
Dans son discours sur l’état de la nation en 2017 devant le parlement réuni en congrès, le 30 décembre 2017, le président de la République affirmait que « Dans notre pays, aucune disposition n’interdit aux procureurs de la République de se saisir des dossiers délictueux, y compris ceux portant sur des crimes économiques ».
C’est fort de cette parole du chef de l’Etat que la direction générale de la surveillance du territoire (jouant aussi le rôle d’une police judiciaire et ayant un département de la prévention économique» vient de se voir confier la gestion d’un certain nombre de dossiers brûlants, parmi lesquels celui portant sur l’utilisation des recettes du Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU-B) et celui lié aux fonds destinés à l’achat des antirétroviraux sous l’autorité de l’ancien ministre de la santé, François Ibovi.
Jean Didier Elongo, directeur général du contrôle des marchés publics a été interpellé dans le cadre de cette affaire portant sur la gestion des recettes du CHU-B; lesquelles recettes échappaient jusque-là au contrôle des services appropriés de l’Etat, faisant de cet établissement hospitalier une vache à lait pour ses responsables, ainsi que pour ceux du ministère de la santé.
Un marché de 700 millions de FCFA… pour refaire la peinture au CHU-B
Ce qui a mis la puce à l’oreille des enquêteurs, c’est un marché d’un montant impressionnant de 700 millions de FCFA destiné à refaire… la peinture au sein de cet établissement.
Ce marché avait été accordé à la société «La Cope» de Joachim Ndinga qui se trouve aujourd’hui retenu dans les locaux de la DGST pour des besoins d’enquête, tout comme Bernard Ovoulaka (ancien directeur général) et Maxime Palessonga, receveur de cet établissement jusqu’en 2017.
D’après des sources proches de l’enquête, interrogé sur les conditions d’attribution de ce marché, Jean Didier Elongo aurait confié aux agents de la DGST qu’il avait reçu des instructions particulières de la part du ministre des finances de l’époque, Gilbert Ondongo, pour qu’il accorde une autorisation spéciale à la société «La Cope». Mardi 13 février 2018, l’ancien ministre des finances a été justement interrogé sur ce dossier afin de permettre aux enquêteurs d’avancer dans leurs investigations. Il n’est pas exclu qu’une confrontation entre Jean Didier Elongo et Gilbert Ondongo soit organisée dans les jours qui viennent.
Perquisition du domicile et des bureaux de Jean Didier Elongo
Les enquêteurs ont également procédé à la perquisition du domicile de Jean Didier Elongo, ainsi que de ces bureaux, lundi 12 février 2018. La pêche aux documents aurait été fructueuse, notamment à la direction générale du contrôle des marchés publics.
Les enquêteurs s’intéressent aussi au patrimoine immobilier et au parc automobile du directeur général du contrôle des marchés publics que les habitants de Talangaï avaient surnommé «Monsieur coin ti coin», parce que son impressionnante fortune lui avait permis d’acquérir un bloc de parcelles de terrain.
Outre cet important bloc de parcelles, Jean Didier Elongo possèderait un établissement universitaire avec plusieurs instituts, une chaine de télévision, une société de transport en commun et trois hôtels à Pointe-Noire.
Les enquêteurs continuent à fouiller pour parvenir à un inventaire exhaustif des richesses de cet universitaire qui gagnerait, comme enseignant, 1 300 000 de FCFA par mois, et qui toucherait comme directeur général du contrôle des marchés publics 5 millions de FCFA par mois, des émoluments qu’il n’a plus perçus depuis 2015.
Jean Jacques Bouya aurait interféré dans l’action de la DGST
Fait curieux, après l’interpellation de Jean Didier Elongo, de fortes pressions auraient été exercées sur les enquêteurs par certains responsables politiques afin qu’il soit libéré. Mais rien n’y a fait. Plus grave: Jean Jacques Bouya aurait interféré dans l’action de la DGST en cherchant à savoir sur quoi exactement portait l’enquête concernant le directeur général du contrôle des marchés publics. Une curiosité qui n’aurait pas été appréciée par les enquêteurs. Ceux-ci auraient d’ailleurs prévu d’entendre l’ancien patron congolais des grands travaux, histoire de savoir s’il y avait un lien organique entre son département et la direction générale du contrôle des marchés publics.
Il faut dire que les liens entre les deux hommes sont particulièrement connus des Congolais, Jean Didier Elongo apparaissant comme le protégé du ministre de l’aménagement du territoire.
Sept personnes (y compris François Ibovi) déférées dans le cadre du dossier sur les antirétroviraux
Un autre dossier qui a intéressé les enquêteurs de la DGST avant celui lié aux recettes du CHU-B porte sur les fonds destinés à l’acquisition des antirétroviraux sous l’autorité de l’ancien ministre de la santé, François Ibovi. Ici, le préjudice causé à l’Etat entre 2012 et 2016 est estimé à près de 3 milliards de FCFA. Sept personnes ont été déférées, notamment l’ancien ministre François Ibovi, le conseiller financier, Marcellin Lébéla, le conseiller administratif et financier, Cyriaque Yoka (qui a également travaillé sous Lydia Mikolo), le chef de section comptabilité des dépenses, Vianney Gaétan Mouaba, le gestionnaire des crédits, Jean Eloi Kibangou et l’attaché à la documentation, Jean Oyaba.
Toutes ces personnes, à l’exception de l’ancien ministre, se trouvent retenues dans les locaux de la DGST. François Ibovi n’est libre jusqu’ici de ses mouvements que du fait de son statut d’ancien ministre.
D’autres dossiers vont être exploités par les enquêteurs de la DGST dans les jours qui viennent. Et l’un d’eux de nous confier: «Le procureur de la République et les services de contrôle d’Etat ont fait leur travail. Et nous faisons le nôtre dans le prolongement de leur action. Nous ne reculerons devant rien. A l’exception des responsables jouissant d’une immunité, tous ceux qui sont cités dans les dossiers en notre possession seront convoqués. Et nous ne sommes qu’au début d’une vaste opération».
Anicet SAMBA – Troubadour avec Zenga-mambu.com