Deux sauvetages en moins d’une semaine. Ce lundi 13 février, une semaine jour pour jour après le terrible séisme qui a touché la Syrie et la Turquie, nos confrères britanniques de la BBC ont rapporté qu’une jeune femme enceinte de sept mois, Dima, qui a depuis donné naissance à son enfant, avait dû être secourue à deux reprises. En effet, après avoir été sortie des décombres de sa maison après le tremblement de terre, elle a du être sauvée, une nouvelle fois, après l’effondrement partiel de sa maison, dans la ville de Jindayris (nord de la Syrie).
Le 6 février dernier, un violent séisme de magnitude 7,8 frappait la Turquie et la Syrie, avant que de violentes répliques ne touchent ensuite cette région du Moyen-Orient. Dans ce tremblement de terre, Dima a été légèrement blessée, indiquent nos confrères britanniques. Elle a ensuite donné naissance à son enfant, un garçon prénommé Adnan, dans un hôpital à 22 kilomètres au sud-ouest de son domicile. Après avoir été soignée, Dima a pu réintégrer sa maison… avant que celle-ci ne s’effondre trois jours plus tard.
Dans cet effondrement, le jeune enfant a été gravement blessé comme sa mère, qui a été touchée au niveau des jambes. L’enfant, lui, était atteint de déshydratation sévère et de jaunisse. Heureusement, il allait mieux ce lundi. « L’état d’Adnan s’est considérablement amélioré. Nous ne faisons que le nourrir et [fournir] le reste de ses besoins par des gouttes intraveineuses », a déclaré le pédiatre Dr Abdulkarim Hussein al-Ibrahim auprès de la BBC.
La mère d’Adnan est désormais sortie de l’hôpital. Elle est contrainte de vivre dans une tente avec neuf autres personnes. Malgré le fait que sa maison soit partiellement détruite, elle a été obligée de réintégrer son domicile, faute de place dans les refuges disponibles dans la région. En un peu plus d’une semaine, plus de 35 000 personnes sont mortes dans ce séisme (et ses répliques) en Turquie et en Syrie. Les Nations-Unies redoutent que ce bilan double dans les prochains jours.
Lieu historique national de la Forteresse-de-Louisbourg juillet 2019. Photo: Radio-Canada/Olivier Lefebvre
Parcs Canada veut raconter l’histoire des esclaves noirs à la forteresse de Louisbourg, au Cap-Breton en Nouvelle-Écosse.
On estime que 381 esclaves ont habité la forteresse française.
Parcs Canada est en train de mettre sur pied une exposition pour que les visiteurs apprennent à connaître ces gens.
L’agence travaille notamment en partenariat avec des groupes afro-néo-écossais pour monter l’exposition.
Des récits individuels pour raconter l’histoire
L’exposition retracera l’existence des esclaves dont la vie a été mieux documentée, par exemple, l’histoire de Marie Marguerite Rose, une jeune femme arrivée à Louisbourg à l’âge de 19 ans, après avoir été enlevée en Afrique.
Une représentation de Marie Marguerite Rose. Photo: Parcs Canada
La jeune femme a été vendue à une famille membre de l’élite à Louisbourg.
Une fois affranchie, au bout de 19 ans, Marie Marguerite Rose a épousé un homme mi’kmaw avec qui elle a tenu une taverne au 18e siècle.
Mais les histoires ne se terminent pas toutes aussi bien, note Theresa Brewer, présidente du regroupement de Glace Bay de l’Association universelle pour la promotion des Noirs (UNIA).
Il est bon que Louisbourg monte cette exposition et qu’on dévoile un pan de l’histoire de l’esclavage, même si c’est douloureux. Et il est approprié de commencer par Marie Marguerite Rose, estime Mme Brewer, qui s’afflige de constater que peu de gens connaissent l’histoire des esclaves.
Selon Eddie Kennedy, gestionnaire du site, les réactions initiales au sein de la communauté sont positives face à cette initiative.
La nouvelle exposition pourrait être prête dès 2023.
Des plus beaux exploits aux chutes mémorables en passant par un 100 m interminable, Jeune Afrique revient sur les grands moments de l’histoire africaine des JO.
Dans Les histoires insolites des Jeux olympiques de l’Antiquité aux Jeux de Rio 2016, paru en 2020 aux Éditions Amphora, Luciano Wernicke raconte plus de 400 histoires olympiques. On se souvient notamment de celle de l’athlète noir américain Cornelius Johnson, champion du saut en hauteur (2,03m), qu’Hitler refusa de saluer aux Jeux de Berlin en 1936 et à celle du boxeur Mohammed Ali, victime de racisme même après avoir gagné une médaille d’or lors des Jeux de Rome en 1960. Mais nombre d’athlètes africains ont aussi été les héros de grands moments des Olympiades. Histoires marquantes, tragiques, hilarantes ou ridicules, bruit de couloirs ou indiscrétions jamais révélées… En voici une sélectio
Guinée équatoriale : Eric Moussambani, un nageur hors du temps
Surnommé ironiquement « l’anguille » par ses collègues, le nageur équato-guinéen Eric Moussambani est devenu célèbre en réalisant le 100m nage libre le plus lent de l’histoire olympique (une minute et 52 secondes), finissant bon dernier, aux JO de Sidney, en 2000. D’autres nageurs ont même hésité à plonger pour le secourir. Le sportif n’a pas eu l’occasion de retenter sa chance quatre ans plus tard, puisqu’il a commis une erreur d’accréditation. « Je ne sais pas quoi faire. Je suis très déçu et j’envisage de prendre ma retraite » avait-il alors déclaré.
Éthiopie : la revanche de Miruts Yifter
Toujours à Munich, en 1972, les JO de Miruts Yifter commence de manière malheureuse… dans les toilettes. Quatre jours après avoir obtenu le bronze au 10 000m, l’Éthiopien est frappé d’une diarrhée carabinée lors des éliminatoires du 5 000m. « Le sportif de 28 ans passa la moitié de la journée dans ses WC, et l’autre dans son lit, épuisé », confie Luciano Wernicke.
Il ne put pas prendre sa revanche lors de l’édition suivante, à Montréal, puisque nombre de pays africains, dont l’Éthiopie, avaient refusé de participer aux Jeux pour lutter contre l’apartheid en Afrique du Sud. Mais aux Jeux de Moscou, en 1980, il décrochera deux fois l’or, au 5 000m et au 10 000m.À LIRE Cameroun, RDC, Congo, Érythrée : ces réfugiés qui ont participé aux JO de Tokyo
Abebe Bikila, champion aux pieds nus
Aux Jeux olympiques (JO) de Rome en 1960, le marathonien éthiopien Abebe Bikila qui remplace un coureur blessé, ne trouve pas chaussure à son pied, littéralement. La marque Adidas, qui fournit des baskets aux athlètes n’ayant pas l’équipement nécessaire, lui a procuré une paire qui lui cause des ampoules. Lui dont les « voutes plantaires étaient habituées à sillonner les routes africaines rugueuses et arides » prend donc la décision de courir les 42 195 m sans chaussures. Non seulement il remporte l’épreuve, devant le Marocain Abdeslam Radi, mais il établit également un nouveau record.
Alors que l’Éthiopie avait gagné son indépendance face à l’occupant italien à la fin de la Seconde Guerre mondiale, « les maîtres des lieux eurent leur “revanche”, raconte Luciano Wernicke. Pendant la remise des prix, les musiciens de l’orchestre officiel, qui ne connaissaient pas l’hymne éthiopien, jouèrent celui de l’Italie ». Mais en 1964, lorsque Abebe Bikila inscrit un nouveau record – cette fois-ci avec des chaussures – aux Jeux de Tokyo, c’est bien l’hymne de son pays qui retentit.
LE MÉDECIN LE PRÉVIENT QU’IL RISQUE LA MORT. MAIS L’ATHLÈTE RETOURNE SUR LA PISTE
Etenesh Dirola, jusqu’au bout
Si nombre d’athlètes ont couru pieds nus aux Jeux olympiques, cela n’a pas toujours été volontaire. Lors de l’édition de 2016 à Rio, Etenesh Dirola est en tête de sa série du 3 000m steeple quand une altercation éclate entre les coureuses. L’Éthopienne perd une chaussure dans la cohue, ce qui la pénalise pour le reste de la course. Elle franchira ainsi la ligne d’arrivée bien après la Bahreïnienne, la Kenyane et l’Américaine… mais recevra quand même l’ovation du public.
Mali : le combat manqué de Moussa Sangare
À Moscou, le boxeur malien Moussa Sangare, seul représentant de son pays dans cette discipline, est victime de deux coups du sort. Arrivé en retard à la pesée, il est d’abord disqualifié. Mais son pays fait appel de cette décision, et il est finalement acté que ce contretemps n’était pas de son fait. Mais sur le ring, Sangare s’effondre face au Zambien Lucky Mutale. « S’il avait su qu’il subirait une défaite aussi cuisante, il se serait abstenu de faire appel de sa disqualification et ne serait même pas monté dans l’avion pour Moscou ! », commente Luciano Wernicke.
Kenya : l’increvable Kipchoge Kieno
Aux Jeux de Mexico, en 1968, le Kenyan Kipchoge Kieno dit « Kip », dut abandonner le 10 000m à cause d’une « infection inattendue de la vésicule biliaire qui, moins d’un kilomètre avant l’arrivée, commença à lui provoquer une douleur aiguë insupportable à l’estomac ». Le médecin lui conseille alors vivement d’abandonner et de se retirer, le prévenant qu’il risque la mort s’il retourne sur la piste. Mais l’athlète se présente tout de même au 5000 m et remporte la médaille d’argent, malgré la douleur.À LIRE Jeux olympiques : Clarisse Agbegnenou, descendante de roi togolais et « bulldozer des tapis »
Et ses malheurs ne s’arrêtent pas là : alors qu’il se rend à la finale du 1 500m, il se retrouve bloqué dans les bouchons sur le trajet et décide de courir les 3km qui le séparent du stade. Il arrive à destination à quelques secondes du top départ et son acharnement est récompensé par la médaille d’or et un nouveau record. Quatre ans plus tard, à Munich, il devra se contenter de l’argent au 1 500m, mais décrochera une nouvelle fois l’or au 3 000m steeple.
L’ÉQUIPE FÉMININE N’A ENCORE JAMAIS JOUÉ HORS DE SES FRONTIÈRES. MAIS ELLE REMPORTE LE TOURNOI
Zimbabwe : l’exploit des hockeyeuses
En plein boycott occidental des JO de Moscou, les Russes sont contraints, pour éviter l’annulation du tournoi de hockey sur gazon, d’inviter l’Autriche, la Pologne, la Tchécoslovaquie et le Zimbabwe à participer. À la surprise générale, l’équipe féminine zimbabwéenne, qui n’a alors jamais joué hors de ses frontières et n’est pas encore membre de la fédération, remporte le tournoi. Les joueuses offrent ainsi une première médaille à leur pays, qui avait été exclu des Jeux de Munich et de Montréal en raison du soutien de son gouvernement à la politique de l’apartheid. En revanche, les hommes finiront bons derniers du tournoi.
Afrique du Sud : Zola Budd-Pieterse, tombeuse de Nike
Lors des Jeux de Los Angeles, en 1984, la coureuse de fond américaine Mary Decker, favorite de la discipline et égérie de la marque Nike, s’élance sur la piste pour la finale du 3 000m. À mi-parcours, alors qu’elle est en tête, sa rivale sud-africaine Zola Budd-Pieterse, qui représente la Grande Bretagne – son pays étant exclu de la compétition – prend l’avantage. Decker tente de la doubler par le couloir intérieur mais trébuche sur les pieds – nus – de Budd, se foulant la cheville. Alors que l’Américaine pleure à chaudes larmes sur la piste, la Sud-Africaine finit sa course sous les huées du public et arrive septième. « Budd n’a commis aucune action antiréglementaire, Decker est victime d’elle-même », tranchera néanmoins John Holt, le secrétaire de la fédération sportive internationale.
Après l’incident, la cote de popularité de Nike n’est plus au beau fixe. « Ce fut un véritable paradoxe que la plus grande star de la marque de chaussures échoue en se tordant la cheville suite à un accrochage avec une Africaine qui, comme Abebe Bikila à Rome, courait pieds nus », souligne Luciano Wernicke.
Josia Thugwane, de rescapé à médaillé
« Ce pygmée de presque 1,58m dut franchir de gigantesques obstacles pour assouvir sa passion de la course », souligne Luciano Wernicke, narrant l’incroyable trajectoire du fondeur sud-africain Josia Thugwane. Originaire d’une région rurale marquée par la misère et les inégalités, celui-ci a tout de même réussi à monter les échelons du marathon, jusqu’à être sélectionné pour les JO d’Atlanta, en 1996. Cinq mois avant la compétition, il est victime d’une tentative de vol de voiture et de kidnapping alors qu’il est sur l’autoroute. Il résiste et saute de la voiture en marche, ce qui lui vaut une balle dans le menton et une chute brutale sur le béton.
Après une hospitalisation de plusieurs semaines, Thugwane se présente au départ du marathon olympique, qu’il remporte avec trois secondes d’avance sur le deuxième. « Trois secondes pendant lesquelles il mesura sa force de caractère et son courage », commente Wernicke.
CHRONIQUE / La période des vacances estivales se déroulera encore cette année au Québec et, principalement pour certains, en Mauricie et au Centre-du-Québec. Tout comme vous, nos journalistes sillonneront les villes et villages pour découvrir les plus beaux attraits de la région. Ils ont donc décidé de prendre la plume, une fois par semaine, pour vous partager leurs découvertes du moment. Tous les samedis, un journaliste vous proposera son coup de cœur de la dernière année afin de vous inspirer pour votre prochaine escapade en solo, en famille ou en couple. Pleins feux sur un endroit à découvrir ou à redécouvrir…
Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai accompagné mes grands-parents au sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Faut dire que j’habitais tout proche. Mon grand-père Marcel arrivait de Saint-Tite avec sa grosse voiture du début des années 80 et on allait se balader au sanctuaire. Enfant, je ressentais la magnificence des lieux, avec les grands arbres des jardins et l’imposante basilique. Sentiment qui m’habite toujours aujourd’hui.
Les visiteurs non croyants du sanctuaire, dont je fais partie, désolé grand-maman Jeannine, sont impressionnés par le parc et ses statues, mais aussi par l’architecture et l’histoire du site. Les croyants vivent quant à eux l’expérience plus intérieurement dans ce sanctuaire où les pèlerins convergent depuis si longtemps. Personne n’est insensible à la beauté des lieux.
«Les gens du coin se sont approprié les jardins comme un lieu de promenade. Les gens viennent chercher ici une certaine quiétude. Ça fait partie de l’expérience du sanctuaire», note Martin Yelle, directeur de mission au sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.
Tous les résidents présents ou passés du secteur Cap-de-la-Madeleine, voire Sainte-Marthe-du-Cap, vous le diront: une balade au sanctuaire est un incontournable des chaudes soirées d’été. Bordés par le fleuve, les jardins sont superbes une fois la nuit tombée.
En temps normal, le deuxième plus grand sanctuaire dédié à Marie en Amérique du Nord attire chaque année plus de 430 000 visiteurs. Se rendre au sanctuaire durant le Festival de l’Assomption, c’est plonger dans un bouillon de cultures unique en région.
«On n’escompte toutefois pas revoir de gros groupes en autobus avant 2022», mentionne Martin Yelle.
«La pandémie nous a obligés à réfléchir. On veut vraiment axer sur l’accueil des petits groupes, des visiteurs et des familles. Par exemple, une famille peut venir avec les grands-parents pour une visite au sanctuaire.»
Comme l’été dernier, le sanctuaire espère donc recevoir la visite de touristes québécois intéressés par l’aspect patrimonial du site. Un musée sur l’histoire du sanctuaire dont l’église de 1720, que tout le monde appelle le petit sanctuaire, est proposée cette année aux visiteurs. On peut y découvrir certains des plus anciens artefacts conservés depuis des générations dans les caves du sanctuaire.
«Nous avons des objets qui remontent à la période de la Nouvelle-France, comme la cloche originale du sanctuaire de 1713 fondue par un monsieur Latour de Beauport. À part la cloche de l’église de Beauport qui est au Musée de la Civilisation à Québec, je crois que c’est la deuxième plus vieille cloche complète qui reste au Québec», mentionne Martin Yelle.
«Nous avons aussi la cloche à mains en fonte que les Jésuites utilisaient. Ça date d’avant la construction de l’ancienne église. Ça remonte environ à 1660.»
Ce nouveau musée regroupe ainsi quelques objets étonnants qui nous en apprennent davantage sur les origines de Cap-de-la-Madeleine, alors que les Jésuites y avaient établi une mission. Le peu de temps que j’ai été secouriste bénévole pour l’Ordre de Malte dans les années 90 et que j’avais accès à ce qu’il y avait derrière les portes «Réservé aux employés», je rêvais de tomber sur la pièce où étaient entreposés depuis 300 ans les trésors du sanctuaire… mais ce n’est malheureusement jamais arrivé.
À deux pas du sanctuaire, on découvre la maison Rocheleau, aussi appelée le manoir des Jésuites. Construite en 1742, elle est une des dernières survivantes, avec le petit sanctuaire, de l’ancien bourg de Cap-de-la-Madeleine. Entièrement restaurée à son aspect du régime français, elle est ouverte aux visiteurs.
Ce secteur est si riche en histoire que la direction du Sanctuaire s’attend bien à ce que les travaux majeurs d’aménagement prévus dans les prochaines années entraînent des découvertes archéologiques. Des fouilles sont d’ailleurs prévues.
Malgré les consignes sanitaires en place, le sanctuaire proposera tout au cours de l’été, mais surtout lors du Festival de l’Assomption, une programmation culturelle «diversifiée et à la hauteur».
«Nous sommes prêts. La programmation sera annoncée prochainement. Et le thème de cette année sera ‘‘Vivre autrement’’», explique Martin Yelle. «Ça nous amène à réfléchir sur l’adaptation postpandémie et ce que ça nous impose comme changements.»
La beauté des jardins du sanctuaire est par contre fragile. Les majestueux ormes et frênes sont attaqués les uns après les autres par la maladie hollandaise et l’agrile. Certains de ces colosses sont morts et devront être abattus. Le lac de Marie est aussi mal en point. Mais heureusement, le reboisement des jardins permet d’entrevoir encore bien des promenades familiales dans ce magnifique lieu… comme dans le temps avec Marcel et Jeannine.
La loi sénégalaise du 27 avril 2010 reste la seule initiative africaine à inscrire dans les textes les crimes de la traite et de l’esclavage des populations du continent.
À quelques semaines d’un sommet de la Françafrique controversé, les 20 ans de la première et unique loi européenne qui déclare la traite et l’esclavage des noir.e.s crimes contre l’humanité sont l’occasion d’une réflexion en Europe et en Afrique, à l’heure où de nouvelles exigences mémorielles agitent la jeunesse mobilisée contre le racisme et la domination néocoloniale. Votée en 2001, sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, la loi française a indéniablement marqué une étape dans le combat pour l’égalité. Elle fut portée par Christiane Taubira, alors députée guyanaise, qui a prolongé à l’Assemblée nationale les mobilisations associatives françaises exigeant la sortie d’un « roman national » qui expulsait, jusque-là, les afro-descendant.e.s français.e.s des conquêtes de la liberté.
Crime contre l’humanité
Ainsi, depuis 2006, présidents de la République, élu.e.s, collectivités locales (surtout anciens ports négriers), établissements scolaires, associations, artistes et chercheur.e.s français.e.s ont, par des moyens divers, investi ce travail de mémoire, loin de toute diabolisation, victimisation ou repentance. La création récente de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, dirigée par l’ex-maire de Nantes et ex-Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, est aussi révélatrice de l’inscription au cœur des institutions françaises.
Si les autres États de l’Union européenne ne sont pas encore rentrés dans ce processus de reconnaissance et de qualification juridique, il faut noter la timide avancée du Parlement européen qui, par une résolution votée le 19 juin 2020, a invité les États membres à reconnaitre « officiellement les injustices du passé et les crimes contre l’humanité commis contre les personnes noires et les personnes de couleur » et décidé d’une date de commémoration, le 2 décembre, déjà prévue par les Nations unies comme Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage, surtout contemporain.
Notons tout de même, pour le regretter, que ni la France, ni le Parlement européen, ne sont encore sortis de cette vision européocentrée de l’histoire de l’esclavage colonial au détriment d’une perspective globale qui intègre les deux autres formes de traite et d’esclavage des noir.e.s de notre modernité : subsaharien.e.s et arabo-musulman.e.s. Toujours ignorées du processus international de reconnaissance et de réparation, les conséquences de ces derniers trafics continuent d’égrener leurs lots de souffrance en Afrique subsaharienne, au Maghreb, jusqu’en Europe où les jeunes migrants subsahariens racontent de plus en plus les formes d’esclavage subies dans leur traversée du Sahara. Qu’en est-il de l’Afrique ?
Impact de l’histoire
Nouvellement indépendants dans les années 1960, les États africains, malgré les urgences de la décolonisation et du développement économique, n’ont cessé de rappeler aux anciens colonisateurs et à leurs propres peuples l’impact de l’histoire de la traite des noir.e.s et de l’esclavage dans l’évolution politique de leurs jeunes nations. Pourtant, jusqu’en 2010, aucun d’entre eux n’avait qualifié juridiquement ce que la France a été la première à qualifier de crime contre l’humanité. Inspirée, autant dans son esprit que dans sa forme, par la loi française dite « Taubira », la loi sénégalaise du 27 avril 2010, première et unique loi en Afrique, marque, néanmoins, un tournant dans la gouvernance mémorielle de cette tragédie, de ses conséquences et de la conscience qu’en gardent les afro-descendant.e.s. L’ancien président Abdoulaye Wade ira jusqu’à dire que la décennie de l’alternance sera marquée par trois lois : « la loi contre la peine de mort, la loi sur la parité et la loi déclarant la traite des noirs crime contre l’humanité ».
Absence d’implication choquante
Ce texte sert donc non seulement à rappeler que le Sénégal et l’Afrique ont payé un lourd tribut à la mondialisation mais aussi que cette mémoire doit servir l’affirmation, la vigilance et le développement du continent. Outre la qualification de la traite et de l’esclavage en crime contre l’humanité, la loi sénégalaise, qui répond à l’évolution des consciences sur l’impact de cette histoire, a défini un certain nombre d’objectifs communs (scolaires et universitaires), similaires d’ailleurs à la loi française, pour inscrire la mémoire et la connaissance de la traite, de l’esclavage et des combats pour leur abolition dans le patrimoine civique républicain commun.
DES SENTIMENTS DE HAINE, DE RANCOEUR OU DE CULPABILITÉ
Depuis le 27 avril 2010 et l’instauration de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition, la ville de Dakar a accueilli quelques initiatives associatives : une cérémonie commémorative à l’hôtel de ville, ainsi que des rencontres réunissant établissements scolaires, universitaires et activistes. Le rapport du Sénégal vis-à-vis de l’histoire de l’esclavage colonial et de ses conséquences s’est approfondi, même si l’absence d’implication de l’État sénégalais dans ce devoir de mémoire choque. L’actuel président Macky Sall n’a jamais respecté cette obligation que la loi sénégalaise lui fait. Pendant que les autres dirigeant.e.s africain.e.s semblent totalement imperméables à ce devoir de mémoire essentiel.
Pourtant, cette longue histoire, quatre siècles de déportation et d’exploitation des forces vives de l’Afrique, ce crime contre l’humanité, a traversé l’émergence des nations africaines, et structure fortement les imaginaires en cristallisant des comportements politiques qui engendrent de plus en plus des sentiments de haine, de rancoeur ou de culpabilité. La criminalisation et la commémoration sont une occasion de se souvenir du sacrifice et des résistances de millions de victimes de l’esclavage colonial, de dresser des digues contre l’oubli de cette barbarie, de lutter contre les formes de domination néocoloniale et de discriminations raciales infligées aux afro-descendant.e.s et enfin d’enclencher un processus de réparation indispensable pour des rapports sociaux et géopolitiques apaisés car justes.
À l’Afrique d’écrire son histoire
Un travail immense reste à faire. Cette histoire suscite beaucoup d’intérêt outre-Atlantique et focalise bien des enjeux politiques, mais n’est pas encore appropriée ni intégrée dans les récits nationaux et étatiques africains. Confinées à un tourisme mémorial au discours parcellaire et expulsées sur les côtes du littoral africain, l’histoire et les conséquences du racisme négrophobe semblent ne pas concerner le continent. Même l’Union africaine reste très taiseuse sur le sujet, comme si cette tragédie était extérieure à un continent qui se satisferait de l’idée d’être victime et non pas acteur d’une histoire qui n’est pas tombée « comme un cheveu sur la soupe » tant la culture de l’exploitation de l’homme par l’homme y est ancienne.
La construction nationale des jeunes États africains a pourtant besoin de moments solennels et réguliers pour se souvenir de ceux qui ont subi les crimes et versé leur sang pour la liberté. Il est donc particulièrement important sur le plan symbolique que les États africains gravent dans le marbre de la loi républicaine le crime que ce continent a subi. Ce n’est pas aux autres de faire notre mémoire. L’instrumentalisation d’une mondialisation dans laquelle l’Afrique et sa diaspora ne tiendraient que les rôles de spectateurs, voire de victimes, est à déconstruire et à décoloniser. Ce travail, c’est aussi et surtout à l’Afrique de l’écrire. Dans le débat sur les réparations de ce crime contre l’humanité, le vote par tous les pays africains d’une telle loi participera à appuyer les conséquences judiciaires incontournables pour résoudre les inégalités systémiques héritées par les africain.e.s et leurs descendant.e.s de par le monde. On peut même finir par s’étonner que cette question majeure, nichée dans les imaginaires de tous les dirigeant.e.s français.e.s et africain.e.s, n’ait jamais figuré au programme des sommets dits internationaux Afrique-France !
Par Karfa Diallo
Essayiste et consultant franco-sénégalais, fondateur-directeur de l’association Mémoires & Partages. Son dernier ouvrage, « Les Légions de Senghor », est paru aux Éditions Ex Aequo.
Le Canada a annoncé jeudi le lancement d’un examen indépendant de la pire tuerie de son histoire, notamment pour déterminer pourquoi la police a mis plus de 12 heures avant d’abattre l’homme qui a tué 22 personnes en avril dernier. Cet examen sera confié à un comité composé de trois experts indépendants qui devra rendre un premier rapport en février 2021 avec des propositions pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise, a annoncé le ministre de la Sécurité publique Bill Blair.
Déguisé en policier et circulant à bord d’une fausse voiture de police, Gabriel Wortman, un prothésiste dentaire de 51 ans, avait semé la mort les 18 et 19 avril dernier dans une région tranquille de Nouvelle-Ecosse (est) après une violente dispute avec sa conjointe. Il avait été abattu le dimanche 19 par la police à l’issue d’une chasse à l’homme de plus de 12 heures, sur environ 150 km, au cours de laquelle il a tué par balle 22 personnes, dont une policière, entre le samedi soir et le dimanche en milieu de journée. La police fédérale avait été critiquée pour avoir utilisé Twitter afin de prévenir la population de cette zone rurale qu’un homme armé écumait les environs.
«Je suis persuadé que cet examen nous donnera une bien meilleure compréhension des événements survenus lors de cette journée tragique, des circonstances qui y ont mené, de toutes les réponses qui ont été apportées», a assuré Bill Blair lors d’un point presse. Le rapport qui suivra devrait «nous fournir des recommandations concrètes pour que nous puissions éviter de telles tragédies à l’avenir», a-t-il ajouté. Le comité se penchera notamment sur la façon dont l’intervention policière a été menée, et la décision de ne pas utiliser le système d’alerte publique pour mettre en garde la population. Il étudiera également le contexte de la tuerie, «y compris le rôle de la violence fondée sur le sexe et de la violence conjugale», selon le gouvernement.
Les experts examineront par ailleurs l’accès aux armes à feu du tireur, fasciné selon son entourage par les armes et la police en général. Le tueur, dont les motivations restent à ce jour un mystère, possédait plusieurs armes à feu, une réplique d’une voiture de police ainsi qu’un uniforme qu’il avait utilisés lors de son équipée meurtrière. Le rapport final doit être rendu en août 2021.
«Abricot», «massage», «mesquin»… Nous utilisons ces termes au quotidien sans nous douter de la richesse de leur histoire. Le Figaro vous propose de la (re)découvrir.
Pixabay
Nous sommes loin de nous imaginer l’origine des mots que nous employons au quotidien. Des mots en apparence absolument banals, parfaitement ordinaires. «Moustache», par exemple! Le terme vient de l’italien mostacchio, lui-même issu du grec byzantin mustakhion, diminutif de mustac, «lèvre supérieure». Il y a le mot «robe» aussi. Emprunté au germain rouba, «butin» d’où «vêtement dont on a dépouillé quelqu’un», précise Le Trésor de la langue française.
Ainsi, au fil des siècles, c’est tout naturellement que des mots arabes ont, peu à peu, intégré les colonnes de nos dictionnaires. L’éminent lexicologue Jean Pruvost retrace le voyage de ces mots jusque dans le vocabulaire français dans son éclairant ouvrage Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit (JC Lattès). Florilège.
Les mots savoureux
Le sucre que nous versons sur nos fraises, l’abricotque nous engloutissons, le chocolat que nous dégustons. Nos assiettes sont remplies de mots arabes jusqu’à la tasse de café que nous avalons. Mais aussi, plus étonnant, les sorbets que nous léchons. «C’est une sorte de boisson agréable qui nous vient du Levant», ainsi que le définit Richelet en 1680. Dix ans plus tard, on trouve le mot dans le Dictionnaire universel de Furetière: «Sorbet. s. m. Breuvage qui est fort ordinaire chez les Turcs, auxquels le vin est deffendu. Il est composé de sucre et de chair de citron». «Sorbet», donc, vient de charbat, qui désigne une boisson. À l’origine, nous le trouvons sous la forme de chourba, un terme en arabe populaire qui, par l’intermédiaire du turc, a donné chorbet. Puis, enfin, sorbetto en italien. Le mot fait son entrée en langue française en 1544, au cours de la Renaissance. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle, en 1782 exactement, que le «sorbet» désigne une «liqueur explicitement destinée à être convertie en glace».
Et qu’en est-il des épinards? Ce mets a fait grimacer plus d’un enfant… Ainsi que le raconte Jean Pruvost, «lorsque cette plante fut introduite par les Arabes en Espagne, il s’agissait de mettre en valeur ses vertus thérapeutiques». Puis, son utilisation devint culinaire. Rappelons néanmoins que le terme vient de l’arabe oriental asfanah, issu du persan, «puis à l’arabe d’Andalousie, isbinâkh, que l’on retrouve en latin médiéval spinachium mais aussi en espagnol, espinaca».
La mousseline, enfin. Seriez-vous étonné d’apprendre que ce mot nous vient de la ville de… Mossoul? «Au bord du Tigre, cette cité faisait entre autres commerce d’une toile très fine de coton ou de laine, qui, en transitant par l’Italie, mossolino, passa en français à la fin du XIIIe siècle, donnant naissance au mosulin, drap d’or et de soie fabriqué à Mossoul». Au milieu du XIIe siècle, et vraisemblablement par attraction avec le mot «mousse», mosulin donna «mousseline» désignant une «toile de coton délicate». Peu à peu, l’autre nom de la pâte à base de gomme adragante, additionnée de jus de citron, fut «mousseline». «C’est par assimilation que vinrent ensuite les brioches, les pommes dites mousselines, brioches ou purées très légères».
Les mots du corps
Qui n’a jamais réclamé à son cher et tendre un massage après une longue journée de travail? Sans doute serez-vous surpris de savoir que le mot nous vient de l’arabe massa, «toucher, palper». Terme qui donna le verbe «masser» attesté en français dès 1779. Il faut attendre le XIXe siècle pour que le «massage» apparaisse, notamment dans les ouvrages de médecine. Au XXe siècle, le «massage» prend une «dimension vitale». Ainsi parle-t-on, dès les années 1970, de «massage cardiaque».
Il existe un terme un peu moins doux et certainement plus familier: «niquer». Relativement récent, «il fait son entrée en 1890 en venant du sabir d’Afrique du Nord i-nik, ‘‘il fait l’amour’’, en partant de l’arabe nak, de même sens», précise Jean Pruvost. C’est par le biais de l’argot militaire que le terme a été introduit en langue française au sens de «posséder charnellement». Lorsque les militaires se faisaient inviter par les prostituées du pays, il n’était pas rare d’entendre la formule «faire nik-nik». À ne pas confondre avec l’expression «faire la nique» qui signifie»se moquer, mépriser».
Les mots des états d’âme
Il vous est sans doute déjà arrivé de qualifier quelqu’un de «maboul». Comprendre: «fou», «cinglé», «inconscient». Le terme est issu de la langue arabe d’Algérie: mabbhul signifie à l’origine «idiot». Le mot transite par l’argot d’Afrique en 1830, raconte Jean Pruvost et prend «un essor certain en langue française, immortalisé dans la poésie française, au point d’en avoir fait oublier leur origine».
Le «miskin» que nous entendons dans la bouche des plus jeunes est un mot arabe duquel vient l’adjectif «mesquin». À l’origine, miskin veut d’abord dire «être pauvre». Le mot voyage ensuite en Italie et devient meschino, avant de s’orthographier, en ancien français, meschin. Il signifie alors «jeune homme, serviteur». C’est lorsque «meschin» disparaît que «mesquin» prend davantage d’ampleur «avec tout d’abord l’idée de petitesse et de médiocrité, puis à partir du milieu du XVIIe siècle, celle d’avarice, témoignant d’une parcimonie déplaisante». En 1635 apparaît «mesquinerie» qui signifie «absence de grandeur, de générosité».
Nombreux sommes-nous à «avoir le cafard», parfois. «Cafard» vient de l’arabe kâfir, «infidèle, incroyant» puis «converti à une autre religion que la religion musulmane». Ergo, la notion d’hypocrite, remarque Jean Pruvost. Si le mot a pris un sens encore plus péjoratif, c’est en raison de «sa finale assimilée au suffixe populaire -ard, et le mot devint au XIXe siècle synonyme familier de ‘‘mouchard’’, notamment dans le vocabulaire des écoliers.
Cannibale, sodomite, rigolo… Le terme « bamboula », prononcé jeudi 9 février par un policier sur la chaîne de télévision France 5, renvoie le Noir à la figure caricaturale d’un grand enfant brutal, et nie son humanité. Explications avec la linguiste Marie Treps.
Stupéfaction jeudi 9 février, sur le plateau de l’émission « C’dans l’Air ». Avant d’être vivement repris par la présentatrice, un syndicaliste policier français, Luc Poignant, jugeait que l’insulte « bamboula », « ça ne doit pas se dire, mais ça reste à peu près convenable. »
Il s’agit pourtant bien d’une injure… proférée dans un contexte déjà tendu suite à l’interpellation particulièrement brutale d’un jeune noir de 22 ans, Théodore, alias « Théo », à Aulnay-sous-Bois (Seine-saint-Denis).
Pour comprendre à quel point le terme est dégradant, il faut se plonger dans l’ouvrage Maudits mots, la fabrique des insultes racistes (TohuBohu éditions), de la linguiste Marie Treps. « Bamboula », explique-t-elle, serait issu de « ka-mombulon » et « kam-bumbulu », qui signifient « tambour » dans les langues sara et bola parlées en Guinée portugaise. En 1714, en Côte d’Ivoire, le mot a pris le genre féminin, et désigne cette fois une « danse de nègres »… « il est déjà connoté négativement puisqu’il est associé au « nègre », à l’esclave noir, à un moment où la traite est en pleine expansion », nous précise l’auteur. La bamboula devient synonyme de danse violente et primitive dès la moitié du XIXe siècle (il conserve d’ailleurs ce sens aujourd’hui).
Des « bamboulas » pour sodomiser les « boches »
Mais c’est en 1914, avec l’arrivée des tirailleurs sénégalais sur le front que le terme se charge lourdement de mépris. « Le mot renvoie alors à une imagerie alliant sauvagerie, cannibalisme, sexualité animale et rire, naïveté enfantine supposée des soldats noirs », souligne Marie Treps. On la retrouve dans des caricatures du magazine français L’Illustration, alors abondamment diffusé. Le tirailleur sénégalais, personnage à la fois violent et « rigolo » dans les dessins de l’époque, menace par exemple les soldats allemands de sodomie.
« Le terme a beaucoup été utilisé au moment des grandes expositions coloniales, remarque la linguiste. Il flatte le paternalisme du colon. Derrière le terme « bamboula », il y a l’idée que les Noirs sont des grands enfants qu’il faut civiliser. Et finalement, ce qui est commode à l’époque c’est que l’être humain disparaît derrière sa caricature. Ainsi, en 1914, ce ne sont pas des humains que l’on envoie au front se faire tuer, seulement des « bamboulas ». On occulte la violence qui est faite à une population. La maladresse du syndicaliste sur France 5 est troublante : c’est ce terme ancien qui lui vient spontanément pour dénoncer les insultes qui sont également faites aux policiers, preuve que le mot est toujours présent dans l’inconscient post-colonial français. Et c’est une manière, encore une fois, de dissimuler les violences subies par les Noirs. »
Libération de la parole raciste
Pour la linguiste, les injures racistes sont de plus en plus présentes dans la sphère publique. Certes, une loi, celle du 1er juillet 1972, a créé un délit nouveau de provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence. Elle pénalise les discours de haine.
« Cependant les ténors racistes de certains partis politiques ou des amuseurs publics parlent aujourd’hui par insinuation ou utilisent des euphémismes, remarque Marie Treps. On met du sucre autour d’un poison, mais le poison est toujours là. De plus, une parole raciste souvent anonyme se libère sur internet. On peut aujourd’hui dire à peu près tout à n’importe qui et n’importe quand. »
Paradoxalement, à l’ère du politiquement correct, les noms d’oiseaux permettant de stigmatiser la différence n’ont jamais été aussi virulents.
Selon l’historien congolais, dans le pays des droits de l’Homme, le récit officiel ne cadre pas avec la réalité. Et l’Afrique francophone ne fait guère mieux.
Depuis de longues années, Elikia M’Bokolo parcourt le monde pour enseigner l’histoire africaine. Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris, il déplore le retard de la France dans l’enseignement de l’histoire coloniale. Et celui de l’Afrique francophone.
Jeune Afrique : Comment jugez-vous la manière dont la colonisation et la décolonisation sont enseignées en France ?
Elikia M’Bokolo : Depuis un siècle et demi, l’histoire des ex-pays colonisateurs était présentée dans une perspective nationale, fondée sur la glorification des grands moments. Ce qui concerne les colonies n’était évoqué qu’en annexe. La France célébrait Richelieu, Colbert, les philosophes des Lumières…
On occultait le fait que ces grandes figures nationales étaient par ailleurs liées à l’expansion française, donc à l’histoire coloniale. On feignait d’ignorer que ces héros avaient à voir avec les agissements de la France d’outre-mer, dans les colonies d’Amérique et d’Afrique. De la même manière, on passait sous silence les actions de ces dernières et leurs éventuelles répercussions sur la France.
Plaider pour un enseignement du récit national, comme le suggère François Fillon, candidat à la présidentielle de 2017, serait une régression ?
François Fillon défend l’idée d’une France éternelle, chrétienne, monarchique, qui n’a réalisé que de belles choses. Celle d’aujourd’hui porte en elle le passif de la colonisation – l’immigration, la présence de cultures et de religions multiples –, qui l’oblige à aborder son passé colonial de manière frontale. Il faut être à la hauteur des enjeux de la France d’aujourd’hui. Les échéances électorales semblent commander le contraire. Fillon nous ramène sous la IIIe République de Jules Ferry, très colonialiste.
Avec une France qui justifie sa participation à l’aventure coloniale par la nécessité de faire comme les autres : étendre son empire.
Oui, en assurant que la « Grande France », celle de 1789, de l’Empire, de la IIIe République, de la démocratie et de la laïcité, a été poussée vers l’empire colonial, et qu’elle y a cependant réalisé de belles choses : l’éducation, l’école, la mise en valeur des colonies. Or ça n’a pas toujours été le cas.
Il y a donc une réelle difficulté à parler de ces périodes aux élèves ? Doit-on et peut-on trancher ?
Comment enseigner l’histoire de France sans faire référence à ce qui s’est passé outre-mer ? Comment explorer le siècle de Louis XIV en faisant abstraction du Code noir, adopté à son époque ? Ce sont des questions essentielles que le débat de ces vingt dernières années dans l’Hexagone ne permet malheureusement pas d’aborder dans ses termes les plus clairs. Aujourd’hui, on n’est pas en mesure de décider de façon définitive. Mais on peut au moins convenir que le brio et les splendeurs de Versailles vont de pair avec le Code noir.
Et enseigner ce pan de leur histoire est difficile pour les ex-colonisateurs parce que cela suppose qu’ils endossent le blâme pour les actes inavouables commis alors…
Les enseignements délivrés en France tentent d’accréditer l’idée selon laquelle les colonies africaines ont apporté une contribution décisive à sa victoire pendant la Seconde Guerre mondiale et donc aux idéaux de démocratie, contre le fascisme italien et le nazisme allemand. Le processus d’indépendance leur est-il pour autant lié ? Dans les livres d’histoire, la décolonisation est présentée comme une émanation du conflit mondial.
Mais c’est plus subtil que ça. L’histoire officielle – la Conférence de Brazzaville, l’abolition de l’indigénat – ne cadre pas avec la réalité. La domination coloniale a continué après la guerre, et les Africains ont dû se battre pour faire supprimer le travail forcé, la répression étant parfois sanglante, notamment à Madagascar. En 1944, des soldats sénégalais qui avaient combattu pour la libération de la France ont été massacrés à leur retour à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar.
Ces faits sont-ils évoqués en France ? L’Allemagne le fait…
Depuis les années 1980, les Allemands, qui ont pourtant cessé toute colonisation en 1919, se sont imposé un devoir de mémoire qui les a conduits à reconnaître leurs responsabilités dans des tragédies telles que le génocide en Namibie, les répressions féroces au Tanganyika, la racialisation des populations au Burundi et au Rwanda, qui explique en partie les graves problèmes entre Hutus et Tutsis.
L’Allemagne a aussi entrepris un processus de décolonisation des lieux de mémoire, avec des rues et des places débaptisées au profit de résistants africains. À Londres, la Ghandi Road est une grande avenue. Mais rien de tel pour Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire ou Amadou Lamine Guèye. La France est en retard. Tout au plus a-t-elle des musées consacrés à cette époque, mais elle ne met en avant aucune personnalité. En 2005, un projet de loi reconnaissant les aspects positifs de la colonisation a été voté. Nous l’avons combattu.
Pour certains, étudier ces périodes, c’est sacrifier à un certain communautarisme.
La France de Léon Gambetta et de Jules Ferry était déjà coloniale. En parler ne signifie pas répondre à un réflexe communautaire, mais admettre que nous avons besoin de discuter de cette France-là. Pour l’abbé Grégoire, la révolution française va de pair avec l’émancipation des juifs et des nègres. Dans son Histoire socialiste de la Révolution française, Jean Jaurès souligne qu’on ne peut pas comprendre cette dernière si on ne met pas en scène la révolution d’Haïti. Nous serions aujourd’hui plus aveugles qu’il y a cent ou deux cents ans ?
Au Cameroun et au Togo, la colonisation allemande est présentée comme positive
Les programmes français se veulent réalistes, avec un certain regard sur la traite négrière et la problématique de l’immigration qui en découle…
Les intentions sont louables. Mais de nombreux professeurs, élevés dans cette culture coloniale, n’ont pas les outils pour délivrer un véritable enseignement. Lors d’ateliers dans le cadre de la journée pour l’abolition de l’esclavage, j’ai entendu des professeurs raconter à leurs élèves que l’esclavage était le fait de Noirs qui vendaient leurs propres frères, les Blancs étant quasi contraints de les acheter pour les sauver. Il y a des efforts à faire sur le contenu des programmes et dans la formation des maîtres.
Et l’Afrique, comment se saisit-elle de ces questions ?
Nous avons de gros problèmes. Depuis les indépendances, nos dirigeants ont une connaissance médiocre, tragiquement nulle de l’histoire de leur propre pays, à commencer par la plus récente, celle de la colonisation. Au Cameroun et au Togo, la colonisation allemande est présentée comme positive. Une absurdité alors que la Namibie a fait reconnaître le génocide des Hereros et des Namas, perpétré à partir de 1904. De nombreux pays d’Afrique francophone s’imaginent que leur histoire commence en 1880 avec Pierre Savorgnan de Brazza ou la « mission civilisatrice » de Jules Ferry.
Devoir sur table : « Un mal nécessaire »
«La traite négrière a été un mal nécessaire pour l’Afrique. Démontre-le par deux raisons. » Lorsque son fils de 12 ans, en classe de quatrième au collège privé Descartes, rapporte ce devoir dans leur maison de Lomé un jour de mai 2016, le sang du journaliste Tony Feda ne fait qu’un tour : « Je suis allé rencontrer l’enseignant, qui m’a appris que cet aspect apparaissait au chapitre “Conséquences” [de la traite]. Et qu’il y a le même apprentissage en classe de troisième concernant la colonisation. »
Dépourvu de livres d’histoire, le professeur se fonde sur les directives de l’Inspection académique et sur un programme « datant de la réforme de l’enseignement de 1975, poursuit le journaliste. Le chapitre “Conséquences” a été divisé en deux parties, “avantages” et “inconvénients”. » Ainsi, la colonisation aurait été « une bonne chose au Togo, en donnant au pays le statut de colonie modèle [Münsterkolonie] », s’indigne ce père de famille. (M.P)
Juillet a été le mois le plus chaud de l’histoire moderne. Il établit ainsi un record depuis le début des relevés de températures il y a 137 ans, ont indiqué mercredi des scientifiques du gouvernement américain.
« La température moyenne globale à la surface des terres et des océans pour juillet 2016 a été la plus chaude, tant pour le mois de juillet que pour n’importe quel mois dans les annales des relevés de températures de la NOAA, qui remontent à 1880, a indiqué l’Agence océanique et atmosphérique américaine.
Le précédent record avait été établi en juillet de l’année dernière, ce mois étant traditionnellement le plus chaud de l’année sur Terre. C’est également la 15e fois consécutive qu’un record mensuel de température est battu, « la plus longue série de ce type en 137 ans », a ajouté la NOAA.
0,06°C de plus
En juillet la température moyenne globale au-dessus des terres et à la surface des océans a été de 16,67 degrés Celsius, soit 0,87°C au-dessus de la moyenne du XXe siècle. Le record de 2015 a été battu de 0,06°C.
Autre signe du réchauffement climatique, juillet a été le 379e mois consécutif avec des températures au-dessus de la moyenne du XXe siècle. Il faut remonter à décembre 1984 pour trouver trace d’une marque un peu inférieure à la moyenne.