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Tunisie : fermeture de mosquées et de médias après la mort de 15 soldats

juillet 20, 2014
Funérailles d'un soldat tué dans une attaque sur le mont Chaambi en Tunisie, le 19 juillet 2014. © AFP

Funérailles d’un soldat tué dans une attaque sur le mont Chaambi en Tunisie, le 19 juillet 2014. © AFP

Le gouvernement tunisien a annoncé une série de mesures, dont la fermeture de mosquées et celle de médias « appelant au jihad », suite à la mort de 15 soldats dans une attaque cette semaine.

Dans un communiqué publié dans la nuit de samedi à dimanche, les autorités ont annoncé « la fermeture immédiate des mosquées se trouvant hors de la supervision du ministère des Affaires religieuses » jusqu’à la nomination de nouveaux responsables pour ces lieux de culte, ainsi que celle des « mosquées où la célébration de la mort de nos soldats a été confirmée ».

Après la révolution qui a renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011, de nombreuses mosquées sont tombées aux mains de radicaux, devenant selon les autorités des foyers d’appels à la violence. Ces mesures interviennent suite à l’assaut qui a tué 15 soldats mercredi soir sur le mont Chaambi, où l’armée traque un groupe accusé de liens avec Al-Qaïda. Il s’agit de la pire attaque de l’histoire de l’armée tunisienne.

Un commando de 40 à 60 « terroristes »

D’après les autorités, de 40 à 60 « terroristes » armés de mitrailleuses, de grenades et de lance-roquettes ont ouvert le feu sur des soldats dans cette région montagneuse à la frontière algérienne. La Tunisie fait face depuis 2011 à un essor de la mouvance jihadiste, et une cinquantaine de membres des forces de l’ordre ont été tués dans des attaques impliquant des groupes armés.

Le gouvernement a également annoncé « la fermeture immédiate des radios et télévisions sans licence et qui se sont transformées en (…) espaces pour le takfir (l’acte de déclarer une personne infidèle, ndlr) et l’appel au jihad ». Dans un nouveau communiqué dimanche, le bureau du Premier ministre Mehdi Jomaa a indiqué que le gouvernement avait décidé de fermer la radio religieuse Nour et la chaîne télévisée Al-Insen.

« Ligne rouge »

Le paysage audiovisuel tunisien reste en plein chantier plus de trois ans après la révolution, et de nombreuses radios et télévisions opèrent sans autorisation. Les autorités doivent aussi prendre « les mesures nécessaires pour faire face aux pages incitant à la violence, au terrorisme et au takfir sur les réseaux sociaux ».

Le gouvernement indique enfin « considérer les institutions sécuritaire et militaire comme une ligne rouge », affirmant que « toute personne, groupe, parti ou institution les dénigrant s’expose à des poursuites judiciaires et militaires ».

Jeuneafrique.com avec AFP

Tunisie : Ali Larayedh présente son gouvernement

mars 8, 2013
Le Premier ministre tunisien, Ali Larayedh, le 7 mars 2013 à Tunis. Le Premier ministre tunisien, Ali Larayedh, le 7 mars 2013 à Tunis. © AFP/Fethi Belaid

Accouchement au forceps du gouvernement tunisien d’Ali Larayedh. Le nouveau né reste dans la lignée du précédent exécutif, sauf pour les ministères de souveraineté devenus indépendants.

Il a fallu qu’Ennahdha parti au pouvoir se rende à l’évidence. Pour sortir la Tunisie d’une impasse politique et d’une crise socio économique sans précédent, elle devait accepter un nouveau gouvernement, suggéré et soutenu par l’ancien chef du gouvernement Hamadi Jebali depuis juillet 2012. Aujourd’hui, c’est chose faite. Ali Larayedh, successeur de Jebali et ancien ministre de l’Intérieur, a bouclé son tour de table sans avoir élargi le nouvel exécutif à d’autres familles politiques que celles de la troïka préalablement en place.

Le noyau dur de cette alliance entre Ennahdha, le Congrès pour la république (CPR) et Ettakatol est donc toujours présent pour gérer les affaires de l’État. Le remaniement porte sur la moitié du gouvernement et est marqué par l’arrivée de nombreux indépendants tandis que certains ministères, comme celui de l’Environnement, deviennent des secrétariats d’État. Cette composition non élargie signifie beaucoup. Ennahdha, au fur et à mesure de négociations marathon qui ont duré 15 jours, a concédé peu de choses si ce n’est l’indépendance des ministères régaliens.

>> Sondage : quelle feuille de route pour le gouvernement tunisien ?

Les revendications portant sur la dissolution des ligues de protection de la révolution, la révision des nominations effectuées depuis les élections du 23 octobre 2011, ainsi que sur la fin de la mission du nouvel exécutif au 31 décembre, n’ont pas abouti. Ainsi, les ministères régaliens échoient comme prévu à des indépendants dont trois magistrats : Lotfi Ben Jeddou, procureur de la République à Kasserine, à l’Intérieur ; Rachid Sabbagh, ancien président du Conseil supérieur islamique, à la Défense ; Leïla Bahria, juge, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Le ministre Othman Jerandi est quant à lui un ancien diplomate de carrière et le ministère de la Justice sera dirigé par un juriste, Noureddine Ben Ammou. Industrie, Enseignement, Santé, Culture, Sport, Équipement et Justice transitionnelle sont des portefeuilles toujours détenus par les mêmes formations.

« Chaises musicales »

Cependant, ce n’est pas tant la composition de cette équipe ou la répartition entre les différents partis qui est essentielle, mais la feuille de route qui sera adoptée et les relations avec la classe politique et la société civile qui en résulteront. Des proches du chef du gouvernement affirment que les priorités sont très proches de celles fixées par les principaux partis lors de la consultation qu’avait menée Hamadi Jebali avant que son initiative d’un gouvernement de technocrates ne soit déboutée par Ennahdha – avec comme conséquence sa démission, le 21 février. D’autres estiment que le nouvel exécutif adoptera la même ligne que le précédent, puisque les portefeuilles sont attribués aux mêmes personnes – dont le bilan mitigé avait entraîné une crise gouvernementale.

D’entrée de jeu, la tâche de l’équipe Larayedh ne sera donc pas facile. D’autant que les augmentations du prix des carburants accentuent la grogne sociale et que d’importants mouvements de grève sont annoncés. « Ils ont tourné en rond pendant des mois pour finir par nous offrir un savant jeu de chaises musicales où on ne prend pas tout à fait les mêmes mais où on recommence », assène un médecin de la santé publique en colère pour ses conditions. Tout aussi désabusé, le constitutionnaliste Ghazi Grairi déclare quant à lui « qu’il n’y a pas de quoi pavoiser ! »

Composition du nouveau gouvernement tunisien :

  • Lotfi Ben Jeddou, procureur de la République à Kasserine, à l’Intérieur
  • Othman Al Jarandi, journaliste de formation et diplomate de carrière aux Affaires étrangères
  • Rachid Sebbagh, magistrat, à la Défense et Conseil supérieur islamique
  • Abdelwaheb Maatar, ancien ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle au commerce
  • Jamel Gamra, ancien Président Directeur Général de la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) au Tourisme
  • Salem Labiadh, sociologue et militant d’Ennahdha au ministère de l’Éducation
  • Noureddine B’hiri, ministre chargé des Affaires politiques auprès du chef du couvernement

Jeuneafrique.com par Frida Dahmani

Tunisie: le meurtrier présumé de Chokri Belaïd identifié mais en fuite

février 26, 2013
Tunisie: le meurtrier présumé de Chokri Belaïd identifié mais en fuite Tunisie: le meurtrier présumé de Chokri Belaïd identifié mais en fuite © AFP

Le meurtrier présumé de l’opposant tunisien Chokri Belaïd a été identifié mais reste en fuite, et quatre personnes soupçonnées d’être ses complices, qui appartiendraient à la « mouvance salafiste », ont été arrêtés, a annoncé mardi le ministre de l’Intérieur, Ali Larayedh.

« Le tueur a été identifié et il est pourchassé », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. « Les quatre autres suspects ont été arrêtés. Ils appartiennent à un courant religieux radical », a ajouté M. Larayedh, qui est appelé à former le prochain gouvernement tunisien, évoquant « ce qu’on appelle la mouvance salafiste ».

Selon M. Larayedh, les quatre personnes soupçonnées de complicité « ont surveillé la victime pendant quelques temps et le jour du crime, l’un des suspects a avoué avoir accompagné le tueur ».

Le ministre de l’Intérieur a fait ces annonces après que plusieurs sources policières ont indiqué lundi à des médias tunisiens et à l’AFP que le meurtrier présumé et l’homme soupçonné d’avoir permis sa fuite à moto avaient été arrêtés, précisant qu’ils appartenaient à la mouvance salafiste.

Il s’est refusé de donner des informations sur l’éventuel commanditaire de l’assassinat.

La mouvance salafiste jihadiste est, selon les autorités, responsable de nombre de coups d’éclats, certains sanglants, comme l’attaque en septembre de l’ambassade des Etats-Unis, ayant fait quatre morts parmi les assaillants.

Le parti islamiste au pouvoir Ennahda, auquel appartient M. Larayedh, est taxé de laxisme voire de complaisance à l’égard de cette mouvance rigoriste de l’islam sunnite.
 Jeuneafrique.com avec AFP

Crise en Tunisie : le coup de poker de Hamadi Jebali

février 11, 2013

En faisant cavalier seul, Hamadi Jebali a aquis une stature d'homme d’État. En faisant cavalier seul, Hamadi Jebali a aquis une stature d’homme d’État. © AFP

Faute de consensus au sein de la troïka sur un remaniement ministériel, le chef du gouvernement tunisien, Hamadi Jebali, met sa démission dans la balance. Et menace de passer en force en affrontant ouvertement l’aile dure d’Ennahdha, son propre parti.

Hamadi Jebali a souvent affirmé que sa lettre de démission était prête. Mais, samedi 9 février, le chef de l’exécutif tunisien a pris tout le monde de court, surtout sa famille politique, Ennahdha, en la mettant dans la balance pour pouvoir former un gouvernement de technocrates « sans appartenance apolitique ». Les ministres de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères sont en particulier concernés par cette décision, alors qu’Ennahda refuse depuis des mois de lâcher ces portefeuilles. Quant aux futurs membres du gouvernement, ils devront aussi s’engager à ne pas participer aux prochaines élections, affirme Jebali.

L’assassinat de Chokri Belaïd, secrétaire général du parti El Watad, le 6 février, aurait pu affaiblir sa position. Son gouvernement est plus que jamais critiqué pour la crise économique et son parti pointé du doigt pour avoir une responsabilité morale dans l’exécution du militant démocrate. Mais grâce à sa fermeté il pourrait gagner son pari, malgré les menaces d’agitation brandies par les radicaux de son camp, car il a non seulement l’appui des partis laïcs, mais aussi la force de la loi avec lui. Selon celle dite d’organisation provisoire des pouvoirs publics, le chef du gouvernement peut « créer, modifier et supprimer les ministères et les secrétariats d’État, et fixer leurs attributions et prérogatives, après délibération du Conseil des ministres et information du président de la République ».

Mini-putsh

Jebali presse aussi l’Assemblée nationale constituante (ANC) de fixer des élections au plus vite. Problème : la Constitution est encore en friche.

Le défi est de taille. Car si Hamadi Jebali a été parmi les premiers à reconnaître, en juillet 2012, le manque de performance de ses ministres et la difficulté de coordonner une équipe comptant pas moins de soixante membres, il peine depuis lors à opérer un remaniement convenant à Ennahdha, à Ettakatol et au Congrès pour la République (CPR), les trois partis à la tête de la Tunisie. Cet originaire de Sousse , incarcéré pendant 16 ans dont 10 en isolement sous Ben Ali, est certes monté au créneau avec courage, assurant avoir pris sa décision à l’insu de tous – y compris de son propre parti -, il n’a cependant rien révélé quant à cette nouvelle équipe ni à la date de son entrée en fonction.

Jebali presse aussi l’Assemblée nationale constituante (ANC) de fixer des élections au plus vite, mais la Constitution est encore en friche. Le type de régime politique n’a pas été choisi et il est nécessaire de préparer la loi électorale et de relancer les instances de gestion des élections. Reste qu’avec ses airs placides, Hamadi Jebali a opèré ce qui ressemble à un mini-putsch en se démarquant de l’emprise de Rached Ghannouchi et du Conseil consultatif d’Ennahda dans la gestion des affaires.

Ambiguités

Pourtant, l’ancien directeur du journal d’Ennahdha, El-Fajr, est d’abord un fidèle du parti islamiste, tout acquis à sa famille politique malgré ses divergences avec une aile dure qui refuse de céder le moindre centimètre sur les ministères régaliens. Mais le pays va trop mal, selon lui, pour tergiverser. Et en faisant cavalier seul, Jebali acquiert une stature d’homme d’État, tout en confirmant indirectement les dysfonctionnements d’une troïka gouvernementale qui aura du mal à survivre à un remaniement.

L’ancien prisonnier qui taillait des pièces d’échecs dans des savonnettes, pourrait changer la donne – ainsi que le devenir de l’islam politique – en Tunisie.

La position de cet homme de 63 ans – atteint de troubles cardiaques et spécialiste des lapsus malencontreux – sera quand même délicate car il demeure Secrétaire général d’Ennahdha. Dans ces conditions, comment envisage-t-il de conduire une équipe d’indépendants ?  « Hamadi Jebali représente une tendance moderne et modérée mais, étant minoritaire, il ne pèsera pas lourd lors des grandes prises de décision », avaient prédit des observateurs. Ils se sont trompés.

L’ancien prisonnier qui taillait des pièces d’échecs dans des savonnettes, pourrait rallier les modérés, les conservateurs et changer la donne – ainsi que le devenir de l’islam politique – en Tunisie. Certains rappellent cependant que l’impopularité gouvernementale n’est pas due à un simple manque de compétences, mais également aux ingérences politiques dans les affaires judiciaires et aux positions liberticides du gouvernement.

Jeuneafrique.com par Frida Dahmani, à Tunis