La libération conditionnelle de l’ex-président sud-africain l’an dernier pour raison de santé est contraire à la loi, a estimé lundi 21 novembre une cour d’appel.
Jacob Zuma, 80 ans, avait été condamné en juin 2021 pour avoir obstinément refusé de témoigner devant une commission chargée d’enquêter sur la corruption sous sa présidence (2009-2018).
Son incarcération le mois suivant avait déclenché une vague sans précédent de violences et pillages, dans un contexte socio-économique tendu, faisant 350 morts. Deux mois après, il avait été libéré pour raisons de santé et placé sous contrôle judiciaire.
Mais la Cour suprême d’appel « estime que la libération conditionnelle pour raison médicale de M. Zuma était contraire à la loi », dans une décision dont l’AFP a obtenu copie.
Opacité
Le responsable des services pénitentiaires avait accordé la liberté conditionnelle contre l’avis du comité médical de l’institution. Les experts médicaux avaient estimé que Jacob Zuma « ne remplit pas les conditions requises ».
L’état de santé de l’ex-président reste opaque. Selon les multiples rapports médicaux cités dans la décision de la cour d’appel, il souffre de problèmes liés à la pression artérielle, un taux élevé de glycémie ainsi que de lésions graves au côlon.
Le responsable des services pénitentiaires n’était pas fondé à aller à l’encontre de l’avis du comité de médecins, selon la cour d’appel. En conséquence, « M. Zuma, selon la loi, n’a pas fini de purger sa peine. Il doit retourner au centre correctionnel d’Escourt » (KwaZulu-Natal, sud-est).
Conférence de l’ANC
Cette décision intervient alors que les autorités pénitentiaires ont annoncé le mois dernier la fin de peine de Jacob Zuma, qui est apparu en public plusieurs fois, dansant et chantant devant ses partisans.À LIREAfrique du Sud : Jacob Zuma, son livre, son business
Il reste perçu, malgré les scandales, comme le plus grand rival politique de l’actuel président Cyril Ramaphosa. À moins d’un mois de la conférence de l’ANC, échéance cruciale pour l’avenir de Cyril Ramaphosa à la tête du pays, Jacob Zuma a plusieurs fois tenté de le déstabiliser en mettant en doute sa probité.
«Trahison », «corrompu » : à l’approche d’un congrès de l’ANC crucial pour la présidentielle de 2024, l’ex-président Jacob Zuma a sévèrement attaqué son successeur Cyril Ramaphosa.
« Le président est corrompu », « il a commis une trahison », a accusé l’ancien chef de l’État Jacob Zuma samedi 22 octobre dans sa première réaction à des allégations selon lesquelles le président Cyril Ramaphosa serait impliqué dans une obscure affaire de cambriolage.
« Aucun président ne devrait gérer des affaires privées quand il est en fonctions », a poursuivi, lors d’une conférence de presse à Johannesburg, celui qui fut lui-même contraint à la démission en 2018 tant il était englué dans des scandales et accusations de corruption.
Une commission indépendante a été constituée en septembre par le Parlement sud-africain pour enquêter sur cette affaire de cambriolage qui gêne depuis plusieurs mois le président Ramaphosa, accusé de blanchiment et corruption. Les résultats de l’enquête pourraient conduire à un éventuel vote au Parlement pour sa destitution.
Quatre millions de dollars
Cyril Ramaphosa est accusé d’avoir dissimulé à la police et au fisc un cambriolage datant de 2020 dans une de ses propriétés, au cours duquel d’importantes sommes en espèces ont été trouvées, cachées dans du mobilier.
Une enquête a été ouverte après une plainte déposée en juin par l’ancien chef du renseignement sud-africain, Arthur Fraser. Selon ce dernier, des cambrioleurs se sont introduits dans une ferme appartenant au président à Phala Phala, dans le Nord-Est du pays, et y ont dérobé quatre millions de dollars (4,08 millions d’euros) en numéraire.
La plainte accuse Cyril Ramaphosa d’avoir dissimulé à la police le cambriolage et au fisc l’argent trouvé sur place, ainsi que d’avoir organisé l’enlèvement et l’interrogatoire des voleurs, puis de les avoir soudoyés pour qu’ils gardent le silence.
Pression à l’approche du congrès de l’ANC
Cyril Ramaphosa dénonce une manœuvre politique, nie les allégations d’enlèvement et de corruption, remet en cause le montant du vol évoqué et soutient que l’argent provenait de la vente de bétail.
Mais l’affaire met le président dans la tourmente, alors que l’ANC doit prochainement décider de le présenter ou non comme candidat pour un second mandat à la présidentielle de 2024.
Jacob Zuma a déclaré que la conférence de l’ANC en décembre « va devoir traiter de ce cas » et décider si le président peut rester ou pas. « Beaucoup disent que le président a échoué », a-t-il poursuivi.
Un autre ancien chef de l’État, Thabo Mbeki, a aussi déploré la situation de l’ANC avant le congrès de décembre. « Notre président est sous forte pression (…) à propos de l’affaire de la ferme de Phala Phala », a-t-il dit lors d’une réunion distincte à Johannesburg.
L’ancien président Zuma, condamné à quinze mois de prison ferme pour avoir obstinément refusé de répondre à une commission enquêtant sur la corruption, a quant à lui fini de purger sa peine au début du mois. Il a été libéré pour raisons de santé et placé sous contrôle judiciaire.
Samedi, il a qualifié son incarcération « d’illégale » et a fustigé les magistrats. « Le fait est que la plus haute juridiction de ce pays a violé la loi, a-t-il dit. Il faut nous assurer que les juges ne se transforment pas en politiciens. »
Quatre ans après sa création, la commission Zondo a remis son premier rapport au président Ramaphosa. Elle conclut à une capture d’État dont Jacob Zuma et ses proches ont été les artisans. Des révélations qui, pour l’ANC, font figure de cadeau empoisonné.
« Nous y voilà enfin. » Cyril Ramaphosa ne cache pas son soulagement. Voilà quatre ans qu’il attendait les conclusions de la Commission d’enquête sur les soupçons de capture d’État, dite commission Zondo, en référence au juge qui la préside, Raymond Zondo. Une institution judiciaire, sans pouvoir de poursuites, qui a remis son premier rapport le 4 janvier dernier lors d’une cérémonie officielle. « Un moment crucial parmi les efforts de notre pays pour mettre définitivement fin à l’ère de la capture d’État », selon le chef de l’État sud-africain.
La commission Zondo est née le 9 janvier 2018, mais elle trouve en réalité son origine dans des faits survenus en 2016. Cette année-là, le Défenseur public, Thuli Madonsela, publie un premier rapport sur « la capture de l’État ». Son enquête met en lumière les nombreux soupçons de corruption qui entachent la présidence de Jacob Zuma en lien avec la famille Gupta.
Retour de flammes
Face à la gravité des témoignages, Thuli Madonsela demande la création d’une commission d’enquête judiciaire. Jacob Zuma tente de faire écarter le rapport, échoue, puis subit un retour de flammes quand la haute cour de Pretoria le contraint à mettre en place la commission réclamée par Madonsela. Et, comme un châtiment, c’est à lui de nommer celui qui deviendra sa bête noire : Raymond Zondo.
NOMMER UN PROCHE À LA TÊTE D’UNE ENTREPRISE OU D’UNE INSTITUTION PUBLIQUE, MALGRÉ SON INCOMPÉTENCE
Dans ce premier rapport, la commission Zondo n’émet pas de recommandations à l’encontre de Jacob Zuma. En revanche, elle fait porter à l’ancien président, au pouvoir de 2009 à 2018, la responsabilité de nombreuses dérives et esquisse les grandes lignes d’un système bien rodé, qui consistait à faire à chaque fois fi des candidats potentiels et à nommer un proche à la tête d’une entreprise ou d’une institution publique, malgré son incompétence ; à lui permettre ensuite de « purger » l’institution de ses cadres pour y placer des alliés ; à restructurer l’entité quitte à la fragiliser, tout en instaurant un climat de peur. Le tout grâce au soutien d’entreprises privées et de médias « amis ».
Le « système Zuma » est décrit dans la partie consacrée au South African Revenue Service (SARS), l’administration fiscale. « C’est la démonstration limpide d’une collusion entre le secteur privé et l’exécutif, y compris le président Zuma, pour mettre la main sur une institution qui était internationalement respectée et la rendre inefficace, écrivent les auteurs du rapport. Le président Zuma et M. Moyane [ancien patron du SARS] ont joué un rôle fondamental dans la prise de contrôle [de l’administration fiscale]. »
Les mêmes techniques sont décrites dans le volume qui s’intéresse au démantèlement de la compagnie aérienne nationale. La South African Airways (SAA) était alors sous la direction de Duduzile Myeni, une proche de Jacob Zuma. Autrefois seconde plus grosse compagnie aérienne du continent, la SAA n’est plus que l’ombre d’elle-même et s’apprête à être privatisée. « Sous la direction de Mme Myeni, SAA a décliné pour se transformer en une entité en proie à la fraude et à la corruption, résume le rapport. Malgré ça, elle est restée à sa tête. »
Pourquoi l’avoir maintenue en poste ? La commission n’a jamais pu poser la question au principal intéressé. « Le président Zuma a fui la commission car il savait qu’il s’exposait à des questions qui l’auraient mis dans une situation où il n’aurait pas pu répondre, taclent les rapporteurs. Il n’aurait pas pu justifier son insistance à maintenir Mme Myeni à la tête de la SAA. »
La South African Airways victime du « système Zuma »
Ils n’ont pas oublié ce 19 novembre 2020 : ce jour-là, auditionné depuis quelques heures, Jacob Zuma profite de la pause café… pour prendre la tangente ! On ne l’y reverra plus. L’ancien président refuse depuis de témoigner devant une institution qu’il a rebaptisée « commission Zuma » pour signifier sa partialité.
Jacob Zuma a toujours eu à cœur de défendre sa gouvernance. En 2010, quand les frères Gupta lancent le journal The New Age, c’est sur une idée originale… de Jacob Zuma. Le président aurait même trouvé le nom de ce quotidien conçu comme un instrument de propagande pour soutenir son action. Chacun y trouve son compte puisque The New Age va permettre aux Gupta de siphonner les budgets publicitaires des agences gouvernementales et des entreprises publiques.
EN PLUS DE SERVIR LES INTÉRÊTS POLITIQUES DU CHEF DE L’ÉTAT, LA DIFFUSION D’UNE PRESSE PRO-ZUMA ENRICHIT SES AMIS
Via le groupe TNA, les Gupta vendent des abonnements, des espaces publicitaires et des contenus éditoriaux à l’ensemble du secteur public. Eskom, la compagnie d’électricité, achète 2 000 exemplaires par jour de The New Age. En plus de servir les intérêts politiques du chef de l’État, la diffusion d’une presse pro-Zuma enrichit ses amis, dont la cupidité n’a aucune limite. Devant la commission, l’ancien directeur de la communication gouvernementale, Themba Maseko, affirme avoir été licencié après avoir refusé une proposition d’Ajay Gupta. En 2010, l’homme d’affaires lui aurait demandé de verser l’intégralité du budget publicitaire gouvernemental à The New Age.
Monsieur Propre
Aujourd’hui, c’est une presse plus indépendante qui épluche les 854 pages du premier rapport Zondo. Un deuxième document sera remis fin janvier et un troisième, à la toute fin du mois de février. D’ici là, le gouvernement se refuse à tout commentaire. Ramaphosa présentera la totalité des travaux de la commission devant le Parlement d’ici au 30 juin et dira ce qu’il compte faire de ses recommandations. « Peu importe qui est mis en cause, nous ferons appliquer les recommandations, a prévenu le chef de l’État. Nous prenons le travail de la commission Zondo très au sérieux car nous voulons un gouvernement propre. »
UNE AUDITION PUBLIQUE MAÎTRISÉE PAR UN RAMAPHOSA TOUJOURS AIMABLE ET PEU DÉCONTENANCÉ
Élu en 2018 sur la promesse d’une nouvelle aube débarrassée de la corruption, Cyril Ramaphosa profite de la commission Zondo pour peaufiner son image de Monsieur Propre au sein du Congrès national africain (ANC, au pouvoir). Contrairement à Jacob Zuma, le chef de l’État a honoré les invitations de la commission Zondo. Il a passé quatre jours sur le fauteuil de témoin en sa qualité d’ancien vice-président (2014-2018). Une audition publique maîtrisée par un homme d’État toujours aimable et peu décontenancé.
Grand déballage
S’il devait être cité dans le rapport, Ramaphosa assure qu’il prendrait ses responsabilités : « Quand je suis mis en cause, je suis suffisamment intègre pour être capable de me mettre en retrait. » Encore faut-il qu’il parvienne à convaincre sa famille politique que ce grand déballage est un mal pour un bien. Dans son rapport, la Commission relève que l’ANC a elle aussi profité des « produits de la corruption ».
Au sein du parti, certains ont voulu repousser la publication du rapport, a dévoilé Ramaphosa.« Je les exhorte à ne pas le faire et à se ranger parmi ceux qui protègent ce pays et font de l’ANC une entité à laquelle les masses font de nouveau confiance », a-t-il ajouté devant des militants. Ce weekend, le parti fête ses 110 ans, et ce rapport pourrait bien être un cadeau empoisonné.
Avec Jeune Afrique par Romain Chanson – à Johannesbourg
Fin décembre, les palmarès des personnalités ayant marqué l’année se multiplient dans les médias. Mais qui sont les grands perdants ?
Engoncée entre la progression d’une pandémie moins bénigne qu’il n’y paraît et le recul proclamé de la démocratie, 2021 a connu son lot de parcours fauchés, plus ou moins momentanément. Sans tirer sur les ambulances des chahutés, des décagnottés ou des mis à l’index de collectifs journalistiques, tentons, par ordre décroissant, un hit-parade subjectif des plus gros losers de ces douze derniers mois.
Fallait-il que ça tombe sur lui ? Si le journaliste sportif et entrepreneur camerounais n’est pas le seul à abriter, dans son bureau, des ébats sexuels, c’est la sextape qu’il a lui-même tournée qui semble avoir inspiré un #MeToo local encore embryonnaire. Si la procédure judiciaire a établi que les relations filmées étaient consenties et si la carrière de Martin Camus Mimb semble devoir rebondir, à l’occasion de la CAN – si elle a lieu –, l’atteinte au droit à l’image restera dans les mémoires.
Une condamnation peut en cacher une autre. Enfoncé dans un long tunnel judiciaire où il est question de présumée corruption et de soupçons de conflit d’intérêt, Jacob Zuma s’est « offert le luxe », le 29 juin, d’une condamnation à 15 mois de prison pour « outrage à la justice ». En septembre, les autorités pénitentiaires sud-africaines acceptaient la mise en liberté conditionnelle de l’ex-chef de l’État. En décembre, la Haute cour de Pretoria ordonnait son retour en prison…
8. Le Doing Business de la Banque mondiale
Le 16 septembre, la Banque mondiale annonçait mettre définitivement fin à son rapport sur la « facilité de faire des affaires », suite à une enquête sur des irrégularités constatées dans la manipulation de données sur les éditions 2018 et 2020. L’impact de ces classements tronqués était déterminant pour les États en quête d’investisseurs étrangers. Or le trompe-l’œil servait davantage la Chine, l’Arabie saoudite ou l’Azerbaïdjan que l’Afrique.
7. La Fédération sierra-léonaise de football
Le 30 mars, Le Bénin accusait la Sierra Leone de « tentative de triche ». Alors que les deux équipes nationales de football devaient s’affronter dans un match déterminant pour les éliminatoires de la CAN 2021, les autorités sierra-léonaises brandissaient d’étranges tests – au stylo à bille sur feuille volante – affirmant que cinq Écureuils étaient positifs au Covid-19. Ouvrant la boîte de Pandore des reports, la Confédération africaine de football (CAF) reprogrammera, pour le 15 juin, la rencontre qui sera… de nouveau reportée.
En juillet, la Cour française de cassation confirmait la condamnation du vice-président équato-guinéen et fils du chef de l’État à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende pour « blanchiment d’abus de biens sociaux », « blanchiment de détournement de fonds publics » et « blanchiment d’abus de confiance », le tout en rapport avec des détournements présumés de fonds publics d’environ 150 millions d’euros, soit près de 100 milliards de F CFA.
5. Kamel Beldjoud
En plein mois d’août, alors que le gouvernement peinait à maîtriser des incendies qui feront des dizaines de victimes en Kabylie, le ministre algérien de l’Intérieur criait au complot. Il mettait à l’index « les mains criminelles » d’individus qui voudraient détruire l’Algérie. Les déclarations susciteront la controverse. L’ambiance de soupçons coûtera la vie à Djamel Bensmail, suspecté d’incendie volontaire puis lynché à Larbaâ Nath Irathen.
4. Kembo Mohadi
Le 1er mars, le second vice-président du Zimbabwe annonçait sa démission, au terme d’une série de fuites médiatiques concernant certains aspects de ses présumés ébats sexuels, notamment ses échanges avec une supposée maîtresse. Tout en quittant son poste, face à un buzz viral ingérable, le politicien de 71 ans dénonçait des enregistrements qui constituaient, selon lui, des « distorsions de l’information » par un « montage audio » aux allures de cabale politicienne.
2021 devait être l’année de la consécration pour le comédien d’origine franco-algérienne, grâce à son rôle « upgradé » dans la saison 2 de la série Validé. Mais il ratera les mondanités du lancement médiatique, condamné à 8 mois de prison ferme par la justice marocaine pour une parodie filmée dans le royaume qui aura déclenché une vive polémique. Ce n’est que le 5 décembre que Brahim Bouhlel quittera la prison de Marrakech pour la France…
Pour des fêtes bruyantes en plein Covid, le fils du président libérien a provoqué un mini-incident diplomatique. Interpellé à Paris, malgré une invocation d’immunité diplomatique, dans la nuit du 1er au 2 février, pour « outrage et rébellion », embarqué au commissariat du XVIIe arrondissement, il sera condamné, en mai, à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Versailles. George Weah Junior devait verser plus de 20 000 euros aux voisins victimes des nuisances.
Alors que la Miss Sénégal Ndèye Fatima Dione dénonçait publiquement, en novembre, les violences et agressions qu’elle aurait subies dans le cadre de son mandat – et qui auraient conduit à une grossesse –, la directrice du comité d’organisation de l’élection, Amina Badiane, déclarait que si la reine de beauté avait été violée, c’est qu’elle l’avait « bien cherché ». Tollé sur les réseaux sociaux et dénonciation d’une « culture du viol », à l’ère du #MeToo planétaire…
JOHANNESBURG (Reuters) – La Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud a confirmé vendredi la condamnation de Jacob Zuma à 15 mois de prison pour outrage à la justice, rejetant un recours de l’ancien président qui jugeait cette peine excessive.
Jacob Zuma a été condamné après son refus de comparaître devant une commission d’enquête sur des soupçons de corruption sous sa présidence, de 2009 à 2018.
Incarcéré le 8 juillet, l’ancien chef de l’Etat, âgé de 79 ans, a été hospitalisé en août pour une opération chirurgicale et s’est vu accorder une remise en liberté conditionnelle début septembre.
Il avait saisi la Cour constitutionnelle en arguant que la peine de 15 mois de prison était excessive et dangereuse pour sa santé et pour sa vie. Une majorité de magistrats ont rejeté son recours.
L’emprisonnement de l’ancien président a été à l’origine de violentes émeutes en juillet, pendant lesquelles plus de 300 personnes ont été tuées et des milliers de commerces pillés, poussant le président Cyril Ramaphosa à dénoncer une « tentative d’insurrection ».
Avec Reuters par (Wendell Roelf, version française Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)
Armés de pelles et de balais, des Sud-Africains continuaient inlassablement à nettoyer samedi les dégâts après plusieurs jours de pillages et d’émeutes, que le président Ramaphosa a qualifiés de tentative orchestrée de semer le chaos et déstabiliser le pays.
Puis les entrepôts, usines et centres commerciaux ont été méthodiquement pris d’assaut par des pillards et les violences se sont étendues à la plus grande ville du pays Johannesburg, sur fond de chômage endémique et de nouvelles restrictions anti-Covid, jusqu’à provoquer l’intervention de l’armée.
212 morts
Au total, 212 personnes ont trouvé la mort, dont 180 dans le KZN. Et les forces de sécurité ont procédé à plus de 2 500 arrestations.
SOUS PRÉTEXTE D’UN GRIEF POLITIQUE, LES AUTEURS DE CES ACTES ONT CHERCHÉ À PROVOQUER UNE INSURRECTION POPULAIRE », A ACCUSÉ CYRIL RAMAPHOSA
Mais après une semaine d’incidents, un calme précaire semble régner. Aucun incident n’est signalé dans la capitale économique. Et même en pays zoulou, où des poches de violences résistaient, alimentées aussi par des tensions raciales entre Sud-Africains noirs et d’origine indienne, une accalmie semble se profiler.
« Sous prétexte d’un grief politique, les auteurs de ces actes ont cherché à provoquer une insurrection populaire », a accusé vendredi soir Cyril Ramaphosa, s’adressant aux Sud-Africains.
« Défaillance » des services de sécurité
Plusieurs responsables au gouvernement ont déjà ouvertement affirmé que les violences des derniers jours ont été téléguidées par des partisans de Jacob Zuma. La police enquête sur 12 personnes soupçonnées d’être les cerveaux de l’opération, l’une d’entre elle a déjà été arrêtée.
Les autorités craignent par ailleurs un regain des cas de Covid causés par les mouvements de foule lors des pillages, alors que le pays est en proie à une troisième vague meurtrière de la pandémie.
« Nous trouverons ceux qui sont à l’origine de cette violence. Ils seront tenus responsables de leurs actes. Nous ne permettrons à personne de déstabiliser notre pays et de s’en tirer à bon compte », a promis le président.
Les autorités ont été largement critiquées pour avoir tardé à réagir et ne pas avoir empêché les violences. Les experts en sécurité ont unanimement pointé une « défaillance » des services de renseignement et de la police. Cyril Ramaphosa a reconnu que le gouvernement était « mal préparé » à des violences de cette ampleur.
Quelque 10 000 soldats ont été déployés sur le terrain, pour épauler une police en sous-nombre et dont la réputation d’inefficacité et de corruption n’est plus à faire. Ce chiffre pourrait grimper jusqu’à 25 000 dans les prochains jours.
« Opération Récupération »
Le chef d’état-major des armées, le général Rudzani Maphwanya, a promis d’arrêter « voyous et escrocs ». Déjà, la traque contre les pillards a commencé. La nuit dernière, la police a mené un raid baptisé « opération récupération » à Alexandra, un des townships les plus miséreux du pays, dans le nord de Johannesburg.
Tout ce qui semblait neuf et n’était pas accompagné d’une preuve d’achat a été confisqué et chargé à l’arrière d’une camionnette, repartie avec un fatras de fauteuils, vélos pour enfant, frigidaires.
LES RÉCENTS ÉVÉNEMENTS « AGGRAVERONT LA PAUVRETÉ ET ENGENDRERONT DES DIFFICULTÉS ENCORE PLUS GRANDES POUR DES MILLIONS DE SUD-AFRICAINS », SELON CYRIL RAMAPHOSA
Ces derniers jours, les effets des dévastations des centres commerciaux se sont fait sentir. Dans certains quartiers de Durban, des distributions de nourriture ont été organisées. « Nous avons envoyé de la nourriture à des hôpitaux », a dit Imitiaz Sooliman, de l’association Gift of the Givers. « Ils nous ont appelés en disant que les patients n’ont pas pu manger ».
Des transports perturbés ont provoqué des difficultés d’approvisionnement notamment dans le KZN. L’autoroute reliant Johannesburg et Durban a toutefois été rouverte samedi, sous étroite surveillance des forces de sécurité.
Au total, des centaines de commerces ont été attaqués en l’espace de quelques jours. Regrettant des « dommages énormes » et de futures « pertes d’emploi », les récents événements « aggraveront la pauvreté et engendreront des difficultés encore plus grandes pour des millions de Sud-Africains », a prédit Cyril Ramaphosa.
En dépit de l’appel au calme des autorités et du déploiement de quelque 2 500 soldats, des pilleurs ont continué à attaquer hangars et magasins dans plusieurs villes du pays. Ces violences font suite à l’incarcération de l’ancien président Jacob Zuma.
Le bilan des violences en Afrique du Sud, déclenchées par l’incarcération la semaine dernière de l’ex-président Jacob Zuma et qui se sont intensifiées ces derniers jours, est monté mardi 13 juillet à 72 morts, a annoncé la police. « Le nombre total de personnes arrêtées s’élève à 1 234, tandis que le nombre de décès s’élève à 72 », a annoncé la police dans un communiqué. Un précédent bilan faisait état de 45 morts, principalement dans des bousculades lors de pillages. En dépit de l’appel au calme des autorités et du déploiement de quelque 2 500 soldats, des milliers de Sud-Africains ont continué à affluer mardi pour dépouiller hangars et magasins dans plusieurs villes du pays.
Selon les forces de l’ordre, qui ont été rapidement dépassées par l’ampleur des événements, 27 personnes ont été tuées dans la province du Kwazulu-Natal (Est) et 45 dans le Gauteng, qui compte la plus grande ville du pays, Johannesburg. La plupart des décès sont survenus lors de « bousculades pendant des pillages de magasins et de centres commerciaux », tandis que d’autres morts et blessures sont liées « à des explosions de distributeurs automatiques de billets et à des fusillades », a précisé la police.
L’Union africaine appelle au calme
Les premiers incidents dans le pays, routes bloquées et camions incendiés, ont éclaté vendredi, au lendemain de l’arrivée en prison de Jacob Zuma condamné pour outrage à la justice. Le président Cyril Ramaphosa a affirmé lundi soir que si les « frustrations et la colère » exprimées avaient « des racines politiques », « aucune cause ne peut justifier » ces violences.
Jacob Zuma a été condamné à 15 mois de prison ferme pour « outrage » après avoir, à plusieurs reprises, refusé de témoigner dans le cadre d’enquêtes sur la corruption d’État pendant sa présidence (2009-2018). L’ancien président, 79 ans, a été jugé coupable d’avoir multiplié les prétextes fallacieux pour ne pas comparaître devant la commission qui enquête sur la corruption d’État sous son mandat. Lundi, une audience virtuelle de la Cour constitutionnelle, celle qui a condamné l’ancien président fin juin, a débattu de sa peine pendant dix heures. Elle a mis son jugement en délibéré, sans préciser de date.
Depuis, l’agitation a gagné les quartiers déshérités de Johannesburg où le moteur de la colère est alimentaire et économique. Les restrictions imposées fin juin pour contenir une troisième vague meurtrière de Covid-19 y ont étouffé les petits boulots et les moyens de subsistance des plus pauvres.
Durement touchée par une troisième vague de Covid-19, l’Afrique du Sud, qui a atteint un chômage record à 32,6 % depuis la pandémie, a imposé de nouvelles restrictions sanitaires fin juin. Dans un communiqué L’Union africaine (UA) a condamné avec la plus grande fermeté : « la flambée de violence qui a entraîné la mort de civils et des scènes effroyables de pillage », appelant « à un rétablissement urgent de l’ordre ».
Les violences en Afrique du Sud, initialement déclenchées par l’incarcération de l’ex-président Jacob Zuma, ont déjà tué 45 personnes, notamment dans des bousculades, et les pillages ne marquaient aucune pause mardi, en dépit de l’appel au calme des autorités et du déploiement de militaires.
Déjà 26 morts dans la province du Kwazulu-Natal (KZN, Est), où les premiers incidents ont éclaté vendredi au lendemain de l’incarcération de l’ex-président. Et 19 autres dans l’agglomération de Johannesburg, selon les bilans actualisés des autorités locales.
Glaçant détail, qui n’en est pas un: une bonne partie de ces victimes ont été piégées dans des bousculades qui ont eu lieu lors de pillages lundi dans plusieurs centres commeciaux du pays.
A Soweto, immense township jouxtant Johannesburg, les corps de dix personnes ont été retrouvés dans la soirée, plusieurs heures après qu’une foule pressée ait dévalisé le centre commerciel Ndofaya.
Le Premier ministre du KZN, Sihle Zikalala, avait indiqué dans la matinée que plusieurs personnes ont trouvé la mort « dans des bousculades dans ce contexte d’émeutes », sans autre précision.
Les images des pillages ont montré des foules compactes et désordonnées, chacun se précipitant pour récupérer téléviseurs géants, vélos pour enfant, sièges de bureau, couches ou conserves… Tout ce qui peut être emporté.
Dans les magasins mis à sac, les émeutiers se sont servis en nourriture ou équipements à revendre, dans un contexte économique dégradé par les restrictions mises en place fin juin pour limiter les nouvelles infections par le coronavirus.
Les forces de l’ordre, visiblement en minorité, ont tiré des balles en caoutchouc pour disperser les mouvements de foule, suscitant la course paniquée de fuyards sur les parkings de centres commerciaux ou de hangars.
Ou encore dans les rues des principales villes touchées, aux trottoirs jonchés de bris de verre et déchets, et bordés de bâtiments et voitures en feu.
En robe de chambre
« La police est débordée », a répété face aux caméras le Premier ministre provincial, en venant constater une partie des dégâts à Soweto.
Le président Cyril Ramaphosa, « le coeur lourd », a souligné lundi soir le caractère inédit de ces violences depuis l’avènement de la démocratie post-apartheid.
A ce jour, 757 personnes ont été arrêtées, la majorité à Johannesburg, a précisé le ministre de la Police, Bheki Cele.
Il s’est engagé à ce que la situation « ne se détériore pas davantage », alors que les pillages se poursuivaient à vive allure, notamment à Soweto où des soldats ont commencé à patrouiller selon l’AFP sur place, et à Pietermaritzburg, la capitale de la province de KZN.
Tôt dans la matinée, les chaînes locales ont montré des dizaines de femmes, certaines en robe de chambre, aux côtés d’hommes et d’enfants débarquant dans une boucherie, dans la zone de Diepkloof à Soweto. Ils ont vidé les chambres froides et sont sortis en courant. Un agent de sécurité privé, seul, se tenait debout, impuissant.
La police ne s’est présentée que trois heures plus tard pour disperser et arrêter les derniers pillards.
Dans la nuit, policiers et agents de sécurité privée armés jusqu’aux dents ont longuement affronté des émeutiers dans le quartier dégradé de Jeppe, près du centre de Johannesburg, a constaté l’AFP.
Les premiers incidents dans le pays, routes bloquées et camions incendiés, ont eu lieu vendredi, au lendemain de l’incarcération de Jacob Zuma, condamné à une peine de prison ferme pour outrage à la justice. Pillages et incendies se sont ensuite propagés vers la capitale économique du pays.
Le président Ramaphosa a rappelé, sévère, que si les « frustrations et la colère » exprimées avaient « des racines politiques », « aucune cause ne peut justifier » ces violences.
JOHANNESBOURG (Reuters) – Six personnes ont été tuées dans les provinces du KwaZulu-Nat(KZN) et du Gauteng depuis la semaine dernière lors de violentes manifestations consécutives à l’incarcération de l’ancien président sud-africain Jacob Zuma, ont indiqué lundi les services de renseignement du pays.
Les troubles ont éclaté peu après que Jacob Zuma a commencé à purger mercredi dernier une peine de 15 mois de prison pour outrage au tribunal.
Selon un communiqué des services de renseignement, 219 arrestations avaient été réalisées lundi à 6h30 GMT.
Par Reuters avec (Reportage Alexander Winning, version française Diana Mandiá, édité par Jean-Michel Bélot)
L’ex président sud-africain Jacob Zuma, condamné à 15 mois de prison ferme pour outrage, s’est constitué prisonnier mercredi soir, a annoncé la fondation qui le représente.
« Le président Zuma a décidé de se conformer à l’ordre d’incarcération. Il est en route pour se rendre dans un établissement correctionnel » dans la province du Kwazulu-Natal où il s’était retranché, a-t-elle déclaré dans un message sur Twitter, quelques minutes avant l’ultimatum fixé à minuit par la justice.
Jacob Zuma a été condamné la semaine dernière par la plus haute juridiction du pays, une décision sans appel. Il devait se constituer prisonnier d’ici dimanche soir, sinon la police avait ordre de l’arrêter d’ici mercredi minuit. Une demi-heure environ avant l’expiration de ce délai, un convoi d’une dizaine de voitures a quitté à vive allure la résidence de Jacob Zuma à Nkandla, en pays zoulou (Est).
Nouvelle audience le 12 juillet
Jusque tard le soir, bien après le couvre-feu fixé à 21 heures dans le pays, quelques dizaines de partisans ont chanté et dansé, certains hommes portant des bandeaux traditionnels en peau de bête. L’ancien président, familier des tribunaux, a obtenu que la Cour constitutionnelle réexamine sa sentence lors d’une nouvelle audience prévue le 12 juillet. Il avait aussi réclamé que son arrestation soit suspendue d’ici là, mais la décision doit être rendue vendredi par le tribunal de Pietermaritzburg (Est).
Mettant en cause l’impartialité des juges, Jacob Zuma a invoqué pour la révision de sa condamnation un état de santé « instable », arguant qu’une incarcération le condamnerait à « une peine de mort » dans le contexte de la pandémie. Il avait aussi prévenu, devant ses soutiens samedi, qu’il fallait s’attendre à des violences si la police « osait » l’arrêter.
L’ancien président est accusé d’avoir pillé les ressources publiques pendant ses neuf années au pouvoir. Depuis la création en 2018 d’une commission d’enquête sur la corruption d’Etat, Jacob Zuma, mis en cause par une quarantaine de témoignages, multiplie les manœuvres pour éviter de témoigner, ce qui a lui a valu cette condamnation à la prison ferme.