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Congo: la justice est aux ordres, selon Guy-Parfait Kolelas

janvier 10, 2018

 

Guy-Brice Parfait Kolélas, l’une des principales figures de l’opposition congolaise, député de la ville de kinkala (sud) a déclaré, dans une interview exclusive accordée à RFI, que la justice de son pays est aux ordres. L’intégralité de cet entretien avec nos confrères de la radio mondiale.

Alpha Condé: « Les problèmes africains doivent se régler en Afrique »

octobre 31, 2017

 

Alpha Condé, à Conakry lors d’un entretien à JA en octobre 2016. © Vincent Fournier/JA

CPI, RD Congo, droits de l’homme… Le chef de l’État guinéen, président en exercice de l’UA, défend ses choix pour son pays comme pour le continent.

Être le président en exercice de l’Union africaine confère un avantage de taille : celui d’être accueilli, au titre de porte-parole du continent, par les superpuissants de la planète Terre. Alpha Condé l’a bien compris, lui qui, en septembre, a été reçu tour à tour par Xi Jinping, Donald Trump et Vladimir Poutine. Pour parler des rapports entre l’Afrique et le monde bien sûr, mais aussi de la Guinée, que ce chef d’État de 79 ans n’oublie jamais de placer au cours de ses échanges…

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Aussi est-il revenu de Pékin avec un mégaprêt de 20 milliards de dollars sur vingt ans, de Moscou avec l’effacement des intérêts de la dette et des projets de construction d’hôpitaux et de casernes, de New York avec la promesse d’un engagement de l’Eximbank à accompagner les investisseurs américains en Guinée. De quoi fouetter une activité économique qui, portée par un taux de croissance honorable de 6,7 % en 2017, rebondit enfin.

Renaissance programmée

Capitale constamment au bord de l’AVC circulatoire dont l’aménagement a jusqu’ici été négligé, le pouvoir préférant porter ses efforts sur l’intérieur du pays, Conakry devrait profiter de cette manne annoncée au cours des trois dernières années du second mandat d’Alpha Condé.

Les maquettes, impressionnantes, de la renaissance de la presqu’île de Kaloum et des îles de Loos disent l’ampleur colossale d’un chantier sur lequel interviendront des entreprises turques, marocaines, singapouriennes, chinoises et françaises.

« Dans les années 1950, Houphouët-Boigny se disait prêt à échanger la Côte d’Ivoire contre la Guinée : nous allons lui donner raison », dit ce président intarissable sur les « scandaleuses » richesses minières et agricoles de son pays.

Équilibre politique

Le problème, bien sûr, c’est que le temps de la politique n’est pas celui du développement. Pressée d’accéder (ou de ré-accéder) au pouvoir, l’opposition ne ménage guère Alpha Condé, qui, en janvier prochain, transmettra la présidence en exercice de l’UA au Rwandais Paul Kagame.

Sous la houlette de son chef de file, Cellou Dalein Diallo, lequel fut pendant une décennie de régime militaire ministre puis Premier ministre, elle organise des manifestations de rue parfois imposantes qui se heurtent presque systématiquement aux forces de l’ordre. Au sein d’une classe politique où la nuance et le sens de l’équilibre n’ont jamais eu droit de cité, propos et slogans sont souvent violents, les invectives fusent, et les nerfs sont à fleur de peau.

Cellou Dalein Diallo (à g.) et Papa Koly Kourouma, au milieu d’opposants à un troisième mandat du président. Conakry, le 2 août. © CELLOU BINANI/AFP

 

Dans la ligne de mire : les élections locales et législatives de 2018 et, au-delà, la présidentielle de 2020, à laquelle l’opposition soupçonne Alpha Condé de vouloir se présenter, même si, dans son état actuel, la Constitution le lui interdit. « Ce débat ne me concerne pas, répond invariablement l’intéressé. Ni moi ni les Guinéens, qui m’ont élu pour réformer et transformer la Guinée. » Dont acte, pour l’instant.

Jeune Afrique : Votre mandat à la tête de l’Union africaine s’achève dans un peu plus de deux mois. En quoi cet exercice aura-t-il bénéficié aux Guinéens ?

Alpha Condé : Sur le plan symbolique, cela aura été une sorte de retour aux sources. Souvenez-vous du rôle majeur que la Guinée de Sékou Touré a joué dans la libération du continent. Le MPLA [Mouvement populaire de libération de l’Angola] a été fondé en partie à Conakry avec Mário de Andrade. Des cadres de l’ANC, dont Nelson Mandela et Thabo Mbeki, ont suivi une formation militaire à Kindia. Et la Guinée a été l’un des principaux artisans de la création de l’OUA [Organisation de l’unité africaine], à qui elle a donné son premier secrétaire général, Diallo Telli.

Les mots d’ordre de l’époque, unité et souveraineté africaines, sont plus que jamais d’actualité : ce n’est pas un hasard s’il m’est revenu de les réaffirmer cette année à la face du monde. Pour les Guinéens, cette présidence en exercice est un motif de fierté et la preuve que leur pays est désormais incontournable sur la scène panafricaine.

Vous vous êtes beaucoup investi dans la résolution de la crise gambienne, fin janvier. Êtes-vous satisfait du résultat ?

Évidemment. C’est la preuve que les Africains peuvent régler leurs problèmes sans l’intervention de quiconque. Et cela offre un modèle à suivre pour résoudre d’autres crises en cours.

Celle que traverse la RD Congo par exemple ?

Oui. Nous tentons de la circonscrire entre Africains. Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, était à Kinshasa il y a peu. Moi-même, j’ai eu à New York un long entretien avec le président Kabila et j’ai reçu ses principaux opposants.

Les métastases de la crise libyenne nous touchent, nous Africains, plus que quiconque

Nous avons, je crois, convaincu ces derniers de se concentrer sur la tenue des élections, plutôt que de se focaliser sur la contestation du gouvernement. Bien sûr, l’appui des Européens, des Américains et de l’ONU est le bienvenu pour aider les Congolais à organiser et financer les scrutins. Mais c’est aux Africains de proposer les solutions et aux autres de nous accompagner, pas l’inverse.

Même schéma en ce qui concerne la crise libyenne ?

Absolument. D’abord pour une raison de principe : les problèmes européens se règlent en Europe, dans le cadre de l’Union européenne, les problèmes asiatiques en Asie, les problèmes américains en Amérique, les problèmes africains doivent se régler en Afrique.

Ensuite parce que la destruction de la Libye et l’élimination de Kadhafi ont fait de ce pays un cancer, dont les métastases nous touchent, nous Africains, plus que quiconque. Là encore, l’aide de l’ONU, de la France ou de l’Italie est utile. Mais c’est à l’UA que toutes les tendances libyennes font aujourd’hui confiance pour trouver une solution, quoi qu’en disent certains.

Si nous voulons faire taire les armes, l’Afrique doit parler d’une seule voix

Le président du Congo, Denis Sassou Nguesso, qui préside le Comité des chefs d’État sur la Libye, a établi une feuille de route qui doit déboucher sur un gouvernement d’union nationale chargé d’organiser des élections. Un grand sommet est prévu en décembre. La seule voie à suivre est donc africaine.

Tous les dirigeants libyens que j’ai rencontrés me l’ont répété : les pyromanes ne peuvent pas être les pompiers. Je suis d’ailleurs heureux de constater que, dans cette affaire, les Africains parlent d’une seule et même voix. Si nous voulons réussir notre pari de faire taire les armes sur le continent à l’horizon 2020, c’est indispensable.

Vous avez été élu à la présidence de l’UA dans un contexte particulier : celui des réformes de fond proposées par le Rwandais Paul Kagame et avalisées par le sommet d’Addis-Abeba. Où en est leur application ?

Nous progressons sur la voie de l’autonomie financière et de la rationalisation de notre fonctionnement. Depuis la création de l’UA, 1 500 résolutions ont été prises – pour la plupart sans suite. Il fallait que cela change.

Notre absence au Conseil de sécurité est plus qu’une anomalie

Désormais, le sommet de janvier se concentre sur un ou deux sujets majeurs, et celui de juillet examine la mise en œuvre des décisions adoptées. C’est ce qui a été fait cette année concernant le thème de la jeunesse et de l’atout démographique, confié au président tchadien, Idriss Déby Itno.

Autre thème fort, porté par vous-même lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre : la revendication de deux sièges pour l’Afrique au Conseil de sécurité. Avez-vous une chance d’être écouté ?

Je l’espère. Le monde de 2017 n’est plus celui de 1945, et 70 % des problèmes traités par le Conseil de sécurité, tout comme la majorité des opérations de maintien de la paix de l’ONU, concernent l’Afrique. Notre absence est plus qu’une anomalie, c’est une injustice. La Chine, la Russie et la France soutiennent cette revendication. Il nous reste deux pays à convaincre : les États-Unis et la Grande-Bretagne. Nous y parviendrons. C’est dans leur intérêt.

Le président américain, Donald Trump, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le 20 septembre. © Evan Vucci/AP/SIPA

 

Entre l’UA et la Cour pénale internationale, le divorce est-il prononcé ?

La question ne se pose pas. Une résolution a été prise en janvier lors du sommet d’Addis, demandant aux États africains de quitter la CPI. Non pas parce que nous sommes en faveur de l’impunité et contre les droits de l’homme, mais parce qu’il faut que les Africains soient jugés en Afrique par notre propre cour pénale, dont les statuts doivent être ratifiés par les membres de l’UA.

Nous devons rendre opérationnelle la Cour africaine de justice

C’est une question de logique : si nous sommes opposés aux ingérences étrangères, nous devons rendre opérationnelle la Cour africaine de justice. Pour le reste, le procès du deux poids et deux mesures intenté à une CPI qui ne juge que des Africains et dont s’exonèrent quelques grandes puissances est largement instruit. Je ne vais pas le refaire ici.

Votre opposition estime que vous voyagez trop, au détriment des problèmes domestiques. Que répondez-vous ?

C’est un jugement stupide. J’ai certes voyagé en tant que président de l’UA, mais aussi et toujours comme chef de l’État guinéen. Mes déplacements en Chine, en Russie, en Turquie, en Arabie saoudite, à Abou Dhabi, au Soudan ou ailleurs ont tous eu des retombées concrètes pour la Guinée. Ceux-là mêmes qui me critiquent étaient aux affaires sous le régime de Lansana Conté, dont on sait qu’il se contentait de régner sans gouverner.

Aujourd’hui, la Guinée existe à nouveau sur la carte du monde

Qu’ont-ils fait de la Guinée ? Que diront-ils quand il leur faudra rendre des comptes ? Lorsque j’ai été élu en 2010, on confondait la Guinée avec la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale, et seules trois compagnies aériennes d’envergure internationale desservaient Conakry. Aujourd’hui, elles sont six, bientôt huit. Et mon pays existe à nouveau sur la carte du monde.

Vous venez de conclure avec la Chine un prêt de 20 milliards de dollars sur vingt ans. C’est considérable. En 2009, un accord du même type avait été signé, sans aucun résultat. En quoi celui-là est-il différent ?

L’accord de 2009 n’avait pas été passé avec l’État chinois, mais avec une société chinoise basée à Hong Kong et à Luanda. C’était un accord léonin que j’ai refusé d’appliquer dès mon accession au pouvoir, parce qu’il revenait à offrir à cette société la quasi-totalité de nos ressources minières et énergétiques en échange d’un investissement de 7 à 10 milliards de dollars. Celui-ci n’a rien à voir.

Avec le président chinois Xi Jinping, lors du sommet des Brics, le 4 septembre à Xiamen, en Chine. © CHINE NOUVELLE/SIPA

 

Ce n’est pas un accord de troc, et rien n’est hypothéqué. Les entreprises intéressées par l’exploitation de nos ressources opéreront avec la garantie de l’Eximbank chinoise. Une partie des royalties qu’elles nous paieront servira à rembourser le prêt qui nous a été accordé, lequel sera dépensé en fonction de projets ponctuels.

Dès 2018, seront entrepris de grands travaux : la route nationale 1, la voirie de Conakry, une ligne à haute tension, une nouvelle université, des logements sociaux, sans oublier l’agriculture…

N’est-ce pas risquer de dépendre fortement de la Chine ?

Non. La Guinée n’est la chasse gardée de personne, et notre potentiel est tel qu’il y a de la place pour tout le monde. Rien que dans la bauxite, Américains, Russes, Émiratis, Indiens et Français sont présents. Je l’ai dit à Donald Trump et à Angela Merkel : accompagnez vos entreprises comme le font les Chinois. La Guinée est un pays ouvert.

Des enquêtes sont en cours en Australie et en Grande-Bretagne à propos de faits de corruption dont se serait rendue coupable la société minière Rio Tinto en Guinée. Qu’avez-vous à en dire ?

Que cela n’a aucun rapport avec l’accord que j’ai conclu avec Rio Tinto après mon arrivée au pouvoir – un accord entièrement bénéfique pour la Guinée puisqu’il a débouché sur le versement d’une pénalité de 700 millions de dollars au Trésor guinéen et sur la rétrocession de 15 % d’actions. Maintenant, si ces gens ont des comptes à régler entre eux sur la base de commissions dont j’ignore tout, cela ne me concerne pas.

Je vous rappelle que j’ai imposé un nouveau code minier transparent, qui a été salué par le G20 comme un modèle en la matière. Cela nous a permis de récupérer 800 concessions minières bradées par les précédentes administrations. Si je voulais gagner de l’argent de façon illicite, j’aurais négocié avec Beny Steinmetz et sa société BSGR !

Je ne compte plus le nombre d’intermédiaires qui m’ont proposé un arrangement assorti de dizaines de millions de dollars. J’ai refusé, quitte à ce que l’on dise : « Alpha est un ancien communiste, il mourra pauvre. »

Entre le pouvoir et l’opposition guinéenne, une sorte de gentlemen’s agreement semblait avoir été conclu en 2016, dans un souci d’apaisement. Mais depuis quelques mois, si l’on en juge par les déclarations de vos adversaires, les couteaux sont à nouveau tirés. Pourquoi ?

L’accord portait sur trois objets. Premièrement : organiser des élections locales. La commission électorale a proposé la date du 4 février 2018. Deuxièmement : indemniser les victimes des manifestations. Troisièmement : donner un statut dont des émoluments au chef de file de l’opposition.

Il faudra bien que l’on s’explique avec l’opposition, bilan contre bilan

Tout cela a été respecté, même si certains aspects ont pris du retard. Il y a des gens, au sein de l’opposition comme de la mouvance présidentielle, que la tranquillité n’arrange pas. Mon rôle est d’être le garant des accords conclus entre les uns et les autres. Ce qui me gêne dans le fond, c’est de voir les dirigeants de l’opposition, leur leader en tête, se comporter comme s’ils étaient aussi vierges que moi quand j’ai accédé au pouvoir il y a sept ans. Mais ils ont géré ce pays !

Il faudra bien que l’on s’explique, bilan contre bilan. Il est temps que tombent les masques. Trop de mensonges, trop d’intoxications… L’heure est venue d’ouvrir les dossiers.

L’opposition avance le chiffre de 83 morts lors de la répression de diverses manifestations depuis 2010. Que répondez-vous ?

Ce chiffre ne tient compte ni du nombre de policiers décédés ni du nombre de civils abattus par armes de chasse ou autres – des armes dont ne sont pas dotées les forces de l’ordre. J’ai demandé aux services français spécialisés de nous aider à expertiser les balles, et nous saurons bientôt la vérité. Combien de mes militants ont-ils été tués quand les chefs de l’opposition étaient aux affaire ?

Par ailleurs, j’ai été dans l’opposition pendant quarante ans, j’ai organisé beaucoup de manifestations. Jamais mes militants n’ont agressé des gendarmes ou brûlé des voitures. Ceux que nous voyons aujourd’hui dans les rues ont des frondes, des machettes et des cocktails Molotov. C’est moi qui ai fait rentrer l’armée dans les casernes, moi aussi qui ai entrepris d’inculquer aux gendarmes et aux policiers issus de l’ancien régime les notions de maintien démocratique de l’ordre, tâche ardue s’il en est tant les mauvaises habitudes étaient ancrées.

Ce n’est pas à mon âge que je vais entamer une carrière de dictateur, comme disait de Gaulle. Ni me livrer à une comptabilité malsaine : combien de mes militants ont-ils été tués par les militaires quand les chefs de l’opposition actuelle étaient aux affaires ? Veulent-ils vraiment qu’on ouvre ce débat ?

Autre thème récurrent : le troisième mandat. Beaucoup pensent que vous vous préparez à faire modifier la Constitution pour vous présenter à nouveau devant les électeurs en 2020. Est-ce exact ?

Nous sommes en octobre 2017. J’en suis à la deuxième année de mon second quinquennat. La seule chose qui m’importe, c’est de tenir les engagements que j’ai pris devant le peuple de Guinée lors de ma réélection. Si certains veulent discuter à l’infini du sexe des anges, c’est leur problème.

La limitation des mandats, c’est un débat qu’on nous a imposé, avez-vous dit…

C’est un débat qu’on veut nous imposer et qu’on ne nous imposera pas, surtout pas de l’extérieur. Ce ne sont ni les médias étrangers, ni les ONG, ni les chancelleries qui font l’opinion africaine. Encore moins l’opinion guinéenne.

Que s’est-il réellement passé à Boké, ville minière secouée par de violentes émeutes en septembre ?

Au départ, une maladresse : procéder à un délestage électrique un soir de Ligue des champions, il ne fallait évidemment pas le faire. Puis l’expression d’un malaise. Dans le code minier que j’ai fait adopter, il est spécifiquement prévu que les compagnies doivent employer en priorité des sociétés et des nationaux guinéens issus de la région où ces compagnies exercent, sauf si ni les uns ni les autres ne répondent aux critères de qualification exigés. C’est ce qu’on appelle le contenu local. Or ce contenu local n’est pas toujours respecté, et je le leur ai clairement signifié.

Enfin, il y a le problème de la pollution générée par les camions qui traversent la ville en attendant que soit achevée la route de contournement. Reste que ces revendications légitimes ne justifient pas les violences : des maisons ont été détruites, des rails démontés. Ce dernier point relève de la récupération et de la manipulation. Des gangs de voyous ont été envoyés depuis certains quartiers de Conakry pour semer des troubles. Des enquêtes sont en cours.

Huit ans après le massacre du 28 septembre 2009, le procès tarde à venir. Quand aura-t-il lieu ?

Le pôle judiciaire chargé de l’instruction avance, comme l’a souligné le procureur de la CPI, Fatou Bensouda. Je n’étais évidemment pas président quand ce massacre a eu lieu, mais j’en assume la responsabilité en tant que chef de l’État. Tout comme j’assume la responsabilité des massacres du camp Boiro en 1985, en 2007 et en 2009, dont mes militants ont été victimes et dont personne ne parle.

Ce qui préoccupe les Guinéens, ce n’est pas le 28 septembre, c’est l’eau, l’électricité, les transports…

Sur les quatorze personnes inculpées, trois sont encore en fonction à vos côtés. N’est-ce pas gênant ?

En quoi est-ce gênant ? Être inculpé ne veut pas dire être coupable. Certains d’entre eux n’étaient même pas à Conakry quand le massacre s’est produit ! Soyons clairs : il n’y aura pas d’impunité, mais je refuse qu’on instrumentalise ce drame à des fins politiques. Ce qui préoccupe les Guinéens qui m’ont élu, ce n’est pas le 28 septembre, c’est l’eau, l’électricité, les transports et le panier de la ménagère.

Vos relations avec le président français Emmanuel Macron sont-elles aussi fluides qu’avec votre camarade socialiste François Hollande ?

Mon amitié avec François Hollande était antérieure à son accession à l’Élysée. Ma relation avec lui n’est donc pas duplicable. Quant à mes rapports avec le président Macron, que j’ai rencontré lorsqu’il était ministre, puis candidat, et que j’ai revu depuis son élection lors de différents sommets, ils sont sereins. Nous communiquons régulièrement, de personne à personne et d’État à État.

Je tranche les problèmes, je me fiche parfois du protocole

Mais il ne vous a toujours pas reçu à l’Élysée…

Ne cherchez pas de problème là où il n’y en a pas. J’ai transité deux fois par Paris depuis mai 2017. La première fois, Emmanuel Macron était à Bruxelles, et la deuxième, à Saint-Martin, aux Antilles. Pour le reste, tout va bien, ne vous inquiétez pas.

Pourtant, vous ne paraissez pas être sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la démographie africaine. Il a d’abord parlé de « défi civilisationnel », puis vous de « chance pour l’Afrique ». Divergence de fond ?

Votre chronologie est inexacte. J’ai parlé de « chance » à N’Djamena en juin et Emmanuel Macron de « défi » à Hambourg en juillet. Je ne lui ai donc pas répondu. C’est vrai que notre appréciation de tel ou tel sujet peut être différente. Cela n’a rien d’anormal et nous en discutons.

Sept ans après votre arrivée au pouvoir, en quoi avez-vous changé ?

Vous m’avez connu bien avant mon élection. À vous de me le dire.

Il y a deux mois, vous avez limogé cinq ministres en l’espace de vingt-quatre heures, et les intéressés ont appris leur infortune par la radio. Quand je vois cela, je me dis que l’Alpha Condé de 2017 est le même qu’en 2010 : président de tout et de partout.

Et alors ? Qu’aurais-je dû faire ? Les maintenir à leur poste alors que je juge en toute objectivité qu’ils ont failli ? C’est vrai que sur beaucoup d’aspects je n’ai pas changé : je tranche les problèmes, je me fiche parfois du protocole quitte à étonner certains de mes pairs, je reste fidèle à mes amis. Eh bien, je m’en félicite.

Pour le reste, rassurez-vous : au fur et à mesure que croît le nombre de cadres guinéens honnêtes, patriotes et compétents, je sais prendre de la distance, déléguer et faire confiance.

Vous avez 79 ans et une résistance physique étonnante, au point que l’on se demande si vous n’avez pas décidé d’arrêter de vieillir. Comment faites-vous ?

Posez la question au Bon Dieu.

Jeuneafrique.com par

Interview du lanceur congolais Franck Elemba à Abidjan aux Jeux de la Francophonie

juillet 24, 2017

Le lanceur de poids, Franck ELEMBA menace de changer de nationalité : « il est abandonné par le gouvernement Congolais  de Brazzaville »

Franck Elemba: «Je me sens abandonné par le Congo». Interview accordée à RFI.

Médaillé d’or aux Jeux de la Francophonie 2017, Franck Elemba n’avait pourtant pas le cœur à sourire, ce 23 juillet à Abidjan. Usé physiquement et moralement, criblé de dettes en France et au Maroc, victime d’une arnaque à Brazzaville, le lanceur de poids se sent abandonné par le Congo. A deux semaines des Championnats du monde à Londres, celui qui avait fini 4e aux JO 2016 envisage même de changer de nationalité sportive pour les JO 2020.

RFI : Franck Elemba, vous voilà médaillé d’or aux Jeux de la Francophonie 2017 après avoir fini non loin du podium en 2009 et 2013. Êtes-vous satisfait de votre performance à Abidjan ?

Franck Elemba : C’est la deuxième médaille d’or de ma carrière dans un tournoi international. Mais je l’ai obtenu avec beaucoup de difficultés et de petits soucis au niveau du matériel. Les organisateurs ont en effet refusé que je lance avec le poids que j’utilise habituellement. […] Mais j’ai été obligé de faire avec. J’ai essayé d’avoir cette première place pour l’honneur du Congo. […]

Être athlète dans un sport individuel, ce n’est pas simple… On travaille dur matin, midi et soir pour hausser son niveau. Du coup, des blessures surviennent. C’est d’ailleurs ce qui me ralentit un peu dans ma progression, en ce moment. En plus, j’ai du mal à aller au bout des traitements. Mais je vais essayer de conserver toutes mes forces pour réussir quelque chose aux Mondiaux à Londres.

Ces blessures sont-elles inévitables ?

Ça vient de la charge de travail que je me suis imposé. Des blessures sont apparues au niveau de mes tendons rotuliens, ces dernières semaines. Je dois néanmoins continuer à appuyer sur mes jambes. Résultat, j’ai ces douleurs en tête. Et, du coup, il y a beaucoup de stress.

En plus, je me sens délaissé et même abandonné. C’est très difficile de garder le moral durant la préparation pour ces Mondiaux. Imaginez un peu que vous passiez votre temps à emprunter de l’argent aux banques pour vous soigner et pour financer des stages…

Qui vous a abandonné ?

Mon pays. Ses dirigeants n’ont pas voulu ou pas pu me payer un stage de préparation depuis un an. Rien de tout ce que je leur ai demandé n’a été fait.

Lorsque les gens essaient de vous aider, vous le sentez au moins… Mais lorsque vous sentez qu’il n’y a rien de fait pour vous, ça devient difficile et ça fait mal au cœur.

J’ai prévu des stages un peu partout dans le monde. Pour le premier, par exemple, il a fallu emprunter de l’argent en banque pour payer les billets d’avion de mon entraîneur [le Marocain Mohammed Fatihi, Ndlr] qui a dû en partie payer ses nuits d’hôtel. Mon club en France, l’EFCVO, a également contribué au fait que je participe à ce stage.

Les choses sont vraiment difficiles car seul mon club essaie de faire quelque chose depuis les Jeux olympiques 2016. C’est très dur pour moi et vraiment dommage pour mon pays. Surtout lorsque je vois le traitement réservé à l’équipe de football du Congo qui effectue des stages à Paris en vue de matches amicaux…

Je n’arrive pas à avaler tout ça et c’est ce qui me démotive. Je sais que mon pays traverse une crise. Mais lorsque vous donnez le meilleur de vous-même aux Jeux olympiques, cela devrait entraîner un soutien des autorités de votre pays pour aller plus loin, non ? Mais s’il n’y a pas de soutien pour aller plus haut, comment faire ?

Je vais participer aux Mondiaux alors que mon entraîneur n’a pas de billets d’avion. Je vais utiliser une petite prime de victoires pour lui payer le trajet. Tout ça fait que je termine la saison en étant démotivé. […]

Je me sens vraiment à bout, malgré cette médaille à Abidjan. Je vais rentrer chez moi. Mais comment est-ce que je vais faire pour payer mes dettes en France et au Maroc ? Je réfléchis à une solution. J’essaie de rembourser avec l’argent gagné durant les meetings. Mais ce n’est pas suffisant et je retombe toujours dans les mêmes problèmes. […]

Qui pourrait vous aider ?

J’attends un geste de la part du président de la République [Denis Sassou-Nguesso, Ndlr] et du gouvernement. Il y a de nombreuses fondations au Congo…

En attendant, je vais continuer à travailler. Je souffre mais ce n’est pas ce qui va m’arrêter. […] Je ne pourrais pas tout plaquer. J’ai un objectif et je vais le réaliser : aller chercher une médaille à Tokyo. Cette médaille, elle sera pour moi et pour ma famille. Pour ma mère surtout qui m’a beaucoup aidé. Elle est à la retraite et elle souffre. On espère que le bon Dieu nous aidera.

 

Photo de BrazzaNews.
 Franck Elemba
Brazzanews.fr avec Rfi.fr

Droit de réponse de notre Cher journaliste engagé Elie Smith suite à l’interview de Monsieur 8% sur TV5

juin 26, 2017

 

Denise Époté accorde une interview complaisante à son  » ami Sassou »
À un moment donné, j’en viens à me demander pourquoi suis-je journaliste?
Je connais bien le terrain rocailleux de Brazzaville, où l’argent de la corruption circule bien dans les milieux de la presse. Et d’ailleurs que les correspondants de la presse internationale émargent bel et bien à la présidence de la République, notamment chez la puissante Claudine SASSOU Nguesso, conseillère en communication de son père de président.

Pendant mon séjour à Brazzaville, j’ai vu des journalistes de Rfi, France 24 et des magazines panafricains établis à Paris passer à la caisse de la présidence de la République ou chez une autorité politique du PCT au pouvoir.

Le moment viendra où je ferai fi du principe de l » attaque de la confraternité  » pour les livrer à la vindicte populaire.

Lorsque j’ai failli être mis dans cette sauce de (mouamba) à la congolaise, pendant que je dirigeais MNtv, la chaîne de télévision appartenant à Maurice Nguesso, l’aîné du Chef de l’Etat congolais, j’ai dû décliner l’offre à plusieurs reprises pour tenter d’y pratiquer du journalisme pur.

Certainement que mon côté anglo saxon a pesé, autrement dit j’aurais succombé à la tentation comme tout Adam (francophone?) Cela m’a valu l’agression et le viol en bande de ma soeur cadette.

Que ma compatriote Denise Epote joue ainsi à la cireuse de chaussures de « son » ami Sassou, à qui elle vient d’accorder une interview bien complaisante, alors que des populations civiles sont quotidiennement massacrées dans le Pool, des femmes y sont violées par des militaires de Sassou, des centaines de prisonniers politiques font l’objet d’un traitement inhumain et dégradant à la Maison d’arrêt de Brazzaville, cela me met du baume au cœur.

Denise Epote, de TV5 Afrique, se discrédite totalement au nom de sordides intérêts qui la lient au régime de Brazzaville.

Je sais qu’elle a, entre autres, comme amis Bruno Jean Richard Itoua, le « bokilo » de Grégoire Owona, le ministre d’Etat camerounais du Travail.

On ne peut pas confondre des relations familiales et affaires d’argent avec le noble métier de journaliste. Faut-il que ce soit toujours nos collègues Blancs qui viennent sauver la profession (de journaliste) sur nos propres terres?

Florence Morice vient de réaliser une série de reportages au Congo, qui ont été tant appréciés, au point d’exhumer la guerre du Pool que Brazzaville voulait bien gérer à huis clos.

Là comme si c’est une opération de communication tendant à aider SASSOU et les siens à répondre à ces reportages de Florence.

Brazzanews.fr par Elie Smith

Congo: Interview de Denis Sassou Nguesso à TV5 Monde

juin 25, 2017

 

Congo/Décryptage spécial sur l’interview de DSN sur TV5: « le vide complet » selon Bedel BAOUNA

juin 25, 2017

 

 

Avec Ziana.Tv.com

États-Unis: Et si Donald Trump ne savait pas lire ?

février 16, 2017

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Au vu de témoignages et de documents montrant la relation très compliquée du président avec l’écrit, un journaliste s’interroge sur son éventuel illettrisme.

Félix Tshisekedi : « Mon père appartient au patrimoine national de la RD Congo »

février 10, 2017

Félix Tshisekedi, à Bruxelles, le 10 février 2017. © Colin Delfosse pour J.A.

La mêlée politique congolaise ne connait pas de trêve. Depuis le décès d’Étienne Tshisekedi, et malgré l’émotion affichée par tous, les négociations entre pouvoir et opposition se poursuivent. Cette disparition leur a simplement donné un nouvel enjeu : l’avenir de son corps. Mais ce n’est pas la question la plus épineuse.

Le rapatriement du sphinx de Limete à Kinshasa est suspendu à la résolution de plusieurs débats. La famille exige qu’il repose dans un mausolée. Voici qui le placerait sur un pied d’égalité avec le « Mzee » Laurent-Désiré Kabila, le père de l’actuel président Joseph Kabila, qui dispose du sien à Kinshasa.

Il y a, aussi, la question de la nomination d’un nouveau Premier ministre d’opposition, tel que prévu par l’accord du 31 décembre, ultime acte politique de Tshisekedi. Avant de partir, « le Vieux » avait proposé le nom de son fils, Félix, pour ce poste. À l’heure où d’autres peuvent s’abandonner au chagrin, il doit se battre pour concrétiser cet héritage politique. Le tout sans son mentor.

Il s’est confié à Jeune Afrique à Bruxelles, au lendemain de la messe prononcée en mémoire de son père en la Basilique du Sacré-cœur-Koekelberg.

Jeune Afrique : Quel est votre état d’esprit, un peu plus d’une semaine après le décès d’Étienne Tshisekedi ?

Félix Tshisekedi : Je suis toujours triste. Nous avons perdu quelqu’un de très cher pour sa famille mais aussi et surtout pour le pays. On ne guérit pas facilement de ce genre de perte. Ça prendra du temps. En même temps, son combat doit continuer et nous sommes bien armés pour le porter.

Comme les Congolais, nous pensons qu’il mérite d’avoir un mausolée

Son corps est toujours à Bruxelles. Quand les Congolais pourront-ils se recueillir auprès de celui-ci ?

Dès que nous aurons réglé les problèmes. Il y a surtout celui de sa sépulture. Comme les Congolais, nous, sa famille, pensons qu’il appartient au patrimoine national et qu’il mérite d’avoir un mausolée, plutôt que d’être enterré au cimetière. Nous discutons avec le gouvernement sur ce point pour définir l’endroit idéal.

Vous souhaitez qu’il soit érigé à Kinshasa ?

Oui, c’est mieux. C’est la capitale.

Ce sont ces discussions qui bloquent son retour aujourd’hui ?

Oui. Et par ailleurs, il y a des tensions. La population ne veut pas que le gouvernement [de Samy] Badibanga s’occupe de ces obsèques et veut la formation d’un nouveau gouvernement en vertu de l’accord du 31 décembre dernier.

Nous, la famille, nous n’en faisons pas une exigence, et nous voudrions éviter ces tensions. Nous ne voulons pas que ces funérailles se transforment en bataille rangée. Mais il n’y a que le gouvernement qui peut faire retomber la tension en permettant la conclusion des discussions.

Vous dites que vous n’en faites pas une exigence, mais le secrétaire général de votre parti, Jean-Marc Kabund A Kabund, lui, en fait une condition sine qua non

Il représente le parti politique. C’est une position politique, ce n’est pas celle de la famille. Même si, personnellement, je pense que ce serait la meilleure des solutions.

Combien de temps cette situation peut-elle durer ?

Le temps que le gouvernement règle la question. Cela fait déjà plus d’un mois que l’on discute des modalités d’application de l’accord du 31 décembre. C’est plus de temps qu’il n’en a fallu pour le négocier…

Y a-t-il des divergences au sein de la famille sur cette question ?

Non.

Moïse Katumbi a dit vouloir rentrer avec le corps d’Étienne Tshisekedi. Cette déclaration était-elle concertée ?

Je sais que le retour de Moïse au pays le démange. Il s’estime, à juste titre, victime d’une injustice. C’est son pays, il doit rentrer. Nous n’avons pas de désaccord avec lui.

Cela ne va-t-il pas encore compliquer les discussions sur ces funérailles ?

Pendant les négociations avec le pouvoir, il était question de mesures de décrispation de la vie politique. Je crois que le gouvernement aurait intérêt à faire un geste. Le dossier est vide. Il n’est pas dans son avantage de s’acharner sur un opposant.

Comment va se dérouler la succession à la tête du parti de Tshisekedi, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) ?

Malheureusement, les organes qui doivent s’occuper de la transition en cas de vacance de la présidence du parti ne sont pas en place. Donc nous allons devoir gérer cela de manière consensuelle, après l’enterrement du président. Il faudra une direction transitoire avant l’organisation d’un congrès extraordinaire, qui désignera une direction définitive.

Cela ne va-t-il pas générer des tensions internes ?

Non. Je crois qu’on est entre personnes responsables, qui comprennent bien qu’il ne faut pas se diviser mais rester unis pour continuer l’œuvre du président Tshisekedi.

Celui qui est désigné Premier ministre par l’opposition doit être nommé par le président.

La disparition de Tshisekedi prive également le Rassemblement de l’opposition de sa tête. Comment va être désigné son successeur ?

Lorsque nous avons créé le Rassemblement [à Genval, en juin 2016, NDLR], ce poste a été taillé sur mesure pour lui, du fait de son charisme et de son combat. C’est pourquoi nous avons créé un conseil des sages, qu’il présidait. Faut-il retourner vers une formule classique, avec un président, et un vice-président, quitte à réduire l’influence du Conseil des sages ? Ce sont des réflexions.

L’accord du 31 décembre, avec le pouvoir, était aussi, taillé sur mesure pour Tshisekedi. Faut-il le renégocier ?

Non. Je ne vois pas pourquoi. Je ne sais pas si c’est par sagesse ou pressentiment, mais Étienne Tshisekedi avait lui-même refusé que son nom n’apparaisse dans cet accord comme président du Conseil national de suivi de l’accord. Donc, son successeur au niveau Rassemblement prendra automatiquement le poste qui lui revenait.

Il y a un débat entre pouvoir et opposition sur la procédure de nomination du Premier ministre. Kinshasa veut que vous lui transmettiez plusieurs noms. Vous estimez que l’opposition doit directement désigner son Premier ministre. C’est d’ailleurs votre nom qui a été proposé. Ce débat est-il tranché ?

Il y a un accord. Il est très clair sur ce point. Il dit « le Premier ministre est présenté par le Rassemblement de l’opposition » et ensuite « il est nommé par le président ». Il n’est pas question de candidats pour la primature. Donc, celui qui est désigné doit être nommé par le président.

Jeuneafrique.com par Pierre Boisselet – Envoyé spécial à Bruxelles

Congo-Brazzaville : « Il est temps pour Sassou de quitter le pouvoir »

décembre 31, 2016

Le collectif #Sassoufit n'est pas arrivé au bout de sa course selon son animateur Andréa Ngombet, ici à Paris le 14 décembre 2016

Le collectif #Sassoufit n’est pas arrivé au bout de sa course selon son animateur Andréa Ngombet, ici à Paris le 14 décembre 2016

Enfant de Mpila, fief du président du Congo-Brazzaville, l’activiste Andréa Ngombet mène le collectif Sassoufit qui appelle à mettre fin au régime de Denis Sassou-Nguesso

Vous n’avez pas l’impression de crier dans le vide ?
Non au contraire, Denis Sassou-Nguesso est K.O. debout. Il a perdu dans les urnes, au niveau de la Communication et il vient de se faire ridiculiser aux Etats-Unis, il ne lui reste plus que les armes

 Face aux armes, à quoi sert un collectif comme le vôtre ?
A inspirer, planifier et déclencher la résistance citoyenne. Nous avons vu les effets dès le 27 septembre 2015, quand la population est sortie en masse pour protester contre le projet de referendum. Le slogan « Sassoufit » a retenti dans les rues de Brazzaville et de Pointe Noire. La riposte du régime avec le concept « SassOui » a fait un flop.

Mais la situation sur le terrain n’a pas bougé depuis…
Non justement, un rapport de force s’est installé. Sassou pensait que le pire était derrière lui, mais le pire est à venir: faillite économique, sociale, crise politique avec les principaux opposants enfermés. Le pays est en état de siège.

Lire aussi:Donald Trump Sassou-Nguesso : les coulisses d’un rendez-vous manqué

Ceux qui en reviennent n’ont pas tous cette vision. Si on écoute Sassou-Nguesso, tout va bien au Congo, même dans le Pool, où il dit avoir fait la fête…
Il a fait la fête oui sûrement, il gouverne par la fête. Il donne du pain –rassis- et des jeux –truqués- au lieu d’apporter du travail et des infrastructures. Cela les gens le voient aujourd’hui.

Pourtant, il a débuté sa campagne avec l’inauguration de la route nationale qui relie Brazzaville à Pointe Noire, un projet concret d’infrastructure
Trente-trois ans pour 515 kilomètres d’asphalte, c’est un bilan assez médiocre, surtout quand on pense aux ressources dont il a disposées.

« Les Panama Papers mentionnent les détournements de fonds au profit de la famille Nguesso »

Son principal opposant Jean-Marie Michel Mokoko est aujourd’hui incarcéré, où en est-il ?
Six mois d’emprisonnement sans jugement au mépris même de la loi congolaise selon laquelle la détention de sureté ne peut dépasser six mois. Il doit être libéré.

Mokoko est accusé d’avoir fomenté un coup d’Etat, une société suisse aurait même projeté de l’aider. Si ce général avait repris le pouvoir par la force, qu’aurait dit le collectif « Sassoufit » : vive le coup d’Etat ?
Tout Congolais sérieux a déjà pensé, planifié un coup d’Etat contre Denis Sassou-Nguesso et son système. C’est malheureusement la seule manière de s’imposer face à un président qui ne reconnaît pas le résultat des urnes et qui a mis en place un système mafieux. En témoigne les différents scandales financiers, de corruptions auxquels il est mêlé à travers le monde: les biens mal acquis en France, la route de l’Atlantique au Portugal, l’affaire Chironi-Nguesso en Italie, l’affaire Unibeco-Nguesso en Espagne, l’affaire Sundance-Nguesso en Australie, l’affaire Philia-Nguesso en Suisse et les « Panama papers » qui mentionnent les détournements de fonds au profit de la famille Nguesso.

N’est-il pas contradictoire pour un collectif citoyen de vouloir une révolution pacifique et de cautionner une prise de pouvoir par la force avec un coup d’Etat ?
On ne parle pas de militarisation, mais de droits à l’insurrection face à une tyrannie, à un régime bloqué. Nous parlons de seconde indépendance, car nous subissons la colonisation d’un clan qui exploite le territoire sans jamais investir. S’il y avait eu un coup d’état militaire, on aurait salué la chute. Ensuite, nous aurions été tout aussi vigilant parce que notre objectif est l’instauration d’un état de droit.

Compaoré Sassou
Au Brukina Faso, une révolte populaire en octobre 2014 a entrainé la chute du président Blaise Compaoré (à g.), Denis Sassou-Nguesso (à dte) est encore président de la République du Congo-Brazzaville © ISSOUF SANOGO / AFP

Qu’est-ce qui a fait fuir les populations dans le Pool: le retour des Ninjas du Pasteur Ntumi ou la répression du pouvoir en place ?
Ce qui fait fuir, c’est la violence et l’absence d’état de droit. C’est d’être à la merci du plus fort. A cela s’ajoute une discrimination ethnique proférée par le régime et ses supplétifs.

Les hommes du pasteur Ntumi n’ont-ils pas eux aussi leur part de responsabilité ? N’ont-ils pas déclenché les violences dans le Sud de Brazzaville le 4 avril dernier ?
Cela je ne sais pas. Si c’est le cas, nous en sommes très mécontents. Le 4 avril est le jour où la Cour constitutionnelle a validée l’élection illégale perdue par Sassou-Nguesso. Les actions armées ont provoqué une psychose et l’exil d’une partie de la population. Elles ont empêché le soulèvement populaire, pacifique que nous voulions. En cela, ces violences ont servi les intérêts de Sassou-Nguesso. Mais il faut rappeler que c’est le régime, bien avant cela, qui a relancé le cycle de violences interrompu depuis les accords de 2002. Il a réprimé dans le sang les premières manifestations contre le projet de référendum sur la modification de la constitution en octobre 2015.

Nous avons reçu courant 2016 plusieurs témoignages du Sud de Brazzaville et de Pointe Noire concernant des opérations de liquidation visant des jeunes de manière aléatoire. S’agit-il selon vous d’actions isolées ou au contraire maitrisées et voulues par le régime ?
L’homme qui a tué à Pointe Noire, un milicien que l’on appelle « Zulu Bad » aurait été promu. Il a été récompensé parce qu’il a mâté. C’est ce qu’on leur demande.

En RDC, le président n’a pas osé modifier la constitution et il subit des pressions intenses. Pourquoi ce qui est possible en RDC, ne l’est-il pas au Congo-Brazza ?
A Kinshasa, la société civile est plus avancée qu’à Brazzaville, il y a une relative liberté de la presse. Plus qu’à Brazza, où toutes les chaines de télévisées sont liées à des Nguesso. Le débat public est plus libre et les relais de financements chez les industriels plus vastes.

Oui, mais sur Internet, tout le monde s’exprime, vous-même ici…
L’Internet pénètre plus en RDC qu’au Congo. Une des sociétés distributrice Airtel est liée au pouvoir, elle a même envoyé un Sms du président de la République. L’autre société Mtn obéit aux consignes, même quand elles sont illégales. Celle de couper internet par exemple le 20 octobre 2015 et le 18 mars 2016. Ils ont coupé internet, les Sms et le signal de Radio France Internationale. La RDC c’est la puissance du complexe industriel et minier, il y a Moïse Katumbi qui préside une équipe de foot championne d’Afrique, il y a aussi la structure de l’Etat par gouvernorat qui donne de l’indépendance aux provinces et une église qui n’a pas été spoliée par les révolutions socialistes comme cela a été le cas au Congo-Brazzaville dans les années 60.

La chute de l’Abbé Youlu a-t-elle entrainé celle de l’Eglise au Congo ?
Oui. Depuis l’assassinat du cardinal Emile Biayenda, dont on attend toujours la sanctification, l’Église est sous la menace permanente des officines du pouvoir. Il n’y a donc pas de contre-pouvoir organisé dans la société congolaise. Ils sont en train d’émerger peu à peu sur la contestation, dans la société civile comme au Burkina-Faso, mais c’est nouveau.

Quel est le bilan du collectif après deux ans et demi d’existence ?
La traque des réseaux Sassou à travers le monde nous a permis d’épingler Hervé Bourges, qui lui sert de relais, le trafic d’influence à travers l’Alma orchestra de la femme de Manuel Valls et nous avons exercé une pression sur le groupe d’amitié parlementaire France-Congo en allant dans leurs circonscriptions informer leurs électeurs de la collusion entre leurs députés et le régime dictatorial. Nous avons été reçus au Parlement canadien, ce qui a abouti à l’interdiction de séjour de Wilfried Nguesso au Canada et la qualification par la justice canadienne du clan Nguesso en « clan mafieux ».

Comment vous financez-vous ?
Par les dons et contributions personnelles des uns et des autres. Et d’ailleurs j’en profite pour faire un appel aux dons auprès des Congolais et des amis du Congo.

Aucune personnalité de l’opposition ne vous soutient ?
Nous travaillons avec eux en bonne intelligence, mais nous ne sommes l’outil de personne. Sur le terrain, nous travaillons avec des comités locaux d’action qui œuvrent sous couvert depuis la mort le 17 octobre 2015 de trois jeunes à Pointe Noire, tombés sous les ballés parce qu’ils criaient le slogan « Sassoufit ». Quand un ami tombe, un autre se lève à sa place. Nous appelons la jeunesse à reprendre le contrôle de la rue. Cela va dans le sens de l’histoire et l’intérêt des Congolais. Personne ne doit oublier que le nouveau mandat de M. Sassou-Nguesso a été acquis dans le sang. C’est pour cela aussi qu’il ne doit pas le terminer.

Parismatch.com Interview François de Labarre Publié le 30/12/2016 à 22h48

Elikia M’Bokolo : « Nos dirigeants ont une connaissance médiocre de l’Histoire de leur pays »

décembre 13, 2016

Elikia M’Bokolo (Congo – RDC), historien, professeur des universités. © Vincent Fournier/JA © Vincent Fournier/JA

Selon l’historien congolais, dans le pays des droits de l’Homme, le récit officiel ne cadre pas avec la réalité. Et l’Afrique francophone ne fait guère mieux.

Depuis de longues années, Elikia M’Bokolo parcourt le monde pour enseigner l’histoire africaine. Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris, il déplore le retard de la France dans l’enseignement de l’histoire coloniale. Et celui de l’Afrique francophone.

Jeune Afrique : Comment jugez-vous la manière dont la colonisation et la décolonisation sont enseignées en France ?

Elikia M’Bokolo : Depuis un siècle et demi, l’histoire des ex-pays colonisateurs était présentée dans une perspective nationale, fondée sur la glorification des grands moments. Ce qui concerne les colonies n’était évoqué qu’en annexe. La France célébrait Richelieu, Colbert, les philosophes des Lumières…

On occultait le fait que ces grandes figures nationales étaient par ailleurs liées à l’expansion française, donc à l’histoire coloniale. On feignait d’ignorer que ces héros avaient à voir avec les agissements de la France d’outre-mer, dans les colonies d’Amérique et d’Afrique. De la même manière, on passait sous silence les actions de ces dernières et leurs éventuelles répercussions sur la France.

Plaider pour un enseignement du récit national, comme le suggère François Fillon, candidat à la présidentielle de 2017, serait une régression ?

François Fillon défend l’idée d’une France éternelle, chrétienne, monarchique, qui n’a réalisé que de belles choses. Celle d’aujourd’hui porte en elle le passif de la colonisation – l’immigration, la présence de cultures et de religions multiples –, qui l’oblige à aborder son passé colonial de manière frontale. Il faut être à la hauteur des enjeux de la France d’aujourd’hui. Les échéances électorales semblent commander le contraire. Fillon nous ramène sous la IIIe République de Jules Ferry, très colonialiste.

Avec une France qui justifie sa participation à l’aventure coloniale par la nécessité de faire comme les autres : étendre son empire.

Oui, en assurant que la « Grande France », celle de 1789, de l’Empire, de la IIIe République, de la démocratie et de la laïcité, a été poussée vers l’empire colonial, et qu’elle y a cependant réalisé de belles choses : l’éducation, l’école, la mise en valeur des colonies. Or ça n’a pas toujours été le cas.

Il y a donc une réelle difficulté à parler de ces périodes aux élèves ? Doit-on et peut-on trancher ?

Comment enseigner l’histoire de France sans faire référence à ce qui s’est passé outre-mer ? Comment explorer le siècle de Louis XIV en faisant abstraction du Code noir, adopté à son époque ? Ce sont des questions essentielles que le débat de ces vingt dernières années dans l’Hexagone ne permet malheureusement pas d’aborder dans ses termes les plus clairs. Aujourd’hui, on n’est pas en mesure de décider de façon définitive. Mais on peut au moins convenir que le brio et les splendeurs de Versailles vont de pair avec le Code noir.

Et enseigner ce pan de leur histoire est difficile pour les ex-colonisateurs parce que cela suppose qu’ils endossent le blâme pour les actes inavouables commis alors…

Les enseignements délivrés en France tentent d’accréditer l’idée selon laquelle les colonies africaines ont apporté une contribution décisive à sa victoire pendant la Seconde Guerre mondiale et donc aux idéaux de démocratie, contre le fascisme italien et le nazisme allemand. Le processus d’indépendance leur est-il pour autant lié ? Dans les livres d’histoire, la décolonisation est présentée comme une émanation du conflit mondial.

Mais c’est plus subtil que ça. L’histoire officielle – la Conférence de Brazzaville, l’abolition de l’indigénat – ne cadre pas avec la réalité. La domination coloniale a continué après la guerre, et les Africains ont dû se battre pour faire supprimer le travail forcé, la répression étant parfois sanglante, notamment à Madagascar. En 1944, des soldats sénégalais qui avaient combattu pour la libération de la France ont été massacrés à leur retour à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar.

Ces faits sont-ils évoqués en France ? L’Allemagne le fait…

Depuis les années 1980, les Allemands, qui ont pourtant cessé toute colonisation en 1919, se sont imposé un devoir de mémoire qui les a conduits à reconnaître leurs responsabilités dans des tragédies telles que le génocide en Namibie, les répressions féroces au Tanganyika, la racialisation des populations au Burundi et au Rwanda, qui explique en partie les graves problèmes entre Hutus et Tutsis.

L’Allemagne a aussi entrepris un processus de décolonisation des lieux de mémoire, avec des rues et des places débaptisées au profit de résistants africains. À Londres, la Ghandi Road est une grande avenue. Mais rien de tel pour Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire ou Amadou Lamine Guèye. La France est en retard. Tout au plus a-t-elle des musées consacrés à cette époque, mais elle ne met en avant aucune personnalité. En 2005, un projet de loi reconnaissant les aspects positifs de la colonisation a été voté. Nous l’avons combattu.

Pour certains, étudier ces périodes, c’est sacrifier à un certain communautarisme.

La France de Léon Gambetta et de Jules Ferry était déjà coloniale. En parler ne signifie pas répondre à un réflexe communautaire, mais admettre que nous avons besoin de discuter de cette France-là. Pour l’abbé Grégoire, la révolution française va de pair avec l’émancipation des juifs et des nègres. Dans son Histoire socialiste de la Révolution française, Jean Jaurès souligne qu’on ne peut pas comprendre cette dernière si on ne met pas en scène la révolution d’Haïti. Nous serions aujourd’hui plus aveugles qu’il y a cent ou deux cents ans ?

Au Cameroun et au Togo, la colonisation allemande est présentée comme positive

Les programmes français se veulent réalistes, avec un certain regard sur la traite négrière et la problématique de l’immigration qui en découle…

Les intentions sont louables. Mais de nombreux professeurs, élevés dans cette culture coloniale, n’ont pas les outils pour délivrer un véritable enseignement. Lors d’ateliers dans le cadre de la journée pour l’abolition de l’esclavage, j’ai entendu des professeurs raconter à leurs élèves que l’esclavage était le fait de Noirs qui vendaient leurs propres frères, les Blancs étant quasi contraints de les acheter pour les sauver. Il y a des efforts à faire sur le contenu des programmes et dans la formation des maîtres.

Et l’Afrique, comment se saisit-elle de ces questions ?

Nous avons de gros problèmes. Depuis les indépendances, nos dirigeants ont une connaissance médiocre, tragiquement nulle de l’histoire de leur propre pays, à commencer par la plus récente, celle de la colonisation. Au Cameroun et au Togo, la colonisation allemande est présentée comme positive. Une absurdité alors que la Namibie a fait reconnaître le génocide des Hereros et des Namas, perpétré à partir de 1904. De nombreux pays d’Afrique francophone s’imaginent que leur histoire commence en 1880 avec Pierre Savorgnan de Brazza ou la « mission civilisatrice » de Jules Ferry.


Devoir sur table : « Un mal nécessaire »

«La traite négrière a été un mal nécessaire pour l’Afrique. Démontre-le par deux raisons. » Lorsque son fils de 12 ans, en classe de quatrième au collège privé Descartes, rapporte ce devoir dans leur maison de Lomé un jour de mai 2016, le sang du journaliste Tony Feda ne fait qu’un tour : « Je suis allé rencontrer l’enseignant, qui m’a appris que cet aspect apparaissait au chapitre “Conséquences” [de la traite]. Et qu’il y a le même apprentissage en classe de troisième concernant la colonisation. »

Dépourvu de livres d’histoire, le professeur se fonde sur les directives de l’Inspection académique et sur un programme « datant de la réforme de l’enseignement de 1975, poursuit le journaliste. Le chapitre “Conséquences” a été divisé en deux parties, “avantages” et “inconvénients”. » Ainsi, la colonisation aurait été « une bonne chose au Togo, en donnant au pays le statut de colonie modèle [Münsterkolonie] », s’indigne ce père de famille. (M.P)

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