C’est ce qu’on appelle réellement Karma. Au Congo, un adage dit que seules les montagnes ne se croisent pas, mais les hommes si. Mercia Louzolo, aujourd’hui infirmière dans un hôpital de la banlieue parisienne peut en témoigner. 25 ans plus tard, elle a eu pour patient, Roch Oko, ancien cobra ayant pillé leur domicile à Bacongo lors de l’opération d’épuration ethnique des Lari lancé par le pouvoir de Denis Sassou Nguesso en complicité avec le Pasteur Ntumi.
Mercia Louzolo dont la vie est consacrée désormais à Dieu a tout de même rappelé à son patient son passé de criminel avant d’en prendre soin comme le lui recommande son métier. Rock Oko était hospitalisé pour un problème des reins.
En 1998, alors que la milice de Denis Sassou Nguesso sème la désolation dans les quartiers Sud de Brazzaville, Mercia Louzolo est encore mineure. Elle assiste comment une bande de cobras envahissent leur rue pillant tout à leur passage. Parmi ces miliciens dont elle retient encore les visages, figurait aussi Rock Oko, son patient en 2023.
Au moins, elle reconnaît de ce cobra, son refus catégorique que les trois sœurs Louzolo et leur maman ne soient violées par ses collègues. Toute la maison pillée, la famille Louzolo trouve refuge à Moungali chez un oncle paternel.
Rock Oko a fondu en larmes et a demandé pardon à sa victime pour tout le mal causé. Dans son récit, l’ancien cobra a raconté comment il a été contraint de quitter en catastrophe le pays pour ne pas être liquidé par le pouvoir qu’il a servi. Pour lui, c’était une grosse bêtise de jeunesse qu’il regrette amèrement.
Mercia Louzolo a rappelé à son bourreau avoir tout pardonné de même que sa famille. « Seul Dieu saura remettre chacun à sa place, mais pour l’heure, j’ai la mission de m’occuper de vous ! » a-t-elle signifié à son patient.
D’après le site Jetcamer, l’homme est âgé de 65 ans, il habite la capitale de la Rioja, une province Espagnole riche en vin et située au nord. Le sexagénaire a été conduit de toute urgence au centre hospitalier Logrones de San Pedro dans la banlieue de Logrono suite à une complication respiratoire.
Le sexagénaire n’a pas du tout apprécié que son suivi soit assuré par une infirmière noire d’origine cubaine. Elena Sanchez l’infirmière noire, employée depuis plus de cinq ans dans cet hôpital, était chargée du suivi du malade. Et quand elle s’est rapprochée du malade pour le perfuser, ce dernier a opposé un refus catégorique, mettant en doute les capacités de l’infirmière. Cette dernière a immédiatement alertée sa hiérarchie.
Arrivé en catastrophe dans la chambre d’hospitalisation du sexagénaire, le directeur de l’hôpital, le docteur Asensio, a subi toute la foudre du malade qui lui reproche sa légèreté. Selon le malade, le médecin fait preuve d’une légèreté parce qu’il laisse une noire le suivre. Mais l’hôpital de Logrones de San Pedro n’a pas donné de suite favorable à sa requête.
Le docteur Asensio a fait comprendre au malade que son infirmière Cubaine avait les mêmes compétences que toute autre infirmière opérant dans son hôpital. Qu’il comprenait ses inquiétudes, mais son suivi serait assuré par Elena, qui du reste venait d’être désignée « Infirmière du mois »
L’OIIQ franchit une nouvelle étape dans sa volonté de rehausser les conditions d’entrée à la profession d’infirmière. Photo : Getty Images
L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) souhaite que les prochaines générations de professionnelles en soins obtiennent obligatoirement un diplôme universitaire, un élément essentiel pour qu’elles aient plus d’autonomie et pour qu’elles puissent par exemple prendre en charge les patients qui n’ont pas de médecin de famille. Or, les cégeps s’y opposent.
L’OIIQOrdre des infirmières et infirmiers du Québec franchit une nouvelle étape dans sa volonté de rehausser les conditions d’entrée dans la profession d’infirmière.
Dans un mémoire de près de 300 pages transmis à l’Office des professions du Québec, l’OIIQOrdre des infirmières et infirmiers du Québec dresse notamment la liste des modifications proposées en plus d’exposer les dangers du statu quo.
Selon ce document, consulté par Radio-Canada, les seuls diplômes donnant accès au permis de l’OIIQOrdre des infirmières et infirmiers du Québec doivent être de niveau universitaire, à l’issue d’un baccalauréat en sciences infirmières ou d’un parcours DECdiplôme d’études collégiales–BACbaccalauréat.
Un étage du Cégep de Rimouski a été réaménagé pour permettre aux infirmières de poursuivre leur formation. Photo : Radio-Canada/Julie Tremblay
À l’heure actuelle, une formation collégiale (DECdiplôme d’études collégiales) de 2925 heures et une formation universitaire de 4635 à 4815 heures permettent d’obtenir le même permis d’exercice lorsqu’on réussit le même examen professionnel.
Selon l’OIIQOrdre des infirmières et infirmiers du Québec, la formation collégiale ne prépare pas les étudiantes notamment à intervenir lors de situations cliniques complexes […] et il est insoutenable d’accepter que des infirmières nouvellement diplômées des programmes d’études techniques exercent des activités professionnelles à haut risque de préjudice.
L’OIIQOrdre des infirmières et infirmiers du Québec va jusqu’à citer des études qui font état d’une réduction du taux de mortalité hospitalière lorsque la proportion d’infirmières formées au baccalauréat augmente.
Le Québec compte sur un effectif infirmier en service d’environ 75 000 personnes.
La proportion de titulaires d’un baccalauréat en sciences infirmières s’élève à 50 %, comparativement à 69 % en Ontario.
Une clause de droits acquis
Le mémoire de l’OIIQOrdre des infirmières et infirmiers du Québec propose également diverses mesures d’atténuation ainsi qu’une clause de droits acquis.
Par l’adoption d’une clause de droits acquis […], toutes les infirmières déjà titulaires d’un permis d’exercice demeureront infirmières. [Elles conserveront leur permis] et elles n’auront pas l’obligation de compléter un baccalauréat, indique le document.
L’OIIQOrdre des infirmières et infirmiers du Québec dresse aussi une liste de mesures d’atténuation, notamment des programmes pour soutenir financièrement la poursuite des études, pour optimiser l’enseignement à distance dans toutes les universités ainsi que pour offrir des stages rémunérés et des programmes de résidence dans les milieux cliniques.
Avec Radio-Canada par Daniel Boily et Davide Gentile
L’accès à un médecin de famille stagne autour de 80 % au Québec depuis près de trois ans et la liste d’attente dépasse les 900 000 personnes. Des solutions fleurissent sur le terrain pour répondre aux besoins des patients orphelins.
Richard Danis et Diane Matejic Photo : Radio-Canada
Un couple de l’Estrie a eu la frousse il y a deux ans lorsqu’il a appris que son médecin de famille prenait sa retraite.
On est devenus des gens orphelins […], on n’était pas capables d’avoir un examen annuel, se rappelle Richard Danis.
Je me demandais […] qui allait s’occuper de nous pour nos prises de sang, les renouvellements de nos prescriptions, renchérit Diane Matejic.
Une ligne téléphonique régionale mise en place pour les patients orphelins les a dirigés vers la Clinique d’accès intégré de Magog.
Lors de notre passage à cette clinique située dans les locaux du Centre hospitalier de Memphrémagog, l’infirmière clinicienne Véronique Gagnon s’occupait du couple.
J’ai le droit de vous prescrire un bilan sanguin, de prescrire une analyse de laboratoire complète, d’ajuster la médication, explique Mme Gagnon.
Elle et ses collègues peuvent prescrire tout autant une mammographie ou une coloscopie que faire de la prévention pour l’ostéoporose.
On ne consulte les médecins que lorsque l’on a besoin d’ajouter un médicament ou s’il y a maladie, précise l’infirmière qui a plus de 15 ans d’expérience.
Véronique Gagnon, infirmière clinicienne, et Johanne Desforges, médecin pivot pour la clinique Photo: Radio-Canada
Les trois infirmières cliniciennes et l’infirmier praticien spécialisé qui y travaillent bénéficient en effet d’une certaine autonomie clinique que leur ont accordée les médecins de la région.
« C’est la beauté de la chose : elles sont autonomes et elles n’ont pas besoin d’approbation médicale pour poser ces gestes-là. Je pense que ça peut être une solution fort intéressante entre la quantité de besoin et les ressources que l’on a. »— Une citation de Johanne Desforges, médecin pivot pour la clinique
On compte quelques projets similaires ailleurs au Québec.
Un taux qui plafonne
En Estrie, comme ailleurs au Québec, la liste d’attente pour un médecin de famille a explosé ces dernières années.
Elle dépasse aujourd’hui les 75 000, tandis qu’elle approche le million pour l’ensemble du Québec.
Le taux d’inscription à un médecin de famille est passé en Estrie de 86,3 % en novembre 2018 à 82 % 3 ans plus tard.
Au Québec, le taux a légèrement diminué durant cette période à 80,1 %. L’objectif du ministère de la Santé était d’atteindre 85 % d’ici 2023.
Aucune pénalité depuis 2 ans aux médecins qui ne voient pas leurs patients rapidement
Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire décrété par le gouvernement, des mesures exceptionnelles ont été mises en place. Parmi celles-ci, la suspension du calcul du taux d’assiduité depuis le 28 février 2020.
Depuis cette date, la RAMQ considère que chaque médecin de famille atteint un taux d’assiduité de 80 % ou plus.
Le taux d’assiduité est un indicateur qui permet de mesurer le niveau d’accessibilité offert par les médecins de famille à l’égard des patients inscrits à leur nom.
Un taux d’assiduité de 80 % ou plus permet au médecin d’encaisser 100 % des suppléments prévus.
Jusqu’à la fin de 2019, plus de 5000 médecins se partageaient environ 37 M$ en suppléments liés au taux d’assiduité.
Selon les données compilées par Radio-Canada, jusqu’à 16 % des médecins (811) affichaient avant la pandémie un taux inférieur à 80 % et n’obtenaient pas 100 % des suppléments.
Ces derniers obtiennent donc depuis 2 ans un montant supplémentaire de 2500 $ à 3000 $ par année.
Le reportage de Davide Gentile
Un nouveau guichet d’accès
Plusieurs réformes et innovations ont été mises en place au fil des ans pour améliorer l’accès aux soins de première ligne et éviter une visite aux urgences, dont l’implantation des groupes de médecine de famille (GMF) et les guichets d’accès à un médecin de famille (GAMF).
Comme le révélait l’émission La facture en novembre dernier, les GAMF seront transformés graduellement en Guichet d’accès à la première ligne (GAP) pour répondre aux patients sans médecin qui requièrent une attention immédiate.
Les patients sans médecin pourront appeler directement le GAP, où une infirmière procédera sur-le-champ à une analyse clinique en vue de trouver la meilleure ressource disponible dans le secteur. Ce pourrait être un pharmacien, un physio ou une travailleuse sociale.
À Magog, une infirmière de la clinique d’accès intégré répond à ces appels. Plusieurs sont pris en charge par une des quatre infirmières de la clinique. Seuls les cas plus complexes sont envoyés aux médecins du GMF du Lac.
Cette façon de faire permet au GMF de la région de souffler un peu.
Quand ils viennent chez nous voir un médecin, c’est vraiment parce qu’il n’y avait vraiment pas d’autre professionnel qui pouvait répondre à leur besoin, affirme Caroline Langlais, médecin responsable de la Clinique médicale du Lac, le site principal du GMF du Lac.
Pour Mylaine Breton, professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la gouvernance clinique des services de première ligne, le réseau de 330 GMF à travers le Québec offre des opportunités d’intégration supplémentaires.
« Notre modèle GMF est enviable […] nous pouvons aller plus loin en intégrant davantage de professionnels, au-delà de l’équipe actuelle de base, comme par exemple des physiothérapeutes, des psychologues, des nutritionnistes. »— Une citation de La professeure Mylaine Breton
Un médecin utilise un stéthoscope pour écouter le rythme cardiaque du patient. Photo: Getty Images/Istockphoto/Wutwhanfo
Le manque de relève en médecine familiale va s’accentuer
La relève chez les médecins de famille demeure un défi, notamment en Estrie.
Comme le précise le porte-parole du CIUSSS de l’Estrie, Félix Massé, la population ne cesse d’augmenter et le recrutement de nouveaux médecins suffit à peine à combler les départs à la retraite ces deux dernières années.
L’annonce récente de la fermeture de la clinique des médecins d’urgence (CMU) située sur la rue King, à Sherbrooke, illustre le manque de médecins pour offrir des plages horaires sans rendez-vous aux patients sans médecin de famille.
Lors des audiences tenues début février pour l’étude du projet de loi 11 (Loi visant à augmenter l’offre de services de première ligne par les médecins omnipraticiens), le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), Marc-André Amyot, n’a pas caché ses inquiétudes sur l’avenir de la profession.
« Depuis 2013, c’est 400 postes de résidence en médecine familiale qui n’ont pas été comblés […] c’est 400 médecins, pour les 30 prochaines années, qui ne seront pas là. Seulement l’an dernier, c’est 75 postes non comblés. »— Une citation de Marc-André Amyot, président de la FMOQ
La prise en charge, pour moi, ne doit plus être maintenant la question d’un médecin, mais elle doit être la question de plusieurs personnes, a mentionné le ministre Christian Dubé.
Avec Radio-Canada par Davide Gentile et Daniel Boily