de créer un bureau d’ombudsman. Une telle instance est réclamée depuis des années, à la fois par des organismes et des élus fédéraux, face à l’afflux de demandes et de problématiques liées à l’immigration.

On est content, très satisfait de voir cette ouverture, souligne Claire Launay, la porte-parole de l’organisme Le Québec, c’est nous aussi, qui milite pour la mise en place d’un bureau indépendant, capable de soulever des enjeux.

« On a besoin rapidement d’un projet de loi et d’un ombudsman qui a des pouvoirs, des dents. Il faut des mécanismes de recours pour les immigrants. »— Une citation de  Claire Launay, porte-parole de l’organisme Le Québec, c’est nous aussi

Le ministre Fraser promet au préalable un examen approfondi et diverses consultations, avant, éventuellement, de demander les pouvoirs et les ressources appropriés. Aucun échéancier n’est précisé.

C’est dommage de rallonger le processus, déplore néanmoins Claire Launay. Les preuves de l’utilité d’un ombudsman ne sont plus à démontrer.

Avec Radio-Canada par Romain Schué

Canada-Étudiants africains francophones refusés au Québec : « C’est un scandale! »

décembre 1, 2021

Depuis plusieurs années, les cégeps et les universités du Québec se heurtent à un problème commun et constant : les demandes de permis d’études provenant d’Afrique francophone sont massivement refusées par Ottawa.

Immigration Canada rejette massivement, depuis plusieurs années, les demandes de permis d'études provenant de certains pays d'Afrique francophone, au grand désarroi de nombreux établissements québécois.

© Ivanoh Demers/Radio-Canada Immigration Canada rejette massivement, depuis plusieurs années, les demandes de permis d’études provenant de certains pays d’Afrique francophone, au grand désarroi de nombreux établissements québécois.

«C’est un scandale!», s’emporte Sylvain Blais, le directeur général du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue.

L’an passé, les cégeps ont accueilli près de 5000 étudiants étrangers, dont plus de deux tiers de Français. Un nombre en hausse constante depuis une décennie.

Le nombre d’Africains est cependant famélique. On compte par exemple autant de Camerounais accueillis dans le réseau collégial public que de Chinois, soit environ 4 % des effectifs internationaux.

«Inacceptable», «discriminatoire», «un bourbier»

Au Québec, comme l’a expliqué Radio-Canada la semaine passée, le taux de refus de ces dossiers est nettement plus élevé que dans le reste du Canada.

En moyenne, tous pays confondus, 61 % des demandes de permis d’études visant un établissement québécois, qui avait déjà donné son accord à l’étudiant, ont été rejetées en 2020. Des chiffres bien différents de l’Ontario (47 %) et de la Colombie-Britannique (37 %), les deux autres provinces qui accueillent le plus d’étudiants étrangers au pays.

Ces données varient encore lorsqu’on se penche sur la citoyenneté de ces étudiants. L’immense majorité des demandes provenant du Sénégal, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Togo, de la Guinée, de l’Algérie ou de la République démocratique du Congo – des pays où la langue française est couramment utilisée – sont refusées par Immigration Canada.

Le ministre Fraser troublé

Selon l’entourage du nouveau ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, ce dernier aurait été troublé par ces récentes révélations. Il est au fait de l’enjeu, il se penche sur la question et a demandé des pistes de solution, car les chiffres semblent indiquer un problème», nous a-t-on glissé.

L’ensemble des universités et des cégeps contactés par Radio-Canada ignoraient jusqu’à maintenant ces données et l’ampleur de ces refus.

«C’est inacceptable et scandaleux», affirme, avec véhémence, le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay.

«Cette situation nuit à l’image des cégeps» qui tentent de recruter des étudiants à travers le monde «pour assurer la vitalité de nos programmes», reprend-il.

«On se bat, mais on fait face à une action bureaucratique indescriptible et un bourbier qui met vraiment à mal nos efforts», reprend Bernard Tremblay.

Le Cégep de Matane recrute désormais, en grande majorité, des étudiants français.

© Boris Firquet/Radio-Canada Le Cégep de Matane recrute désormais, en grande majorité, des étudiants français.

Face à cette problématique, des établissements ont confié à Radio-Canada avoir abandonné l’idée d’attirer des étudiants africains. C’est le cas par exemple du Cégep de Matane.

«On a consacré beaucoup d’efforts en Afrique du Nord, pour très peu de résultats. On a toujours été confrontés à la difficulté d’avoir ces permis», raconte Brigitte Lavoie, qui s’occupe du développement international de l’établissement.

Même constat dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. C’était 99 % d’énergie pour 1 % de rendement», se désole France Voisine, directeur adjoint des études du Cégep de Saint-Félicien.

«C’est une aberration totale, surtout au moment où il y a des besoins de main-d’œuvre», affirme Sylvain Blais.

«C’est incohérent», souligne pour sa part Sabrina Potvin, coordonnatrice au Cégep de Jonquière. Ce dernier a récemment haussé le ton pour déplorer le refus d’Immigration Canada visant des étudiants ghanéens, qui avaient pourtant obtenu une bourse d’excellence du Québec.

«C’est un non-sens et c’est préoccupant. On a besoin d’une explication. Est-ce qu’on recrute pour rien dans certains pays? On a besoin de savoir», lance-t-elle.

Un traitement différent pour l’Inde et la Chine

Face au nombre important de demandes de résidences temporaires provenant de l’Inde et de la Chine, Immigration Canada a lancé, dès 2018, un programme d’intelligence artificielle pour traiter les demandes de visas touristiques. Ce système, qui a pour objectif d’éliminer certains biais discriminatoires, a, depuis, été élargi à l’étude des demandes de permis d’études de ces deux pays, qui se comptent, annuellement, par dizaines de milliers.

Avant la pandémie, en 2019, le taux d’acceptation des demandes de permis d’études étaient de 64 % pour l’Inde et de 85 % pour la Chine.

Ce programme d’intelligence artificielle est différent de l’outil informatique utilisé par les agents d’immigration pour analyser les dossiers provenant d’autres pays. En 2018, pour accélérer le traitement de ces demandes, Immigration Canada a lancé Chinook. Il s’agit d’un système qui réunit différentes informations dans une feuille de calcul Excel, avant que l’agent ne prenne une décision finale.

Un plan» réclamé à Immigration Canada

Plusieurs universités tiennent un discours similaire. Ce phénomène n’est pas nouveau», regrette le chancelier de l’Université de Montréal, Frantz Saintellemy.

Ce dernier cite l’un des principaux motifs de refus avancés par Immigration Canada : la crainte, par les agents, que l’étudiant ne retourne pas dans son pays d’origine. Mais dans les faits, dit-il, c’est le genre d’immigrants qu’on veut. «Il aura développé des compétences, il se sera intégré. On veut qu’ils restent le plus longtemps possible.»

Pierre Cossette, qui est recteur de l'Université de Sherbrooke, préside le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI).

© /Radio-Canada Pierre Cossette, qui est recteur de l’Université de Sherbrooke, préside le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI).

Il y a un manque d’arrimage dans l’application des stratégies des gouvernements provinciaux et fédéral», constate Pierre Cossette, recteur de l’Université de Sherbrooke et président du Bureau de coopération interuniversitaire.

Ce n’est pourtant pas la première fois qu’un tel problème est soulevé. Au printemps, un rapport gouvernemental du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration avait mis en exergue cet enjeu.

Différents témoins ont relaté des exemples identiques, et les membres de ce comité avaient recommandé à Immigration Canada d’examiner les taux d’acceptation des étudiants étrangers dont les demandes sont traitées en Afrique, plus particulièrement dans les pays d’Afrique francophone» et d’élaborer un plan pour augmenter les taux d’acceptation des étudiants de cette région».

Une telle recommandation a-t-elle été suivie? Immigration Canada n’a pas répondu à nos questions.

Avec Radio-Canada par Romain Schué

Au Parlement panafricain, francophones et anglophones en viennent aux mains

juin 3, 2021
Lundi 31 mai, à Midrand en Afrique du Sud, l’élection des dirigeants du Parlement panafricain a tourné à la bagarre générale.

Les députés de cet organe consultatif de l’Union africaine, réunis à Midrand en Afrique du Sud, se déchirent à propos du mode de scrutin pour élire leur nouveau président.

Et l’hémicycle se transforma en arène. Un coup de pied s’élève au niveau du visage d’une parlementaire qui tentait de séparer deux députés. Une élue zimbabwéenne jette une bouteille d’eau sur un confrère. « Nous sommes agressés par l’Afrique du Sud ! » hurle une femme dans son micro. Le chaos. Par chance, le high-kick envoyé par le Sénégalais Djibril War au nez de sa consoeur sud-africaine Pemmy Majodina a manqué sa cible, et le coup de poing vengeur que celle-ci lui a adressé en retour ne l’a pas blessé. Une seule victime est à déplorer : la réputation du Parlement panafricain.

Fronde de l’Afrique australe

Cet organe de l’Union africaine, inconnu du grand public et sans pouvoir, doit renouveler son bureau composé d’un président et de quatre vice-présidents. Chacun de ces cinq élus sont issus d’une région différente (Afrique du Nord, de l’Ouest, de l’Est, centrale et australe) pour assurer une représentation équitable du continent. Cependant, le mode de scrutin (un parlementaire, un bulletin) ne garantit pas la présidence aux différents caucus. Depuis la création du Parlement en 2004, aucune élection n’a été remportée par l’Afrique australe. D’où la fronde des députés de cette région.

JE VAIS TE TUER QUAND ON SERA DEHORS, MENACE JULIUS MALEMA À L’ATTENTION D’UN HOMOLOGUE MALIEN

« C’est vrai que l’Afrique de l’Ouest est puissante », admet Haidara Aissata Cissé, candidate malienne à la présidence. Sans la suspension du Mali par l’Union africaine synonyme de disqualification, la députée se voyait déjà élue : « avec l’Afrique centrale et quelques pays d’Afrique du Nord, on gagne, c’est clair, affirme-t-elle. C’est la règle du jeu et c’est ça la démocratie. » Mais ce processus électoral déplaît aux députés d’Afrique australe, qui font de l’obstruction pour exiger une réforme du scrutin. Ils réclament une présidence tournante, comme cela se fait à l’Union africaine. « No rotation, no election », scandent-ils.

Premier blocage jeudi 27 mai, après l’annonce d’une contamination au Covid-19 d’un membre du personnel de l’Assemblée. Une fausse excuse pour repousser le vote, s’insurgent plusieurs députés francophones. « Les élections auront lieu, on ne va pas accepter ce report ! » défie l’un d’eux sous les applaudissements. Le Zimbabwéen Chief Fortune Charumbira, président par intérim et candidat à sa succession, appelle au respect des protocoles sanitaires et à la suspension de la séance. Les francophones lui reprochent une solidarité régionale avec les pays qui bloquent le processus électoral. « J’ai l’impression que tout est fait pour empêcher la tenue des élections », déplore un francophone.

La tension monte. Quelques rangs derrière, deux députés ont quitté leur siège et se pointent du doigt comme des escrimeurs. « Je vais te tuer quand on sera dehors », menace Julius Malema, leader du parti sud-africain des Combattants pour la liberté économique (EFF) à l’attention d’un homologue malien. Prêt à bondir, ce dernier finira par descendre quelques rangs plus bas pour se soustraire aux provocations de Malema. Un avant-goût des altercations à venir. La séance est levée, jusqu’à la semaine suivante.

Deux blocs linguistiques et culturels

Inlassablement, le lundi 31 mai et le mardi 1er juin, le sujet de la présidence tournante revient sur la table et envenime les débats. « On nous avait promis de mettre en place le principe de la rotation en 2015, puis en 2018 », s’agace un représentant de l’Afrique australe qui qualifie la situation de « crise ». « Les ennuis ont commencé quand Roger [le Camerounais Roger Nkodo Dang] a été réélu pour un deuxième mandat, souligne par téléphone Chief Fortune Charumbira. Ils nous promettent toujours que la prochaine fois sera celle de la rotation, mais c’est sans fin ! »

NOUS, LES AFRICAINS DE L’OUEST, ON VA VOUS MONTRER, NOUS AVONS UNE TRADITION DE BATAILLE

À mesure que la tension monte, le débat prend la forme d’une confrontation entre deux blocs linguistiques et culturels. « On ne va pas toujours avoir des élections francophones ici ! Ce n’est pas un Parlement francophone, c’est un Parlement africain », s’insurge un député dans l’angle mort d’une caméra. Interrogé par une télévision locale, Julius Malema allume une nouvelle mèche : « Les francophones admirent toujours leurs colonisateurs, ils continuent de vénérer les symboles de la France. D’ailleurs ils se perçoivent comme français. Ils nous voient comme leurs ennemis, mais nous on ne les voit pas comme ça. »

Retourné à son hôtel, le député sénégalais Djibril War se dit victime d’insultes. « Ils nous prennent pour des petits sauvageons, mais nous on a notre dignité. Ils nous traitent de tous les noms avec leurs vassaux. » Auteur du coup de pied (il s’est excusé auprès de la députée sud-africaine et a affirmé qu’il ne voulait pas la viser), War ne verse pas dans la repentance : « Nous, les Africains de l’Ouest, on va vous montrer, nous avons une tradition de bataille. »

« Appelez la police, c’est urgent ! »

Symbole de cette confrontation, la bagarre générale du 1er juin pour arracher l’urne en plastique censée recueillir les bulletins de vote. Effrayé par la tournure des événements, un député lusophone s’en remet aux forces de l’ordre : « Appelez la police s’il vous plaît, c’est urgent ! On n’est pas venu ici pour assister à une bagarre. » La police n’interviendra pas. Son mandat est de protéger le Parlement des agressions venues… de l’extérieur. Sur Twitter, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, dénonce « des scènes de violence choquantes ». Dans une lettre envoyée aux parlementaires, il suggère de suspendre toute activité pendant un mois.

« Aucun député n’est prêt à revenir en Afrique du Sud », prévient le Camerounais Roger Nkodo Dang, qui dénonce un climat d’insécurité. « On peut faire la session dans n’importe quel autre pays », ajoute la Malienne Haidara Aissata Cissé. De son côté, Julius Malema demande l’intervention de l’UA et requiert une suspension de séance jusqu’en octobre prochain.

Déjà fortement ralentie par la pandémie, l’activité du Parlement risque de s’enliser. « Notre mandat, ce n’est pas la rotation, ce n’est pas la présidence, c’est s’attaquer aux problèmes des peuples africains », martèle Roger Nkodo Dang. À la radio sud-africaine, les auditeurs se passionnent pour ce Parlement dont ils ignoraient pourtant tout la veille. Étonné par cette soudaine popularité, le présentateur interroge : « On sait ce qu’a déjà réalisé ce Parlement ? Va falloir creuser ce sujet ! »

Avec Jeune Afrique par Romain Chanson

Canada: La Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan présente son nouveau CA

juin 28, 2020
Céline Moukoumi est la présidente sortante de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan.
© Gabrielle Proulx/Radio-Canada Céline Moukoumi est la présidente sortante de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan.
La Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS) a un nouveau conseil d’administration. Les membres ont été présentés samedi lors de l’assemblée générale annuelle tenue sur la plateforme ZOOM en raison de la pandémie de COVID-19.

Sylvie Niyongere succède à Céline Moukoumi à la présidence de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan.

Le conseil d’administration de la CAFS est maintenant composé de Anne Yvette Sibomana, Sylvie Niyongere, Oumar Sylla, Yvonne Muhabwampundu, Marie Rose Kidudi, Amba Jeganaden Thungavelu et Melchior Niyonkuru.

«Un siège vacant pour la localité de Prince Albert-Humboldt sera comblé par le conseil d’administration», souligne la CAFS dans un communiqué qui date du 6 juin.

La CAFS a aussi profité de son assemblée générale annuelle pour présenter son budget pour l’année 2020-2021.

La programmation et les prévisions budgétaires de la prochaine année ont été acceptées par tous les membres présents à l’assemblée générale annuelle de samedi.

La CAFS a également annoncé qu’en date du 22 juin, elle n’a plus de dette.

Du côté de ses activités, la CAFS a annoncé que le Gala culturel africain se tiendra en décembre. La directrice générale Rosalie Umuhoza espère que les mesures mises en place par la province pour freiner la progression de la COVID-19 permettront la tenue de l’événement.

Par CBC/Radio-Canada avec les informations d’Emmanuelle Poisson