Paris qualifie l’attaque contre la gare de Kramatorsk de « crime contre l’humanité ».

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a effectué un arrêt à Boutcha, vendredi, en Ukraine. Photo : Reuters/Valentyn Ogirenko
Pendant que les opérations de secours se poursuivaient à la gare de Kramatorsk, où deux roquettes russes se sont abattues sur des centaines de civils qui tentaient de fuir le Donbass, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, étaient de passage à Kiev.
Les leaders européens y ont rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky, vendredi, afin de lui démontrer leur soutien. Mme von der Leyen a d’abord fait un détour à Boutcha, où les experts en médecine légale commençaient à extraire des corps enterrés dans les fosses communes. Des dizaines d’Ukrainiens massacrés y ont été retrouvés la semaine dernière, après le départ des troupes russes.
L’impensable s’est produit ici
, a-t-elle déclaré. Nous avons vu la face cruelle de l’armée de [Vladimir] Poutine. Nous avons vu son irresponsabilité et son cynisme pendant l’occupation de la ville.
Les Ukrainiens défendent la frontière de l’Europe, défendent l’humanité, défendent la démocratie et nous les soutenons dans ce combat
, a-t-elle ajouté.
Manifestement ébranlée par ce qu’elle a vu à Boutcha, Mme von der Leyen a assuré que Bruxelles aiderait l’Ukraine à prendre les mesures nécessaires
pour qu’elle puisse adhérer à l’Union européenne.
La Russie va sombrer dans la décomposition économique, financière et technologique, tandis que l’Ukraine marche vers un avenir européen
, a affirmé la présidente de la Commission européenne.
Le chancelier autrichien Karl Nehammer se rendra à son tour à Boutcha, samedi, avant de rencontrer M. Zelensky.
Josep Borrell a de son côté condamné avec fermeté l’attaque aveugle de [vendredi] matin par la Russie
.
Cette nouvelle frappe russe a aussi été dénoncée par d’autres dirigeants européens. Les crimes de la Russie en Ukraine ne resteront pas impunis
, a averti le premier ministre britannique Boris Johnson lors d’une conférence de presse.
Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz étaient également consternés par les récents bombardements. Le chef de la diplomatique française, Jean-Yves Le Drian, est allé plus loin en qualifiant l’assaut de crime contre l’humanité
.
C’est sordide, un carnage de plus
, a-t-il lancé en entrevue à la chaîne de télévision France 5. Ces crimes ne pourront pas rester impunis.
Le temps presse
Plus tôt en journée, M. Zelensky a affirmé devant le Parlement finlandais que l’Ukraine ne pouvait pas attendre davantage de nouvelles armes occidentales et qu’elle avait besoin de sanctions puissantes
contre la Russie.
Pour défendre nos vies
, a-t-il lancé, nous avons besoin d’armes dont disposent certains de nos partenaires de l’Union européenne
.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de son récent passage à Boutcha Photo: AFP via Getty Images/Ronaldo Schemidt
La Slovaquie a répondu à son appel. En effet, le premier ministre slovaque Edouard Heger a annoncé que son pays avait fourni le système de défense aérienne S-300 à l’Ukraine pour la soutenir dans son effort de guerre contre la Russie.
Pour M. Heger, qui était aussi attendu à Kiev vendredi, ce don
est une réponse de son pays à une demande d’assistance formulée par l’Ukraine dans l’exercice de la légitime défense
, en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations unies.
Selon le premier ministre slovaque, ce système aidera à sauver autant d’Ukrainiens innocents que possible
face à l’agression du régime de Vladimir Poutine.
Le président américain Joe Biden, qui a qualifié d’horrible atrocité
l’assaut contre la gare de Kramatorsk, a salué le geste de la Slovaquie.
Boris Johnson a quant à lui annoncé la livraison d’équipements militaires de haute qualité
d’une valeur de 120 millions d’euros, dont des missiles antiaériens Starstreak et 800 missiles antichars.

Le chancelier allemand Olaf Scholz et le premier ministre britannique Boris Johnson veulent mettre fin à la dépendance de leurs pays au gaz russe. Photo: Getty Images/WPA Pool
Zelensky réclame un cocktail Molotov de sanctions
Autrement, les sanctions continuent de se multiplier en Europe face à la Russie.
Les transporteurs routiers russes et bélarusses ont été frappés d’une interdiction d’opérer dans l’Union européenne, jeudi. De nouvelles exportations ont aussi été interdites vers la Russie, notamment celles de biens de haute technologie, à hauteur de 10 milliards d’euros. La liste des produits russes interdits d’importation dans l’Union européenne a également été élargie à certaines matières premières et matériaux critiques
pour une valeur estimée de 5,5 milliards d’euros par an.
La Commission européenne a annoncé vendredi avoir déjà gelé 29,5 milliards d’euros d’avoirs russes et bélarusses. Ces actifs incluent des bateaux, des hélicoptères, des biens immobiliers et des œuvres d’art pour près de 6,7 milliards d’euros.
Pour sa part, le Royaume-Uni a imité Washington et Bruxelles en annonçant, vendredi, qu’il refusait l’accès à son territoire aux deux filles du président russe Vladimir Poutine et à celle du chef de la diplomatie Sergueï Lavrov.
Mais le président Zelensky réclame des mesures beaucoup plus sévères pour affaiblir la Russie.
Combien de temps l’Europe peut-elle ignorer un embargo sur le pétrole russe? Combien de temps?
s’est questionné le président ukrainien.
Dans le cadre de la cinquième série de sanctions contre Moscou, les représentants de l’Union européenne ont décidé, jeudi, de placer un embargo sur le charbon russe et de fermer les ports européens aux navires russes. Mais Kiev demande plus.
Nous avons besoin de sanctions puissantes et efficaces contre la Russie, des sanctions permanentes, un « cocktail de sanctions » dont on se souviendra comme les cocktails Molotov
, a indiqué M. Zelensky.
Deux dirigeants européens à Kiev
La présidente de la Commission européenne et le chef de la diplomatie de l’Union européenne sont arrivés à Kiev, capitale de l’Ukraine. Les deux dirigeants vont notamment rencontrer le président Zelensky, comme nous le dit notre envoyé spécial Sylvain Desjardins.
La dépendance énergétique des pays européens face à la Russie explique la réticence de certains à boycotter le gaz russe. L’idée commence toutefois à faire son chemin.
En effet, Londres a affirmé sa volonté de mettre fin dès cette année à tout achat de pétrole et de charbon russes. Elle a appelé les Européens à en faire plus pour atteindre cet objectif.
Nous ne pouvons pas transformer nos systèmes énergétiques du jour au lendemain, mais nous savons aussi que la guerre de Poutine ne va pas se terminer du jour au lendemain
, a assuré M. Johnson.
Nous faisons tout ce que nous pouvons et nous en faisons beaucoup
, a affirmé de son côté M. Scholz. Nous sommes assez optimistes sur le fait que nous allons nous débarrasser de la nécessité d’importer du gaz de Russie très prochainement.
Néanmoins, les sanctions occidentales à l’égard de Moscou ont un poids réel sur l’économie russe, comme le démontrent les données dévoilées par l’agence de statistiques Rosstat. En effet, l’inflation a atteint 16,7 % en Russie au mois de mars, une augmentation de 7,6 % depuis février.
Conséquence directe des sanctions occidentales, l’inflation devrait continuer d’augmenter en Russie. Des experts prévoient qu’elle atteindra 24 % d’ici l’été.
Le Donbass dans la mire de Moscou
Le président français Emmanuel Macron a qualifié d’abominable l’attaque de vendredi contre des civils à Kramatorsk. Il s’attend toutefois à d’autres violentes frappes dans les zones séparatistes du Donbass d’ici le 9 mai, qui est la date de l’anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie en 1945.
Pour la Russie, le 9 mai est une fête nationale, un rendez-vous militaire important, et il est à peu près sûr que, pour le président Poutine, le 9 mai doit être un jour de victoire
, a expliqué M. Macron.
Nous pensons aux victimes de Kramatorsk, de Boutcha, de Marioupol, de Kharkiv, a-t-il poursuivi. Partout en Ukraine, nous soutiendrons les enquêtes pour que la justice soit faite. Nous pensons aux familles qui continuent de fuir, nous les accueillerons dans notre Union, notre Union de paix.

Des réfugiés ukrainiens affluent à la gare de train de Przemysl, en Pologne. Photo: Getty Images/Jeff J MitchelI
Selon la dernière mise à jour du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), 4,38 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays depuis le début du conflit. La majeure partie d’entre eux ont trouvé refuge en Pologne, très solidaire de l’Ukraine.
À la fin mars, la Pologne a d’ailleurs expulsé 45 espions russes se faisant passer pour des diplomates
. Cette mesure fait preuve d’une volonté consciente de Varsovie de détruire définitivement les relations bilatérales
, a dénoncé la diplomatie russe.
En guise de représailles, la Russie a à son tour expulsé 45 diplomates polonais vendredi.
La Turquie veut des négociations
Les attaques ouvertes contre les civils en Ukraine compliquent grandement le retour à la table de négociations. C’est pourtant ce que cherche à faire la Turquie, qui veut relancer les pourparlers entre les dirigeants russes et ukrainiens.
Les images honteuses et inacceptables
des corps suppliciés dans les rues de Boutcha et d’Irpin, près de Kiev, ont éclipsé
les échanges diplomatiques, a reconnu jeudi le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu.
Il a aussi exprimé sa grande tristesse
à la suite de l’attaque sur la gare de Kramatorsk et a demandé l’ouverture urgente
de couloirs d’évacuation pour les civils.

Une attaque a visé la gare de trains de Kramatorsk, dans l’est de l’Ukraine, faisant des dizaines de morts. Photo : Getty Images/Herve Bar
Malgré tout, Ankara assure que les deux pays sont toujours disposés
à se réunir – et la Turquie à les accueillir – pour avancer vers une solution au conflit.
La Russie et l’Ukraine sont d’accord pour tenir des pourparlers en Turquie, mais elles restent loin de s’accorder sur un texte commun
, a confirmé vendredi un responsable turc de haut niveau qui a refusé d’être nommé.
La dernière session de pourparlers directs s’est tenue le 29 mars à Istanbul et avait permis aux deux parties de discuter des questions les plus sensibles
, a-t-il souligné, parmi lesquelles la neutralité
de l’Ukraine.
Radio-Canada avec les informations de Agence France-Presse et Reuters