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Liberia : Prince Johnson et les sanctions indolores de Washington

décembre 14, 2021
Prince Johnson, à Monrovia, au Liberia, le 26 octobre 2017. © AHMED JALLANZO/EPA/MAXPPP

Le Trésor américain a annoncé avoir pris des sanctions contre Prince Johnson, accusé de corruption. L’ancien chef de guerre est aujourd’hui l’un des hommes politiques les plus puissants du pays, et il y a peu de chances pour qu’il soit un jour poursuivi au Liberia.

S’il est aujourd’hui sénateur, Prince Johnson est surtout connu pour être un ancien – et redoutable – chef de guerre, qui dirigea l’Independent National Patriotic Front of Liberia (INPFL), l’une des principales factions armées active pendant la première guerre civile. Une fois la paix revenue, il a fait le pari de se lancer en politique, en se présentant aux élections sénatoriales en 2005. Il est parvenu à se faire élire et a depuis conservé son siège de sénateur.

Pourquoi est-il sanctionné aujourd’hui ? Dans son communiqué, le Trésor américain affirme que Prince Johnson a développé un système de corruption et de blanchiment d’argent « avec des ministères et des organisations gouvernementales à des fins d’enrichissement personnel ». Il est également accusé d’avoir tout bonnement proposé de vendre des suffrages à ceux qui en avaient besoin lors des différentes élections et d’avoir reçu un salaire du gouvernement en tant que source de renseignements, alors même qu’il ne lui en fournissait pas. « Johnson [est] payé pour maintenir la stabilité intérieure », en conclut le Trésor américain.

Graves violations des droits de l’homme

Les sanctions annoncées le 9 décembre comprennent le gel des propriétés, des intérêts immobiliers et des entités appartenant (directement ou indirectement) à Prince Johnson aux États-Unis. En réponse, l’intéressé a déclaré que « les allégations formulées à son encontre [étaient] vagues et [n’étaient] étayées par aucun fait suggérant [qu’il a] été impliqué dans des affaires de corruption ». Il demande donc au gouvernement américain de fournir les preuves de ce qu’il avance.

En mai 2021, l’ambassade des États-Unis au Liberia avait condamné l’élection de Prince Johnson à la tête de la Commission défense et renseignement du Sénat. Elle avait aussi annoncé qu’elle refusait de travailler avec cet ancien chef de guerre accusé de graves violations des droits de l’homme pendant la guerre civile au Liberia. À la suite de cet épisode, Prince Johnson avait démissionné de son poste.

Au Liberia, de nombreux rapports font état de faits de corruption liés au gouvernement ou à des fonctionnaires. La confiance du public envers l’État et ses agences de lutte contre la corruption est également très faible. Selon le rapport 2021 sur l’état de la corruption du Centre pour la transparence et la responsabilité au Liberia (CENTAL, en anglais), neuf personnes sur dix pensent que la corruption est élevée au Liberia, et les deux tiers des personnes interrogées pensent que le gouvernement ne fait rien pour y remédier. De fait, le président George Weah a beau avoir promis qu’il lutterait contre ce fléau au plus haut niveau, la plupart des individus mentionnés dans les rapports ont échappé aux poursuites.

Tout ceci est en partie dû à la non-application des lois, même si le président de la Commission anti-corruption du Liberia (LACC en anglais) défend son bilan et rappelle qu’elle n’a pas le pouvoir d’engager des poursuites judiciaires.

Influence

Il y a peu de chances que Prince Johnson soit poursuivi ou ait à subir les conséquences de sanctions décidées à Washington. En 2020, le Trésor américain avait en effet sanctionné un autre sénateur libérien, Varney Sherman, lui aussi accusé de corruption. Mais l’intéressé n’a jamais été poursuivi et a conservé son poste.

LES AUTRES FERONT DÉSORMAIS ATTENTION À CE QU’ILS FONT. JE NE DIS PAS QU’ILS NE SERONT PLUS CORROMPUS, MAIS QU’ILS NE LE SERONT PLUS DE MANIÈRE ÉHONTÉE

Sénateur du comté de Nimba, l’un des plus peuplés du Liberia, Prince Johnson demeure très influent dans le pays. Il est surnommé « le faiseur de roi ». C’est en effet le soutien qu’il a apporté à l’un ou l’autre des candidats au second tour des trois dernières élections qui leur a permis d’être élus à la magistrature suprême. Aujourd’hui, il est un allié clé de George Weah. En contrepartie, la formation au pouvoir ne présente plus de candidats face à lui dans le comté de Nimba.

« Je ne suis pas sûr de la différence que ces sanctions feront pour le capital politique de Johnson au niveau local, résume Ibrahim Nyei, chercheur et analyste politique libérien. Il a l’intention de se représenter au Sénat en 2023 [des sénatoriales et une présidentielle auront lieu cette année-là] et il est probable qu’il remportera le scrutin. » Selon lui, l’annonce du Trésor américain a néanmoins le mérite d’envoyer « un message aux autres politiciens corrompus. D’abord Varney Sherman, maintenant Johnson ». « Les autres feront désormais attention à ce qu’ils font, espère-t-il. Je ne dis pas qu’ils ne seront plus corrompus, mais qu’ils ne le seront plus de manière éhontée. »

Par Jeune Afrique – avec Dounard Bondo, pour The Africa Report

Liberia : le garde du corps de George Weah s’est-il vraiment suicidé ?

mai 15, 2021
Le président libérien George Weah durant le 30ème sommet annuel de l’Union africaine, le 28 janvier 2018.

La mort mystérieuse d’un membre de la garde rapprochée du président libérien George Weah alimente un climat déjà tendu dans le pays.

Depuis son élection, le 26 décembre 2017, il se trouve de moins en moins de personnes pour parler de l’ambitieux programme social, le « Pro Poor Agenda » (programme pour les pauvres), de l’ancienne star du football Georges Weah. De plus en plus critiqué, celui qui avait suscité l’espoir lors de sa prise de pouvoir est aujourd’hui comparé à Samuel Kanyon Doe, dont le régime brutal avait précédé la guerre civile à la fin des années 1980.

Devient-il dangereux de critiquer le président libérien ? La mort de Melvin Early, membre de la garde rapprochée du chef de l’État, vient en tout cas alimenter les inquiétudes. Ce garde du corps de George Weah s’est officiellement suicidé le 19 février dernier, à proximité de la maison où séjournait le chef de l’État à Tappita, dans le comté Nimba (Nord).

Milice secrète ?

Il s’avère toutefois que Melvin Early était suspecté de déloyauté au sein du cercle présidentiel. Sa mort est-elle due à un suicide, comme l’a affirmé le gouvernement ? Sa famille ne croit pas une seconde à cette thèse : selon ses proches, Melvin Early aurait été touché par trois balles : une à l’abdomen, une à la poitrine et la dernière à la tête.Read this article in english on 

Les doutes se font d’autant plus grands que le garde du corps ne serait pas le premier à avoir subi les conséquences d’une éventuelle défiance envers le président. En janvier 2020, des gardes du président avaient brutalement attaqué le journaliste Zenu Koboi Miller, mort des suites de ses blessures trois semaines plus tard. Depuis, les médias libériens, traditionnellement critiques vis-à-vis du pouvoir, semblent être moins prompt à tacler le régime en place.

En octobre 2020, quatre experts réalisant une mission d’audit des comptes du gouvernement sont morts, dans des circonstances étranges. Selon Africa Confidential, « beaucoup de Libériens pensent qu’il existe une milice secrète pour intimider ou éliminer les adversaires du président ».

Manque de confiance

Le 30 mars, le département d’État des États-Unis indexait le Liberia pour « des atteintes sérieuses aux droits humains », citant notamment « des restrictions à la liberté de la presse, dont des actes ou des menaces de violence contre les journalistes ». Le rapport américain condamnait également « des exécutions extra-judiciaires par la police » ainsi que des « cas de traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants de la part des forces de l’ordre ».

« Weah est dépeint par ses détracteurs comme une personne confuse, souffrant d’un manque de confiance en elle. La moindre offense, réelle ou perçue comme telle, provoque chez lui colère et menace », à la différence de sa prédécesseure Ellen Johnson Sirleaf, selon Africa Confidential.

Avec Jeune Afrique par The Africa Report

Antoinette Sayeh, deuxième Africaine numéro deux du FMI après Ouattara

février 26, 2020

Antoinette Sayeh, en 2009

Antoinette Sayeh, en 2009 © IMF Staff Photo/Robert Giroux (CC)

 

Antoinette Sayeh, ancienne ministre des Finances du Liberia, devient directrice générale adjointe du Fonds monétaire international. Elle secondera la Bulgare Kristalina Georgieva, directrice générale de l’institution internationale depuis le mois de décembre dernier.

Antoinette Sayeh, 62 ans, rejoindra l’équipe de directeurs généraux adjoints qui épaulent Kristalina Georgieva dans ses missions à la tête de FMI, à compter du 16 mars, après le feu vert du conseil d’administration.

Kristalina Georgieva salue, à l’occasion de la nomination, les huit années passées à la tête du département Afrique du FMI par Antoinette Sayeh (2008-2016). À ce titre, la Libérienne a mené une « transformation en profondeur de la relation entre le FMI et nos pays membres africains », décrit Kristalina Georgieva. Elle était alors devenue la première femme à diriger ce département.

Confrontée à des dysfonctionnements au sein de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), elle a notamment dû gérer la crise entre le FMI et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, ou encore suspendre toute aide du FMI au Mozambique, pris sur le fait de dissimulation de dette à hauteur d’un milliard de dollars.

Antoinette Sayeh était également en première ligne pour réagir aux conséquences économiques de l’épidémie d’Ebola en 2014, après avoir mené une croisade contre les subventions aux produits énergétiques et agricoles.

Retour au FMI

Dès 2010, Antoinette Sayeh confiait à Jeune Afrique sentir le tropisme africain de Dominique Strauss-Kahn, devenu entre temps conseiller économique de nombreux États africains.

Inquiète du péril du chômage de masse en Afrique, Antoinette Sayeh n’oublie pas la relation entre les politiques budgétaires et les efforts de lutte contre la pauvreté.

Après une parenthèse de quatre ans, au cours de laquelle l’ancienne ministre des Finances du Liberia (2006-2008) est chercheuse invitée au Centre de recherches pour le développement international au Canada, associé aux travaux de la Banque mondiale, elle revient donc dans les bureaux du FMI.

Un pied au Liberia, un à Washington

Le va-et-vient entre les institutions publiques libériennes et les institutions multilatérales lui est familier : après un début de carrière en tant que fonctionnaire aux ministères des Finances et de la Planification du Liberia, elle avait ensuite passé 17 ans à différents postes à responsabilités au sein de la Banque mondiale.

Désormais si près du sommet du FMI qu’un Africain puisse être (la direction de l’institution revenant par coutume à un Européen), Antoinette Sayeh, titulaire d’une licence en économie et d’un doctorat en relations économiques internationales obtenues dans des universités américaines, emboîte le pas à Alassane Ouattara, DGA de l’organisation de 1994 à 1999.

Avec Jeuneafrique par Anthony Drugeon

George Weah face aux caisses vides du Liberia

février 9, 2018

 

George Weah, lors de son investiture le 22 janvier 2018 à Monrovia. © Abbas Dulleh/AP/SIPA

Investi président du Liberia le 22 janvier, George Weah se retrouve à la tête d’un pays qui manque de fonds.

Selon l’entourage du président libérien, 75 millions de dollars sont nécessaires de façon urgente afin de pouvoir payer les salaires des fonctionnaires des trois premiers mois de l’année.

Contacts pris avec le FMI et la Banque mondiale

Plusieurs pays, dont la France où l’ancien attaquant doit rencontrer son homologue le 21 février, doivent être sollicités. Des contacts avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont en outre été immédiatement établis.

Le 6 février, une délégation de la Banque mondiale, conduite par son responsable régional Henry Kerali, s’est ainsi entretenu avec Jewel Award-Taylor, la vice-présidente.

Face aux espoirs, George Weah a commencé son mandat de six ans avec l’annonce de plusieurs mesures symboliques. Lors de son premier discours sur l’État de l’union, fin janvier, il a annoncé une baisse « avec effet immédiat » de 25% de son salaire et appelé les parlementaires devant lesquels il s’exprimait à suivre son exemple.

Pour attirer les investisseurs, il a également annoncé la suppression de plusieurs dispositions constitutionnelles, notamment l’interdiction pour les étrangers de posséder des biens fonciers.

L’ancien footballeur a été élu le 26 décembre avec 61% des voix, notamment grâce aux suffrages des jeunes et des quartiers populaires de Monrovia, d’où il est originaire.

Liberia: George Weah et le manoir hanté

février 2, 2018

 

George Weah ©

Le nouveau président du Liberia a décidé de ne pas s’installer dans le palais présidentiel. Il faut dire qu’une superstition veut que le lieu soit hanté…

Investi à la tête du Liberia le 22 janvier, George Weah ne s’est pas installé au palais présidentiel. Il partagera son temps entre sa résidence privée de Rehab Junction, où il a fait construire une annexe, et le ministère des Affaires étrangères, où Ellen Johnson-Sirleaf, son prédécesseur, avait déjà installé son bureau. Il a d’ailleurs engagé plusieurs milliers de dollars de frais de rénovation.

Le nouveau chef de l’État n’est pas insensible à la superstition qui veut qu’Executive Mansion soit hanté. Tous les présidents y ayant élu domicile ont connu une fin tragique. William Tubman y a succombé à une maladie (attribuée à une prophétie macabre). L’idée de malédiction s’est enracinée avec l’assassinat de William Tolbert, éventré par les soldats de Samuel Doe. Ce dernier y est mort en 1990, torturé par Prince Johnson. Et si Charles Taylor est toujours en vie, il a été condamné à cinquante ans de prison.

À son arrivée au pouvoir, en 2006, Ellen Johnson-Sirleaf a travaillé quelques mois à Mansion avant de profiter d’un incendie pour fuir les lieux. Depuis, une rénovation est en cours. Elle a été retirée au chinois CNQC en 2014 après que 10,5 millions de dollars se sont évaporés. L’italien Cesaf a pris le relais.

Jeuneafrique.com

Liberia: George Weah pourvoit les postes clés de son gouvernement

janvier 23, 2018

George Weah, lors de son investiture le 22 janvier 2018 à Monrovia. © Abbas Dulleh/AP/SIPA

Au lendemain de son investiture, ce lundi 22 janvier, le nouveau président libérien a nommé les premiers membres de son cabinet. Gbezohngar Findley, ancien proche de l’ex-présidente, devient ministre des Affaires étrangères.

George Weah sait que les attentes sont à la hauteur des espoirs suscités par son élection. Il sait qu’il doit aller vite. Moins de 24 heures après son investiture, la superstar libérienne a nommé les premiers membres de son cabinet. « Il fallait immédiatement pourvoir les postes clés, d’autres nominations suivront dans les prochains jours », confie un de ses conseillers.

Son nom circulait avec insistance depuis plusieurs jours : Nathaniel McGill, le président du parti présidentiel, le Congress for Democratic Change (CDC), depuis 2015, a été nommé ministre d’État en charge des affaires présidentielles. Il jouera le rôle de directeur de cabinet du nouveau chef d’État.

Gbezohngar Findley aux Affaires étrangères

Aux Affaires étrangères, c’est une autre figure de la politique libérienne qui a été nommée : Gbezohngar Findley est ancien sénateur du comté de Grand Bassa. Proche d’Ellen Johnson Sirleaf, il a quitté avec fracas en août dernier le Unity party (UP), celui de l’ex-présidente, pour rejoindre l’équipe de George Weah. Ce changement de bord avait alimenté les rumeurs sur le rôle trouble de Sirleaf pendant la campagne. Celle-ci a été soupçonnée de préférer ses opposants à son vice-président, Joseph Boakai, candidat de l’UP.

Samuel Tweah, un des piliers du CDC depuis la première campagne présidentielle de 2005, formé aux États-Unis et passé par la BAD, a lui été nommé ministre des Finances et du développement. Charles Gibson prend le portefeuille de la Justice, Lenn Eugene Nagbe est nommé au ministère de l’Éducation et George Werner aux Affaires intérieures.

Des postes sécuritaires à confirmer

Deux nominations, qui devront être confirmées par un vote du Sénat, ont eu lieu à des postes sécuritaires. Dans ce pays marqué par une sanglante guerre civile entre 1989 et 2003, le ministère de la Défense a été confié à Daniel Dee Ziankahn, l’ancien chef d’État-Major. Celui-ci est remplacé par le Général Prince Charles Johnson, qui, malgré l’homonymie, ne doit pas être confondu avec le sénateur Prince Johnson. Sanglant chef de milice, ce dernier est connu pour avoir assassiné l’ancien président Samuel Doe en 1990. Désormais sénateur, il a apporté un soutien crucial à George Weah pendant la campagne. Selon nos informations, deux postes ministériels doivent revenir à son parti.

Dans les prochains jours, le cabinet du président devrait continuer à s’organiser. Pour sa première visite à l’étranger dans un costume de chef d’État, George Weah se rendra à Addis-Abeba, où il participera au sommet de l’Union africaine qui s’ouvrira lundi 29 janvier.

Jeuneafrique.com par

George Weah investi président du Liberia devant des dizaines de milliers de personnes

janvier 22, 2018

George Weah, nouveau président du Liberia, aux côtés de Ellen Johnson Sirleaf, le lundi 22 janvier, quelques minutes avant sa prestation de serment. © REUTERS/Thierry Gouegnon

L’ancien footballeur a prêté serment ce 22 janvier devant plus de 35 000 personnes et une dizaine de chefs d’État. Plusieurs heures avant la cérémonie officielle, le stade Samuel Kanyon Doe est plein.

Le nouveau président du Liberia a officiellement pris ses fonctions ce lundi, en présence de Ellen Johnson Sirleaf. Cette première passation de pouvoirs entre deux présidents élus dans ce pays depuis 1944 s’est déroulée devant une foule en liesse.

Deux heures avant de la cérémonie, le stade était déjà quasiment plein. Dehors, des milliers de personnes faisaient la queue, sur plusieurs kilomètres, espérant toujours entrer. Ses premiers pas de président, George Weah les a fait sur un terrain qu’il connaît bien : c’est dans le stade Samuel Kanyon Doe, celui-là même dans lequel joue l’équipe nationale de football, que l’ancien attaquant va définitivement abandonner son maillot de joueur star pour le costume de chef d’État.

Passation de pouvoir pacifique

Après deux tentatives manquées (en 2005 il était candidat à la présidence et en 2011 à la vice-présidence), la troisième fois a été la bonne pour l’ancien footballeur, qui a été élu le 26 décembre avec 61,5% des voix.

La « femme la plus patriotique du Liberia », quelques minutes avant l’investiture de George Weah à Monrovia. © Anna Sylvestre-Treiner pour Jeune Afrique

 

Le moment est historique, car c’est la première fois qu’une passation de pouvoir pacifique a lieu dans ce pays marqué par quinze années de guerre civile, entre 1989 et 2003. Autour de George Weah et de la vice-présidente Jewel Howard-Taylor, on attend la présidente sortante, Ellen Johnson Sirleaf, mais aussi son vice-président, le candidat battu au second tour de la présidentielle, Joseph Boakai.

Plusieurs chefs d’États présents

Pour l’occasion, de nombreux chefs d’États étrangers étaient présents. Alpha Condé, le président guinéen et président en exercice de l’Union africaine, Alassane Ouattara, le président ivoirien, le Sierra-léonais Ernest Bai Koroma, Roch Marc Christian Kaboré, du Burkina Faso, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, le président nigérien Mahamadou Issoufou, le Congolais Denis Sassou Nguesso, mais aussi le Gabonais Ali Bongo et le Sénégalais Macky Sall, deux chefs d’Etat dont George Weah est particulièrement proche. À leur côtés, des figures du ballon rond seront eux aussi présents, comme l’international camerounais Samuel Eto’o.

Depuis plusieurs jours, une certaine effervescence règne à Monrovia, où les hôtels affichent complet. Dans la capitale, tous se sont préparés à cette passation de pouvoir. T-shirt, casquettes, pagnes, beaucoup beaucoup ont investi quelques dollars libériens dans des gadgets.

D’autres arborent la nouvelle coupe en vogue : celle du nouveau président, cheveux rasés et barbe naissante. Sur les artères principales, des portraits de George Weah ont été dressés. « Congratulations Mr. President, Thank You Mama Ellen ! », est-il écrit en grosses lettres sur le boulevard Tubman, qui traverse la capitale.

L’ancien chef de guerre Prince Johnson, soutient de Weah à la présidentielle, lors de l’investiture du nouveau président du Liberia. © Anna Sylvestre-Treiner pour Jeune Afrique

 

Nombreux défis

Prix Nobel de la paix en 2011 et première femme chef d’Etat en Afrique, Ellen Johnson Sirleaf quitte la présidence en étant parvenue à maintenir la paix. Si elle bénéficie d’une très bonne image à l’international, elle est plus contestée dans un pays où la frustration est importante face au manque de développement économique et à la corruption endémique.

Manque d’infrastructures, chômage élevé, système de santé et d’éducation défaillants… les attentes des Libériens sont immenses. Et les défis tout aussi important pour le gamin des bidonvilles qui, ce lundi, devient le nouveau président du pays.

Jeuneafrique.com par – à Monrovia

Jewel Howard-Taylor: une femme aussi controversée que puissante à la vice-présidence du Liberia

décembre 29, 2017
Jewel Howard-Taylor et son ancien mari, le 11 août 2003. © AP/SIPA

Alors que George Weah a été largement élu président du Liberia, c’est l’ancienne femme de Charles Taylor qui accède à la vice-présidence. Une alliance stratégique mais qui interroge.

C’est un nom associé aux heures les plus sombres de l’histoire du Liberia. Avec l’élection de George Weah, un « Taylor » revient à une des plus hautes fonctions de l’État. Ou plus exactement une Taylor : à 54 ans, l’ancienne épouse de Charles Taylor va devenir la prochaine vice-présidente du pays. Une femme d’influence qui a joué un rôle majeur dans la victoire de l’ancien footballeur.

L’une des photos les plus célèbres de cette fine politique montre Jewel Howard-Taylor tout de blanc vêtue, aux côtés de Charles Taylor. Voile dans les cheveux, collier de perles autour du cou, elle célèbre son mariage. Le cliché date de 1997, son époux s’apprête à prendre la tête du pays, après huit ans passés à mener une guerre sanglante.

Marquée par le passé trouble de Charles Taylor

Charles et Jewel se sont rencontrés dans les années 1980. Il dirige alors l’Agence des services généraux, elle est encore étudiante à l’université de Monrovia. Mais très vite, ils sont séparés. Accusé de détournement de fonds par le régime de Samuel Doe, Charles Taylor s’exile en 1984 aux États-Unis. Jewel Howard traverse à son tour l’Atlantique quelques mois plus tard, mais son compagnon a déjà fui de la prison de haute sécurité de Boston, après une rocambolesque évasion. La jeune femme décide néanmoins de rester aux États-Unis, où pendant une dizaine d’années elle étudie la finance. Au Liberia, Charles Taylor a alors pris la tête du Front national patriotique du Liberia (NPFL), dont les troupes commettent les pires atrocités pendant la guerre.

Un passé qui jette aujourd’hui le trouble sur Jewel Howard-Taylor et que la future vice-présidente tente de faire oublier. « Pendant la crise, je n’étais pas dans le pays. J’étais loin, je faisais mes études. Je n’étais pas là, alors comment peut-on dire que j’étais impliquée dans la guerre ? », a-t-elle ainsi déclaré sur la chaîne de télévision Al-Jazeera pendant la campagne présidentielle. Jewel Howard-Taylor ne rentre au Liberia qu’en 1996, après les accords de paix d’Abuja. Mais un an plus tard, alors que Charles Taylor accède à la présidence du pays, elle ne reste pas en coulisse. La première dame occupe plusieurs fonctions officielles, elle devient notamment gouverneur adjointe de la banque centrale du pays et joue un rôle de conseillère auprès de son mari.

Début de sa propre carrière politique

En 2006, elle divorce de Charles Taylor et assure prendre ses distances avec l’ancien président. Pourtant, elle ne reconnaîtra jamais les crimes commis par son mari. « Je ne vois toujours pas comment il pourrait être tenu responsable de ces exactions, commises par différents groupes armés », avait-elle ainsi déclaré, en 2012, au moment de la condamnation de Charles Taylor à 50 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Sierra-Leone.

Jewel Howard-Taylor lance alors sa propre carrière politique. Élue sénatrice en 2006 dans le comté de Bong, le troisième plus peuplé du pays, sous les couleurs du parti national patriotique (NPP), elle devient peu à peu un personnage incontournable. En 2012, elle manque ainsi d’une seule voix la présidence de la Chambre haute. La même année, elle porte une loi controversée criminalisant l’homosexualité. Le texte prévoit que les comportements homosexuels soient passibles de la peine capitale. Il ne sera finalement pas adopté.

Le ticket gagnant : s’allier à George Weah

Figure de premier plan de la vie politique libérienne, elle se prend alors à rêver du palais présidentiel. Finalement, elle décide de s’allier à George Weah pour l’élection de 2017 en prétendant au poste de vice-président. Un ticket gagnant. Jewel Johnson-Sirleaf a notamment permis à l’ancien footballeur de s’assurer les votes des anciens partisans de Charles Taylor et du comté de Bong, où il a recueilli 70% des voix, selon les résultats provisoires publiés par la commission électorale le 28 décembre.

Pendant la campagne, Jewel Howard-Taylor a joué un rôle majeur. Dans l’entre-deux-tours, alors que des craintes émergeaient face au report de sept semaines du second tour, elle s’était notamment entretenue avec de nombreuses délégations étrangères et des diplomates. Certaines sources estiment désormais que cette femme pourrait être le cerveau de la présidence Weah.

Jeuneafrique.com

La Libérienne Ellen Sirleaf, un bilan en demi-teinte au moment de passer la main

décembre 29, 2017

La présidente du Libéria le 12 octobre 2017 à Monrovia, la capitale du pays / © AFP/Archives / ISSOUF SANOGO

La Libérienne Ellen Johnson Sirleaf était entrée dans l’Histoire en devenant en 2005 la première présidente élue du Liberia et d’Afrique, avant d’obtenir le prix Nobel de la paix 2011, mais elle passera la main en janvier à George Weah loin des espoirs suscités il y a douze ans.

Après deux mandats de six ans, Mme Sirleaf, 79 ans, peut se targuer d’avoir maintenu la paix dans un pays dévasté par des guerres civiles particulièrement atroces ayant fait quelque 250.000 morts entre 1989 et 2003.

Le 22 janvier, elle présidera également à la première transition démocratique du pouvoir au Liberia depuis 1944 lorsque l’ancien footballeur de Monaco, du PSG et du Milan AC prêtera serment, après un second tour dont le déroulement pacifique a été salué à travers le monde.

Mais sur le plan des réformes économiques et sociales, son bilan est moins brillant, le pays restant l’un des plus pauvres au monde malgré d’importantes ressources de minerai de fer, caoutchouc et huile de palme.

« Quand elle est arrivée au pouvoir, les attentes étaient tellement grandes qu’il était tout simplement impossible qu’elle les remplisse, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas essayé », estime le professeur de sciences politiques libérien Emmanuel Nimely.

Réélue en 2011, l’année où elle a reçu le prix Nobel de la Paix, Mme Sirleaf a vu son pays entrer en récession en 2016 sous l’effet de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest et de la chute des cours des matières premières.

Jeudi, elle a pris la décision de supprimer les bonus pour les managers d’entreprises publiques « en raison de la situation économique ».

« Son second mandat a aussi été marqué par le retour d’un grand nombre de gens de la diaspora pour trouver du travail, tandis que les gens qualifiés ne trouvaient pas de boulot », souligne M. Nimely, interrogé par l’AFP.

« Cela a dressé énormément de gens contre le régime, en particulier chez les jeunes, qui se sont tournés vers George Weah et espèrent qu’il réalisera ce qu’elle n’a pas pu faire », ajoute le politologue.

En 2011, son prix Nobel avait été salué dans le monde, mais avait suscité des réactions mitigées dans son pays, son principal opposant de l’époque Winston Tubman –sur le ticket duquel se présentait George Weah, après avoir été battu par Mme Sirleaf pour le poste de président en 2005– l’ayant estimée « inacceptable », « non méritée » et « provocante » en pleine compétition électorale.

– Destin écrit –

Née Ellen Euphemia Johnson le 29 octobre 1938, cette femme au teint clair qui affectionne tenues et coiffes traditionnelles africaines, raconte dans ses mémoires qu’on lui avait prédit un destin de dirigeante.

Quelques jours après sa naissance, un vieil homme a dit à sa mère: « Oh, Martha, cet enfant sera important. Cet enfant va diriger ».

Mme Sirleaf avoue avoir eu du mal à croire cette prédiction jusqu’à l’âge adulte. « Je regardais tous mes amis aller au collège à l’étranger tandis que je restais à la maison à Monrovia, prisonnière d’un mari violent, avec quatre jeunes fils, et aucune perspective d’avenir », écrit celle qui a divorcé de son mari, aujourd’hui décédé, et a onze petits-enfants.

Candidate malheureuse face à Charles Taylor à la présidentielle de 1997, elle est devenue en 2005 le 24e chef de l’Etat libérien et la première présidente élue d’Afrique.

Dès son investiture en 2006, cette économiste, ex-haut fonctionnaire internationale et ex-ministre des Finances a entrepris une opération de charme auprès des institutions financières internationales qui la connaissent bien, ce qui lui a permis en partie d’effacer la dette et d’attirer les investisseurs.

La lutte contre la corruption et en faveur de profondes réformes institutionnelles a toujours été au coeur de son action politique, ce qui lui a valu son surnom de « Dame de fer » et d’être envoyée deux fois en prison dans les années 1980 sous le régime de Samuel Doe.

Mais son bilan n’a pas aidé son vice-président pendant 12 ans, Joseph Boakai. Les deux ont pris leurs distances, alors qu’Ellen Sirleaf s’est montrée avec George Weah quelques jours avant le second tour.

Pour le quotidien libérien FrontPage Afrique, au final, les « valises » du régime Sirleaf étaient trop lourdes à porter pour Joseph Boakai.

« Aux yeux de beaucoup, le népotisme, la corruption, la gabegie et un système éducatif défaillant ont plombé le bilan du gouvernement », analysait vendredi le journal.

Romandie.com avec(©AFP / 29 décembre 2017 18h05)

Le président français félicite Weah pour son élection et l’invite en France

décembre 29, 2017

Paris – Le président français Emmanuel Macron a félicité sur Twitter l’ancien footballeur George Weah « pour sa brillante élection » à la présidence du Liberia, avant de s’entretenir avec lui vendredi par téléphone pour l’inviter en France, selon la présidence française.

« Félicitations à George Weah pour sa brillante élection et à l’ensemble du peuple libérien pour le chemin parcouru vers la paix et la réconciliation. Congrats Mister George », a écrit le chef de l’État dans un tweet en français, doublé d’un message en anglais.

Un peu plus tard, le président français a appelé son nouvel homologue pour le féliciter directement et « l’assurer de son soutien », en soulignant « la place particulière qu’il avait conservée dans le coeur des Français », a indiqué son entourage.

« Tous deux ont partagé le souhait de développer davantage les liens entre la France et le Liberia » et Emmanuel Macron a invité George Weah « à se rendre en France, ce que le nouveau président du Liberia a accepté », a ajouté l’Élysée.

Au second tour de la présidentielle, George Weah a recueilli 61,5% des suffrages, contre 38,5% pour son adversaire, le vice-président Joseph Boakai, selon des résultats officiels portant sur plus de 98% des suffrages annoncés en début de soirée jeudi, 48 heures après la fermeture des bureaux de vote.

Attaquant star de Monaco, du PSG et du Milan AC dans les années 1990, George Weah doit prêter serment le 22 janvier, marquant ainsi la première transition démocratique depuis plus de 70 ans dans ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest.

Romandie.com avec (©AFP / 29 décembre 2017 14h05)