Hommage d’enfants de la tragédie de l’école de Sandy Hook à Newtown où a péri 20 enfants et 6 éducatrices.
Le monde a été profondément touché, le vendredi noir du 14 décembre 2012, suite à votre disparition brutale et tragique. Une disparition inopinée et sans précédent. De paisibles innocents. Celle des enfants d’une école, en plein apprentissage de leur éducation et instruction, auprès des formatrices généreuses qui avaient un grand souci de leur donner le goût des rudiments élémentaires de la scolarité pour leur devenir humain.
Chers enfants, votre mort a été douloureusement ressentie, à travers le monde, comme une épée plantée dans le cœur de vos parents et de tous ceux qui ont une progéniture à votre image. Elle a suspendu les activités des consommateurs à la télévision, car elle a ressemblé à un choc planétaire comme un tremblement de terre à grande échelle, cette fois-ci ayant secoué le pôle nord et le pôle sud, gagnant, à la seconde près et à la vitesse de la lumière, tous les hémisphères dans la latitude et la longitude de leur étendue. Elle a été très difficile à digérer. A accepter. Révoltante par endroits. Troublante par son cynisme. Créant une psychose dans la chair des vivants mais aussi de l’effroi et de l’émoi. Vos responsables ont cherché à vous protéger et sont morts avec vous. Les corps criblés de balles et couverts de sang.
Dans ma tradition bantoue, des enfants ne doivent pas mourir. Ils doivent s’amuser. S’ils ne s’amusent pas, donc ils sont malades. Car s’ils meurent, c’est tout espoir qui disparait. Les enfants sont appelés à remplacer les vieilles personnes. Ils constituent le maillon précieux de la succession de l’humanité. La chaîne de remplacement des anneaux de la vieillesse. Car vous demeurez la chaleur vitale d’une maison. La charpente d’une famille. D’une société.
Newtown, la nouvelle ville du Connecticut, où tout le monde se connaît presque, a sombré ce jour-là dans les ténèbres, brisant les vertèbres de tous ses membres, d’une tempête macabre, déposant un voile d’obscurité d’un grand deuil qui a interpellé la conscience de l’humanité armée.
Des messages de condoléances ont afflué à la Maison blanche chez le père de la nation car vous représentez à ces heures sombres un échantillon précieux brutalement arraché à la vie. Le pape Benoît XVI a exprimé sa peine et fait part de sa «profonde tristesse» dimanche à Rome. Vous avez reçu aussi de nombreux témoignages des habitants frappés par l’émotion, restés sans voix, d’aucuns sont encore inconsolables, arrachant les guirlandes de la fête de Noël, à la devanture de leurs maisons, souvent destinée aux enfants et d’autres ne se retrouvent pas dans un tel carnage d’une ampleur effroyable.
Sensible, dès l’annonce, le président Barack Obama a versé une larme discrète. « Ceux qui sont morts aujourd’hui étaient des enfants de magnifiques enfants âgés de 5 à10 ans, a-t-il poursuivi. Ils avaient la vie devant eux, une vie d’anniversaires, de célébrations, de diplômes, des enfants qu’ils auraient eu eux-mêmes. Nos cœurs sont donc brisés. » Il s’est aussi déplacé dimanche pour rencontrer vos familles, à cette triste occasion irréparable, où il a prononcé l’un des discours les plus forts de sa présidence pour réconforter les familles des victimes tout en appelant la nation à « changer » et à mettre fin aux « tragédies ». Il a ajouté en martelant, devant un parterre d’un millier de personnes réunies dans l’enceinte de la Newtown High School : « Nous ne pouvons plus tolérer cela. Ces tragédies doivent cesser. Et pour y mettre fin, nous devons changer », à-t-il déclaré. «Nous ne pouvons plus accepter ces évènements comme une routine», a-t-il dit. Évoquant indirectement le second amendement, il en a appelé à la volonté de la classe politique. «Sommes-nous réellement prêts à dire que nous sommes impuissants face à un tel carnage, que c’est politiquement trop difficile (…) qu’une telle violence contre nos enfants est le prix à payer pour notre liberté?»
Chers enfants, éminentes éducatrices, devant le mémorial dressé pour la circonstance où brûle des chandelles de toutes les couleurs, pour entretenir la flamme de vos âmes, avec des objets portant vos noms, ces différents gestes traduisent la nature et la profondeur de la compassion qui ont déchiré les cœurs des uns et des autres. Car vous constituez à de degrés divers des lumières de la nation. Des évocations révèlent que vous étiez pleins de promesses, de prouesses et de joie de vivre. L’un d’entre vous Daniel Barden, 7 ans, voulait devenir musicien comme son père, professionnel de jazz, qui devait se produire en concert dans la région le soir de la fusillade. Jesse Lewis, 6 ans, était un garçon «plein d’entrain et d’imagination», selon le Wall Street Journal. Une amie de la famille, Barbara McSperrin, avait envoyé un message à sa mère Scarlett pour s’assurer que le petit garçon était bien en vie. «Jesse est parti», a répondu celle-ci plus tard dans la journée. C’était la catastrophe.
Votre mort a rassemblé, sans distinction de religion, des prêtres, des pasteurs, des rabbins et des imams, pour vous accompagner, à travers, les prières, dans le royaume des lumières malgré les planches dans lesquelles où vous êtes enfermés qui ressemblent à un rêve d’interprétation difficile. Même si votre mort est un long silence d’absence de votre présence qui ne produira plus le moindre bruit de votre vie. Sachez très bien qu’elle continue de susciter des interrogations, de provoquer des discussions, d’alimenter des commentaires dans les médias, occupant encore la manchette des journaux.
Vêtus dans de beaux costumes de dernier départ, comme des agneaux de la passion du vendredi saint, vous ne savez même pas pourquoi vous êtes morts. Votre tragédie sans nom, a maintenant un nom celle d’Adam Lanza où des innocents, beaux comme des charmes, sont étendus dans leur dernière expression, nous quittons à la fleur de l’âge. Vous êtes venus au monde d’il ya à peine six ans et sept ans, vous voilà brusquement partis de la terre des hommes du fait de la gâchette facile d’une personne armée.
A la directrice Dawn Hochsprung; à la psychologue, Mary Sherlach, proche de la retraite car elle avait 56 ans; à Vicky Sotto, institutrice âgée de 27 ans, qui parlait de ses élèves comme de ses «enfants» et qui a voulu les cacher dans un placard pour que le tueur ne les atteigne pas; à Anne-Mary Murphy, enseignante spécialisée de 52 ans, retrouvée au-dessus de ceux de plusieurs enfants qu’elle avait cherché à protéger des balles; à Lauren Rousseau, l’une des deux institutrices, âgée de 30 ans, qui avait été à peine embauchée en septembre et planifiait son mariage avec son petit ami, Tony, selon le Wall Street Journal; vous êtes toutes des femmes héroïques. Vous avez donné votre vie en cherchant à sauver vos enfants.
Chers enfants, vos parents qui vous ont accompagné ce matin-là à l’école, vous donnant le câlin à la joue ne sachant pas que c’était le dernier, sont très malheureux, car ils conservent encore de bons souvenirs de votre vie, vos belles photos occuperont toujours les pans des murs de la maison paternelle et des musées. Que l’écho de vos noms comme le chant de l’oiseau de la liberté qui annonce l’aube, trouve ici dans la conscience de chacun de nous, la meilleure place pour la mémoire et l’histoire !
Nous nous inclinons devant le chagrin familial et la tristesse de vos amis qui ont survécu, à la tragédie de Newtown, actuellement en déplacement, dans une autre école, pour changer de paysage. Nous vous traduisons nos meilleurs sentiments d’adieu.
A chacune et à chacun, que la terre reçoive votre dépouille mortelle pour l’éternité !
Reposez en paix !
Bernard NKOUNKOU