Posts Tagged ‘Guillaume Soro’

[Série]-Afrique-Sauve qui peut : quand les hommes de pouvoir prennent leurs jambes à leur cou !

novembre 29, 2021
« Jeune Afrique » © JA

Bozizé et Patassé, Mobutu, Bédié, Amadou Toumani Touré, Mnangagwa, Atangana Kouna… Tous ces hommes qui ont un jour été puissants, et qui parfois le sont redevenus, ont un point commun : ils ont été contraints de quitter leur pays. Toute la semaine, « Jeune Afrique » vous fait le récit de ces fuite inattendues, et parfois rocambolesques.

Il y a quelque chose de fascinant dans la fragilité du pouvoir. Un jour, on est tout-puissant et le lendemain, on n’est plus rien. Il faut fuir pour sa vie ou pour sa liberté. Le téléphone ne sonne plus, les privilèges se réduisent à peau de chagrin, parfois même on s’ennuie.

À quoi cela tient-il ? Quand des erreurs ont-elles été commises ? À quel moment le rapport de force s’est-il inversé ? Ce sont quelques-unes de ces histoires que Jeune Afrique a décidé de vous raconter tout au long de cette semaine.

Il y a ce jour de 2012 où le président malien Amadou Toumani Touré n’a eu d’autre choix que de dévaler à pied, le genou douloureux, la colline de Koulouba pour échapper aux putschistes qui tiraient sur le palais présidentiel. Preuve, s’il en fallait, que quand il s’agit de sauver sa peau, beaucoup sont prêts à tout et rivalisent d’ingéniosité.

EN 2017, EMMERSON MNANGAGWA REDEVIENT LE JEUNE MAQUISARD QU’IL FUT, MARCHANT ET RAMPANT DANS LES MARAIS

En témoigne l’histoire du Centrafricain Ange-Félix Patassé qui, en 1982, n’hésite pas à enfiler un boubou pour échapper aux hommes de Kolingba, tandis que son complice, François Bozizé, trouve son salut dans un faux plafond. En 2017, Emmerson Mnangagwa, exclu du pouvoir par Robert (et Grace !) Mugabe, redevient le jeune maquisard qu’il fut, marchant et rampant dans les marais pour parvenir à quitter le Zimbabwe. Quant à l’ancien ministre camerounais Basile Atangana Kouna, il fut contraint de fuir en voiture, nuitamment et par la route, pour être finalement rattrapé dans un hôtel au Nigeria. Il croupit depuis en prison.

Symbole

Il y a aussi ces présidents, le Congolais Mobutu Sese Seko en berline, l’Ivoirien Henri Konan Bédié en hélicoptère, devenus aveugles aux signaux et sourds aux alertes, qui durent quitter leur pays en riches et vilipendés fuyards.

Cette série ne prétend absolument pas à l’exhaustivité. Nous aurions pu faire le récit de la fuite en pirogue de l’Ivoirien Guillaume Soro travesti lors du coup d’État manqué de 2002, de celle du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, en 2011, ou plus récemment, en juin dernier, de celle du conseiller de Joseph Kabila, Kikaya Bin Karubi, qui se cacha dans un bateau et puis dans un avion pour quitter la RDC.

Mais les récits que nous vous livrerons chaque jour de la semaine ont sans doute valeur de symbole – et peut-être de morale. Certains de nos fugitifs ont mis des années à revenir au pays, d’autres y sont devenus plus puissants encore que quand ils en étaient parti

Avec Jeune Afrique

Côte d’Ivoire : sous les braises, la paix

juillet 4, 2021
Laurent Gbagbo, le 20 juin, à la Cathédrale Saint Paul d’Abidjan.

Le 17 juin, l’ex-président Gbagbo, acquitté par la justice internationale, est rentré dans son pays. L’événement, aussi historique soit-il, ne suffira pas à permettre la réconciliation nationale tant attendue. Les adversaires d’hier doivent faire leur aggiornamento.

En matière de trajectoires politiques nationales, le pire n’est jamais sûr et le meilleur rarement garanti. Ce n’est que bien après les événements – même censément historiques comme le retour d’un ex-président acquitté par la justice internationale – que l’on constate, avec le recul, si telle ou telle période remarquable fut un véritable point d’inflexion…

Enivrée ou traumatisée par le retour au pays natal du « Christ de Mama », la Côte d’Ivoire de 2021 inaugurera-t-elle « l’Éburnie d’après » ? Après le péché originel d’un balayeur balayé. Après le retour chaotique à l’autostrade démocratique. Après les 3 000 morts d’une crise post-électorale mal digérée. Après le jugement maladroit d’un clan et le bilan tronqué des responsabilités d’un autre. Après l’élection légale d’un président à un troisième mandat qui nie la légitimité de l’arithmétique. Après le sable imbibé d’hémoglobine de Grand-Bassam. Après la mise sur la touche de fils spirituels – Guillaume Soro et Blé Goudé. Après les décès surinterprétés de deux Premiers ministres en moins de neuf mois. Après le coronavirus…

Parler moins, écouter davantage

Vœu pieux ou condition sine qua non ? Comme de bien entendu, les adversaires d’hier appellent aujourd’hui à la « réconciliation nationale ». Si d’anciennes victimes des deux camps déclarent souffrir d’un manque de cette vérité que l’on dit indispensable au pardon – vérité notamment sur les commanditaires des violences –, les cravatés psalmodient leur absence de ressentiment et appellent de leurs vœux des amnisties pourtant peu originales.

La réconciliation n’est pas qu’une incantation et ne concerne pas que le tragique dérapage du fractionnement géographique des années 2000. C’est à tous les niveaux que les gestionnaires passagers de pouvoir doivent faire leur aggiornamento. Pas seulement les trois monopolisateurs de la politique qui sont tous âgés de plus de 75 ans. Pas seulement un bloc « pro-Ouattara » et un bloc « pro-Gbagbo ». Au fil du temps, l’opportunisme politicien ivoirien a tissé toutes les combinaisons possibles – RDR-FPI, FPI-PDCI/RDA ou RHDP – et rares sont les formations politiques qui ont échappé totalement à l’attraction militariste ou aux dissensions internes.

Les politiques devront moins parler et davantage écouter ce qu’il reste de plaies mal cicatrisées et de rancœurs citoyennes parfois compréhensibles. Et ceci en s’appuyant sur les relais sociaux traditionnels que ne peuvent impressionner le trompe-l’œil inabouti d’une trop ambitieuse Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) d’un Charles Konan Banny.

Que la richesse culturelle bigarrée des régions ivoiriennes, le talent satirique consensuel d’un Gbich !, « l’ambiance facile » conscientisée d’un Magic System ou le ressort économique manifeste du poumon économique d’Afrique de l’Ouest francophone président à l’esprit nouveau tant attendu. D’où il est, le « canonisé » Félix Houphouët-Boigny saura reconnaître les siens.

Avec Jeune Afrique par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Côte d’Ivoire : Guillaume Soro fait appel de sa condamnation à la perpétuité

juillet 1, 2021
Guillaume Soro, en mars 2015 à Abidjan (archives).

Condamné par contumace pour « atteinte à la sûreté de l’État », l’ancien Premier ministre ivoirien conteste le verdict et se tourne vers la justice internationale.

« Nous avons introduit un recours en appel contre ce verdict et avons saisi des juridictions internationales, notamment la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) », a déclaré Me Souleymane Diallo. 

Le 23 juin, la cour d’assises d’Abidjan avait condamné Guillaume Soro à la perpétuité et ses principaux coaccusés – Souleymane Kamagaté, son ex-chef du protocole, Affoussy Bamba, son ancienne ministre et Touré Moussa, son ancien chef de la communication –, à 20 ans de prison.

« Ce procès s’est tenu au mépris et en violation des règlements et de plusieurs décisions de la Cour africaine », a estimé Me Diallo, soulignant que « la Côte d’Ivoire s’est illustrée de la plus mauvaise des manières vis-à-vis des juridictions internationales ».

Bras de fer à la CADHP

Le 22 avril 2020, la CADHP avait en effet ordonné à Abidjan de suspendre son mandat d’arrêt contre Soro et de remettre en liberté 19 de ses proches condamnés le 23 juin. Mais les autorités ivoiriennes avaient estimé que les décisions de la Cour africaine portaient « atteinte à la souveraineté de l’État de Côte d’Ivoire, à l’autorité et au fonctionnement de (sa) justice ». Le 23 juin, la cour d’assises avait également ordonné la dissolution du mouvement de Guillaume Soro, Générations et peuples solidaires (GPS), accusé de se livrer à « des actes subversifs ». 

En réponse, l’État ivoirien s’était retiré du protocole de la CADHP. Une décision faisant suite « aux graves et intolérables agissements que la CADHP s’est autorisée et qui, non seulement portent atteinte à la souveraineté de l’État mais sont également de nature à entraîner une grave perturbation de l’ordre juridique interne des États », avait alors argué Sidi Tiémoko Touré, porte-parole du gouvernement.

Guillaume Soro, 49 ans, qui vit en exil, et ses coaccusés étaient accusés de « complot », de « tentative d’atteinte contre l’autorité de l’État » ainsi que de « diffusion et publication de nouvelles fausses jetant le discrédit sur les institutions et leur fonctionnement, ayant entraîné une atteinte au moral des populations ».

En avril 2020, Guillaume Soro avait déjà été condamné à 20 ans de prison dans l’affaire de la villa de Marcory Résidentiel pour recel de détournement de deniers publics. Il avait tenté, selon la justice, de s’approprier une résidence achetée par l’État pour le loger lorsqu’il était Premier ministre. Cette condamnation avait justifié l’invalidation de sa candidature à la présidentielle d’octobre 2020.

Par Jeune Afrique avec AFP

Côte d’Ivoire : Guillaume Soro condamné à la prison à perpétuité

juin 23, 2021
Guillaume Soro, le 28 janvier 2020 à Paris lors d’une intervention devant des journalistes.

L’ancien président de l’Assemblée nationale a été reconnu coupable d’« atteinte à la sûreté de l’État » et condamné par contumace à la prison à perpétuité.

Le tribunal criminel d’Abidjan a donc suivi les réquisitions du parquet. Ce mercredi 23 juin, Guillaume Soro a été condamné à une peine de prison à perpétuité pour « atteinte à la sûreté nationale », comme l’avait réclamé Richard Adou, le procureur de la République, une semaine plus tôt.

« Complot »

L’ancien Premier ministre et 19 de ses partisans étaient accusés de « complot », « tentative d’atteinte contre l’autorité de l’État » ainsi que de « diffusion et publication de nouvelles fausses jetant le discrédit sur les institutions et leur fonctionnement, ayant entraîné une atteinte au moral des population ».

En avril 2020, l’ancien président de l’Assemblée nationale avait déjà été condamné à vingt ans de prison ferme, 4,5 milliards de francs CFA d’amende et à la privation de ses droits civiques pour une période de cinq ans après avoir été reconnu coupable de recel de deniers publics détournés et de blanchiment de capitaux.

Le parquet l’accusait d’avoir acquis une villa à Marcory résidentiel, un quartier huppé d’Abidjan, en 2007, alors qu’il était Premier ministre, grâce à des fonds du trésor public ivoirien.

Avec Jeune Afrique par Benjamin Roger

Côte d’Ivoire – Procès Guillaume Soro : les raisons du report

mai 20, 2021
Guillaume Soro, à Paris le 17 septembre 2020.

Le procès de Guillaume Soro et de dix-neuf de ses proches soupçonnés d’avoir tenté de déstabiliser les institutions de Côte d’Ivoire s’est ouvert mercredi à Abidjan pour finalement être renvoyé au 26 mai. Un renvoi réclamé par les avocats de la défense, le temps pour eux d’avoir accès à certaines pièces du dossier.

Des gardes débordés et une porte qui a bien failli céder sous la pression de la foule. Le procès de Guillaume Soro et de dix-neuf de ses proches ou membres de son mouvement politique, Générations et peuples solidaires (GPS), soupçonnés d’ « atteinte à la sureté de l’État », de « complot » et de « diffusion de fausses informations » en 2019, s’est ouvert hier dans la grande salle du Tribunal criminel d’Abidjan. Un procès très attendu finalement renvoyé au 26 mai.

Ce délai d’une semaine doit permettre aux avocats de la défense d’avoir accès à certaines pièces du dossier, notamment à l’ enregistrement sonore de sept minutes d’un échange entre Guillaume Soro et un interlocuteur. Dans cette conversation qui daterait de 2017, après la deuxième mutinerie du mois de mai de cette année-là, l’ancien président de l’Assemblée nationale dit s’être « positionné un peu partout » et avoir la « télécommande » pour passer à l’action. Cet enregistrement est la pièce maîtresse de l’accusation pour appuyer la thèse d’une tentative de déstabilisation des institutions ivoiriennes.

« Simulacre de procès »

La défense réclame aussi l’accès aux scellés des armes découvertes dans des locaux abidjanais de Soro ainsi qu’ à Assinie. « Nous ne savons rien de ces armes », assure Me Diallo, membre du collectif des avocats. Il insiste : « en matière de procédure procédurale, on ne fait pas n’importe quoi, n’importe comment. Il y a des règles qui gouvernent le procès pénal, un procès qui doit pouvoir se tenir dans un esprit de clarté et la transparence. Ainsi, il est indispensable que nous puissions examiner les pièces dont se prévaut le ministère public ».

La défense a également demandé l’application de l’arrêt rendu le 22 avril 2020 par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) ordonnant que le mandat d’arrêt international émis par la justice ivoirienne à l’encontre de Guillaume Soro soit suspendu et de « surseoir à l’exécution des mandats de dépôt » contre ses proches, accusés de complicité à différents degrés. Une demande jugée non-recevable par la justice ivoirienne. Le gouvernement ivoirien, qui ne souhaitait pas exécuter cet arrêt, avait opté pour un retrait pur et simple du protocole.

Guillaume Soro, exilé en France depuis décembre 2009, est jugé en son absence, comme six autres accusés – l’ancienne ministre Affoussiata Bamba Lamine, l’ex-directeur de la communication de Soro, Moussa Touré, son aide de camp, Abdoulaye Fofana, et l’ancien député Issiaka Fofana-, eux-aussi en exil. Les défenseurs de l’ancien président de l’Assemblée nationale ont fait savoir, par un courrier du 17 mai adressé au président et aux juges du tribunal, qu’ils ne « prêteront pas leur concours au simulacre de procès ». Dans le box des accusés, ils ne sont donc que treize. Parmi eux, l’ancien député Alain Lobognon, les deux frères de Guillaume Soro Simon et Rigobert Soro, et Souleymane Kamagaté, dit « Soul to Soul ».

Avec Jeune Afrique par Florence Richard – à Abidjan

Côte d’Ivoire : avant le procès des pro-Soro, Alain Lobognon se met en retrait de la politique

mai 18, 2021
Alain Lobognon, ancien ministre des Sports.

Guillaume Soro et une vingtaine de ses proches seront jugés ce mercredi pour atteinte à l’autorité de l’État. Parmi eux, le député Alain Lobognon, incarcéré depuis décembre 2019, qui annonce prendre ses distances avec son ancienne formation politique.

Il a choisi de « comparaître en homme politique affublé d’aucune appartenance politique ». À quelques jours de l’ouverture de son procès, l’ancien député Alain Lobognon a annoncé sa démission de toutes les instances du Mouvement pour la promotion des valeurs nouvelles en Côte d’Ivoire (MVCI), un mouvement un temps proche de celui de Guillaume Soro, Générations et peuples solidaires (GPS).

L’ancien ministre des Sports d’Alassane Ouattara affirme, dans un communiqué signé de son porte-parole, Jean-Paul Beugrefoh, avoir « partagé joie et plaisir de militer aux côtés de plusieurs amis, frères et camarades pour l’engagement de valeurs nouvelles en Côte d’Ivoire » et partir « le cœur léger, sans regret ni rancœur ». Se définissant comme un « prisonnier politique », il affirme vouloir « disposer de sa totale liberté, au moment où va s’ouvrir le procès ».

L’espoir d’un geste politique

Emprisonné depuis le mois de décembre 2019, Alain Lobognon comparaitra en effet ce mercredi 19 mai devant le tribunal criminel d’Abidjan pour répondre des charges d’atteinte à l’autorité de l’État, de complot et de diffusion de fausses informations tendant à jeter le discrédit sur les institutions et le moral des populations.

Il encoure la prison à vie mais son épouse, Amira Lobognon, le dit « serein », impatient d’en découdre avec la justice et de pouvoir enfin s’expliquer. « Il attend ce procès depuis des mois », assure-t-elle, expliquant espérer « un geste du président » afin que son mari « retrouve ses enfants et sa famille ». Dans ce procès, l’ancien député a décidé de ne pas être représenté par un avocat « compte tenu des violations des procédures constitutionnelles et judiciaires », précise-t-elle.

Le « clan soroïste » en procès

L’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro, en exil depuis sa tentative de retour avorté à Abidjan le 23 décembre 2019 et sous le coup d’un mandat d’arrêt international, est également poursuivi dans ce dossier, ainsi qu’une vingtaine de ses proches. Parmi eux, ses frères cadets, Rigobert et Simon Soro, ainsi que son ancien directeur de protocole, Souleymane Kamagaté, dit « Soul to Soul » – ils sont incarcérés en Côte d’Ivoire. Également poursuivis, son avocate, l’ancienne ministre Affoussiata Bamba Lamine, son ex-directeur de la communication, Moussa Touré, son aide de camp, Abdoulaye Fofana, et l’ancien député Issiaka Fofana sont pour leur part en exil.

C’est donc le procès du clan Soro qui s’apprête à s’ouvrir à Abidjan, alors que GPS est exsangue. Outre les cadres en exil ou incarcérés, certains ont choisi de rallier le camp présidentiel, à l’image de Kanigui Soro Mamadou, qui avait rallié Alassane Ouattara juste avant la présidentielle d’octobre 2020, ou encore d’Alphonse Soro, qui a annoncé qu’il soutenait désormais le chef de l’État.

Dans le même temps, tandis que les tractations sont toujours en cours en vue du retour de l’ancien président Laurent Gbagbo à Abidjan, les gestes d’apaisement se multiplient entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire PDCI), laissant entrevoir une marginalisation accrue de l’ancien chef de la rébellion des Forces nouvelles sur la scène politique ivoirienne.

En avril 2020, ce dernier avait été reconnu coupable de recel de deniers publics détournés et de blanchiment de capitaux. Il a été condamné à 20 ans de prison ferme, à 4,5 milliards de francs CFA d’amende et à la privation de ses droits civiques pour une période de cinq ans.

Avec Jeune Afrique par Florence Richard – à Abidjan

Guillaume Soro, persona non grata en France

novembre 22, 2020

Côte d’Ivoire : Guillaume Soro appelle l’armée à « agir » face à Alassane Ouattara

novembre 5, 2020
Guillaume Soro, ici lors d'une conférence de presse à Paris, le 17 septembre 2020.

Dans une déclaration retransmise sur les réseaux sociaux, l’ancien président de l’Assemblée nationale appelle à la mise en place d’une transition et demande aux forces de défense et de sécurité de faire barrage à Alassane Ouattara.

En privé, Alassane Ouattara ne s’en cache pas. Parmi les différents opposants qui conteste sa réélection à un troisième mandat, il en est un dont il se méfie tout particulièrement et dont il aurait aimé ne plus entendre parler : Guillaume Soro.

Ce mercredi soir, son ancien allié, en exil depuis leur séparation violente en 2019, a sûrement irrité encore un peu plus le chef de l’État ivoirien. Dans une adresse à la nation publiée sur sa page Facebook, suivie en direct par environ 50 000 personnes, Guillaume Soro a sévèrement chargé celui qu’il appelle « l’ex-président », cet homme qui, selon lui, est « installé dans le schéma mental de tous les dictateurs tropicaux ».

« Vacance du pouvoir présidentiel »

« Devant la violation flagrante de notre Constitution, le sang de nos compatriotes qui est versé chaque jour et le parjure déshonorant dont s’est rendu coupable l’ex-président, j’ai décidé de m’assumer et de prendre la parole », entame Soro, posant en costume complet bleu marine devant un drapeau ivoirien.

Le leader de Générations et peuples solidaires (GPS), qui a vu sa candidature à la présidentielle du 31 octobre recalée par le Conseil constitutionnel, poursuit en saluant la « mobilisation exemplaire » de ses compatriotes « qui a permis de faire échec à la pire farce électorale de notre nation, orchestrée piteusement par Alassane Ouattara engagé dans son aventure effrénée et périlleuse de s’éterniser au pouvoir ».

Refusant toute légitimité au président sortant et considérant que son pays se trouve désormais dans une situation de « vacance du pouvoir présidentiel », Soro dénonce ensuite la « répression brutale » qui vise les différents leaders de l’opposition qui ont annoncé, lundi, leur adhésion à un « Conseil national de transition » présidé par l’ancien président Henri Konan Bédié.

Mardi après-midi, la police et la gendarmerie ont arrêté une vingtaine de proches du leader du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) à son domicile d’Abidjan – domicile depuis placé en résidence surveillée comme ceux de plusieurs autres opposants.

« Vu la traque contre les principaux dirigeants du CNT, je décide en toute responsabilité de m’inscrire dans la continuité de l’oeuvre entamée en contribuant à la mise en place effective des organes de la transition, affirme Soro. Avec l’ensemble des forces vives de notre nation, nous conduirons la transition démocratique en vue d’élections libres, inclusives et transparentes dans les meilleurs délais. »

Appel à l’arméePuis l’ex-chef de la rébellion des Forces nouvelles (FN), que Ouattara et son premier cercle accusent depuis des mois de tentatives de déstabilisation, se montre encore plus offensif, en s’adressant directement aux forces de défense et de sécurité pour leur demander de faire barrage à Alassane Ouattara.

« Vous me connaissez, chers soldats […]. Je voudrais vous dire que nous ne pouvons pas, nous ne devons pas, par peur et par poltronnerie, laisser s’installer durablement la dictature clanique d’Alassane Ouattara […]. C’est pourquoi, je demande à vous soldats, sous-officiers, officiers, officiers supérieurs, et officiers généraux de notre armée de vous regarder dans le miroir de votre âme et de votre conscience et d’agir pour stopper les tueries, agir pour préserver notre pays de pogroms intercommunautaires, agir pour rétablir la paix et la concorde, agir pour redonner à notre Constitution ses lettres de noblesse. »

Affirmant que Ouattara a « épuisé son deuxième et dernier mandat » et qu’il « ne peut plus exercer les charges et la fonction de chef de l’État », Soro conclut en leur demandant, « dans l’honneur et la dignité », « de mettre un terme au spectre de la guerre civile qui menace tous les jours notre pays ».

Des propos bellicistes qui ne manqueront pas de faire réagir sur les bords de la lagune Ébrié et dans les couloirs du palais présidentiel.

Avec Jeune Afrique par Benjamin Roger

[Tribune] Ouattara, Bédié, Gbagbo… Présidentielle 2020, retour vers le futur?

août 4, 2020

Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Guillaume Soro.

Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Guillaume Soro. © Montage JA

 

À trois mois de la présidentielle ivoirienne, les principaux états-majors politiques semblent davantage miser sur leurs leaders historiques, laissant craindre un remake des présidentielles du passé.

Ce mercredi 29 juillet, la grande salle du Sofitel Hôtel Ivoire affiche complet. Les membres du Conseil politique du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti présidentiel) convoqués d’urgence par Alassane Ouattara, 78 ans, ont répondu massivement présents.

De la tribune, Adama Bictogo, directeur exécutif du RHDP, multiplie les paroles élogieuses à l’endroit du chef de l’État. « Monsieur le président, vous êtes notre boussole, le bouclier du RHDP, le manteau protecteur de notre pays contre les incertitudes et les aventures », lâche-t-il, salué par un tonnerre d’applaudissements.

ADO appelle à la patience

Après le décès de l’ex-Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, candidat du RHDP, le parti présidentiel est à la recherche d’un nouveau candidat. Tous les regards, au sein de la coalition au pouvoir, sont tournés vers Ouattara. Les instances du parti pressent ce dernier de se porter candidat, invoquant « le cas de force majeure ».

Ouattara prend son temps et appelle à la patience, réclamant pour répondre d’attendre l’issue de la période de deuil musulman, soit après le 18 août. Sauf surprise, cependant, il devrait être le porte-flambeau du RHDP à la présidentielle d’octobre 2020.

De l’autre côté, les deux autres principaux leaders politiques affûtent leurs armes, pour aller, une fois de plus, au combat. Henri Konan Bédié a obtenu l’onction de son parti, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Il était l’unique candidat.

« Les jeunes savent que c’est pour eux que je me présente. C’est pour qu’ils aient accès à tous les postes de gestion de la nation ivoirienne. Donc, ma mandature sera consacrée à mieux les préparer, les former à assumer ces responsabilités, dans tous les secteurs », confie Bédié, 86 ans, à qui veut l’entendre. Une profession de foi qui rappelle ceux qu’il déployait lors de la présidentielle d’octobre 2010, alors qu’il était, avec Francis Wodié, 84 ans, l’un des deux doyens parmi les candidats.

La même affiche électorale qu’en 2010… ?

Autre parti, autre potentiel candidat. La dissidence du Front populaire ivoirien (FPI) est à l’œuvre pour faire de Laurent Gbagbo, 75 ans, son candidat, alors que la branche légale présidée par Pascal Affi N’Guessan a fait de ce dernier son candidat.

L’éligibilité de Gbagbo, qui vit en liberté conditionnelle à Bruxelles depuis qu’il a été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI),  semble toutefois hypothétique. D’abord parce que son passeport ivoirien n’a pas encore été renouvelé. En outre, parce que son nom a été retiré de la liste électorale, par la Commission électorale indépendante (CEI).

Condamné en janvier 2018 à vingt ans de prison pour « vol en réunion par effraction, portant sur des caves à l’Agence nationale de la Bceao (Banque centrale des états de l’Afrique de l’ouest), et des numéraires; complicité de vol en réunion, par effraction; destruction d’une installation appartenant à autrui; détournement de deniers publics », Gbagbo, perd, selon le code électoral ivoirien, sa qualité d’électeur et de candidat éligible. Surtout, s’il met le pied à Abdijan, c’est la prison qui l’attend.

S’achemine-t-on vers la même affiche électorale de 2010, qui a vu les « trois Grands » s’affronter au premier tour, avant que Bédié rallie Ouattara contre Gbagbo, au second tour ? Rien n’est moins sûr. Sauf si le chef de l’État ivoirien décidait d’aller à l’apaisement avec ses adversaires, comme il l’avait fait deux ans plus tôt par l’amnistie de plusieurs prisonniers politiques, dont Simone Gbagbo.

« Le président Ouattara pourrait décider d’amnistier tous les politiques condamnés à l’occasion de son discours du 7 août, date commémorative de l’indépendance de la Côte d’Ivoire », espère ainsi Mamadou Traoré, responsable de Générations et peuples solidaires (GPS), le mouvement de Guillaume Soro, candidat déclaré mais en exil en France, après avoir été condamné à vingt ans de prison pour « recel de deniers publics détournés et de blanchiment de capitaux ». Dans un tel scénario, on se dirigerait vers un quasi-remake de la présidentielle d’octobre 2010, avec un Guillaume Soro non plus arbitre – il était alors Premier ministre -, mais acteur.

… Ou le scénario de la présidentielle de 2000 ?

En revanche, dans le cas où les candidatures de Gbagbo et de Soro étaient effectivement rejetées, « nous serions dans un scénario similaire à celui d’octobre 2000, avec d’un côté, un président sortant candidat à sa propre succession après avoir pourtant déclaré sa volonté de ne pas se représenter, comme le chef de la junte militaire Robert Guéï. Et de l’autre, un candidat issu du principal de l’opposition. En 2000, ce rôle avait été tenu par Gabgbo, cette fois, ce serait Bédié », estime l’analyste politique Sylvain N’Guessan.

Dans les deux cas, le spectre du passé hante les esprits. En 2000, la présidentielle qui a vu la victoire de Gbagbo face à Guéï s’est achevée par une crise postélectorale sanglante.

Dix ans plus tard, alors que le pays était divisé en deux depuis huit ans du fait de la rébellion de Guillaume Soro, l’après-second tour de la présidentielle a duré plus de quatre mois. Bilan officiel : plus de 3000 morts.

Une éventualité dont le nouveau Premier ministre Hamed Bakayoko a pleinement conscience : « Nos défis sont, entre autres, de réussir le pari de faire en sorte que nous ayons des élections dans la paix. Une élection qui est une compétition politique (…) Je veux m’investir avec cette génération parce que si nous réussissons, nous aurons mérité de nos aînés et nous aurons travaillé pour nos descendants ».

Par  André Silver Konan, Journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.

Côte d’Ivoire : Guillaume Soro visé par une plainte en France pour « crimes de guerre »

mai 8, 2020

Guillaume Soro, le 25 mars 2015 à Abidjan.

Guillaume Soro, le 25 mars 2015 à Abidjan. © Photo Olivier pour JA

 

L’ex-Premier ministre ivoirien Guillaume Soro est visé par une plainte déposée à Paris, pour « torture », « assassinat » et « crimes de guerre ».

Cette plainte, déposée jeudi avec constitution de partie civile, permet aux demandeurs dénonçant des faits pouvant être qualifiés de crimes de réclamer la désignation d’un juge d’instruction pour mener des investigations, sans passer par une enquête préliminaire du parquet.

Dans cette plainte, Guillaume Soro, qui conteste les accusations, est notamment présenté comme le commanditaire de l’enlèvement, suivi de torture et d’assassinat, d’Ibrahima Coulibaly, un ex-chef rebelle ivoirien, le 27 avril 2011.

Les plaignants demandent également des poursuites pour des morts causées lors de combats entre factions rivales dans la nuit du 20 au 21 juin 2004 à Bouaké et Korhogo, qu’ils attribuent aux Forces nouvelles de Guillaume Soro, aujourd’hui âgé de 47 ans.

« Après de longues années d’impunité, cette plainte avec constitution de partie civile tend à ce que les responsabilités des auteurs, complices et autres donneurs d’ordres soient enfin exposées », relèvent les avocats Noémie Saidi-Cottier, Laurence Greig et Joseph Breham dans un communiqué.

« Dénonciation calomnieuse »

Ils la justifient notamment par le fait que Guillaume Soro réside depuis fin 2019 en France, un des éléments qui permet la saisine de la justice française.

« Les faits dénoncés dans cette plainte sont faux et j’ai donné instruction à mes avocats de déposer une plainte en dénonciation calomnieuse », a réagi Guillaume Soro par l’intermédiaire d’un de ses conseils, Me Jean-Marc Fédida.

Guillaume Soro, candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle ivoirienne prévue en octobre, a par ailleurs été condamné fin avril par la justice de son pays à 20 ans de prison pour « recel de détournement de deniers publics » et « blanchiment de capitaux » lors de l’achat de sa résidence d’Abidjan en 2007.

Longtemps allié du président Alassane Ouattara, qu’il a aidé, en tant que chef de la rébellion, à accéder au pouvoir pendant la crise post-électorale de 2010-2011, il était devenu Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale, avant de rompre avec le chef de l’État début 2019

Par Jeune Afrique avec AFP