Les plus de 66 000 membres de la Fédération autonome de l’enseignement sont en grève générale illimitée depuis le 23 novembre. Ce débrayage met certains d’entre eux dans une situation de précarité. Photo : La Presse Canadienne/Jacques Boissinot
Au Québec, les moyens de pression dans le secteur public pèsent lourd sur le portefeuille de certains membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), en grève depuis le 23 novembre. Pour tenter de remédier à cette situation, deux enseignantes ont décidé de créer un groupe Facebook d’entraide.
Geneviève Groleau et Marjorie Guilbault sont les créatrices de la page Entraide pour les profs en grève
. Elles ont décidé de lancer cette initiative pour jumeler de bons Samaritains avec des enseignants qui peinent à joindre les deux bouts en raison du conflit de travail dans le secteur public.
On est deux filles, deux enseignantes qui ont voulu soutenir leurs collègues. On se bat pour les mêmes choses
, explique Geneviève Groleau.
Elle-même est membre de la FAE. Elle reconnaît que la grève l’a placée dans une situation précaire.
Ça se passe difficilement. Il y a eu des ententes de paiement que j’ai dû faire, il y a eu des reports de paiements. […] J’essaie de pas trop m’attarder à ça. J’essaie d’y aller une journée à la fois.
Grèves dans le secteur public au Québec
Pour sa part, Marjorie Guilbault est membre de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ). Elle n’est donc pas en grève générale illimitée, mais elle raconte qu’elle a été témoin de la détresse de certains collègues sur les réseaux sociaux.
Je voyais beaucoup de publications sur Facebook d’enseignantes qui se demandaient comment elles allaient arriver.Une citation deMarjorie Guilbault, enseignante et cocréatrice du groupe « Entraide pour les profs en grève »
Il était important pour elle-même et pour Geneviève Groleau que les bénéficiaires demeurent anonymes.
On fait du jumelage. Autrement dit, on garde une confidentialité des personnes qui demandent, parce qu’on s’est rendu compte que pour les enseignantes, demander de l’aide, c’est un apprentissage
, estime-t-elle.
Geneviève Groleau (à gauche) et Marjorie Guilbault (à droite) sont les deux enseignantes à l’origine du groupe «Entraide pour les profs en grève». Photo: Radio-Canada
La grande majorité des demandes faites dans ce groupe concernent des dons de nourriture, selon Marjorie Guilbault.
C’est l’épicerie, la nourriture, 90 % du temps. Il y a aussi des demandes pour de l’essence. Il y a eu des dons de vêtements.
À l’approche du temps des Fêtes, l’achat de cadeaux de Noël est aussi une grosse source de stress pour les parents, selon Geneviève Groleau.
J’ai des enseignantes qui ont carrément dit à leurs enfants : « Fais ta liste. Mais on va voir s’il y a des cadeaux. »Une citation deGeneviève Groleau, enseignante et cocréatrice du groupe « Entraide pour les profs en grève »
Une option qui gagne en popularité
Le groupe Entraide pour les profs en grève
connaît une grande popularité depuis sa création.
Dans les premières 24 heures, on avait 2000 membres. On avait déjà donné quelques centaines de dollars. En date d’aujourd’hui, on est entre 3000 et 4000 $ de dons de toutes sortes
, relate Geneviève Groleau.
Dimanche après-midi, le groupe comptait plus de 5100 membres.
Il y a des gens qui ont donné 300 $. Il y a des enseignantes, elles-mêmes en grève générale illimitée, qui ont donné à plusieurs autres enseignantes. C’est incroyable de voir ça
, constate Marjorie Guilbault.
Des enseignants en détresse
Avec ce groupe Facebook, Geneviève Groleau et Marjorie Guilbault répondent aux besoins de certains grévistes pris de court par un débrayage prolongé.
La FAE n’a pas de fonds de grève, ce qui signifie qu’aucune compensation financière n’est versée aux syndiqués en cas de débrayage. Les membres d’autres syndicats ont pour leur part décidé de verser des cotisations qui leur permettent de recevoir une partie de leur salaire durant des périodes de grève.
Geneviève Savard est une enseignante affiliée à la FAE. Elle a bénéficié de l’aide offerte par le groupe Entraide pour les profs en grève
.
J’ai été voir c’était quoi, puis j’ai écrit un petit message en privé pour dire c’était quoi ma situation, qu’est-ce qui pourrait potentiellement poser problème dans les semaines à venir. Puis, rapidement, on m’a contacté pour me dire : « Geneviève, il y a une dame qui a levé la main et qui aimerait aider une maman qui a besoin d’aide. » Donc, on m’a jumelée en privé avec elle
, explique-t-elle.
Geneviève Savard est une enseignante affiliée à la FAE et mère monoparentale de la région de l’Outaouais. Photo : Radio-Canada
Elle reconnaît qu’il peut être difficile de demander de l’aide. J’ai une super bonne carrière. Je suis allée à l’université. C’est un boulot que j’adore, sauf que je n’arrive pas. Puis au moindre truc comme ça, où est-ce qu’on me coupe mon salaire, j’appelle ça la traversée du désert.
Puis, c’est dur de le dire. J’ai besoin d’aide.Une citation deGeneviève Savard, enseignante affiliée à la FAE
Ce n’était pas possible pour moi non plus d’aller chercher de l’aide supplémentaire auprès de la banque. Donc, je n’ai pas eu le choix de parler. C’est difficile d’avouer, de dire : « Je suis vraiment dans une situation précaire. »
Samedi, la FAE a déposé une contre-offre au gouvernement du Québec. La présidente de la Fédération, Mélanie Hubert, a assuré que son syndicat était prêt à négocier toute la fin de semaine. En cas d’entente de principe, il faudra cependant que le conseil fédératif de négociation se rencontre pour l’adopter et pour décider de mettre fin à la grève.
Selon Mélanie Hubert, la contre-offre déposée par la FAE «est exigeante au niveau des besoins des profs». Photo : La Presse Canadienne/Jacques Boissinot
Malgré tout, Geneviève Groleau souligne que le désir de demeurer en grève tant qu’il le faudra est toujours présent.
Le désir de rester en grève est là. Mais le désir de tomber en mode solution [aussi].
Avec Radio-Canada