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© Abidjan.net par DR
Blé Goudé devant le juge de première instance
Lundi 21 janvier 2013. Inculpé pour crimes de guerre, assassinats, atteinte à la sûreté de l’Etat et vols de deniers publics en réunion, Blé Goudé présenté au tribunal.
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ABIDJAN- L`arrestation, il y a une semaine, de Charles Blé Goudé, sulfureuse figure du régime de l`ex-président Laurent Gbagbo, relance en Côte d`Ivoire le lancinant débat sur la justice et la réconciliation, bientôt deux ans après une crise politico-militaire meurtrière.
Fin de cavale pour l`ex-« général de la rue », surnommé ainsi pour sa capacité de mobilisation durant la dernière décennie: arrêté le 17 janvier au Ghana, extradé dès le lendemain à Abidjan, il a été inculpé cette semaine par la justice ivoirienne de « crimes de guerre ».
Les quelques images diffusées par la télévision publique ont montré l`ancien chef des « jeunes patriotes » pro-Gbagbo, en fuite depuis la fin de la dernière crise, arrivant au tribunal menottes aux poignets, les traits tirés.
Une « grosse prise », commente pour l`AFP René Legré Hokou, président de la Ligue ivoirienne des droits de l`Homme (Lidho). Selon lui, cette inculpation « s`inscrit dans la logique des poursuites engagées contre les personnes soupçonnées de violations de droits de l`Homme ».
Sous sanctions de l`ONU depuis 2006, « Blé » était visé par un mandat d`arrêt international émis par Abidjan pour son implication présumée dans les violences postélectorales de décembre 2010-avril 2011, qui ont fait environ 3.000 morts. Il avait accédé aux premiers rôles dans le camp Gbagbo après 2002 comme fer de lance de manifestations, parfois violentes, contre l`ex-puissance coloniale française.
Le parti de l`ancien président, le Front populaire ivoirien (FPI), auquel n`a jamais appartenu le nouveau prisonnier, a condamné le sort fait à Charles Blé Goudé, le jugeant contraire aux engagements du régime d`Alassane Ouattara « d’aller à la paix et à la réconciliation ».
« Au moment où l`on recherche la décrispation à travers un dialogue avec le gouvernement, on ne peut pas faire de la répression », déplore le secrétaire général du parti, Richard Kodjo.
« Justice partiale »
Mais au final la réaction du FPI a été d`une modération remarquée: pas question de claquer la porte des négociations relancées la semaine dernière avec les autorités pour permettre la participation de l`opposition pro-Gbagbo aux prochaines élections locales.
Le président Ouattara soutient régulièrement que la réconciliation ne va pas sans « lutte contre l`impunité », alors que Laurent Gbagbo est détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI), qui le soupçonne de « crimes contre l`humanité », et que de nombreuses figures du régime déchu sont détenues en Côte d`Ivoire.
Cependant, après l`arrestation de Charles Blé Goudé, des défenseurs des droits de l`Homme ont de nouveau appelé la justice ivoirienne à poursuivre aussi les personnalités du camp Ouattara soupçonnées de graves crimes pendant la crise de 2010-2011.
« Pour qu`on aille à la réconciliation », « il ne faut pas donner l`impression » d`un « acharnement » sur le camp des vaincus, insiste le patron de la Lidho.
Pour Human Rights Watch (HRW), l`arrestation de l`ex-leader des « jeunes patriotes » – des « miliciens » qui « terrorisaient » les adversaires du pouvoir Gbagbo, selon l`ONG – est un pas vers la justice, mais il faut rompre avec une « justice partiale » s`exerçant aux seuls dépens des pro-Gbagbo.
Si, dans le quartier de Yopougon (ouest d`Abidjan), fief des « patriotes », aucune manifestation de rue n`a été signalée depuis la chute de Charles Blé Goudé, ses fidèles sont sonnés.
« Choqué », l`un de ses proches assure que l`intéressé était en « pourparlers secrets depuis des mois avec les autorités ivoiriennes ».
De quoi nourrir l`hypothèse, relayée par la presse locale, d`un « deal » entre le pouvoir et l`ex-ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo. Selon ce scénario, qui inspire le plus grand scepticisme à nombre d`observateurs, Charles Blé Goudé pourrait être rapidement jugé, condamné puis gracié, avant de revenir battre campagne pour la réconciliation.
« Drôle de +deal+, s`il en est! », réagit, incrédule, l`un de ses partisans.
AFP