Posts Tagged ‘Inflation’

Burkina Faso : l’économie plie mais ne rompt pas

février 20, 2023

REPORTAGE. La pandémie, la guerre en Ukraine et l’inflation menacent le pouvoir d’achat des Burkinabés. Pour l’État, il s’agit d’être sur tous les fronts.

L'activite economique a ralenti au Burkina Faso en 2022, alors que l'inflation a enregistre une hausse passant a deux chiffres.
L’activité économique a ralenti au Burkina Faso en 2022, alors que l’inflation a enregistré une hausse passant à deux chiffres. © OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

Alors que les opérations de la force française Sabre ont pris fin dimanche, et que sur un autre plan, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a décidé le maintien des sanctions contre le pays dirigé par des putschistes, c’est peu dire que le Burkina Faso se retrouve dans une situation délicate qui impacte fortement le développement économique du pays. Depuis plusieurs années déjà, le pays des Hommes intègres est fortement engagé dans la guerre contre un terrorisme redoutable qui nécessite des moyens importants, mais il doit aussi faire face à des chocs exogènes, comme la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine. Le Burkina Faso est également touché par les crises climatiques caractérisées par des cycles d’inondations ou de fortes sècheresses. Autant de facteurs qui mettent à mal les projections sur le long terme et affectent le quotidien des populations. Surtout avec une inflation à deux chiffres ces derniers mois, estimée à 14,6 % en moyenne en 2022. Comment les Burkinabés s’y prennent-ils pour faire face aux différents chocs, alors qu’ils sont les premiers à faire les frais de la récurrence de l’instabilité politique ? De quels moyens dispose le gouvernement pour franchir le cap sans trop de dégâts ? 

Un quotidien fait d’adaptation

Adama T. est enseignant. La journée de ce fonctionnaire commence par une prise en charge des siens : le petit déjeuner, la popote du jour et l’argent de poche pour ses trois enfants. Pour tout cela, il doit débourser au moins 2 000 francs CFA (3,05 euros). L’enseignant, qui se rend au travail à moto, fait vite le calcul : « Mon domicile est à environ 15 km de l’école. Par jour, je consacre un peu plus de 500 francs CFA en moyenne pour le carburant », évalue-t-il. Pour économiser sur l’essence, Adama préfère ne pas retourner à la maison quand c’est la pause de la mi-journée. Une option qui implique tout de même des frais, essentiellement pour sa restauration : pas moins de 500 francs CFA.

Avec un revenu mensuel d’environ 260 000 francs CFA (396,41 euros), le fonctionnaire consacre une grande partie de cette somme à ses besoins personnels et à ceux de sa famille. Par mois, près d’un cinquième du revenu d’Adama, soit environ 50 000 francs CFA, est destiné à l’alimentation. À cela, il faut ajouter la facture d’électricité (8 000 à 10 000 francs le mois), celle de l’eau (5 000 à 6 000 francs), le loyer (65 000 francs CFA), les provisions en céréales et d’autres denrées vitales. Mais aussi des « imprévus », comme lorsqu’il s’agit de soigner un membre de la famille. « Au final, on n’arrive pas à s’en sortir. Pour éponger les dépenses obligatoires, on fait parfois dans la débrouillardise », reconnaît l’enseignant. Et c’est sans compter avec des dépenses fixes, comme la scolarité des enfants : « Pour mes trois enfants, j’ai dépensé un peu plus de 350 000 francs CFA cette année pour leur scolarité », assure Adama T. Pas de place donc pour des loisirs, comme « aller au ciné ou s’offrir une bouteille de bière ».

Ousmane Bancé, cordonnier et cireur de chaussures, s’en sort encore moins qu’Adama. La journée de ce père de six enfants commence, là aussi, par de quoi faire bouillir la marmite le soir venu, entendez l’argent de la popote. Un devoir pour lui dans une société burkinabée à dominance patriarcale. « Chaque matin, je dois débourser entre 500 et 1 000 francs CFA pour la cuisine », confie l’époux de deux femmes. Même si un vélo qu’il a comme moyen de transport l’exempte de la dépense quotidienne en carburant, Ousmane arrive à peine à joindre les deux bouts, avec des recettes journalières comprises entre 2 000 et 2 500 francs CFA. « Chaque jour, je dois prier qu’il ne survienne pas d’imprévus, un problème de santé par exemple. Sinon, je suis complètement désorganisé », confie le cordonnier. À revenu égal, les angoisses sont presque les mêmes. Ce n’est pas Issa Kéré, vendeur ambulant à Ouagadougou, qui dira le contraire. Pousser un chariot jonché de divers articles (cigarette, bonbons, savon en poudre…), sillonner les artères de la ville et slalomer entre les allées du grand marché de la capitale à la recherche de clients constitue le travail de ce jeune homme qui tutoie la trentaine, contre des recettes d’environ 2 000 francs CFA par jour. 

Insécurité, Covid-19, guerre russe en Ukraine : un cocktail explosif

À quelques montants près, les dépenses prioritaires des Burkinabés au quotidien sont quasiment les mêmes d’un consommateur à un autre : l’alimentation, le déplacement, les soins, les frais de communication… Et avec des revenus élevés ou pas, ils sont nombreux à partager le ressentiment d’un coût de la vie de plus en plus élevé par rapport au pouvoir d’achat. « De jour en jour, tout augmente », constate Fanta Bélem Fofana, employée du secteur privé. C’est aussi le constat de Mahamadi Compaoré, commerçant. Ce vendeur de chaussures se réjouit de pouvoir faire des recettes de 5 000 à 6 000 francs CFA la journée. « Suffisant, dit-il, pour honorer les dépenses élémentaires », mais bien loin de lui permettre de faire des investissements et de réaliser des projets comme il en fourmille. « J’ambitionne, moi aussi, de me construire un logement assez commode, ce dont je ne dispose pas pour le moment. Bien au-delà, je rêve de pouvoir m’offrir un jour une voiture », projette le commerçant, avant de pousser un « hélas ! » de… désespoir. « Sur le marché, presque tout est devenu inaccessible. À commencer par les denrées alimentaires », déplore Mahamadi Compaoré. Son voisin d’étal, Ablassé Tamalgo, argumente dans le même sens : « J’ai l’impression que les années antérieures, j’avais un revenu qui correspond juste à mes dépenses élémentaires. Maintenant, le même montant ne suffit plus. Une partie de mes recettes journalières finissent par exemple dans l’achat de l’essence, dont le prix a connu une augmentation récente », raconte-t-il. En effet, le prix à la pompe du super 91 a été revu à la hausse, début février, par le gouvernement de transition. Ainsi, le litre d’essence, acheté jusqu’alors à 750 francs CFA, coûte désormais 850 francs CFA.

Pour nombre de consommateurs, il ne faut pas chercher loin les raisons de ce renchérissement de la vie. « L’activité tourne au ralenti, principalement à cause de l’instabilité sécuritaire [qui a causé la mort de plusieurs milliers de personnes et le déplacement de près de deux millions d’autres en sept ans]. Les productions sont impossibles dans les zones à risque et cela affecte la disponibilité de certains produits. En plus de cela, il faut compter avec le fait que l’augmentation répétée du prix de l’essence impacte directement le coût de la vie », croit savoir Marc Yigui, vendeur de ceintures rencontré au grand marché de Ouagadougou. Il n’y a pas que la crise sanitaire due au Covid- 19, et bien d’autres chocs, exogènes ou non, ont affecté le pouvoir d’achat.

Une économie qui résiste malgré tout

Dressant la situation économique et financière du Burkina en 2022 et les perspectives sur la période 2023-2025, le ministre burkinabé des Finances, Aboubacar Nacanabo, fin janvier dernier, l’a d’ailleurs relevé en ces propos : « L’activité économique et la gestion des finances publiques en 2022 ont été marquées par la crise russo-ukrainienne, les tensions géostratégiques et la résurgence de nouvelles variantes du Covid-19. » Il ajoutait qu’au plan national, « on note la persistance des attaques terroristes, le déplacement interne massif des populations et ses conséquences humanitaires et l’avènement de transitions politiques ». Selon des données du ministère des Finances, l’économie a enregistré une décélération du rythme de sa croissance pour s’établir à 2,7 % en 2022 contre 6,9 % en 2021, tandis que pour l’ensemble de l’année 2022, l’inflation est ressortie en moyenne annuelle à 14,6 % contre 3,9 % en 2021.

Face à cette situation économique du pays, les Burkinabés font montre de résilience. Une économie et un pays qui plient, mais ne rompent pas. Le gouverneur de la BCEAO, la Banque centrale sous-régionale ouest-africaine, Jean-Claude Kassi Brou, a récemment apporté son soutien aux autorités du pays face à la donne économique. « La croissance économique en 2022 est ressortie positive et devrait continuer à s’améliorer en 2023 avec notamment l’amélioration de la campagne agricole », a-t-il observé, tout en notant que « l’inflation reste un défi pour l’économie burkinabée comme c’est le cas dans tous les autres pays de l’espace Uemoa », a-t-il dit, lors d’une visite récente au président de la transition burkinabée, le capitaine Ibrahim Traoré. L’espoir est donc permis et beaucoup, comme Ablassé Tamalgo, sont optimistes. Ce commerçant, comme nombre de ses compatriotes, espère que les obstacles à la relance de l’économie, dont la crise sécuritaire, pourront être levés le plus tôt que possible.

Le Point par le correspondant à Ouagadougou, Bernard Kaboré

Coup de frein sur la croissance en Afrique et inflation au plus haut en 2022, selon la BAD

janvier 19, 2023

La croissance en Afrique a connu un ralentissement en 2022 et l’inflation est au plus haut depuis plus d’une décennie, souligne un rapport publié ce 19 janvier par la Banque africaine de développement (BAD), qui insiste toutefois sur la « résilience » des économies du continent.

Marché d’Adjamé, le plus grand d’Abidjan, en juillet 2020. © Issouf SANOGO/AFP

« Après la reprise remarquable en 2021 à la suite du choc du Covid-19, les économies africaines ont connu un ralentissement en 2022 dû à de nombreuses difficultés », indique le rapport de la BAD, citant notamment les impacts du changement climatique, la persistance des risques liés à la pandémie et la guerre en Ukraine.

« La croissance moyenne estimée du produit intérieur brut (PIB) réel a ralenti, passant de 4,8% en 2021 à 3,8% en 2022, et devrait se stabiliser à 4% en 2023–24 », précise la BAD qui salue « la résilience économique des pays africains », malgré les incertitudes mondiales.

L’inflation au plus haut depuis 10 ans

L’institution présidée par Akinwumi Adesina indique également que « l’inflation moyenne des prix à la consommation a augmenté de 0,9 point de pourcentage pour atteindre 13,8% en 2022 contre 12,9% en 2021, soit le niveau le plus élevé depuis plus d’une décennie. »

Selon elle, l’inflation est due « aux répercussions de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur les prix des denrées alimentaires et de l’énergie ainsi qu’à la persistance de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. » La BAD note que « 15 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté en Afrique » à cause de la hausse des prix mondiaux de l’énergie et des produits alimentaires en 2022.

Stimulation du commerce intra-africain

Dans le détail, toutes les régions africaines ont connu une croissance en 2022 : l’Afrique centrale en tête (+4,7%), devant l’Afrique du Nord (+4,3%), l’Afrique de l’Est (+4,2%), l’Afrique de l’Ouest (+3,8%). L’Afrique australe a légèrement décroché avec une croissance de 2,5%.

Le rapport préconise des mesures pour « réduire les déficits budgétaires structurels et l’accumulation de la dette publique », ainsi qu’une « coordination efficace des actions budgétaires et monétaires » et « la stimulation du commerce intra-africain ».

Par Jeune Afrique (Avec AFP)

Canada-Lutte contre l’inflation : « C’est normal d’être en colère contre moi », dit Freeland

juin 26, 2022
Chrystia Freeland.

Chrystia Freeland, ministre fédérale des Finances. Photo : La Presse Canadienne/Cole Burston

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, affirme qu’elle doit trouver un équilibre entre l’aide aux Canadiens qui souffrent des effets de l’inflation et la poursuite d’une politique de restrictions budgétaires, au risque d’aggraver le problème du coût de la vie.

Dans une entrevue diffusée dimanche à l’émission Rosemary Barton Live de CBC, Mme Freeland, qui occupe également le poste de vice-première ministre, a déclaré être ouverte à d’autres mesures pour aider les Canadiens devant la hausse du coût de la vie, mais elle a aussi dit croire que les mesures en vigueur – qui totalisent une valeur de 8,9 milliards de dollars – contribuent déjà à atténuer les impacts sur les Canadiens.

Elle parle notamment de l’augmentation des prestations pour les travailleurs à faible revenu, de l’augmentation d’autres prestations indexées sur l’inflation et de la mise en œuvre des programmes gouvernementaux de garde d’enfants et de soins dentaires. L’argent de ces programmes est, selon la ministre, déjà en route vers les Canadiens.

Mais Mme Freeland a dit devoir aussi prendre en considération le fait que la Banque du Canada tente d’encourager les Canadiens à dépenser moins, afin de faire baisser l’inflation.

« Je dois trouver un équilibre. D’une part, il faut aider les Canadiens qui ont des problèmes d’accessibilité financière et, d’autre part, il faut des restrictions budgétaires, car je ne veux pas rendre le travail de la Banque du Canada plus difficile qu’il ne l’est déjà. »— Une citation de  Chrystia Freeland, ministre des Finances

La Banque du Canada a pour mandat de maintenir la cible d’inflation du Canada, qui est de 2 % (ou dans une fourchette de 1 % à 3 %) par an. Mme Freeland a déclaré que c’était la responsabilité de la Banque de s’occuper de l’inflation et qu’elle respectait son indépendance.

« C’est normal d’être en colère »

La ministre des Finances a reconnu la frustration ressentie par de nombreux Canadiens face à la hausse des prix, en particulier pour les principaux produits de consommation courante. Elle a déclaré que des amis lui ont envoyé des photos des prix à la pompe et qu’elle est consciente que les produits d’épicerie sont plus chers.

Et pour beaucoup de Canadiens, c’est une véritable épreuve. Je le comprends vraiment, a-t-elle déclaré.

Interrogée sur le malaise général que de nombreux Canadiens ressentent face à l’économie, Mme Freeland a adopté un ton similaire.

« C’est normal d’être en colère contre moi. Je comprends vraiment que c’est une période économique incroyablement difficile. C’est vraiment, vraiment difficile pour beaucoup de gens. »— Une citation de  Chrystia Freeland, ministre des Finances

L’opposition à l’attaque

En réponse au discours de Mme Freeland, les députés conservateurs Dan Albas et Gérard Deltell ont publié une déclaration critiquant ce qu’ils appellent la stratégie tax-and-spend du gouvernement.

Cette approche économique défectueuse gruge les revenus des travailleurs canadiens et ignore le principe le plus fondamental de l’économie : dépenser pendant une crise inflationniste ne fera qu’alimenter davantage l’inflation. Pourtant, les libéraux continuent sur cette voie avec un abandon insouciant, infligeant encore plus de douleur inflationniste aux Canadiens.

Le NPD, qui a soutenu que les entreprises profitent de l’inflation pour augmenter leurs profits, affirme que le gouvernement devrait imposer une taxe sur les profits excédentaires aux sociétés pétrolières et gazières et redonner de l’argent aux Canadiens par le biais du crédit pour la TPS/TVH et de la prestation pour enfants.

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a qualifié l’approche de Mme Freeland d’absolument insultante.

Un atterrissage en douceur toujours possible

Mme Freeland a rencontré plus tôt cette semaine la secrétaire au Trésor des États-Unis, Janet Yellen, qui a récemment déclaré qu’une récession aux États-Unis n’était pas inévitable, bien que l’inflation soit inacceptable.

Le Canada a encore la possibilité d’un atterrissage en douceur, a déclaré Mme Freeland, où le pays pourrait se stabiliser économiquement après l’énorme choc de la pandémie de COVID-19, sans la grave récession redoutée par beaucoup.

Mme Freeland a maintenu un ton optimiste quant à la capacité du Canada à surmonter l’incertitude économique mondiale, surtout si on le compare aux autres pays du G7.

Le défi n’est pas encore relevé, mais je crois sincèrement que nous allons nous en sortir ensemble, a-t-elle déclaré.

Par Radio-Canada avec les informations de Christian Paas-Lang de CBC

Risque de pénurie de blé en Afrique: le président ivoirien s’en préoccupe

juin 15, 2022

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, s’est dit préoccupé par la poussée inflationniste et le risque de pénurie de plusieurs produits comme le blé en Afrique.

« Nous sommes préoccupés, c’est le moins que je puisse dire, par le ralentissement de la croissance mondiale et la disponibilité pour l’Afrique de certains produits comme le blé, les engrais et bien sûr par la poussée inflationniste », a déclaré le chef de l’Etat ivoirien, à l’ouverture de l’Africa CEO Forum, sommet économique réunissant 1 500 chefs d’entreprises et décideurs politiques à Abidjan. 

Il a notamment cité l’exemple de l’Inde qui a interdit les exportations de blé mi-mai.

« Une telle situation inflationniste pousse les gouvernements et les entreprises à réévaluer leur dépendance aux réseaux internationaux. C’est réellement une remise en cause de la mondialisation et de la notion du commerce mondial. Cette situation a été accentuée par la crise en Ukraine », a-t-il ajouté. 

Avant même la guerre en Ukraine, l’insécurité alimentaire s’était accentuée dans le monde en raison des conflits, des crises climatiques et économiques. Mais le conflit russo-ukrainien a aggravé la crise, les deux pays assurant à eux seuls 30% du commerce mondial de blé. Et avec la guerre, les prix de l’énergie, des aliments et des métaux ont flambé. 

« Cette convergence des crises offre au continent africain une occasion unique d’opérer les changements structurels nécessaires à la transformation de nos économies », a de son côté affirmé Makthar Diop, directeur général de la Société financière internationale, une branche de la Banque mondiale. 

L’Africa CEO Forum doit notamment mettre l’accent sur la souveraineté économique du continent africain. 

Avec Adiac-Congo d’après AFP

Guerre en Ukraine : de l’inflation jusqu’en 2024, selon la Banque mondiale

avril 27, 2022

Selon les projections de l’institution, la hausse du prix des produits de base provoquée par la guerre en Ukraine sera sensible durant les deux prochaines années. Et pourrait se faire sentir encore plus longtemps si le conflit perdurait.

Début de pénurie dans un supermarché tunisois, le 8 avril 2022. © Chedly Ben Ibrahim/Bloomberg/Getty

Dans son dernier rapport sur les perspectives des marchés des produits de base, publié le 26 avril, la Banque mondiale ne se montre guère optimiste. Selon l’institution de Bretton Woods, «la guerre en Ukraine, en provoquant un choc majeur sur ces marchés, a modifié les structures mondiales des échanges, de la production et de la consommation de telle sorte que les prix resteront à des niveaux historiquement élevés jusqu’à la fin de 2024». Ce choc inflationniste durera tant sur le front énergétique que sur le front alimentaire, avec des pics jamais atteints depuis la crise pétrolière de 1973, affirme la Banque.

« Comme cela avait été le cas à l’époque, le choc est aggravé par la recrudescence des restrictions pesant sur le commerce des denrées alimentaires, des carburants et des engrais », explique Indermit Gill, vice-président de la Banque mondiale chargé de la croissance équitable, des finances et des institutions. Cette situation a « commencé à faire planer le spectre de la stagflation », ajoute-t-il, appelant « les responsables politiques à saisir toutes les occasions d’encourager, chez eux, la croissance économique et d’éviter toute action qui porterait préjudice à l’économie mondiale ».

Jamais depuis 2008 la hausse du prix des produits alimentaires – dont la Russie et l’Ukraine sont de grands producteurs – et des engrais, qui sont fabriqués à partir du gaz naturel, n’avait été aussi forte. De manière générale, la Banque mondiale estime que les prix des produits non énergétiques, notamment ceux des produits agricoles et des métaux, devraient augmenter de près de 20% en 2022 avant de se stabiliser au cours des années suivantes. Ceux des denrées alimentaires devraient rester bien supérieurs à la moyenne de ces cinq dernières années.

De même, selon les prévisions de l’institution, les prix de l’énergie augmenteront de plus de 50% en 2022 avant de s’atténuer en 2023 et 2024. Le prix du pétrole brut (Brent) devrait ainsi atteindre une moyenne de 100 dollars le baril en 2022 – son plus haut niveau depuis 2013 –, et augmenter de plus de 40% par rapport à 2021. Les prix devraient se modérer à 92 dollars en 2023, bien au-dessus de la moyenne sur cinq ans de 60 dollars le baril.

L’UTILISATION MOINDRE DES INTRANTS PÈSERA SUR LA PRODUCTION ET SUR LA QUALITÉ DES ALIMENTS

Le scénario du pire

D’après John Baffes, économiste principal au sein du groupe Prospects de la Banque mondiale, « la forte hausse du prix des intrants, tels que l’énergie et les engrais, pourrait entraîner une réduction de la production alimentaire, notamment dans les économies en développement ». « L’utilisation moindre des intrants pèsera sur la production et sur la qualité des aliments, ce qui affectera les disponibilités alimentaires, les revenus des populations rurales et les moyens de subsistance des pauvres », poursuit-il.

Ces projections ne sont toutefois pas figées. En cas de guerre prolongée ou de sanctions supplémentaires à l’encontre de la Russie, les prix pourraient être encore plus élevés et plus volatils, avertit la Banque.

Avec Jeune Afrique par Maureen Songne

Canada-Québec: L’inflation atteint 6,7 % en mars au pays, du jamais vu depuis 31 ans

avril 20, 2022

La flambée de l’inflation oblige de plus en plus de consommateurs à modifier leurs habitudes alimentaires. Photo : Istock

L’indice des prix à la consommation poursuit sa flambée au Canada, où l’inflation a augmenté de 6,7 % en mars dernier sur une base annualisée, rapporte Statistique Canada. Il s’agit de la hausse la plus marquée de l’IPC depuis janvier 1991.

En dépit des interventions récentes de la Banque du Canada sur son taux directeur pour ralentir la surchauffe de l’économie, rien ne semble en mesure de freiner la vague inflationniste qui déferle sur le pays.

En février dernier, le taux d’inflation sur une base annuelle atteignait 5,7 %; il a donc augmenté d’un point de pourcentage en un mois.

Selon les données mesurées par Statistique Canada, les prix ont augmenté dans chacune des huit composantes principales de l’économie surveillées par l’agence.

Le salaire horaire moyen des employés, lui, n’a augmenté que de 3,4 % d’une année à l’autre en mars dernier, souligne Statistique Canada.

Les prix de l’énergie sont bien entendu en tête de peloton, avec une augmentation de 11,8 % du prix de l’essence entre février et mars dernier. Sur une base annuelle, le litre d’essence coûtait 39,8 % plus cher en mars 2022 qu’en mars 2021.

Le mazout a quant à lui augmenté de 19,9 % entre février et mars, pour atteindre une augmentation annualisée de 61 % par rapport à mars 2021.

L’alimentation n’est pas non plus épargnée par la flambée du prix des denrées, lequel a augmenté de 8,7 % en mars par rapport à la même période l’an dernier. Il s’agit de la hausse annuelle la plus importante observée dans le secteur de l’alimentation depuis mars 2009.

Les œufs et les produits laitiers, par exemple, coûtaient 8,5 % plus cher en mars 2022 par rapport à mars 2021. Le prix des céréales à déjeuner a quant à lui augmenté de 12,3 % au cours de la même période, contre 17,8 % d’augmentation pour les pâtes alimentaires.

Les augmentations sont attribuables aux prix à terme du blé, qui ont atteint leur plus haut niveau en 14 ans dans le sillage du conflit entre la Russie et l’Ukraine, deux grands exportateurs de blé. Les prix de l’engrais, un intrant clé dans la production de blé, ont été élevés avant que le conflit n’éclate en Europe de l’Est, en raison en partie des prix élevés de l’énergie, explique Statistique Canada.

La pandémie de COVID-19 a entraîné de longs délais pour des détaillants et des clients en perturbant les chaînes d’approvisionnement. Photo: Ben Nelms

Outre les aliments, le secteur des biens durables – notamment l’ameublement et les véhicules automobiles – a aussi essuyé d’importantes hausses de prix. D’un point de vue global, le prix des biens durables a augmenté de 7,3 % d’une année à l’autre, soit la plus forte hausse enregistrée depuis 1982, note Statistique Canada.

Plus précisément, le prix des véhicules automobiles a bondi de 7 % par rapport à mars 2021, tandis que les meubles coûtent 13,7 % plus cher qu’à la même période l’an passé.

Les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et l’augmentation des prix des intrants et des frais d’expédition ont contribué à la hausse, explique l’agence fédérale.

Avec Radio-Canada par Stéphane Bordeleau

L’inflation atteint 5,7 % au Canada

mars 16, 2022

Une femme fait son épicerie. Photo : Getty Images/Aja Koska

Les prix à la consommation au Canada ont augmenté de 5,7 % d’une année à l’autre en février, en hausse par rapport à la croissance de 5,1 % enregistrée en janvier.

Cette hausse du rythme de l’inflation était la plus forte depuis celle de 6 % du mois d’août 1991.

Sans l’essence, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 4,7 % d’une année à l’autre en février, comparativement à 4,3 % en janvier.

D’autre part, Statistique Canada a observé que, d’une année à l’autre, les prix des aliments achetés en magasin ont augmenté de 7,4 % en février, la hausse annuelle la plus marquée depuis mai 2009, en bonne partie à cause d’un bond des prix de la viande.

Les frais de logement ont affiché l’augmentation la plus marquée depuis août 1983, en hausse de 6,6 % d’une année à l’autre en février.

Statistique Canada a observé que, d’une année à l’autre, les prix ont augmenté de façon plus marquée en février qu’en janvier dans toutes les provinces.

Par rapport à février 2021, l’IPC a augmenté le mois dernier de 5,4 % au Québec, de 5,7 % en Nouvelle-Écosse, de 6 % au Nouveau-Brunswick et de 7,4 % à l’Île-du-Prince-Édouard.

Avec La Presse canadienne

Inflation : la Côte d’Ivoire mobilise plus de 80 millions d’euros pour lutter contre l’envolée des prix

mars 8, 2022
Sur un marché à Adjamé, l’une des communes d’Abidjan, le 18 juin 2020. © Reuters/Thierry Gouegnon

Après l’Algérie et le Sénégal, la Côte d’Ivoire légifère pour contenir l’inflation, qui frappe l’ensemble de la région.

Le 4 mars, au journal télévisé de 20h, sur la chaîne publique nationale, Souleymane Diarrassouba, le ministre ivoirien du Commerce et de l’Industrie, a annoncé qu’une série de mesures allaient être mises en œuvre pour faire face à une inflation alimentaire galopante.

Entre janvier et mars 2022, les prix des produits pétroliers, notamment ceux du gasoil, seront partiellement subventionnés grâce à une enveloppe budgétaire de 55 milliards de F CFA (83,8 millions d’euros). S’agissant des produits alimentaires, un plafonnement des prix s’appliquera durant une période de trois mois sur l’huile de palme raffinée, le sucre, le lait, le riz, le concentré de tomate, la viande de bœuf et les pâtes. La liste des produits de grande consommation et des services dont les prix sont réglementés sera élargie.

L’impact du conflit en Ukraine

Le gouvernement ivoirien souhaite également contrôler davantage l’évolution des prix lorsque celle-ci dépend de décisions locales et non des fluctuations des cours sur les marchés internationaux.

Pour y parvenir, et durant les six mois précédant toute augmentation du prix des denrées de grande consommation, une « information préalable » sera communiquée, suivie d’une « concertation ». Par ailleurs, pour favoriser le marché intérieur, les exportations de produits vivriers de grande consommation (banane plantain, manioc, igname…) seront soumises à autorisation.

Les acteurs du secteur vivrier bénéficieront, pour leur part, d’une allocation. La population sera tenue au courant du démantèlement des barrages routiers illégaux. Enfin, le gouvernement consentira des efforts supplémentaires pour informer les consommateurs de l’évolution des cours des produits et des intrants sur le marché international.

Pour un même produit, indique le ministère du Commerce et de l’Industrie, l’inflation varie en amplitude d’une région à une autre. Ce phénomène serait dû à « une combinaison de facteurs endogènes et exogènes ». En raison de la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie, le prix du pétrole a fortement augmenté. Ce lundi 7 mars, le baril de Brent a crû de 17,8%, pour atteindre 139,13 dollars, du jamais-vu depuis la crise de 2008, année de son record historique à 147,50 dollars. Le coût du transport maritime s’est lui aussi envolé, les tarifs du fret étant en forte augmentation.

Sur le plan intérieur, une faible pluviosité a « entraîné une perturbation du calendrier agricole », ce qui a abouti à « une insuffisance de l’offre de produits vivriers locaux ».

Mieux qu’au Mali ou au Bénin

L’inflation qui sévit en Côte d’Ivoire frappe également, à des niveaux variables, la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb. Dans un bulletin publié au début de mars, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) souligne que la rapidité de la hausse des prix dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) est principalement liée aux produits alimentaires.

Si l’on considère que ce taux est passé de 6% en décembre 2021 à 6,5% en janvier 2022 dans l’Uemoa, la Côte d’Ivoire est plutôt épargnée (5,6%) par rapport à ses voisins tels que le Mali (8,7%), le Bénin (7,9%) et le Togo (7,5%). Les cours mondiaux des principaux produits alimentaires atteignent quant à eux des sommets, comme ceux de l’huile, dont le taux atteint 54% en glissement annuel

Pour contenir la poussée inflationniste sur les biens alimentaires de grande consommation, l’Algérie et le Sénégal ont eux aussi annoncé l’adoption de mesures. Lors d’un Conseil des ministres, Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, a décidé de geler des taxes sur certains produits alimentaires, qui figurent dans la loi de finances 2022. Au Sénégal, 50 milliards de F CFA (76,2 millions d’euros) ont été mobilisés pour subventionner les producteurs locaux de riz. Une baisse de 100 F CFA (0,15 euro) sur le prix de l’huile, de 25 F CFA sur le kilo de riz « brisé non parfumé » et de 25 F CFA sur celui du sucre a été annoncée.

Avec Jeune Afrique par Maureen Songne

Afrique de l’Ouest : où sont les stocks alimentaires ?

mars 6, 2022
Sacs de céréales. © Stephan Geyer/Flickr/Licence CC

Alors que l’inflation touche toute la région, les regards se tournent vers les mécanismes censés prévenir de telles crises.

Deux solutions ont été identifiées depuis longtemps pour contrer les poussées d’inflation de produits alimentaires en Afrique de l’Ouest. « Sur le temps long, il n’y a pas d’autre choix que de revenir à de vraies politiques agricoles », assure Jean-Marie Ackah, à la tête de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) et président du groupe agroalimentaire Avos.

« Il faut produire le plus possible localement car, même si cette production demeure à court terme moins compétitive que celle venant de l’étranger, elle permettra, dans la durée, d’assurer un approvisionnement des marchés plus stable, réduisant la volatilité des prix », défend-il.

Or, malgré les avancées en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Bénin notamment, force est de constater que les progrès sont encore trop lents sur le plan de l’autosuffisance alimentaire dans la région. De même, l’Afrique de l’Ouest aurait tout intérêt à renforcer ses stocks de produits agricoles, moyen simple mais efficace de peser sur les marchés et de juguler les prix.

Déstockage rapide

Si la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a établi une stratégie en la matière (avec trois niveaux de stock et de proximité, national et régional), elle tarde à la mettre en œuvre alors que certains États membres ont déjà du mal, faute de budget, à renouveler leurs réserves nationales. Lancée en 2013, la réserve régionale (utilisée par les pays membres) n’a, pour l’heure, atteint que 40 000 tonnes de céréales, soit 10 % du volume total visé.

Il faut cependant noter qu’entre 2017 et 2019, un total de 19 700 tonnes de céréales de la réserve régionale ont été déstockées en faveur du Nigeria, du Ghana, du Burkina Faso et du Niger, selon le Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA). En 2020, l’institution a constaté le  » déstockage rapide de 2 190 tonnes de céréales de la Réserve régionale en faveur des populations vulnérables du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Nigeria « .

Initiatives de l’AFD et de l’UE

En mai 2021, lors de la réunion d’un Comité technique ministériel spécialisé sur le stockage alimentaire en Afrique de l’Ouest, l’Agence française de développement a annoncé le lancement d’une initiative de 8 millions d’euros en faveur du stockage de sécurité alimentaire  » en vue d’éviter la rupture de financement, de consolider les acquis du systèmes régional de stockage, et de préparer une seconde phase d’un projet plus ambitieux, en collaboration avec d’autres partenaires.  »

Durant la même rencontre, l’Union européenne a rappelé son financement de 56 millions d’euros en faveur du stockage de sécurité alimentaire, renouvelé  » son engagement pour le renforcement de ses appuis techniques et financiers  » et s’est engagée à  » poursuivre son appui pour la pérennisation du dispositif régional de stockage (gouvernance, reconstitution des stocks…).  »

Avec Jeune Afrique par Estelle Maussion

Inflation et pouvoir d’achat : en attendant les jours sans pain…

février 27, 2022
Des grains de blé à Asmara, en Érythrée (illustration). © Eric Lafforgue/Hans Lucas via AFP

Sur le continent, la flambée des prix des denrées de première nécessité se poursuit inexorablement. Pour le moment, les populations y semblent quasi indifférentes grâce aux subterfuges gouvernementaux, qui font passer la pilule. Mais pour combien de temps ?

Suprême injustice à l’encontre des pauvres, l’inflation est de retour sur les étals africains. Tel un virus infectant les petits budgets, elle grignote douloureusement les porte-monnaie. Si rien n’est fait, ces millions de gagne-petit et autres déshérités vivant avec moins de 2 dollars par jour pourraient bientôt descendre dans la rue  crier famine aux fenêtres de leurs gouvernants. Il faut même craindre le pire, car les petites manifestions dégénèrent vite en « dégagisme ». On peut le dire sans être taxé d’alarmisme, la hausse des prix en cours porte les germes d’un risque politique majeur.

Merci qui ? Merci la pluie, nous dit-on. Trop abondante en Europe, elle a ravagé les cultures de blé. Trop rare au Canada, elle a laissé la sécheresse faire baisser les volumes des récoltes. La production réduite, le marché s’est affolé. Devinez qui déguste à l’autre bout de la planète ? Encore et toujours le pauvre Makaya du Gabon. Il n’y est pour rien, ne comprend rien au charabia des économistes, mais sait qu’à la fin ce sera à lui de payer. Pourtant, ô tristesse, il aurait pu trouver un féticheur capable de réguler la pluviométrie comme on règle le débit de sa douche.

Dindon plumé

Seulement voilà, le prix de la farine de blé est monté en flèche. Les boulangers ont tenté de suivre mais ont vite été entravés par le gouvernement, lequel n’a eu d’autre choix que de bloquer les hausses après avoir épuisé le levier de la fiscalité. Il faut être un ministre inconséquent pour laisser le prix du pain passer de 125 à 150 F CFA (de 0,19 à 0,22 euro). Autant aller titiller un gorille de 500 kg au parc de Moukalaba-Doudou, dans le Sud-Ouest. Une provocation, donc, pour les Gabonais, épuisés par un couvre-feu anti-Covid en vigueur depuis de longs mois.

Entre boulangers et gouvernement, le bras de fer était parti pour durer. C’était sans compter avec le génie des rois gabonais de la baguette. Ils ont divisé le poids de la baguette par deux et vendent cette demi-portion à… 75 F CFA. Une augmentation déguisée qui redonne le moral aux producteurs tout en sauvant la face du gouvernement. Tout le monde est heureux sauf le pauvre Makaya, dindon plumé de cette farce d’un goût douteux.

QUAND LES MISÉREUX SE SERONT SAIGNÉS JUSQU’À LA DERNIÈRE GOUTTE, LE VOLCAN EXPLOSERA

« L’inflation, impôt pour les pauvres, prime pour les riches, est l’oxygène du système », écrivait François Mitterrand. Le socialiste savait de quoi il parlait. La hausse des prix peut, sous certaines conditions, profiter aux entreprises et, donc, augmenter les recettes fiscales. Est-ce la raison pour laquelle, au Cameroun, on laisse les prix grimper ? Quasiment tous les produits sont à la hausse.

Passe encore le ciment, vendu trois fois son prix à l’État par les sous-traitants impliqués dans la construction des stades de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qu’on dit les plus chers au monde.

Tenons-nous-en aux huiles de friture, aux conserves, au sucre, aux pâtes, etc. La cherté est affolante. Mais le gouvernement dort sur ses deux oreilles alors que les consommateurs raquent. Il se contente de surveiller le prix du pain, gelé – en dépit de la demande pressante des meuniers –, et celui du carburant. Si les cours du blé continuent de monter, bientôt il n’y aura plus de farine du tout, et, quand les miséreux se seront saignés jusqu’à la dernière goutte, le volcan explosera.

« Salauds de pauvres »

Le risque d’émeutes de la faim est-il suffisamment pris au sérieux ? La dernière fois que cela s’est produit, c’était en 2008. Une centaine de personnes avaient alors été tuées par les forces de l’ordre. Il n’y aurait peut-être pas de manifestations si les gouvernements prenaient à temps des mesures de soutien au pouvoir d’achat. Les raisons de l’attentisme de nos dirigeants sont un mystère.

N’oublions pas, la hausse généralisée des prix n’est pas un problème de riche. D’ailleurs, à l’échelle internationale, bonne nouvelle pour nos chères élites fortunées : c’est le bon moment pour acheter appartements et villas en Europe. Rien de tel qu’investir dans la « pierre », cette valeur refuge à l’épreuve du temps, pour mettre son épargne à l’abri de l’érosion monétaire. Quant à ces « salauds de pauvres », on leur enverra des gendarmes s’ils osent se soulever. L’argent est le nerf de la guerre et le malheur de ceux qui n’en possèdent pas.

Georges Dougueli

Avec Jeune Afrique par Georges Dougueli

Journaliste spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, il s’occupe particulièrement de l’Afrique centrale, de l’Union africaine et de la diversité en France. Il se passionne notamment pour les grands reportages et les coulisses de la politique.