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Brésil: nouveau président, mêmes tempêtes à affronter

mai 12, 2016

tempete

Brasilia – Le vice-président brésilien Michel Temer hérite, en assumant la présidence par intérim d’un pays ébranlé par de multiples crises, des mêmes problèmes que ceux qui ont conduit à la chute de la présidente de gauche Dilma Rousseff.

Dans cette débâcle générale amplifiée par le scandale de corruption Petrobras, il pourra compter dans un premier temps sur le soutien des milieux d’affaires et d’une majorité parlementaire pas forcément durable.

D’autant qu’il va devoir adopter des mesures de redressement économiques aussi impopulaires que lui.

– Crise politique –

Michel Temer, 75 ans, va hériter en grande partie de l’insatisfaction des Brésiliens contre la politique traditionnelle qu’il incarne, souligne Thiago Bottino, analyste politique à la Fondation Getulio Vargas.

Homme d’appareil par excellence, sans charisme, il est peu aimé. Seuls 1 à 2% des Brésiliens voteraient pour lui à une élection présidentielle.

Et ils sont presque aussi nombreux à souhaiter son départ et de nouvelles élections qu’à vouloir se débarrasser de Dilma Rousseff et du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir depuis 2003.

Il pourra néanmoins s’appuyer dans l’immédiat sur la capacité fédératrice de sa formation, le grand parti centriste PMDB, arbitre de toutes les majorités parlementaires depuis 1994.

Contrairement à Mme Rousseff, c’est un habile négociateur. Ses conseillers anticipent un gouvernement au profil technocratique.

Mais il aura du mal à faire oublier que son parti a été marié avec le PT pendant 13 ans, pour le meilleur et pour le pire.

Le soutien de la droite qui a poussé à la destitution de Mme Rousseff pourrait vite s’effilocher, à mesure que s’approchera l’élection présidentielle de 2018.

Pour Lincoln Secco, historien à l’Université de Sao Paulo, il sera confronté à une difficulté additionnelle et inédite: Dilma Rousseff.

La présidente lui a collé l’étiquette d’usurpateur et promet de lutter jusqu’au bout pour récupérer son fauteuil présidentiel.

Pendant cinq à six mois, Temer va devoir supporter l’ombre de Dilma Rousseff et une forte pression pour que son gouvernement obtienne des résultats rapides, souligne l’historien.

– Crise sociale –

Le social était le domaine d’excellence du PT, dont les programmes en faveur des plus démunis, en plein boom économique des années 2000, ont permis à 40 millions de brésiliens misérables d’accéder à la petite classe moyenne.

Pour Michel Temer c’est le sujet le plus complexe, estime Debora Messenberg, spécialiste en sociologie politique à l’Université de Brasilia.

Il existe une grande crainte dans la société d’une remise en cause d’une série d’avancées sociales, souligne-t-elle.

Michel Temer a promis de ne pas toucher aux programmes sociaux, en particulier l’emblématique Bourse famille qui profite à des dizaines de millions de Brésiliens.

Mais je crois que les mouvements sociaux vont sortir dans la rue. Temer n’aura pas la vie facile, pronostique Mme Messenberg.

– Crise économique –

C’est le plus grand défi mais aussi sans doute le meilleur espoir de M. Temer, appuyé a priori par les marchés, les puissants secteurs industriel et de l’agro-business.

M. Temer promet une rupture libérale avec le modèle interventionniste décrié de Mme Rousseff.

Il prépare un paquet de mesures libérales impopulaires qui pourraient jeter les syndicats dans la rue: ajustement budgétaire sévère, réforme du système déficitaire des retraites et de la législation du travail.

Le Brésil, englué dans la pire récession depuis les années 1930, a besoin d’un rapide choc de confiance.

Le PIB a reculé de 3,8% en 2015, et devrait plonger d’autant en 2016. Les déficits et la dette s’envolent, comme le chômage (10,9%) qui frappe 11 millions de Brésiliens.

L’inflation reste élevée (9,28%), contraignant la Banque centrale à maintenir un des taux directeurs les plus élevés au monde (14,25%).

– Corruption –

Le parti de M. Temer est éclaboussé au plus haut niveau par l’énorme scandale de corruption autour du géant étatique pétrolier Petrobras dont les révélations dévastatrices ébranlent toute l’élite politique.

M. Temer lui-même a été cité comme bénéficiaire de pots-de-vin par des inculpés mais n’est pas à ce stade visé par l’enquête.

Il pourrait en revanche voir son mandat cassé par la justice électorale, conjointement à celui de Mme Rousseff pour pollution du financement de leur campagne par des fonds détournés de Petrobras.

Le problème de la corruption de va pas s’arrêter. L’enquête pourrait être étouffée. J’espère que non mais le risque existe, souligne Thiago Bottino de la Fondation Getulio Vargas.

M. Temer jure le contraire. Le principal parti d’opposition le PSDB (centre-droit) en a fait une condition à son soutien tant les Brésiliens sont excédés par la corruption.

Romandie.com avec(©AFP / 12 mai 2016 12h54)