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France: « Si tu veux t’occuper de ton enfant handicapé, tu démissionnes »

février 22, 2017

Laëticia, salariée d'une agence bancaire, estimé avoir été poussée à la démission par son employeur qui lui refusait un aménagement d'horaires pour s'occuper de son enfant handicapé. Elle l'attaque aux prud'hommes. (photo d'illustration).

Laëticia, salariée d’une agence bancaire, estimé avoir été poussée à la démission par son employeur qui lui refusait un aménagement d’horaires pour s’occuper de son enfant handicapé. Elle l’attaque aux prud’hommes. (photo d’illustration).Getty Images

Laëtitia, salariée d’une agence bancaire, demande un aménagement d’horaires pour s’occuper de son enfant handicapé, mais il lui est refusé. Son employeur excluant aussi une rupture conventionnelle, elle démissionne. Elle l’attaque aujourd’hui aux prud’hommes.

Les conflits qui animent les prud’hommes reflètent quotidiennement notre histoire sociale. L’audience en bureau de jugement est publique. Régulièrement, une journaliste de L’Express assiste aux débats.

Paris, tribunal des prud’hommes, section encadrement, le 20 janvier 2017, à 16h25.

Le président, assisté d’une conseillère et de deux conseillers, appelle deux avocats qui attendent dans la salle.

Le président: « Quelles sont vos demandes? »

L’avocat de Laëtitia: « Ma cliente a pris acte de la rupture du contrat de travail qui doit s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et produire les effets de ce licenciement. Aussi, je réclame 6.487 euros d’indemnités de licenciement, 50.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement, si vous ne deviez pas reconnaître la prise d’acte comme licenciement, 57.000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 2 500 euros d’article 700. La moyenne de salaire de ma cliente était de 2.944 euros. »

Le président: « Rappelez-nous le contexte de la rupture. »

L’avocat de Laëtitia: « Vous avez entre les mains un dossier hors du commun. Ma cliente a été engagée le 4 février comme chargée de compte dans une agence bancaire d’une ville du Val d’Oise. Elle vit maritalement et a un enfant handicapé. Mais elle souhaite avoir du temps pour sortir son enfant d’un établissement où ça se passe mal pour lui. Elle demande une mobilité pour emmener son enfant à l’école et le récupérer. Elle demande un aménagement d’horaires: il lui est refusé. Elle a donc démissionné pour un motif impératif. Elle impute cette démission à son employeur, cela le gêne, évidemment.

Le président: « A-t-elle demandé une rupture conventionnelle? »

L’avocat de Laëtitia: « Oui, on la lui refuse aussi, même si dans ce type d’établissement qui a une charte sociale proclamée à longueur de temps, un aménagement d’horaires était la meilleure solution. Sa supérieure lui dit: « Si tu veux t’occuper de ton enfant handicapé, tu démissionnes », elle n’a pas le choix. Le 25 juin 2013, elle rédige donc sa lettre de démission motivée que sa supérieure refuse en lui disant qu’elle lui dictera les termes de la lettre. Ma cliente n’est pas d’accord. Elle prend donc acte de la rupture du contrat de travail. Je précise que ma cliente n’a jamais fait l’objet d’aucune sanction, elle a besoin de temps pour s’occuper de son enfant. On lui propose un 80% mais elle n’en veut pas, elle veut juste des horaires décalés le matin et le soir. Le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement est de un cinquième de mois sur cinq ans. Cela n’aurait pas mis en faillite une banque internationale cotée au Cac 40! Il s’agit de l’intérêt moral de la salariée… »

Le président: « On lui a fait des propositions, me semble-t-il. Attention à ne pas noircir les choses! »

L’avocat de Laëtitia: « Elle demande en avril un changement pour septembre. On lui répond qu’elle aura peut-être une possibilité en décembre, mais c’est trop tard pour elle. Dans la RSE [responsabilité sociale et environnementale] on annonce au monde entier: « regardez comme je prends en compte mes salariés ». Très bien. Je ne noircis pas le tableau, monsieur le président, mais vous avez aujourd’hui devant vous un des plus grands cabinets d’avocats de Paris qui va tenter de mettre à mal un contre-exemple de la réalité sociale dans une banque. »

L’avocat de l’employeur: « J’ai entendu cet argument sur le manque d’humanité. Mais cette version des faits ne correspond pas à la réalité. Nous ne contestons pas que Madame a des difficultés avec une enfant handicapé. Mais elle a abordé ce fait le 21 mai 2013 avec sa gestionnaire de carrière en lui disant: « en septembre, mon enfant doit être scolarisé différemment ». Elle demande des solutions. La mobilité prend du temps, car elle ne peut se faire qu’au sein du groupe et non pas de la société. Alors on lui propose un temps partiel qui peut être mis en place plus rapidement. On lui propose aussi de prendre un congé sabbatique le temps de trouver une solution. Nous ne souhaitons pas de rupture du contrat de travail alors votre cliente va voir les instances représentatives du personnel pour exposer son problème. Ils lui proposent les mêmes solutions que la gestionnaire de carrière. Elle démissionne. Nous en prenons acte. »

L’avocat de Laëtitia:« C’est une démission équivoque, requalifiée en prise d’acte avec un grief. »

L’avocat de l’employeur: « Il appartient à celui qui demande la requalification d’apporter la preuve des manquements graves de l’employeur tels que la relation de travail ne peut pas se poursuivre. Manquement grave car nous avons refusé la rupture conventionnelle? Mais elle ne peut être imposée à l’une ou l’autre partie. »

Le président: « Le conseil appréciera si oui ou non il y a eu un manquement grave. »

La conseillère: « Quels postes lui ont été proposés? »

L’avocat de l’employeur:  » Le 25 juin 2013, on allait lui proposer une mobilité, il y a 80 000 salariés en France, elle démissionne. »

La conseillère: « Ca a été écrit? »

L’avocat de l’employeur: « Non, mais on allait vers cette solution, mais elle ne voulait qu’une rupture conventionnelle. Elle n’a pas examiné de bonne foi les propositions faites. Et comme mon confrère est à bout d’argument, il sort l’exécution déloyale du contrat de travail. Quant à la RSE, elle concerne les salariés frappés de handicap, pas leurs enfants. Je demande 1.500 euros d’article 700. »

Le président: « Vous avez évoqué le fait qu’on aurait pu s’entendre. Est-ce qu’il y aurait aujourd’hui une possibilité de discuter? »

L’avocat de Laëtitia: « Si on était d’accord, vis-à-vis de Pôle emploi, il faudrait que la rupture conventionnelle soit reconnue. »

La DRH de l’entreprise: « On a produit un document Assedic de démission, je ne suis pas sûre qu’on puisse changer. Cela semble étrange aujourd’hui de vouloir concilier!  »

Le président: « Et peut-on envisager une réembauche?  »

L’avocat de Laëtitia: « Cela fait trois ans et on lui a dit à l’époque qu’elle était trop payée. Elle a fait une formation pour s’occuper d’enfants. »

L’avocat de l’employeur: « Je vous propose que l’on vous écrive si l’on trouve une solution. »

17h15. Le président: « Très bien, vous avez jusqu’au 10 février. Si vous ne trouvez pas de solution, le conseil tranchera. »

Verdict, le 10 février 2017. Le conseil des prud’hommes déboute la demanderesse, Laëtitia de sa prise d’acte de rupture de son contrat de travail qui doit être analysée comme une démission et non comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La banque est néanmoins condamnée à payer à Laëtitia 25.000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail puisque aucune solution n’a été trouvée pour permettre à la mère de famille de concilier les contraintes de sa vie personnelle liée à un enfant souffrant de handicap, avec celles de sa vie professionnelle. La banque est également condamnée à payer 2.500 euros d’article 700.

Les parents d’enfants souffrant de handicap et la vie professionnelle

Le congé de présence parentale permet au salarié de s’occuper d’un enfant à charge de moins de 20 ans, dont l’état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants. Le salarié bénéficie d’une réserve de jours de congés, qu’il utilise en fonction de ses besoins. Le congé est attribué pour une période maximale de 310 jours ouvrés par enfant et par maladie, accident ou handicap, dans la limite maximale de trois ans.

De plus, l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) est attribuée aux salariés qui doivent interrompre leur activité professionnelle pour rester auprès de leur enfant (de moins de 20 ans ou à la charge du salarié) du fait d’une maladie, d’un handicap ou s’il est victime d’un accident d’une particulière gravité. Le salarié percevra, pour chaque jour de congé, une allocation journalière dans la limite de 22 jours par mois. Le certificat médical doit être établi par le médecin qui suit l’enfant. Il doit être détaillé, sous pli cacheté. Le médecin doit également préciser la durée prévisible du traitement.

Un complément mensuel peut être attribué sous conditions de ressources et pour trois ans au maximum. Au-delà de trois ans, le droit à l’allocation peut être ouvert à nouveau, en cas de rechute ou de récidive de la pathologie de l’enfant au titre de laquelle un premier droit à l’AJPP avait été ouvert.

Lexpress.fr par Claire Padych

Le retour éventuel de Strauss-Kahn, un handicap pour le PS

août 24, 2011

PARIS (Reuters) – Un retour de Dominique Strauss-Kahn sur la scène politique française serait un lourd handicap pour le Parti socialiste dans la course à l’élection présidentielle de 2012, estiment des analystes.

L’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) n’a pas dévoilé ses intentions mardi après l’abandon par un juge de New York des poursuites pour tentative de viol le 14 mai dernier sur Nafissatou Diallo, une femme de chambre avec laquelle il a admis avoir eu un rapport sexuel consenti.

« J’ai hâte de rentrer dans mon pays », a-t-il déclaré devant son domicile provisoire de Manhattan. « Je m’exprimerai plus longuement quand je serai de retour. »

Certes, l’ancien favori des sondages est définitivement hors course pour la candidature à la présidentielle et même l’un de ses lieutenants les plus fidèles, Jean-Christophe Cambadélis, estime dans Libération de mercredi que « la thèse d’un retour à la manière du comte de Monte-Cristo est un peu romanesque ».

Mais Dominique Strauss-Kahn pourrait selon les analystes être tenté par un retour en politique pour faire oublier ce qu’il a qualifié mardi d' »épreuve terrible et injuste ».

« Les hommes politiques qui pensent qu’ils ont subi un déshonneur immérité pensent toujours qu’ils ne peuvent réparer ça qu’en revenant en politique », explique Stéphane Rozès, président de Cap (Conseil analyses et perspectives).

Pour lui, Dominique Strauss-Kahn et son épouse, Anne Sinclair, sont dans cet état d’esprit pour « laver leur honneur ».

Les amis de l’ancien ministre de l’Economie, qui se disent unanimement soulagés, semblent prêts à lui faire une place, même s’ils soulignent que c’est à « DSK » de dire ce qu’il veut faire.

QUE DU BONHEUR ?

Martine Aubry, qui avait conclu un pacte avec Dominique Strauss-Kahn et ne s’est lancée dans la course à la candidature socialiste qu’après son inculpation à New York, est sans doute celle qui a été le plus loin, si l’on excepte les lieutenants de l’ancien directeur général du FMI.

« C’est du bonheur », a-t-elle dit. « Dominique est de toutes façons utile à la France, son pays auquel il est tellement attaché, et il le sera sous les formes qu’il choisira. »

La promesse d’accueillir le fils prodigue de la social-démocratie risque toutefois d’être en contradiction avec l’état de l’opinion publique française, qui semble avoir tiré un trait sur son retour sur la scène politique.

Ainsi, dans le baromètre Ipsos-Le Point publié lundi, il ne recueille que 28% d’opinions favorables.

Pour Stéphane Rozès, il y a une fracture entre les élites, notamment socialistes, et l’opinion française.

« Ça provient de ce que les dirigeants socialistes mésestiment la dimension symbolique de la politique. Ils ne voient pas à quel point on peut judiciairement l’emporter sur les faits et à quel point on peut être politiquement affaibli par tout ce qui s’est passé autour de l’affaire DSK », dit-il.

Pour lui, même si les Français ne sont pas des puritains, « la vie privée de Dominique Strauss-Kahn a été suffisamment étalée pour que dorénavant, lorsqu’il parlera politique (…), ils n’aient pas immédiatement en mémoire ce qu’ils ont appris ».

PAS SUR LA PHOTO

La réputation de « séducteur » de l’ancien directeur général du FMI leur est d’ailleurs rappelée quotidiennement par les humoristes, qui raillent son comportement sur toutes les radios dans la grande tradition gauloise.

Le caricaturiste le plus influent de France, Plantu, représente dans Le Monde « DSK » en homme verdâtre pourchassant les femmes et dont le costume porte des taches douteuses.

En France, les accusations de tentative de viol portées par la journaliste Tristane Banon pour des faits présumés remontant à 2003, sur lesquelles une enquête est en cours, contribueront également à alimenter la chronique judiciaire.

Une partie de la gauche a d’ailleurs rompu avec le concert d’autocongratulation qui a suivi l’abandon des poursuites.

L’ancienne candidate communiste à la présidentielle, Marie-George Buffet, qui a siégé dans le même gouvernement que Dominique Strauss-Kahn en 1997, a qualifié l’abandon des poursuites de « mauvaise nouvelle pour la justice et une mauvaise nouvelle aussi pour les femmes ».

La droite se montre prudente mais certains de ses membres, à l’instar des associations féministes, sont incisifs.

« En montrant le vrai visage de M. Strauss-Kahn, la politique française a été débarrassée d’un individu indigne de toute représentation démocratique », a déclaré la députée UMP François Hostalier, selon laquelle on ne peut pas faire « comme s’il ne s’était rien passé » à New York.

Pour le politologue Dominique Reynié, un retour éventuel de Dominique Strauss-Kahn s’apparenterait à un cadeau empoisonné pour le PS qui s’apprête à désigner en octobre son candidat à la présidentielle dans un climat déjà tendu par les rivalités.

« Je crois que ça compliquera beaucoup la tâche de la gauche et que ça l’embarrassera », a-t-il dit sur France 5.

Stéphane Rozès estime que cela risque surtout de desservir Martine Aubry, qui est selon lui tentée de rechercher son appui, contrairement à son principal rival, François Hollande.

« Dominique Strauss-Kahn et l’affaire de New York ont suffisamment marqué l’opinion pour que le seul fait qu’il soit sur la même photo aux côtés de Martine Aubry vienne complètement brouiller le rapport de Martine Aubry avec les Français », estime-t-il en jugeant que cela peut la faire perdre.

La seule contribution utile que l’ancien ministre puisse apporter à la gauche serait d’aider « ponctuellement à la résolution d’un certain nombre de problèmes des Français sous une forme très particulière, discrète », dit-il.

Reuters par Yves Clarisse