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Le gouvernement espagnol va créer une « commission vérité » sur le franquisme

juillet 11, 2018

La ministre espagnole de la Justice Dolores Delgado à Madrid, le 8 juin 2018 / © AFP/Archives / JAVIER SORIANO

Le nouveau gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez va créer une « commission vérité » sur la dictature de Francisco Franco et recenser les victimes de la guerre civile et du régime franquiste, a annoncé mercredi le ministère espagnol de la Justice.

Selon le ministère, une « réforme intégrale » de la loi de mémoire historique adoptée en 2007 va être lancée, notamment pour créer cette « commission vérité », dans un pays où les années de guerre civile (1936-1939) et de dictature (1939-1975) font encore largement débat.

Le gouvernement veut aussi annuler les décisions des « tribunaux d’exception » franquistes et « établir des plans de recherche des disparus de la guerre civile et de la dictature franquiste », poursuit le ministère.

Un « recensement officiel des victimes de la Guerre civile et de la dictature » sera par ailleurs publié.

Le gouvernement va aussi étudier les moyens de rendre « illégales » les organisations « qui font l’apologie du franquisme » comme la Fondation Francisco Franco, affirme encore le ministère.

Avec cet ensemble de mesures, le gouvernement compte « mettre fin à ce manque déchirant de justice qui nous humilie tous en tant que peuple », a déclaré la ministre de la Justice Dolores Delgado devant une commission parlementaire.

Dans « The Spanish Holocaust », l’historien britannique Paul Preston évalue à 200.000 le nombre de morts au combat durant la guerre civile et avance le même chiffre pour les assassinats et les exécutions, dont 150.000 victimes des franquistes.

Des milliers de personnes ont ensuite été exécutées dans les années 1940 pour leurs liens, réels ou supposés, avec la République écrasée par Franco.

Dès son arrivée au pouvoir, Pedro Sanchez a affiché sa détermination à transférer les restes du dictateur de son mausolée près de Madrid pour en faire un lieu de « réconciliation ». Une exhumation qui pourrait avoir lieu en juillet, selon ce qu’a laissé filtrer le gouvernement.

Ce mausolée dans le « Valle de los Caidos », à 50 kilomètres de Madrid, est un complexe monumental commémorant la guerre civile que le dictateur avait imaginé et fait construire. Sa tombe, toujours fleurie, voisine avec celle du fondateur du parti fascisant de La Phalange, José Antonio Primo de Rivera.

Au nom d’une prétendue « réconciliation » nationale, Franco y avait transféré les restes de 37.000 victimes – nationalistes et républicaines – de la guerre civile, généralement sans même en avertir les familles et alors qu’entre 1940 et 1959, ce complexe fut en partie construit par des prisonniers républicains, contraints au travail forcé et parfois morts sur le chantier.

Romandie.com avec(©AFP / 11 juillet 2018 18h58)

Le premier procès des « des bébés volés » du franquisme débute en Espagne

juin 26, 2018

Une personne tient un poupon lors d’une manifestation pour obtenir justice dans le scandale des « bébés volés » sous le régime de Franco, le 26 juin 2018 à Madrid / © AFP / OSCAR DEL POZO

Le premier procès des « bébés volés » du franquisme s’est ouvert mardi à Madrid, des décennies après les premières révélations sur ce scandale pouvant concerner des milliers de nouveau-nés soustraits à leur mère et confiés à des familles d’adoption sous la dictature de Franco.

Eduardo Vela, ex-obstétricien de 85 ans à la clinique San Ramon de Madrid, y est accusé par Inès Madrigal, employée des chemins de fer de 49 ans, de l’avoir séparée de sa mère biologique et d’avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969.

Vela, l’air hagard et la voix affaiblie, a été interrogé une trentaine de minutes. Dénoncé depuis longtemps par la presse et des associations, il est le premier à s’asseoir sur le banc des accusés, grâce au témoignage de la mère adoptive d’Inès Madrigal, Inès Pérez, décédée depuis.

Cette dernière, qui ne pouvait pas avoir d’enfant, a raconté que le médecin lui avait proposé un bébé avant de lui demander de simuler une grossesse pour la déclarer comme mère biologique du nouveau-né.

Durant l’instruction, Vela avait reconnu en 2013 avoir signé « sans regarder » le dossier médical indiquant qu’il avait assisté à l’accouchement. Mais mardi, il a démenti: « ce n’est pas la mienne (ma signature), je ne m’en souviens pas », a-t-il dit.

Inès Madrigal, acclamée par une cinquantaine de personnes brandissant des pancartes réclamant « justice », a souligné que ce procès n’était pas juste le sien. « Il va au-delà », a-t-elle déclaré car désormais « tout le monde sait que des enfants ont été volés dans ce pays ».

L’audience s’est achevée mardi vers 11H00 GMT. Le procès reprendra mercredi à 08H00 GMT pour un deuxième et dernier jour d’audience. Aucune date n’a été fixée pour l’annonce du verdict. Le parquet a réclamé onze ans de prison à l’encontre de Vela.

– « Impunité » –

« Une mère ne peut jamais oublier son enfant », a insisté Madrigal, qui a confié devant le tribunal avoir ressenti un « coup de massue terrible » qui l’a « démolie émotionnellement » lorsqu’elle a découvert la vérité.

Dans le cadre de ce trafic, entamé sous la dictature de Franco (1939-1975) souvent avec la complicité de l’Eglise catholique, les enfants étaient retirés à leurs parents après l’accouchement, déclarés morts sans qu’on leur en fournisse la preuve et adoptés par des couples stériles, de préférence proches du régime « national-catholique ».

Après la guerre civile (1936-1939), l’objectif était de punir les opposantes accusées de transmettre le « gène rouge » du marxisme, affirme Soledad Luque, présidente de l’association « Tous les enfants volés sont aussi mes enfants ».

Manifestation pour obtenir justice dans le scandale des « bébés volés » sous le régime de Franco, le 26 juin 2018 à Madrid / © AFP / OSCAR DEL POZO

Puis ce sont les enfants nés hors mariage, ou dans les familles pauvres ou très nombreuses, qui ont été davantage visés à partir des années 1950. Le trafic a perduré sous la démocratie, au moins jusqu’en 1987, pour des motifs « presque purement économiques », poursuit-elle.

C’est le cas de Carmen Lorente, 55 ans, qui s’est vue enlever son bébé en 1979. « Deux jours après la naissance, ils m’ont dit qu’il était mort, qu’il s’était étouffé dans mon ventre. Mais je l’avais entendu pleurer », a-t-elle raconté émue à l’AFP.

Au total, selon les associations, des dizaines de milliers de bébés pourraient être concernés.

Mais malgré l’ampleur du scandale, dénoncé pour la première fois dans la presse en 1982, aucune des plus de 2.000 plaintes déposées selon les associations n’a abouti. « Ce qui unit les trois époques, c’est le mot impunité », affirme Soledad Luque, dont la plainte visant à retrouver son frère jumeau a été classée.

Le même phénomène s’est reproduit pendant la dictature militaire (1976-1983) en Argentine où des nouveau-nés, environ 500, ont été arrachés à des détenues et confiés en adoption à des familles soutenant le régime.

– Espoir et résignation –

« C’est un jour très important pour tous ceux qui ont été touchés, et pour toutes les mères. Parce que le fait que ce monsieur s’asseye sur le banc des accusés crée un précédent », a estimé Carmen Lorente.

Mais après tant d’années, la résignation guette les familles. Les protagonistes disparaissent en effet au fil des années, comme la religieuse Maria Gomez Valbuena, souvent dépeinte comme la tête du trafic à Madrid et morte avant d’être jugée.

Romandie.com avec(©AFP / 26 juin 2018 13h53)