Mamadi Diané, un conseiller du président ivoirien, Alassane Ouattara, a prêté main forte à Jean Ping. Le lien entre les deux hommes vient d’être découvert et fait des remous à Libreville autant qu’à Abidjan.
Dans une conférence de presse tenue ce mardi après-midi, Alain-Claude Billie By Nzé, le ministre gabonais de la Communication et porte-parole du candidat Ali Bongo Ondimba (ABO), a dénoncé l’ingérence de puissances étrangères et de certains pays africains dans le processus électoral gabonais.
En cause notamment, le conseiller du président ivoirien, Alassane Ouattara, Mamadi Diané, accusé de soutenir et d’aider concrètement Jean Ping, à l’insu de son patron.
Il a d’abord introduit des hackers au Gabon pour diffuser de faux procès verbaux et pirater des données gouvernementales. Yeo Siwifowa est en effet entré dans le pays avec son équipe peu avant le démarrage de la campagne électorale. Connu des services de renseignement ivoiriens, Sifiwoha est un surdoué d’informatique issu de l’école Pigier, à Abidjan. Son acolyte Coulibaly Zié Abou s’est chargé des hébergements de l’équipe.
Mais Mamadi Diané a également suggéré au principal adversaire d’ABO de provoquer la démission des membres de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap).
Dans un enregistrement téléphonique d’une conversation tenue entre les deux hommes le 29 août, dont nous nous sommes procuré copie – il ne peut être pour l’instant formellement identifié mais l’on reconnait aisément leurs voix -, Mamadi Diané dit explicitement à Jean Ping :
– « Mon frère, comment va ? »
– « Oui, j’ai reçu le papier, on va l’envoyer »
– « Non, non, il y a autre chose, plus important. Il faut que tu réussisses à avoir deux ou trois personnes de la commission électorale qui disent qu’il y a trop de tripatouillages et qui démissionnent »
– « Oui… »
– « Tu comprends, ça va mettre la pagaille totale. Si on peut faire ça ce soir (lundi, veille de la proclamation des résultats, ndlr) , ça va être extraordinaire »
– « OK, merci. »
Joint au téléphone par Jeune Afrique, Diané récuse ces accusations. « Je ne suis concerné ni de près ni de loin », a-t-il déclaré avant de couper la communication. L’affaire, qui pourrait avoir des répercussions diplomatiques, est pourtant confirmée par un membre du gouvernement ivoirien : « C’est hélas un fait avéré, nous a-t-il expliqué en cette fin d’après-midi. Le président est furieux. »
Immédiatement après la révélation des liens entre les deux hommes, Mamadi Diané a été démis de ses fonctions de conseiller spécial à la présidence. Selon un communiqué rendu public en fin de journée, le 30 août, « la présidence de la République ivoirienne condamne cet acte d’ingérence et rassure les autorités et le peuple gabonais qu’elle tient au strict respect de la souveraineté de la république gabonaise.
Le président Ouattara est considéré comme proche de la famille Bongo qui l’a soutenu alors qu’il était opposant à l’ancien président Laurent Gbagbo puis lors de la crise ivoirienne (2010-2011) qui avait vu ce dernier refuser d’admettre sa défaite à l’élection présidentielle.
M. Diané s’était fait connaître du grand public ivoirien ces dernières semaines en défendant la réforme constitutionnelle voulue par le président Ouattara.
Concernant la France, M. Bilie-By-Nze réagissait à une déclaration de l’avocat français de Jean Ping qui revendique la victoire à la présidentielle de samedi.
Si Ali Bongo est déclaré vainqueur, en dépit des estimations, Jean Ping saisira la Cour constitutionnelle. Si des fraudes sont découvertes, tous les recours seront lancés, a déclaré à Paris cet avocat français, Eric Moutet, mettant en doute l’indépendance de la Cour constitutionnelle.
Me Moutet tente de se rendre complice d’une volonté de déstabilisation de notre démocratie, a ajouté M. Bilie-by-Nze.
Le ministre a aussi dénoncé les papis racketteurs de la Françafrique en citant deux autres avocats français, William Bourdon et Robert Bourgi, et l’écrivain Pierre Péan, qui a lancé la polémique sur les origines d’Ali Bongo, reprise par l’opposition.
Il a rappelé que le Gabon est un pays souverain, en réaction au communiqué du Parti socialiste français de dimanche. Voilà plus d’un demi-siècle que la famille Bongo gouverne le Gabon. Une alternance serait signe de bonne santé démocratique et un exemple, disait le texte du parti présidentiel français.
Jeunefrique.com avec romandie.com