Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme menace Kinshasa de saisir la Cour pénale internationale si aucune enquête n’est rapidement mise en place.
Les Nations unies ont annoncé, mercredi 19 avril, avoir découvert dix-sept nouvelles fosses communes, portant le nombre total de charniers découverts à quarante, dans la région des Kasaï, au centre de la République démocratique du Congo (RDC), en proie depuis septembre 2016 à des violences meurtrières entre une rébellion et les forces de sécurité.
En outre, l’ONU a prévenu qu’elle réclamerait l’ouverture d’une enquête internationale, y compris par la Cour pénale internationale (CPI), si les autorités congolaises n’ouvrent pas immédiatement une enquête sur ces violences.
« Des enquêteurs des Nations unies en RDC confirment l’existence d’au moins 17 nouvelles fosses communes dans la province du Kasaï-Central », écrit le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme dans un communiqué parvenu à l’AFP.
« Cela porte à quarante le nombre total de fosses communes documentées par les Nations unies dans les provinces du Kasaï-Central et Kasaï-Oriental » depuis le début des violences dans ces régions, poursuit le Haut-Commissariat.
Atrocités et massacres
Ces violences, entre les forces de sécurité et les miliciens se réclamant du chef coutumier Kamwina Nsapu, tué le 12 août 2016, ont fait plusieurs centaines de morts, dont deux experts missionnés par le secrétaire général de l’ONU pour enquêter dans la région.
Ces affrontements se déroulent dans les provinces du Kasaï-Central, du Kasaï-Oriental, du Kasaï et du Lomami.
« Il est absolument essentiel que le gouvernement de la RDC prenne les mesures nécessaires, et jusqu’ici manquantes, pour qu’une enquête immédiate, transparente et indépendante, qui établisse les faits et les circonstances des violations et atteintes aux droits de l’homme et à la justice, soit mise en place », souligne l’ONU dans son communiqué.
Si aucune enquête nationale n’est entreprise, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al-Hussein indique qu’il n’hésitera pas à « demander à la communauté internationale de soutenir une enquête menée par un mécanisme international, y compris par la CPI ».
La rébellion Kamwina Nsapu a été accusée par l’ONU de recruter des enfants et d’avoir commis de nombreuses atrocités. Les forces de l’ordre, quant à elles se voient reprocher par l’ONU de faire un usage disproportionné de la force contre des miliciens armés essentiellement de bâtons et de lance-pierres. Elles ont été mises en cause en février sur Internet dans des vidéos montrant des massacres présumés de rebelles.
Kinshasa – La police nationale congolaise (PNC) a accusé lundi des rebelles d’avoir massacré 39 de ses agents au Kasaï, région du centre de la République démocratique du Congo en proie à la violence depuis plus de six mois.
Selon un communiqué du porte-parole de la PNC, les victimes seraient tombées vendredi matin dans une « embuscade » tendue par des miliciens Kamwina Nsapu à Kamuesha, à environ 75 km au nord-est Tshikapa, capitale de la province du Kasaï, alors qu’elles circulaient à bord de deux camions de transport de troupes.
Les 39 « vaillants policiers » ont été « enterrés par leurs bourreaux dans une fosse commune (sur le) lieu du massacre », ajoute le colonel Pierre-Rombaut Mwanamputu.
Les assaillants ont également volé « deux camions de police de transport de troupes (…) avec en leur sein un importante cargaison (de matériel et d’)équipements de maintien de l’ordre », selon l’officier.
La PNC « condamne énergiquement ce massacre » et précise qu’elle « tient à rassurer l’opinion que des dispositions urgentes ont été prises pour mettre définitivement un terme à l’insécurité qui sévit dans cette partie de la République par la mise hors d’état de nuire » des partisans de Kamwina Nsapu.
La rébellion Kamwina Nsapu porte le nom d’un chef coutumier local entré en conflit avec le pouvoir central et tué par les forces de l’ordre en août. Elle a été accusée par l’ONU de recruter des enfants et d’avoir commis de nombreuses atrocités.
En face, les forces de l’ordre se voient régulièrement reprocher par les Nations unies de faire un usage disproportionné de la force contre des miliciens armés essentiellement de bâtons et de lance-pierres.
Depuis le début de la rébellion, les violences ont fait au minimum 400 morts au Kasaï. Mi-mars, la justice militaire congolaise a annoncé avoir arrêté sept soldats dans le cadre d’une enquête diligentée après la publication sur les réseaux sociaux d’une vidéo mettant en cause un peloton militaire dans un massacre présumé perpétré au Kasaï-oriental.
Au cœur de la République démocratique du Congo, dont les structures étatiques sont en déréliction, une myriade de foyers de violence fait couler le sang.
« Chaque jour, on s’entre-tue ou on fuit la mort en RDC » (Dans l’un des charniers découverts dans la province du Kasaï, en République démocratique du Congo, des crânes des victimes des récents affrontements entre les forces armées congolaises et les partisans de Kamuina Nsapu. Photo prise le 12 mars). REUTERSLe temps des grandes rébellions soutenues par des pays voisins appartient au passé. De la deuxième guerre du Congo (1998-2002), impliquant neuf pays africains et causant des millions de morts, l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a hérité la misère, l’abandon de Kinshasa et soixante-dix groupes armés, locaux et étrangers, qui errent toujours dans la région et poursuivent leurs exactions.
Ces derniers mois, des foyers de violence sont apparus aux confins du plus grand pays d’Afrique francophone. Des affrontements, des massacres, des déplacements massifs de populations. Chaque jour, on s’entre-tue ou on fuit la mort en RDC. Une myriade de conflits locaux font couler le sang et nul ne sait s’ils sont téléguidés ou attisés par les hommes politiques de la capitale, comme le soupçonnent l’opposition et certains diplomates occidentaux.
« La politique, c’est ce qui paie », dit l’adage que rappelle sans complexe un conseiller du président Joseph Kabila. La politique, en RDC, peut aussi tuer. Mais cela, on ne le disait pas. Jusqu’à ce que la crise en cours dans le Kasaï-Central le rappelle brutalement.
Cette province difficile d’accès, comme toutes celles de l’intérieur du pays, a pourtant offert à l’ancien Zaïre son plus grand héros, Patrice Lumumba, mais aussi son opposant historique, Etienne Tshisekedi. Le premier a été assassiné en janvier 1961. Le second est mort le 1er février, à Bruxelles, où son corps repose toujours dans une chambre froide en attendant un rapatriement sans cesse repoussé.
Sales besognes
Aujourd’hui, l’homme mort du Kasaï dont on parle est plus mystérieux. Kamwina Nsapu, chef coutumier et leader mystique, avait refusé de se soumettre au pouvoir central. Originaire de la région, l’ancien ministre de l’intérieur, Evariste Boshab, s’est chargé des sales besognes. Dès 2015, il a restructuré les chefferies coutumières en favorisant, à des fins politiques, des notables affiliés au Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti au pouvoir. Il a aussi imposé son frère à la tête de l’association qui les chapeaute.
De quoi provoquer l’ire de rois et chefs traditionnels, dont Kamwina Nsapu. Ce dernier, au nom de la préservation d’une gouvernance ancestrale, a allumé les feux de la révolte. Il sera tué en août 2016 au cours d’une opération de police.
Depuis, ses fidèles ont recruté femmes et enfants pour constituer une milice et affronter les forces de sécurité. Ils sont armés de bâtons dotés de pouvoirs mystiques, de machettes et de pétoires. Ils ont été rejoints par une partie de la population exaspérée par la brutalité d’un régime considéré comme illégitime.
Plus de 400 personnes ont perdu la vie au Kasaï depuis septembre 2016, 200 000 autres ont été déplacées
Dans ce pays aux structures étatiques en déréliction, qui accueille la plus importante et coûteuse mission de l’histoire des Nations unies (Monusco), les adeptes d’un chef coutumier défunt peuvent donc mettre à feu et à sang toute une région. Plus de 400 personnes ont perdu la vie au Kasaï depuis septembre 2016, 200 000 autres ont été déplacées. Deux enquêteurs de l’ONU ont disparu dans la région et des dizaines de fosses communes ont récemment été découvertes.
« Il y a une multitude de foyers d’insécurité, de violences causées par des conflits fonciers, ethniques et identitaires, coutumiers ou politiques avec différents acteurs et agendas qui se superposent, souligne Séverine Autesserre, professeure associée à l’université Columbia. La RDC est bel et bien en état de guerre civile. »
Pour cette spécialiste de la résolution des conflits, la pauvreté conjuguée à la corruption des élites politiques alimente l’inexorable spirale de la violence. « Il est temps que l’ONU, les partenaires occidentaux et les ONG cessent de concentrer leur énergie sur Kinshasa et s’appuient sur les acteurs locaux dans les provinces meurtries, dit la chercheuse. Car la plupart des programmes dits de réforme de l’armée et de renforcement des capacités de l’Etat n’ont fait que renforcer le régime autoritaire de Joseph Kabila et professionnaliser ses soldats. »
Kinshasa n’est pas épargnée
Débordée par les crises et les violations massives des droits humains, en hausse de 30 % en 2016, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) courbe la tête sous les pressions des autorités congolaises, à la veille du renouvellement de son mandat par le Conseil de sécurité de l’ONU. Le régime Kabila exige que soient réduites les prérogatives de cette force de maintien de la paix, certes incapable de tenir ses promesses, mais si cruciale pour empêcher le pays, donc la région, de s’embraser.
Cette année, en plus de tous les conflits répertoriés à l’est du Congo, la Monusco doit faire face à trois nouveaux fronts. A celui du Kasaï s’ajoute la région frontalière du Soudan du Sud, où elle appuie les opérations des forces armées congolaises préoccupées par un débordement du conflit qui ravage le plus jeune pays de la planète.
Il y a enfin la province du Tanganyika, dans le sud-est, théâtre ces sept derniers mois d’affrontements meurtriers entre deux ethnies qui a fait des centaines de morts, des dizaines de femmes violées et des centaines de milliers de déplacés. Les belligérants ont scellé un fragile pacte de non-agression en février.
La capitale n’est pas épargnée. Mais, à Kinshasa, ceux qui meurent sous les balles des forces de sécurité croient en connaître la raison : la politique, celle qui maintient la flamme des désespérés et enrichit ceux qui la dominent, un petit cercle de privilégiés manipulés par Joseph Kabila, dont le second mandat s’est achevé le 19 décembre 2016.
Le président a négocié son maintien à la tête d’un Etat quasi failli lors d’un dialogue en décembre 2016 avec l’opposition. Celle-ci s’est réjouie d’avoir obtenu le poste de premier ministre d’une transition censée mener à des élections à la fin de cette année. Trois mois plus tard, aucun des points de l’accord n’a été mis en œuvre par Joseph Kabila, qui se mure dans le silence pendant que son pays sombre.
Lemonde.fr par Joan Tilouine , Journaliste Le Monde Afrique
La justice militaire congolaise a annoncé samedi avoir arrêté sept militaires accusés de crimes de guerre dans le centre de la République démocratique du Congo secouée par une rébellion de miliciens d’un chef coutumier tué ayant fait 400 morts.
Par ailleurs, la mission de l’ONU en RDC (Monusco) s’est déclarée « préoccupée » suite à des informations faisant état d’ »un nombre important de personnes tuées » en deux jours d’affrontements entre les forces de sécurité et les miliciens du chef Kamwina Nsapu, dans un communiqué samedi.
En février, une vidéo tournée dans un village du Kasaï central (centre de la RDC) largement partagée sur les réseaux sociaux montre des hommes en uniforme tirer sur des villageois non armés, ou simplement de lance-pierres ou de bâtons, puis insulter et achever leurs victimes.
Mais le gouvernement l’avait qualifiée de « montage grossier » avant de décider de mener des enquêtes « par précaution » face aux allégations persistantes de violations graves des droits de l’Homme attribuées à des éléments des Forces armées de la RDC (FARDC) dans le village de Mwanza Lomba dans le Kasaï central.
« En rapport avec cette vidéo, nous avons mis la main sur sept suspects, tous éléments des FARDC, qui sont actuellement en détention », parmi eux des officiers et des sous-officiers, a déclaré lors d’une conférence de presse le général-major Joseph Ponde, auditeur général des FARDC.
« Crimes de guerre »
« De l’instruction entreprise, de l’exploitation de la vidéo et des descentes sur les lieux des crimes, les préventions ci-après ont été retenues à charge des suspects: crimes de guerre par meurtre, crimes de guerre par mutilation, crimes de guerre par traitements cruels inhumains et dégradants et refus de dénonciation d’une infraction commise par des justiciables de juridictions militaires », a ajouté le général Ponde.
Pour approfondir les investigations, « l’auditorat général se propose de requérir l’expertise exigée pour l’exploitation de données sur les téléphones cellulaires saisis, ainsi que l’exhumation de deux tombes localisées dans la périphérie de Mwanza Lomba », a indiqué le général, afin « d’identifier » les victimes et de déterminer « le mode opératoire de leurs bourreaux ».
L’auditeur général des FARDC a déclaré avoir sollicité l’appui des Cellules d’appui aux poursuites (CAP) de la mission de l’ONU en RDC (Monusco) depuis le 25 février 2016 pour la suite de l’enquête.
Samedi, la Monusco se déclare « préoccupée par les attaques des miliciens de Kamwina Nsapu contre les institutions et symboles étatiques, mais également par l’utilisation disproportionnée de la force par les forces de défense et sécurité, notamment en ciblant des civils, dont des femmes et des enfants ».
« Dans la nuit du 14 au 15 mars 2017, les opérations des forces de sécurité à Kananga ont conduit à un grand nombre de victimes », note le document.
Région du centre de la RDC, le Kasaï est le théâtre depuis septembre 2016 d’une rébellion née de la mort, le mois précédent, lors d’une opération militaire, du chef coutumier Kamwina Nsapu, entré en conflit avec le pouvoir central. Les violences y ont fait au moins 400 morts depuis septembre.
Dans la même province, deux experts onusiens et leurs quatre accompagnateurs congolais ont été enlevés le 11 mars, et, depuis, sont portés disparus.
La province est le théâtre depuis plusieurs mois de violences. Les Nations unies soupçonnent de « graves violations des droits de l’homme » par l’armée congolaise.
Province du Kansaï-Occidental (zone rouge) en République démocratique du Congo (RDC). Crédits : Google EarthLe haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al-Hussein, a demandé, mercredi 7 mars, l’établissement d’une commission d’enquête sur les violences contre les civils en République démocratique du Congo (RDC).
« Mon bureau a récemment signalé un certain nombre de graves violations des droits de l’homme dans les provinces de Kasaï et de Lomami. Je félicite le gouvernement d’avoir pris rapidement des mesures pour enquêter » sur ces « allégations de meurtres par des soldats », a déclaré M. Zeid devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Mais « étant donné les rapports récents de violations graves et la découverte de trois charniers, j’exhorte le Conseil à établir une commission d’enquête afin de se pencher sur ces allégations », a-t-il ajouté.
Il a également indiqué que son « bureau surveillera attentivement les développements judiciaires concernant les actions des forces de sécurité qui ont entraîné la mort de plus de 100 personnes en septembre et en décembre 2016 ».
« Aucun progrès véritable »
Il a par ailleurs déploré qu’« aucun progrès véritable n’a été accompli » dans le contexte de l’accord conclu le 31 décembre 2016 entre le pouvoir et l’opposition.
Ce compromis prévoit que le président Joseph Kabila, dont le mandat s’est achevé le 19 décembre et à qui la Constitution interdit de se représenter, restera en place pour une année supplémentaire. En contrepartie, l’opposition doit diriger un gouvernement de transition jusqu’aux nouvelles élections prévues fin 2017.
En février, M. Zeid avait appelé la RDC à mettre un terme aux « violations massives des droits de l’homme », dont apparemment des exécutions sommaires, perpétrées par ses forces armées.
« Il existe des allégations crédibles de violations massives des droits de l’homme dans les provinces du Kasaï (Kasaï-Occidental et Kasaï-Oriental) et de Lomami (…) notamment des personnes prises pour cibles par les soldats pour leur affiliation supposée à une milice locale », avait-il affirmé.
Le Kasaï est le théâtre, depuis septembre 2016, d’une rébellion provoquée par la mort le mois précédent, lors d’une opération militaire, d’un chef coutumier local, Kamwina Nsapu, entré en conflit entre le pouvoir central de Kinshasa.
Les poursuites annoncées samedi par Kinshasa contre deux soldats, après la publication d’une vidéo mettant en cause l’armée congolaise dans un massacre de civils au Kasaï, ne portent pas sur des « crimes », a annoncé lundi le gouvernement.
« Il ne s’agit nullement de poursuites pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité », a précisé le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, à l’AFP, qualifiant de « grossier montage » la vidéo diffusée ces derniers jours sur les réseaux sociaux « pour accuser faussement les FARDC » (Forces armées de la RDC).
« Un major et un sous-officier sont poursuivis devant la Cour supérieure militaire de Mbuji-Mayi, pour des faits de violations des consignes, et pour extorsion des biens des civils lors d’une opération militaire à Mwanza Lomba », a-t-il ajouté.
Samedi 18 février, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo non authentifiée mettant en cause l’armée dans un massacre de civils au Kasaï, le gouvernement avait reconnu que des soldats congolais avaient pu commettre des « excès » en réprimant la rébellion Kamwina Nsapu, qui déstabilise cette région du centre du pays depuis septembre. Tout en évoquant, là encore, un « montage », les autorités avaient annoncé par voie de communiqué qu’un officier et un sous-officier répondaient « d’ores et déjà devant la justice militaire » de ces « excès » ou « abus », sans préciser devant quelle juridiction, ni les charges retenues contre eux.
La France et les États-Unis demandent une enquête
La France a par ailleurs demandé ce lundi 20 février au gouvernement congolais de faire « au plus vite la lumière » sur la vidéo en question. « Nous exhortons les autorités congolaises […] à identifier les responsables, qui devront répondre de leurs actes », détaille le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Romain Nadal, dans un communiqué.
La veille, le département d’État américain avait également appelé le gouvernement congolais à « lancer une enquête immédiate et complète, en collaboration avec les organisations internationales chargées de veiller au respect des droits de l’Homme » afin de faire la lumière sur les suspicions de « graves violations des droits de l’Homme ».
Au moins 20 morts au Kasaï oriental
D’une durée de plus de sept minutes, la vidéo semble avoir été tournée à l’aide d’un téléphone portable par un membre d’un groupe de huit soldats en treillis parlant lingala et swahili. Elle montre le petit détachement ouvrir un feu nourri sur un groupe de personnes à quelques dizaines de mètres, chantant en tshiluba (langue parlée au Kasaï) « Notre terre, notre terre ».
Les hommes en uniforme achèvent ensuite leurs victimes, parmi lesquelles trois femmes, et insultent les cadavres en se vantant que les « FARDC [sont] toujours au rendez-vous », tout en localisant la scène dans le village de Mwanza Lomba, au Kasaï oriental. La vidéo montre pas moins de vingt cadavres.
Plusieurs élus du Kasaï mettent en cause la responsabilité des autorités dans les violences qui secouent cette région du centre de la République démocratique du Congo, leur reprochant une mauvaise gestion de la crise et une réponse purement militaire.
« Il revient aux autorités à tous les niveaux, provincial et national, de trouver une solution à ce problème né de leur gestion du pouvoir coutumier », déclare à l’AFP le député de la majorité Ibrahim Ikulu.
« La solution à ce problème est politique et non militaire », estime son collègue de l’opposition Corneille Masuasua, ajoutant que « c’est très dangereux de s’appuyer sur le volet militaire » pour penser résoudre cette crise.
Partie du Kasaï-central en septembre 2016, les violences entre les forces de l’ordre et la milice de Kamwina Nsapu – chef coutumier tué le mois précédent dans une opération militaire après s’être révolté contre le pouvoir de Kinshasa – ont progressivement gagné le Kasaï-oriental et le Kasaï-occidental. Ces violences ont fait au moins 200 morts.
Pour le député d’opposition Claudel Lubaya, « le gouvernement est responsable de cette violence aveugle », les autorités ont « fait une erreur d’appréciation en tuant Kamwina Nsapu, ils ont fait imploser la région ».
Samedi, Kinshasa a reconnu que des soldats congolais avaient pu commettre des « excès » en réprimant cette rébellion après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo mettant en cause l’armée dans un massacre de civils.
Abondamment commentée, le gouvernement congolais a qualifié de « montage » destiné à salir les autorités et l’armée cette vidéo de sept minutes tournée en un plan séquence unique.
Barbarie
« Tous les excès et abus signalés (imputés à) des éléments des FARDC dans cette opération » ont été « pris en charge conformément au code pénal militaire dès la fin de cette opération l’année dernière », et un officier et un sous-officier « en répondent d’ores et déjà devant la justice militaire », affirme le gouvernement sans préciser la juridiction devant laquelle comparaissent les deux hommes, ni les charges retenues contre eux.
Kinshasa, qui n’avait jusque-là jamais communiqué sur ces poursuites, estime « tardive, inutile et malveillante » la « dénonciation par les réseaux sociaux » des crimes qu’elles visent à juger.
L’extension du conflit né de la mort de Kamwina Nsapu a été facilitée par un fort ressentiment de la population locale contre le pouvoir central et les autorités provinciales après une succession de nominations de personnes réputées proche de la majorité politique en remplacement de chefs décédés, au détriment de leur héritier naturel.
Enterré par les autorités sans respecter le rite traditionnel, Kamwina Nsapu est considéré comme toujours vivant par ses partisans. Plusieurs autres chefs coutumiers s’inquiètent d’une désacralisation des charges coutumières qui pourrait remettre en cause leur succession, les pouvoirs mystiques des chefs étant censés se transmettre à l’héritier au moment de l’enterrement.
Que les autorités « remettent le corps de Kamwina Nsapu » pour « des obsèques dignes » d’un chef coutumier et « que le président de la République demande la démission du gouverneur Alex Kande (et) ça va régler l’affaire qui est en train de pourrir pour rien », assure le député Masuasua.
M. Kande est le gouverneur de la province du Kasaï-central. Les partisans de Kamwina Nsapu le tiennent pour responsable de l’élimination de leur chef et exigent sa démission.
Après la diffusion de la vidéo, le député Lubaya « rend l’État congolais entièrement responsable de ces actes de barbarie » sur « un peuple dont le seul tort est son rejet du régime en place ».