« C’est inexplicable que ça coûte ce prix-là », souligne le consultant et professeur en sciences infirmières Philippe Voyer.
Les maisons des aînés coûteront au moins 2,8 milliards de dollars au total, selon la dernière évaluation du ministère de la Santé. Photo : Radio-Canada
Experts et entrepreneurs du milieu de l’hébergement pour aînés s’inquiètent de la possibilité de voir le concept de maison des aînés être mis de côté en raison de la hausse importante des coûts.
Au cours des prochains mois, des dizaines de maisons des aînés seront livrées au gouvernement afin d’héberger, à terme, près de 3500 personnes âgées en perte d’autonomie.
Annoncée à moins de 400 000 $ la chambre en 2019, la dernière évaluation du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) s’élève en moyenne à plus de 800 000 $, pour un total de 2,8 milliards de dollars.
Le consultant et professeur titulaire responsable de la formation continue à la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval, Philippe Voyer, se désole d’une telle hausse des coûts.
C’est inexplicable que ça coûte ce prix-là
, souligne M. Voyer. Il connaît bien le concept de maison des aînés pour avoir accompagné des entrepreneurs et le gouvernement dans le développement de nouvelles approches de soins auprès de la clientèle en perte d’autonomie.
M. Voyer cite quelques projets récents de CHSLD et de ressources intermédiaires (RI) lancés par le privé à moins de 300 000 $ la chambre. Des projets inspirés du concept de maison des aînés avec des maisonnées, des chambres et des toilettes individuelles ainsi que des aires communes.
Selon lui, ces bâtiments au privé et les maisons des aînés sont des produits qui sont équivalents et qui répondent bien aux besoins populationnels
.
Pour moi, ce que je trouve désolant, c’est que les gens remettent en question le concept de maison des aînés alors que ce sont les coûts de construction qui sont problématiques.
Une maison des aînés en construction Photo : Radio-Canada
Interrogée plus tôt cette semaine par Radio-Canada, la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, reconnaissait que les maisons des aînés coûtent plus cher [car] on travaille avec des matériaux de qualité, on veut que ces maisons soient solides pendant de nombreuses années
.
« C’est tellement un bon modèle qu’on est en train de faire […] Les experts, les gériatres nous disent de faire ces maisons-là. »— Une citation de Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants
Guillaume Houle, porte-parole de l’Association de la construction du Québec, nous disait récemment qu’il y a tellement eu de fluctuations depuis le début de la pandémie que les entrepreneurs doivent se protéger face à des hausses des coûts et parce que la chaîne d’approvisionnement est complètement déréglée
.
Au Parti québécois, le chef parlementaire Joël Arseneau suggérait cette semaine, en conférence de presse, de mettre un terme au projet de maison des aînés.
« Chaque fois qu’on se penche sur le dossier, les coûts explosent. […] Continuer à s’enfoncer dans un puits sans fond, dans un projet ruineux, alors que les besoins sont ailleurs, bien, ce serait poursuivre dans la mauvaise voie. »— Une citation de Joël Arseneau, chef parlementaire du PQ
Du privé à moins de 300 000 $
À Terrebonne, en banlieue de Montréal, Sébastien Barrette et ses partenaires ont ouvert en février 2021 la Maison l’Étincelle, après une interruption des travaux en raison de la pandémie.
Un milieu d’hébergement pour aînés en perte d’autonomie de 144 unités, regroupant ressources intermédiaires et résidence privée pour aînés avec des problèmes cognitifs.
Ça ressemble en tout point aux maisons des aînés […] avec des maisonnées de 16 personnes
, explique M. Barrette, qui a eu recours aux services de Philippe Voyer.
Nous, ici, on a été capables de le faire à moins de 250 000 $ par chambre
, précise le gestionnaire.
Sébastien Barrette, copropriétaire de la Maison l’Étincelle à Terrebonne Photo : Radio-Canada
Ce qu’il entend sur la hausse du coût des maisons des aînés le préoccupe. Il y a un tsunami d’aînés en perte cognitive qui s’en vient
, rappelle-t-il.
Jusqu’où pourra-t-on répondre à la demande de dizaines de milliers de personnes
, compte tenu du prix des maisons des aînés? s’interroge M. Barrette.
À Vaudreuil-Dorion, sur la Rive-Sud de Montréal, le groupe de Jean-François Blanchard va construire pour l’automne prochain 111 nouvelles chambres au Manoir Harwood, un CHSLD privé.
La pandémie a eu au moins une bonne chose : on a eu le temps de réfléchir et de s’inspirer des maisons des aînés, un concept excellent
, dit-il.
Prix moyen par chambre : 230 000 $
À Québec, le milieu de vie Humanitae, spécialisé dans une clientèle atteinte d’alzheimer, regroupe 170 unités avec des maisonnées de 12 à 15 chambres. Un bâtiment construit à moins de 300 000 $ l’unité en 2019.
Lors de la campagne électorale de 2018, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait fait de l’hébergement des aînés un thème central de son programme.
Les maisons des aînés étaient le projet d’une génération, disait François Legault, alors que sa candidate Marguerite Blais rappelait l’intention du parti d’en finir avec les listes d’attente en CHSLD.
Avec Radio-Canada par Daniel Boily et Davide Gentile