Jean-François Roberge défend la dernière publicité du ministère de la Langue française. Photo: Radio-Canada/Sylvain Roy Roussel
Une vidéo gouvernementale invitant les Québécois à éviter les anglicismes fait beaucoup réagir depuis qu’elle a été diffusée sur les réseaux sociaux, mercredi, plusieurs internautes estimant qu’elle passe à côté du problème que constitue le déclin du français. Le ministre Roberge, lui, se dit plutôt « content » que la publicité « fasse jaser ».
Vous savez ce qu’on dit, hein : « Parlez-en en mal, mais parlez-en… en français! »
, a lancé le premier intéressé en entrevue jeudi à l’émission montréalaise Tout un matin, sur ICI Première.
La publicité en question a été partagée par le ministre lui-même, mercredi, afin de susciter une prise de conscience
quant au déclin du français au Québec
.
Elle met en scène un faucon pèlerin – un oiseau qui, dans les années 1970, était dans une posture beaucoup plus vulnérable qu’il ne l’est aujourd’hui,
et qui a pris du mieux grâce aux actions gouvernementales, a expliqué Jean-François Roberge au micro de Patrick Masbourian, jeudi. Une allégorie, en quelque sorte.
Verbatim de la publicité
Narration : Le faucon pèlerin. Cet oiseau de proie vraiment sick est reconnu pour être assez chill parce qu’il est super quick en vol et peut passer la majorité de son temps à watcher son environnement. Mais malgré que ses skills de chasse soient insane, l’avenir du faucon pèlerin demeure sketch.
Texte : Au Québec, le français est en déclin. Renversons la tendance.
La publicité qui, jeudi matin, avait déjà été vue plus de 600 000 fois sur Twitter, a toutefois reçu un accueil mitigé, les internautes étant nombreux à souligner qu’elle ratait la cible en s’en prenant à la qualité de la langue parlée plutôt qu’à l’usage du français qui, selon Statistique Canada, est en déclin partout au pays, y compris au Québec.
D’autres ont aussi accusé les auteurs de la vidéo de viser les jeunes en montrant du doigt des expressions utilisées par ceux-ci. Jean-François Roberge s’en défend. On ne cible pas les jeunes
, a assuré le ministre jeudi. Moi-même, ça m’arrive d’utiliser des mots anglais au milieu de phrases en français
, a-t-il avoué.
En outre, cette campagne publicitaire sera suivie d’autres campagnes, sur d’autres thèmes
, a poursuivi M. Roberge, qui a réuni autour de lui un groupe de travail pour l’avenir de la langue française dont font partie les ministres Christine Fréchette (Immigration), Mathieu Lacombe (Culture), Pascale Déry (Enseignement supérieur), Bernard Drainville (Éducation) et Martine Biron (Relations internationales).
Ce comité devrait d’ailleurs déposer un plan d’action d’ici la fin de l’année 2023
, a-t-il rappelé en entrevue, ajoutant qu’une consultation publique à ce sujet devrait être lancée dans les prochains jours.
La CAQ passe à côté du problème, selon l’opposition
La publicité controversée a également été sévèrement critiquée par les partis d’opposition, jeudi matin à la Tribune de la presse de l’Assemblée nationale, les émissaires du PQ et de QS jugeant tous deux que le ministère de Jean-François Roberge avait erré en diffusant une telle vidéo.
Le député péquiste Joël Arseneau a notamment estimé que la CAQ faisait fausse route en voulant faire porter le poids du déclin du français sur les épaules des individus plutôt que sur celles du gouvernement et en critiquant la qualité de la langue parlée des Québécois.
Est-ce que c’est ça, le problème majeur, ou la langue qu’on utilise en milieu de travail? Est-ce que c’est ça, le problème, ou le fait que la loi 101 a été dépecée par les tribunaux et puis qu’on n’arrive pas à rétablir un certain nombre de principes?
, a-t-il lancé, renouvelant son appel à étendre la loi 101 aux cégeps.
M. Arseneau a aussi évoqué jeudi de récentes déclarations faites par le ministre Dubé, qui a promis de shaker
le système de santé plutôt que de l’ébranler
, et par le ministre Drainville, qui s’est engagé à ne pas bullshiter
au sujet des maternelles 4 ans plutôt que d’éviter les faux-fuyants
.
Je me demande si la campagne de publicité ne devrait pas être faite au sein du gouvernement de la CAQ plutôt qu’au sein de la population
, a commenté le député des Îles-de-la-Madeleine.
Son collègue solidaire de Rosemont, Vincent Marissal, s’est offusqué pour sa part que les jeunes soient montrés du doigt par le gouvernement pendant que l’élite économique de Montréal continue d’ignorer l’importance de la langue française au Québec.
Quand je vois qu’on se fait niaiser par le PDG d’Air Canada, ça, ça m’énerve, ça m’irrite, et je pense qu’il y a un gros, gros problème là, a-t-il déclaré. Après ça, si on veut shamer – excusez-moi l’expression – les ados, si on veut les culpabiliser, je ne suis pas sûr qu’on ait la bonne cible.
Avec Radio-Canada par Jérôme Labbé