Posts Tagged ‘Haïti’

Canada-Québec: Un Lévisien aurait planifié une révolution armée en Haïti

novembre 17, 2022
Plan rapproché du logo de la GRC sur un véhicule.

Gendarmerie royale du Canada Photo : Radio-Canada/David Bell

Gérald Nicolas, 51 ans, aurait « préparé une activité terroriste visant à renverser le gouvernement haïtien de M. Jovenel Moïse », selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il devra faire face à la justice.

L’Équipe intégrée sur la sécurité nationale (EISN) de la GRC a entamé cette enquête en juillet 2021 après avoir reçu des informations du Service de police de la Ville de Lévis.

Le sergent Charles Poirier de la GRC allègue que M. Nicolas voulait détrôner le gouvernement en place et son président pour prendre le pouvoir.

Le suspect prévoyait exécuter une révolution armée en Haïti, peut-on lire dans un communiqué de presse de la GRC publié jeudi matin.

Il est allégué que ce dernier aurait pris des actions concrètes, notamment en voyageant en Haïti, afin de faciliter l’organisation d’un groupe dont l’intention était de participer à un coup d’État contre l’autorité établie.

Il aurait aussi voyagé en Amérique centrale et en Amérique du Sud pour recruter, amasser des fonds et faire l’acquisition d’armes pour réaliser son projet.

En liberté

M. Nicolas a été arrêté en novembre 2021. Il a été libéré depuis et le restera au moins jusqu’à sa comparution prévue au palais de justice de Québec le 1er décembre.

Aucune information ne laisse présager qu’il représente un risque pour la population canadienne, précise le sergent Poirier.

Il devrait faire face à trois chefs d’accusation : quitter le Canada pour faciliter une activité terroriste, facilitation d’une activité terroriste, fournir des biens à des fins terroristes.

Avec Radio-Canada par Marie Maude Pontbriand

Le Canada impose de nouvelles sanctions à Haïti

novembre 4, 2022

Le président du Sénat Joseph Lambert et l’ancien président du Sénat Youri Latortue sont visés par le gouvernement Trudeau.

Des agents de la police nationale haïtienne déploient des gaz lacrymogènes lors d'une manifestation de la population.

Des agents de la police nationale haïtienne déploient des gaz lacrymogènes lors d’une manifestation exigeant la démission du premier ministre Ariel Henry après des semaines de pénurie à Port-au-Prince, en Haïti. Photo : Reuters/Ricardo Arduengo

Le gouvernement canadien impose de nouvelles sanctions à deux politiciens haïtiens, en collaboration avec les États-Unis.

Le président du Sénat haïtien Joseph Lambert et l’ancien président du Sénat Youri Latortue sont visés par ces sanctions, en réponse à la conduite inacceptable de ces politiciens, qui apportent un soutien financier et opérationnel illicite à des gangs armés, selon les agences de renseignements du Canada et des États-Unis.

Les transactions avec ces deux politiciens seront interdites, ce qui aura pour effet de geler tout avoir qu’ils peuvent détenir au Canada comme aux États-Unis, selon le bureau de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

Ottawa et Washington tentent de déstabiliser ce qu’ils appellent l’élite politique haïtienne qui, selon eux, soutient et finance les gangs de rue.

Mais pour le moment, les gouvernements canadien et américain ne sont pas en mesure de dire si les deux politiciens haïtiens visés par ces sanctions ont des biens ou des avoirs qui pourraient être visés dans ces deux pays.

La plus grande diaspora haïtienne est à Miami et à Montréal, indique une source gouvernementale, qui souligne que la possibilité de lien économique est importante.

Depuis septembre, des gangs de rue contrôlent l’accès aux denrées essentielles comme l’eau, la nourriture et le pétrole. Plus tôt cette semaine, la police nationale haïtienne a repris en partie le contrôle au terminal portuaire de Varreux, à Port-au-Prince, une infrastructure névralgique pour le pays, notamment à l’aide de véhicules blindés envoyés par le Canada en octobre.

Les Américains souhaitent une implication substantielle du Canada en Haïti et lui demandent de prendre un rôle de leadership dans une possible force d’intervention internationale pour stabiliser le pays.

Le Canada préconise pour le moment la patience, afin d’évaluer la situation sur le terrain et pour s’assurer que toute force de stabilisation ne sera pas mal accueillie par la population comme étant de l’ingérence extérieure coloniale dans les affaires haïtiennes.

Une équipe d’évaluation canadienne revient tout juste d’Haïti, où elle a pris connaissance de la situation sécuritaire et humanitaire. Elle a présenté son rapport aux ministres responsables lors d’une rencontre du Groupe d’intervention en cas d’incident, plus tôt cette semaine.

Avec Radio-Canada par Christian Noël

Sanctions en Haïti : des Canadiens dans la mire du gouvernement fédéral

octobre 30, 2022
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken et la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly parlent derrière des lutrins.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, avec le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, lors de sa visite de deux jours au Canada Photo : La Presse Canadienne/Blair Gable

Les Canadiens qui financent les bandes criminelles en Haïti peuvent se le tenir pour dit : ils risquent d’être sanctionnés par le gouvernement du Canada.

L’impunité n’est pas une option, a déclaré la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, dans une entrevue aux Coulisses du pouvoir avant d’ajouter : Le but de notre régime de sanctions, c’est qu’il soit efficace. Donc si jamais il y a des personnes au Canada qui font partie de ce système de corruption, qui profitent de la violence en Haïti, certainement elles vont être sanctionnées.

Le 21 octobre dernier, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé le recours à des sanctions pour sortir le pays de la crise qui l’étouffe. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et le premier ministre haïtien, Ariel Henry, ont aussi réclamé l’intervention d’une force internationale pour rétablir la sécurité. La ministre Joly ne veut pas s’engager sur cette voie pour le moment, pas avant d’avoir obtenu le rapport de la mission d’évaluation qu’elle a dépêchée en Haïti la semaine dernière.

La question était aussi à l’ordre du jour de ses rencontres avec son homologue américain, le secrétaire d’État Antony Blinken, de passage à Ottawa et à Montréal la semaine dernière. Mme Joly estime que toute initiative doit obtenir l’assentiment des autorités haïtiennes et la collaboration de la communauté internationale.

La vie est intenable pour la population de ce petit pays des Caraïbes. Les gangs armés contrôlent l’entrée du plus grand terminal pétrolier du pays et les principales routes entourant la capitale, Port-au-Prince.

C’est un malheur de plus après la pandémie de COVID-19, l’assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse et le puissant tremblement de terre qui a frappé la péninsule ouest de l’île un mois plus tard. La ministre Joly estime que le temps presse : Le pays est au bord du gouffre et fait face à un désespoir immense. Alors c’est sûr qu’on a une obligation morale d’agir.

La stratégie indopacifique

La stratégie indopacifique, qui établira l’approche du Canada en matière de diplomatie, de défense et d’économie dans cette grande région du monde, se fait toujours attendre. La ministre des Affaires étrangères espère la dévoiler bientôt.

Notre objectif est encore et toujours de défendre et de promouvoir les intérêts canadiens dans la région de l’Indo-Pacifique, a ajouté Mme Joly.

Ottawa veut y accroître ses relations commerciales. La ministre a d’ailleurs annoncé l’intention du Canada de se joindre au Cadre économique indopacifique, une initiative américaine à laquelle 13 autres pays, dont l’Australie, la Corée du Sud, l’Inde et le Japon, ont adhéré pour consolider leurs liens.

Il y a aussi de sérieux problèmes de sécurité dans cette région alors que la Chine cherche à s’imposer comme une puissance mondiale. À ce sujet, la ministre Joly souligne que le Canada a les yeux grands ouverts.

La Chine est un pays qui a une rhétorique très agressive, pas juste envers le Canada, mais envers plusieurs pays, a déclaré la ministre. Toute entorse des dirigeants chinois au droit international sera dénoncée par Ottawa, a-t-elle ajouté.

Malgré les relations tendues entre Ottawa et Pékin ces dernières années, les canaux de communication restent ouverts. Le Canada a d’ailleurs accepté de prendre le relais de la Chine, qui n’était pas en mesure d’accueillir cette année la Conférence des parties sur la biodiversité.

La COP15 aura donc lieu à Montréal en décembre prochain.

Radio-Canada par Micheline Laflamme

Les États-Unis pressent le Canada de faire preuve de leadership en Haïti

octobre 27, 2022

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken est à Ottawa aujourd’hui, notamment pour convaincre le Canada de mener une force d’intervention internationale dans la perle des Antilles.

Antony Blinken.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken est arrivé au Canada pour une visite de deux jours. (Archives) Photo : Reuters/MichaelI Mccoy

Les Américains souhaitent une implication substantielle du Canada en Haïti et lui demandent de prendre un rôle de leadership dans une possible force d’intervention internationale pour stabiliser le pays.

C’est une des nombreuses questions qui seront abordées jeudi à Ottawa, alors que la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly reçoit son homologue américain Antony Blinken.

Plusieurs pays pourraient mener cette mission, en tête de liste le Canada, a indiqué Brian Nichols, le secrétaire d’État adjoint américain dans un breffage technique mercredi.

« Le Canada est un partenaire incroyablement compétent dans cette région du globe, tant au niveau policier que militaire. »— Une citation de  Brian Nichols, le secrétaire d’État adjoint des États-Unis

L’ONU débat de l’envoi d’une force internationale pour stabiliser Haïti et pour aider la population à se défaire de l’emprise des gangs criminels.

Des Haïtiens à moto entre des pneus qui flambent.

Les pénuries de carburant, alimentées par la violence des gangs, ont poussé la population à bloquer des routes. Photo : Reuters/Ralph Tedy Erol

Ces gangs bloquent le terminal portuaire de Varreux, à Port-au-Prince, depuis septembre et contrôlent l’accès aux denrées essentielles comme l’eau, la nourriture et le pétrole. Une situation cauchemardesque, selon le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.

Les États-Unis font pression pour qu’une force internationale de stabilisation soit prête début novembre, a dit Brian Nichols, et le Canada est dans la course pour mener cette force, malgré la réticence apparente du gouvernement Trudeau.

Le pays qui dirigerait cette mission de l’ONU n’a pas encore été choisi, a précisé Brian Nichols, et d’autres pays que le Canada pourraient le faire. Mais il a ajouté que l’expertise canadienne dans la région fait de lui le partenaire le plus plausible pour un déploiement rapide dans un contexte d’urgence.

L’aide internationale, pas une pensée magique

Le Canada a déjà envoyé de l’équipement spécialisé, dont des véhicules blindés, pour aider la police locale haïtienne à combattre ces gangs. Mais pour le moment, Ottawa semble réticent à envoyer des militaires ou des policiers en sol haïtien.

L’objectif premier du gouvernement canadien est de trouver une façon de faire parvenir de l’aide aux Haïtiens qui manquent d’eau, de nourriture et de pétrole.

On peut aider au niveau humanitaire et pour les besoins primaires des citoyens, a indiqué une source gouvernementale canadienne.

Mais pour régler les problèmes entre les gangs de rue et le gouvernement haïtien, la solution doit venir de l’intérieur, a poursuivi cette source. L’aide internationale ne peut pas devenir une pensée magique.

Une manifestation en Haïti.

La population est en colère contre le gouvernement, en Haïti, notamment en raison de son incapacité à améliorer la situation sécuritaire. Photo : Reuters/Ricardo Arduengo

Le Canada estime contribuer à faire pression sur les gangs de rue. Les sanctions économiques imposées par l’intermédiaire de l’ONU aident à faire pression sur ceux en Occident qui financent ces gangs, a-t-on indiqué au gouvernement. L’envoi de matériel militaire contribue à rétablir un rapport de force entre le gouvernement et les gangs criminels.

Le Canada n’exclut pas d’avoir recours aux négociateurs aguerris de l’équipe d’Affaires mondiales Canada afin d’aider à dénouer l’impasse. L’envoi d’entraîneurs, notamment de la GRC, pour former les forces de police locale est également sur la table, parmi d’autres solutions envisagées.

Outre Mélanie Joly, le secrétaire d’État Antony Blinken doit rencontrer le premier ministre Justin Trudeau en fin d’après-midi jeudi. Ils discuteront non seulement d’Haïti, mais aussi de la Chine, de la guerre en Ukraine et de la menace russe en Arctique.

Antony Blinken doit également visiter Montréal vendredi.

Avec Radio-Canada par Christian Noël

Des véhicules blindés canadiens attendus samedi en Haïti

octobre 15, 2022
Une voiture de police passe près d'un incendie allumé en pleine rue.

Haïti aux prises avec une épidémie de violences des bandes criminelles. Photo: AP/Odelyn Joseph

Des véhicules blindés canadiens commandés par le gouvernement haïtien sont en voie d’être livrés à Port-au-Prince, selon des informations recueillies par le quotidien américain Miami Herald et le journal haïtien Le Nouvelliste.

Cette aide militaire doit servir à soutenir les forces de l’ordre haïtiennes, débordées par les bandes criminelles qui font régner la terreur dans la capitale et d’autres villes du pays.

Au moment d’écrire ces lignes, le gouvernement canadien n’avait pas officiellement confirmé l’envoi d’équipement militaire en Haïti.

Déjà ravagé par l’insécurité, le pays est le théâtre de manifestations, d’émeutes et de pillages depuis l’annonce en septembre d’une hausse sur le prix du carburant par le premier intérimaire, Ariel Henry.

Au cours des dernières semaines, de puissants groupes armés ont également bloqué les plus grands terminaux pétroliers d’Haïti et coupé l’accès à des routes essentielles. Privées de carburant, des entreprises de distribution d’eau potable ont annoncé la suspension de leurs activités, ce qui contribue à une recrudescence des cas de choléra.

Face à cette crise multidimensionnelle, Ariel Henry a convenu de demander l’aide de militaires étrangers.

Une demande relayée par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Ce dernier a réclamé le déploiement d’une force armée spécialisée internationale en Haïti, suivie à moyen terme par une force dirigée par les Nations unies.

Selon le Miami Herald, les États-Unis auraient donné suite à cette demande d’aide en rédigeant un projet de résolution à l’intention du Conseil de sécurité des Nations unies qui encourage le déploiement immédiat d’une force multinationale d’action rapide.

Il y a quelques jours seulement, les États-Unis avaient pourtant exprimé des réserves quant à une présence sécuritaire américaine en sol haïtien. Le secrétaire d’État adjoint chargé de l’hémisphère Ouest, Brian Nichols, avait jugé de telles discussions prématurées.

L’appui de la Chine et de la Russie au projet de résolution demeure toutefois incertain. À titre de membres permanents du Conseil de sécurité, elles pourraient toutes les deux choisir de le rejeter en exerçant leur droit de veto. Ces derniers mois, la Chine a critiqué l’approche de la communauté internationale à l’égard d’Haïti et a appelé à un embargo plus fort sur les armes légères à destination de cet État des Caraïbes.

Dans sa forme actuelle, le projet de résolution des États-Unis ne précise pas quel rôle sera joué par les différents membres du Conseil de sécurité dans le cadre de cette mission.

L’organe de sécurité onusien doit se réunir la semaine prochaine au sujet d’Haïti.

Avec Radio-Canada

Rodney Saint-Éloi : « Le verbe le plus utilisé en Haïti est “partir” »

juin 3, 2022

Éditeur à Montréal, le poète haïtien publie « Quand il fait triste Bertha chante »Et confie l’épuisement de l’espoir dans son pays natal.

Quand il fait triste Bertha chante, paru aux éditions Héloïse d’Ormesson et qui a figuré dans la sélection du prix France Télévisions 2022, est un roman de la vie, même s’il est en forme de tombeau pour une mère disparue trop tôt (72 ans), aux États-Unis, où vivait Bertha. Elle qui ne s’est jamais relevée d’une chute sur les marches de l’église. La mère de l’auteur est une mère courage comme tant d’Haïtiennes, femme noire modeste et travailleuse qui aura quatre enfants de pères différents. Saint-Éloi, né en 1963 dans la petite ville de Cavaillon en Haïti, homonyme de celle du sud de la France, est l’aîné des quatre, fruit d’une union improbable et fugace entre un pharmacien et la jeune Bertha, qui était employée dans sa famille. Choc des classes sociales et une relation père-fils qui tiendra dans la petite enveloppe remise par le premier au second. Une chance, un avenir en vue, dans le quartier, on appelle déjà le petit garçon « docteur », « ingénieur », ou encore « avocat »… Il a la meilleure éducation et le devoir de ne pas décevoir.

Dans ce roman grandement autobiographique, qui s’ouvre sur les obsèques, ô combien, révélatrices de ce que signifie l’exil, on voit grandir celui qui est avant tout poète, avec notamment Nous ne trahirons pas le poème et autres recueils (éd. Points, 2021), qui était une belle entrée en matière. Il est aussi éditeur, installé à Montréal, et a quitté Haïti en 2001. Tout un faisceau de parcours, et de belles leçons de vie, celle de la mère d’abord, éclairent son livre.

« Ne vivez pas trop loin de vos rêves »

De passage à Paris pour installer en France le catalogue de sa maison d’édition Mémoire d’encrier (20 ans l’an prochain !), Rodney Saint-Éloi a réagi au micro du Point sur la situation catastrophique de son pays natal. Car l’auteur de Haïti, kenbe la ! (Haïti, redresse-toi !), écrit à la suite du tremblement de terre de 2010 (aux éditions Michel Lafon), avoue avoir « épuisé l’espoir » et renoncé au fantasme de reconstruire Haïti depuis l’exil. Il revient aussi sur ce que l’enquête du New York Times a tout récemment et puissamment médiatisé dans son enquête : la dette que les Haïtiens ont dû payer aux colons pour prix de leur indépendance (1804), bien à l’origine de leur malheur.

« Je suis très heureux que l’Occident le dise et l’assume : tout le monde en parle, nous le savions… Mais surtout, il n’y a pas que les étrangers, Français et Américains, qui sont responsables : nos élites locales le sont aussi », dit-il, en soulignant que le verbe le plus utilisé en Haïti est « partir ». Il n’en conseille pas moins aux jeunes de ce « pays pourri », comme il le nomme dans son livre, de vivre comme l’un des personnages (vrais) du roman, son grand-père, Tino : « Ne vivez pas trop loin de vos rêves. »

Avec Le Point

Ariel Henry, Premier ministre haïtien à la part d’ombre grandissante

février 8, 2022
Ariel Henry, Premier ministre haitien a la part d'ombre grandissante
Ariel Henry, Premier ministre haïtien à la part d’ombre grandissante© AFP/Valerie Baeriswyl

Médecin réputé mais responsable politique critiqué, Ariel Henry s’est emparé des rênes du pouvoir en Haïti après l’assassinat il y a sept mois du président Jovenel Moïse. Aujourd’hui le Premier ministre s’accroche à son poste malgré les soupçons qui le lient à cet attentat.

Agé de 72 ans, Ariel Henry s’est fait un nom en Haïti au fil de son parcours professionnel de neurologue. Après des études de médecine à l’université française de Montpellier, il prend la tête du service de neurochirurgie d’un des hôpitaux privés les plus réputés d’Haïti.

Enseignant dans les universités d’Etat de la capitale Port-au-Prince, Ariel Henry n’embrasse que tardivement une carrière politique.

En janvier 2015, le chef de l’Etat Michel Martelly le nomme ministre de l’Intérieur, un poste qu’il occupe moins de huit mois.

Après un changement à la tête du gouvernement en septembre 2015, il prend le portefeuille des Affaires sociales et du Travail pour un peu plus de six mois, avant de quitter la scène politique plus de cinq années.

En juillet 2021, il fait son retour quand le président Jovenel Moïse le choisit comme son septième Premier ministre.

« Tapage orchestré »

Mais deux jours seulement après cette nomination, le 7 juillet, Jovenel Moïse est assassiné dans sa résidence privée par un commando armé composé d’anciens militaires colombiens.

L’attentat plonge le pays, déjà fragile sur le plan politique, dans une confusion totale, au détriment d’Ariel Henry qui n’avait pas eu le temps de prendre officiellement ses fonctions.

Après deux semaines de flou et sous la pression des ambassades étrangères, il est finalement installé à la tête du gouvernement, souffrant déjà d’un déficit de légitimité.

L’enquête sur l’assassinat du président va accroître la défiance à son égard: la nuit du meurtre, Ariel Henry a eu plusieurs appels téléphoniques avec l’un des principaux suspects.

Face à ces accusations, il fustige un « tapage orchestré au niveau national et international autour des conversations téléphoniques », et dénonce une « diversion ».

S’il n’a pas nié avoir eu des échanges avec Joseph Félix Badio, qui aurait été géolocalisé deux heures après le meurtre dans le quartier où se trouve la résidence de Jovenel Moïse, Ariel Henry annonce qu’il lui est difficile de se rappeler les noms de tous ceux l’ayant appelé et la nature des conversations qu’il avait eues ce jour-là.

Mainmise des gangs

Alors que la société civile et une partie de l’opposition politique peinent à s’entendre pour offrir une alternative, le Premier ministre conserve le contrôle de l’Etat, sans grands résultats face aux crises qui secouent le pays.

Bien avant la mort du président Jovenel Moïse, les gangs avaient étendu leur mainmise sur le territoire haïtien, multipliant détournements de marchandises et enlèvements crapuleux.

Contrôlant une large partie de Port-au-Prince, et rendant impossible le transport routier sécurisé vers toute la moitié sud du pays, les bandes armées empêchent l’accès aux bureaux de la Primature: c’est depuis sa résidence officielle qu’Ariel Henry organise réunions et conseils du gouvernement.

Le 1er janvier, le Premier ministre a même été contraint de fuir, sous des rafales de tirs, la cérémonie de la fête nationale organisée dans la ville des Gonaïves.

Soupçons du juge

Cette « tentative d’assassinat », qu’il dénonce avec fermeté, n’empêche pas Ariel Henry de garder son agenda politique, similaire à celui de feu Jovenel Moïse, à savoir l’organisation d’élections et l’adoption d’une nouvelle constitution.

Sans assise populaire et contesté, le Premier ministre bénéficie encore du soutien de la communauté internationale, qui prêche cependant depuis l’assassinat de Jovenel Moïse pour une entente entre tous les acteurs de la scène politique.

Le 7 février aurait dû être jour de passation du pouvoir présidentiel. En fait, Haïti entame, avec Ariel Henry à sa tête, le quatrième régime de transition de l’histoire de sa jeune démocratie, née à la suite de la chute de la dictature des Duvalier en 1986.

Mais les doutes grandissants quant à son éventuelle implication dans l’attentat contre le président Moïse fragilisent la position déjà précaire du dirigeant.

Dans un document audio révélé par CNN et circulant mardi sur les réseaux sociaux, on entend un homme, identifié par de nombreux Haïtiens crédibles comme le juge qui était en charge de l’instruction du dossier (avant d’être écarté en raison d’accusations de corruption), parler des relations d’Ariel Henry « avec le moteur, l’initiateur de l’assassinat qui est son ami et qui a planifié avec lui, le jour de l’assassinat ».

Avec Jeune Afrique avec AFP

Le Canada organise une réunion des Amériques sur la crise en Haïti

janvier 19, 2022
Des hommes armés en uniforme à bord d'un véhicule.

La police patrouille dans le centre-ville de Port-au-Prince, en Haïti. Photo : AP/ Matias Delacroix

Le Canada organise une réunion virtuelle de ministres des Antilles et des Amériques pour discuter de l’insécurité croissante en Haïti, notamment depuis l’assassinat de son président l’été dernier.

Le président Jovenel Moïse a été assassiné par balles le 7 juillet à son domicile de Port-au-Prince. Sa femme a aussi été blessée lors de cette fusillade.

Des migrants d’Haïti et d’un certain nombre de pays d’Amérique centrale se sont également déplacés vers le nord, exerçant une pression sur la frontière sud des États-Unis et créant une instabilité généralisée dans l’hémisphère occidental.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, présidera le sommet virtuel vendredi.

Elle en sera alors à l’ultime étape d’un voyage officiel dans trois pays européens pour discuter du renforcement militaire russe à la frontière ukrainienne, qui menace toute l’Europe.Mélanie Joly se croise les bras.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly Photo: Associated Press

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, et son homologue haïtien, Ariel Henry, prendront la parole à l’ouverture de cette réunion ministérielle virtuelle.

Soutenir un processus politique inclusif

Ottawa a invité des ministres des Affaires étrangères de démocraties aux vues similaires et des représentants d’organisations multilatérales comme les Nations unies, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), l’Organisation internationale de la Francophonie et l’Organisation des États américains.

Affaires mondiales Canada décrit cette réunion comme une tentative de renforcer les efforts coordonnés en matière de sécurité, et de soutenir un processus politique inclusif et le développement durable.

La ministre Joly sera accompagnée du ministre canadien du Développement international, Harjit Sajjan.

Le Canada et Haïti sont depuis longtemps unis par une profonde amitié et une étroite collaboration, indique la ministre Joly dans un communiqué.

En tant qu’ami et partenaire de longue date, le Canada est prêt à appuyer les solutions mises de l’avant par Haïti pour résoudre les problèmes les plus urgents du pays, et reste engagé à soutenir Haïti en vue de favoriser un avenir plus démocratique, plus sûr et plus prospère.

Par La Presse canadienne avec AP

En Haïti, l’horreur des viols commis par les gangs

novembre 29, 2021

« Certaines femmes kidnappées n’arrivent même pas à savoir combien d’hommes les violaient »: Judith Fadois a beau travailler depuis plus de six ans en Haïti à la clinique de Médecins sans frontières dédiée à la prise en charge des crimes sexuels, la médecin s’avoue dépassée par l’horreur de certains cas.

Déjà minées par le tabou qui entoure ces crimes dans une société considérée comme machiste, la cruauté accrue des gangs haïtiens lors de certains enlèvements sidère les équipes médicales qui prennent en charge les victimes de violences sexuelles.

« Pour certains cas, je parlerais de mutilation, tellement elles ont été traitées en objet », témoigne sobrement le Dr Fadois, responsable des activités médicales du centre MSF.

Les bandes armées ont virtuellement pris le contrôle de Haïti depuis plusieurs mois, alors même que ce petit pays des Caraïbes faisait déjà face à une pauvreté endémique.

« Pure torture »

Au coeur de la capitale Port-au-Prince, l’équipe du Dr Fadois offre l’assistance médicale d’urgence et le soutien psychologique vital aux victimes mais la gravité des récentes violences a personnellement affecté le personnel de MSF.

« En octobre et novembre, ça n’a pas été facile du tout pour le staff », souffle la médecin qui qualifie certains viols de « pure torture » et évoque « des choses que jamais (elle n’aurait) pensé qu’un humain pouvait faire subir à un autre humain ».

Parmi les premières interlocutrices des victimes, Djynie Sonia Dieujuste assure, avec trois collègues, la permanence à la ligne téléphonique d’urgence, confidentielle, ouverte en continue, gratuitement.

« Nous sommes des humains, nous sommes des femmes: il y a des situations qui nous affectent vraiment », reconnaît l’infirmière qui répond en moyenne à deux ou trois appels par jour.

« Certaines ont des idées suicidaires, c’est pourquoi nous avons des psychologues disponibles 24H sur 24 qui prennent le relais si ça dépasse notre compétence » d’infirmières, précise Mme Dieujuste.

Début novembre, Sophonie, un prénom d’emprunt, a composé le numéro d’urgence.

La jeune fille de 24 ans a subi un viol par deux hommes, entrés par effraction dans son domicile, situé dans un quartier populaire de la capitale.

« Je dormais et j’ai senti que la porte s’ouvrait. J’ai cru que c’était ma tante qui revenait. Ils ont foncé sur moi, ils m’ont bâillonnée puis j’ai perdu connaissance », souffle rapidement sa faible voix.

« Garder ça secret »

« Quand je suis revenue à moi, j’étais totalement nue, mes vêtements étaient déchirés », se rappelle-t-elle.

Après l’attaque, Sophonie envisage d’aller voir la police mais comme elle n’a pu distinguer le visage des deux hommes, elle abandonne l’idée.

Se faire soigner et conseiller au centre MSF aide la jeune femme mais elle se refuse encore à évoquer ce viol collectif à son entourage.

A ses professeurs et amies d’école, après une semaine sans se présenter en cours, elle a simplement annoncé avoir été malade.

« Dans les quartiers, une personne qui a subi un viol est affligée d’une étiquette », atteste Dr Judith Fadois. « Donc les femmes intègrent l’idée de ne pas en parler si jamais ça leur arrivait, » déplore la médecin.

C’est pour briser ce tabou, et car aucune structure médicale ne prenait alors en charge ce pan de la santé publique en Haïti, que MSF a ouvert le centre baptisé « Pran men’m » (« prends ma main », en créole) en mai 2015.

Mariage forcé

L’organisation médicale a également décelé l’urgence de lutter contre certaines pratiques coutumières.

« En province surtout, la tradition est que soit on force la jeune fille à se marier avec son agresseur, soit la famille de la victime est dédommagée financièrement », s’insurge le Dr Fadois.

Pour étendre la prise en charge médicale des violences sexuelles, MSF a organisé des formations pour les professionnels de santé de tous les hôpitaux d’Haïti.

L’occasion pour Judith Fadois de réaliser que la notion du consentement n’était pas une évidence pour ses confrères, imbus de la culture considérée comme machiste de son pays.

« Des médecins hommes me hurlaient dessus, me demandaient +mais d’où vous sortez avec ça ? Ça n’est pas un truc pour notre culture, pour ici+, » se rappelle la médecin.

En six ans, elle peut constater une lente mais notable évolution des mentalités à l’égard du viol.

En revanche, la récente montée en puissance des gangs à Port-au-Prince met en péril cette assistance offerte aux victimes.

« Certaines disent qu’elles ne peuvent pas quitter l’endroit où elles sont à cause de l’insécurité qui y règne: c’est comme si elles étaient en prison, » s’émeut la médecin, impuissante.

Par Le Point avec AFP

Haïti: libération de deux otages parmi les 17 Nord-Américains enlevés mi-octobre

novembre 21, 2021
Haiti: liberation de deux otages parmi les 17 Nord-Americains enleves mi-octobre
Haïti: libération de deux otages parmi les 17 Nord-Américains enlevés mi-octobre© AFP/Richard PIERRIN

Deux otages parmi un groupe de 17 missionnaires nord-américains et leurs proches enlevés près de la capitale haïtienne Port-au-Prince, ont été libérés a annoncé dimanche l’église américaine à laquelle ils appartiennent.

« Seules des informations limitées peuvent être fournies, mais nous sommes en mesure d’indiquer que les deux otages qui ont été libérés sont sains et saufs, ont bon moral et sont pris en charge, » a déclaré l’organisation religieuse Christian Aid Ministries dans un communiqué publié sur son site internet.

Le groupe, 16 Américains et un Canadien, avait été enlevé le 16 octobre après la visite d’un orphelinat au coeur de la zone sous l’emprise d’un des principaux gangs d’Haïti.

Basée dans l’Etat américain de l’Ohio, l’organisation Christian Aid Ministries avait indiqué que le groupe comptait 12 adultes, dont l’âge est compris entre 18 et 48 ans, et cinq enfants âgés de 8 mois, 3, 6, 13 et 15 ans.

« Nous ne pouvons pas fournir ou confirmer les noms des personnes libérées, les conditions de leur libération, leur origine ou leur emplacement actuel » précise dimanche l’église, en demandant la discrétion à ceux ayant connaissance de ces détails.

« Preuves de vie »

Les membres du gang « 400 mawozo », qui ont enlevé ces 17 personnes avaient réclamé un million de dollars par personne gardée captive, selon les informations recueillies par l’AFP.

Dans une vidéo publiée fin octobre sur les réseaux sociaux, le chef de cette bande armée avait menacé d’exécuter les otages.

Quelques jours plus tard, la police haïtienne avait annoncé « avoir reçu des preuves de vie de tous les otages ».

Plusieurs agents du FBI collaborent avec les autorités haïtiennes et la cellule contre enlèvement de la police nationale qui négocie depuis plus d’un mois avec les ravisseurs.

Haïti est classé comme pays en zone rouge par les Etats-Unis qui déconseillent à leurs ressortissants de s’y rendre, notamment en raison des nombreux enlèvements dont « les victimes incluent régulièrement des citoyens américains ».

La semaine dernière, les Etats-Unis et le Canada ont aussi recommandé à leurs ressortissants vivant en Haïti de planifier leur départ du pays où les gangs armés étendent leur contrôle, causant une grave pénurie de carburants.

Les bandes armées ont commis plus de 800 enlèvements contre rançon depuis le début de l’année, selon le Centre d’analyse et de recherches en droits humains, basé à Port-au-Prince.

En avril, dix personnes dont deux religieux français avait été séquestrées 20 jours par ce gang dans la même région.

Par Le Point avec AFP