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Soixante ans après le livre de René Dumont, l’Afrique reste à quai

février 18, 2023

Au lendemain des indépendances africaines, le pionnier français de l’écologie politique publiait un livre dans lequel il dressait un diagnostic sombre de l’avenir du continent. Six décennies plus tard, à bien des égards, ses conclusions demeurent d’actualité.

Des élèves dans la cour de l’Institut technique et commercial (ITC), à Kinshasa, le 10 août 2020. © Arsene Mpiana/AFP

En 1962, l’agronome français René Dumont publie L’Afrique noire est mal partie. Si l’auteur est bienveillant, il délivre néanmoins un réquisitoire méthodique sévère sur l’Afrique subsaharienne, condamnée au sous-développement par ses élites. Dans son diagnostic, il déplore l’absence de politiques agricole et éducative, et dénonce le poids de la corruption et du népotisme qui érodent les ressorts de la prospérité.

Ses réflexions provoqueront un scandale, tant la voix de René Dumont est à contre-courant de l’euphorie post-coloniale dominante à l’époque, qui prédisait un avenir radieux au continent africain. Le débat sera tranché par la suite, les analyses de Dumont s’avérant prophétiques et, plus d’un demi-siècle plus tard, elles sonnent toujours aussi juste.

Potentiel étourdissant

La première partie de l’ouvrage est consacrée à l’agriculture, caractérisée aujourd’hui par le sous-investissement et l’inadéquation des systèmes. Les rendements pâtissent des moyens rudimentaires, la moitié des productions vivrières est perdue, le cacao, le café, le coton occupent des masses d’agriculteurs pour un maigre revenu qui les détournent pourtant de cultures indispensables pour l’assiette.

Si le continent détient la majorité des terres arables inexploitées du globe, le secteur agricole ne réalise pas les performances que l’on est en droit d’espérer de lui au regard de son potentiel étourdissant. Dans l’alimentation, le recours aux importations est prépondérant, pour une facture annuelle dépassant les 50 milliards de dollars. Un phénomène d’autant plus surprenant que la région, en plus des terres, dispose d’une jeunesse abondante et désœuvrée.

La situation n’est guère plus réjouissante avec l’éducation, elle aussi dans le viseur de René Dumont. En dépit d’une démographie dynamique, les pays africains restent à la traîne. Selon les données de l’Unesco, près de 60 % des jeunes âgés de 15 à 17 ans ne sont pas scolarisés, et les chiffres de l’analphabétisme atteignent des proportions effrayantes. Sur les 10 pays ayant les taux les plus élevés au monde, 9 se trouvent en Afrique. Des statistiques aussi alarmantes que déprimantes, décuplées par les conflits armés et le désinvestissement dans l’éducation, perpétué par les autorités.

Objectifs irréalistes

La cohorte d’artisans des décennies perdues, pointée du doigt par Dumont, conserve des postes importants et il arrive que la présidence se transmette de père en fils. L’Afrique se distingue au palmarès des chefs d’État les plus vieux de la planète, leur renouvellement intervenant souvent de manière dramatique, imposé par un décès ou par l’armée. Les coups d’État qui avaient connu une légère accalmie de 1990 à 2010, réalisent un retour tonitruant en Afrique francophone, où on en dénombre une petite dizaine depuis 2020. Dans les différents baromètres, les fraudes électorales, le changement de constitution et la corruption tiennent toujours le haut du pavé.

En révélant avec brio tous ces handicaps, l’agronome prolifique avait un fil conducteur : la lutte contre la pauvreté. Sur ce plan, le constat est amer : tandis que la pauvreté a reculé dans le monde, elle a augmenté en Afrique. Le couperet tombe en 2018, quand la Banque mondiale déclare que « l’extrême pauvreté devient un problème essentiellement africain » et en 2021, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), estime finalement que les objectifs de développement durable (ODD) fixés en 2030 pour les pays moins avancés sont totalement irréalistes. L’histoire reste à écrire et ce chantier est loin d’être entamé.

Avec Jeune Afrique

Serge Eric Menye

Par Serge Eric Menye

Fondateur de Grassfields Ventures

Rencontre avec Marie-Léontine Tsibinda

février 6, 2023

Marie-Léontine Tsibinda est une auteure congolaise qui vit au Canada. Ses publications sont multiples. Guy Menga Chantre de la Parole est son plus récent ouvrage.  Une monographie publiée en 2022, aux Éditions +, en France qui nous présente Guy MENGA sous un nouvel angle.

Elle a bien voulu répondre à nos questions.

De quoi parle cet ouvrage qui est dédié à Guy Menga ?

Guy Menga Chantre de la Parole est un livre qui présente, en résumé, la vie de Guy Menga, l’écrivain, le journaliste. L’homme politique a aussi sa dynamique, car il fut ministre sous la transition avec André Milongo, comme Premier ministre. Mais personnellement je me suis attardée sur Guy Menga « le porteur de liberté » pour reprendre la belle formule de Sony, dite lors de l’une de ses nombreuses interviews, en l’occurrence lors de sa rencontre avec Tchicaya U Tam’si au micro de Daniel Maximin, écrivain-journaliste, il y a quelques années déjà, sur Antipodes de France-Culture. C’est la marche de Guy Menga depuis son village Mankongono dans le Pool, jusqu’aux rives de la Ceinture, c’est-à-dire la Seine, (trouvaille de Tchicaya U Tam’si), en passant par celles impétueuses du puissant fleuve Congo où trônent Brazzaville et Kinshasa. C’est un livre qui s’ouvre et se veut comme un apetizer car il faudra des milliers et des milliers de pages pour présenter un Guy Menga!

Guy Menga, pseudonyme qu’il s’est donné contrairement au choix de ses parents

Alexis Menga et Martine Nsona Loko qui l’avaient nommé dès sa naissance : Bikouta-Menga Guy Gaston !

Que représente Guy Menga dans l’univers de la littérature congolaise ?

Guy Menga? Une icône de la littérature congolaise. Un pilier incontournable qui même dans sa blanche vieillesse sait réconcilier petits et grands car son monde littéraire intéresse toutes les générations. Une littérature dont les gerbes ont traversé les 342 000 kilomètres carrés de son bassin natal congolais. Guy Menga, tout comme Sony Labou Tansi, Tchicaya U Tam’si, Henri Lopes, sans oublier le doyen Jean Malonga, demeure l’un des porteurs des lettres de noblesse de notre littérature.

Quel est l’impact des écrits de Guy Menga auprès de la nouvelle génération congolaise et africaine de manière plus large?

Un pur bonheur! J’ai rencontré sur Facebook, Victor Hugo, pas celui de Les misérables, mais celui qui est piqué par le virus des livres, et qui est très émerveillé par la création littéraire africaine en général et congolaise en particulier ! Il lit, en ce moment, La case de Gaulle et Kotawali. Il est d’Algérie! Et au Congo des jeunes rencontrés sur les murs de Facebook me disent la même chose et citent L’aventure du silure qui les a subjugués et demeure comme l’élément déclencheur de leur création littéraire pour certains! 

Quels sont les ingrédients ayant conduit au succès de la pièce de théâtre La Marmite de Koka-Mbala ?

La marmite de Koka-Mbala est un trésor national qui a déjà célébré ses noces d’or (50 ans d’existence, voire plus) sans aucune ride. Elle a été jouée partout en Afrique, au festival des Arts Nègres de Dakar, chez le Président Léopold Sédar Senghor, à Kinshasa chez le Président Maréchal Mobutu Sese Seko, au palais de Brazzaville du Président Alphonse Massamba-Débat, à Kinkala, etc. Toujours avec le même succès. Le message de la marmite traversera tous les siècles car il y aura toujours des questions brûlantes tant que les vieux domineront les jeunes, voudront les marier contre leur gré. L’homme ne devrait pas dominer sur l’homme, mais sur son péché mignon! Cela étant dit, la meilleure réponse viendra de Guy Menga lui-même.

Quelle est la place du livre congolais aujourd’hui dans la littérature mondiale ?

O que j’aime cette question! Le livre congolais a de la prestance dans la littérature du monde.

Elle rafle des prix nationaux, internationaux, des prix prestigieux : Prix Renaudot, Prix des Cinq Continents, Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire, Prix UNESCO Aschberg. Les Congolais ont eu ces prix. Guy Menga en a remporté aussi. Et ses livres sont traduits en plusieurs langues. Sa pièce de théâtre La marmite de Koka Mbala est toujours d’actualité et encore jouée dans le monde.

Pourquoi un ouvrage sur Guy Menga et pas sur Sony Labou Tansi, où Tati-Loutard, que vous avez bien connus ?

J’ai rencontré Guy Menga lors de la conférence nationale de Brazzaville et il est rentré en France après son mandat ministériel sous le règne d’André Milongo. Nous nous sommes retrouvés par le biais des médias sociaux ou des amis. Je lui ai soumis mes manuscrits notamment La porcelaine de Chine, théâtre, Lady Boomerang, roman. Il a préfacé le théâtre. Il a écrit sur trois pages pour me montrer les hauts et les bas du manuscrit romanesque.

Quand je lui ai demandé une interview pour mon Blog, il a répondu sur presque 20 pages capitalisées en Guy Menga Chantre de la Parole. J’espère que ce livre rendra heureux les fans de Guy Menga, les critiques littéraires, les universitaires, les étudiants, les amoureux du livre…

Jean-Baptiste Tati Loutard, écrivain mais également ministre et il y avait une certaine distance : son grand ami Sylvain Bemba était plus proche de lui que nous autres.

Je suis en train d’écrire sur Sony Labou Tansi, Tchicaya U Tam’si et Léopold Mpindy Mamonsono, pas sur le mode classique de Guy Menga Chantre de la Parole. Un autre visage de la création littéraire. Dieu voulant, le moment venu, nous en reparlerons.

Quels sont vos rapports avec les cercles littéraires de Paris et du Congo ?

Paris c’est l’incontournable BDI voilà en quoi se résument mes rapports avec les cercles littéraires de cette ville. Mais j’ai des contacts merveilleux avec la vague des écrivains d’hier et d’aujourd’hui et c’est fantastique! Je lis les jeunes qui me font confiance et m’envoient leurs manuscrits prometteurs.

Depuis votre départ du Congo à la suite des pogroms de 1997, êtes-vous repartie sur les terres de Girard qui vous sont si chères ?

Pas encore. Comme disait Tchicaya U Tam’si, « Vous habitez le Congo mais le Congo m’habite! » J’entends toujours ma Loukoula chanter. C’est le « kadak kadak » des trains sur les rails du Chemin de Fer Congo-Océan qui ne bouscule plus les arbres séculaires du Mayombe bruissant de ma mémoire.

Peut-on s’attendre à un autre ouvrage après celui dédié à Guy Menga ?

Vous savez, l’inspiration, c’est comme le vent ou la brise qui souffle. Quand elle me visitera, je me courberai sur son passage. J’écrirai selon sa volonté et je donnerai une suite à Guy Menga Chantre de la Parole, selon ce que l’esprit me dira, me soufflant le nom d’un auteur du Congo ou du Canada ou d’ailleurs, pourquoi pas!

Qu’est-ce qui peut pousser le lecteur à acheter cet ouvrage dédié à Guy Menga ?

La curiosité de déguster cet apetizer servi sur les rives de la Gatineau, au Canada, quand Guy Menga l’intéressé vit en France sur les berges del’Eure, bien loin de la Madzia, du Djoué, de la Loufoulakari ou du puissant fleuve Congo…

Le désir de vivre son enfance, de le voir marcher avec les grands de ce monde, présidents, historiens, car un journaliste côtoie ce genre de monde. De goûter avec lui aux joies de la lecture, de découvrir ses auteurs préférés et qui l’ont ébloui. De voir que l’espace littéraire de Guy Menga ne se limite pas seulement au Congo-Brazzaville mais s’ouvre également avec majesté sur les sillons des personnalités comme l’écrivain et ethnologue malien, Amadou Hampaté Bâ qui défend la tradition orale peule, comme Joseph Ki-zerbo, historien et homme politique ou encore le dramaturge Jean-Pierre Guingané, tous deux du Burkina-Faso, et au reste du monde…

Propos recueillis par Cédric Mpindy

La Première ministre islandaise en tête des ventes de livre avec… un polar

octobre 30, 2022

Katrín Jakobsdóttir a pris la plume dans un duo inhabituel avec Ragnar Jónasson, l’un des romanciers islandais les plus populaires, pour sortir son premier roman.

« C’est en quelque sorte le produit d’une pandémie », assure Katrín Jakobsdóttir à la RÚV, la télévision publique islandaise. Intitulé Reykjavík, ce thriller a été écrit avec Ragnar Jónasson, l’auteur à succès de la série « Les enquêtes de Siglufjörður » du détective Ari Thór. C’est au cours d’un déjeuner début 2020 qu’il a suggéré l’idée à la cheffe du gouvernement d’écrire avec lui un roman policier.

« Nous sommes amis depuis longtemps et j’ai toujours vu dans ses yeux qu’elle voulait écrire une fiction policière, même si elle ne l’a jamais dit, raconte le père de famille de 46 ans. Incroyable mais vrai, elle a accepté. » Reykjavík est l’histoire de la disparition en 1956 d’une adolescente à Viðey, une petite île au large de la capitale islandaise. Trente ans plus tard, Valur, reporter pour un journal local, mène l’enquête pour tenter d’élucider cette mystérieuse affaire aux conséquences imprévues.

L’intrigue a lieu en 1986, année où Reykjavik (littéralement la « baie des fumées » en français) fête ses 200 ans, assiste à la naissance de Stöð 2 et Bylgjan, ses premières télévision et radio privées, et abrite un sommet historique entre les leaders américain et soviétique Reagan et Gorbatchev. Le livre puise une certaine inspiration chez Agatha Christie à qui il est dédié dès les premières pages, la reine du crime ayant suscité l’intérêt des deux écrivains pour le genre policier.

Une collaboration « surréaliste »

L’écriture de cette fiction en deux parties a pris deux ans, en majorité pendant les restrictions liées à l’épidémie de Covid-19. Si les deux auteurs se rencontraient généralement une fois par mois, il fallait souvent composer avec les impératifs de la Première ministre, entre réunions bilatérales et rendez-vous internationaux. « Ça donnait lieu à des conversations de travail très surréalistes », confesse Ragnar Jónasson.

Le genre est plutôt familier à Mme Jakobsdóttir : titulaire d’une licence de lettres et d’un master en littérature, sa thèse de fin d’étude portait sur les polars islandais. « Je sors beaucoup de ma zone de confort », affirme-t-elle toutefois lors de l’émission littéraire Kiljan.

Si l’idée de voir un chef de gouvernement écrire un roman policier en plein mandat peut paraître saugrenue, elle ne l’est pas en Islande, royaume des sagas et nation de lecteurs. Un dicton local dit d’ailleurs que tout le monde a une histoire à raconter. « En Islande, nous offrons des livres en cadeaux à Noël et je pense que c’est un bon roman à acheter et à lire le soir de Noël pour passer un bon moment », juge Egill Helgason, critique littéraire.

Sorti en Islande le 25 octobre, Reykjavík est déjà en tête des ventes dans les librairies du pays. Il doit être traduit et publié en plusieurs langues, dont le français à l’automne 2023.

Avec Le Poin par le correspondant à Reykjavik, Jérémie Richard

Littérature : le livre « L’université de la forêt » présenté officiellement à Paris

octobre 3, 2022

L’ouvrage de Sorel Eta, « L’université de la forêt »paru aux  Presses universitaires de France (PUF) a fait l’objet d’une présentation conjointe à l’Auditorium de la Halle Pajol de l’auberge de jeunesse Paris Yves Robert, dix-huitième arrondissement, par les collaborateurs du PUF, Paul Garapon, directeur éditorial, Dominique Bourg, et Sophie Swaton de la Collection « Terres Nouvelles ».

Sorel Eta lors de la séance de dédicace de son essai L’Université de la forêt à Paris, octobre 2022

Sorel Eta lors de la séance de dédicace de son essai « L’Université de la forêt à Paris », octobre 2022 / Vanessa NG

Le 1er octobre, en préambule de la présentation officielle de « L’université de la forêt », deux auteurs ont témoigné pour leur bonne collaboration avec la « Collection Nouvelles Terres ». Dans la même lancée, cette rencontre littéraire a été l’occasion, en grande partie, de rappeler que les temps de l’arrogance occidentale sont terminés. Les connaissances technoscientifiques dont l’occident était si fier n’ont empêché ni l’empoisonnement de l’environnement ni la menace climatique, ni l’effondrement du vivant ni l’affaiblissement des démocraties, ni un sentiment diffus et général de perte de sens. « Il nous faut inventer des manières plus solides et durables d’habiter la Terre ; et pour réinventer ensemble notre monde, nous avons beaucoup à apprendre des autres, dans le respect mutuel et avec l’humilité nécessaire. Dans cette collection s’expriment à la première personne des témoins aux origines géographiques et aux parcours culturels très différents », ont rappelé Dominique Bourg et Sophie Swaton.

Puisqu’il était question de donner la parole aux témoins, Sorel Eta, en tant qu’autodidacte, s’est retrouvé chez les Aka en 1996. En plein habitat forestier, il avait découvert une grande école, qui se différencie de l’école conventionnelle par des méthodes d’apprentissage propres à l’université de la forêt, et de l’écriture et la lecture pour l’école conventionnelle, liant observation, écoute et initiation appropriées. 

« J’ai appris beaucoup de choses qui ont participé au fait que je devienne ethnologue. Je ne suis pas diplômé d’université mais autodidacte, j’ai commencé à apprendre cela juste après mon baccalauréat. C’est une expérience que beaucoup de gens peuvent vivre. À l’université de la forêt, il y a des choses que nous pouvons apprendre et non à l’université conventionnelle. Donc, c’est pour moi une façon de sauvegarder cette école qui fait partie des richesses de l’humanité parce que, si d’un côté on a l’université conventionnelle et de l’autre l’université de la forêt, cela fait partie de la diversité, et nous savons tous que la diversité est une richesse », a-t-il expliqué.

L’histoire d’une amitié réciproque

De ses vingt-six ans d’observation, d’écoute et d’initiation, il a cautionné ces acquis dans un livre qui constitue désormais l’histoire d’une rencontre, celle de l’auteur avec les Aka. Dans ce qui s’apparente à une introduction progressive à la culture du peuple Aka, lui est un Bantou, ethnie dominante, eux les Aka, peuple autochtone de la forêt du nord de la République du Congo. C’est aussi l’histoire d’une amitié réciproque enjambant les préjugés de part et d’autre. C’est encore celle d’une aventure commune car l’auteur a créé, avec ses amis du peuple autochtone, un groupe musical se produisant sur la scène internationale, Ndima.

La population autochtone est, en effet, connue pour sa polyphonie, aussi savante qu’émouvante. C’est enfin la découverte progressive de l’art de vivre en forêt des Aka. On en apprend beaucoup sur leur art de la chasse, de la cueillette du miel sauvage, sur leurs croyances, les relations hommes-femmes, leur usage parfois choquant de la magie, leur art bien spécial de dépasser tout le monde en forêt… L’auteur alerte sur le fait que cette culture est fragile et menacée de tous côtés. Au-delà de la découverte de l’art de la navigation en forêt des Aka, il invite le lecteur à vouloir s’inspirer autant que possible de ce qu’il appelle l’ »Université de la forêt ».

Pour clore cette présentation, le groupe Ndima s’est produit avec son répertoire de chants de scène de vie courante, suscitant auprès d’un public cosmopolite, venu nombreux, un sentiment mêlé d’étrangeté et de profonde familiarité dans une salle comble avec la présence de la mère de l’auteur, des écrivains Noël Kodia-Ramata et Marien Fauney Ngombé, des journalistes Hordel Biakoro et Marvyne Loti Loutonadio, de la consultante musique, culture et relations internationales, Marie Audigier, de professeurs chercheurs et de plusieurs personnalités du monde de l’art et universitaire.

« L’Université de la forêt » :

https://www.puf.com/…/Luniversit%C3%A9_de_la_for%C3%AAt…

À l’occasion de sa venue en France, le groupe Ndima donnera quelques représentations de son spectacle.

Le mardi 4 octobre au 360 Paris Music Factory à 20 h 30, 32 rue Mhyra 75018 Paris

Le 15 octobre prochain le Cepravoi recevra l’équipe de Ndima et Sorel Eta pour une fabuleuse rencontre autour des chants des pygmées Aka.

 https://www.cepravoi.fr/…/a-la-rencontre-des-pygmees-aka/ et la billetterie pour le concert du soir, à 19h, est ouverte : https://www.cepravoi.fr/stages/concert-du-groupe-ndima/

« Aka free voices of forest » https://www.facebook.com/Coloreprod emmené par les talentueux Leïla MartialRémi Leclerc et Eric Perez. Spectacle que vous pourrez retrouver dans le cadre du 18e Festival de la Voix, à la Maison de la Culture de Bourges, le 13 mai 2023 : https://www.mcbourges.com/…/aka-free-voices-of-forest…/

Avec Adiac-Congo par Marie Alfred Ngoma

Littérature jeunesse : l’Afrique sans complexe

décembre 14, 2021
De nombreux auteurs se penchent sur les enjeux du monde d’aujourd’hui, pour mieux les raconter aux enfants. © Klaus Vedfelt/Getty Images

Bientôt Noël ? Offrez des livres ! Il y en a pour tout le monde. Voici une sélection qui permettra aux petits, comme aux grands, d’en savoir plus sur le génocide des Tutsi du Rwanda, de mieux connaître Joséphine Baker… et d’affronter le racisme sans se démonter ! Bonne lecture.

Le grand voyage d’Alice, de Gaspard Dalmasse, La Boîte à Bulles, 144 pages, 23 euros

Le génocide des Tutsi du Rwanda est sans doute, parmi les drames qui ont frappé l’Afrique, l’un de ceux qui a le plus suscité de littérature. Essais, romans, pièces de théâtre, témoignages… Nombreux sont les auteurs qui ont essayé de dire l’indicible, de raconter l’horreur pour essayer de la comprendre. En bande dessinée, l’un des premiers artistes à se saisir – avec brio – du sujet fut le Belge Jean-Philippe Stassen, qui publia en 2000 Deogratias (Dupuis), puis prolongea son travail sur ce thème quelques années plus tard avec Pawa et Les enfants. D’autres auteurs suivirent, comme Pat Massioni, Alain Austini et Cécile Grenier (Rwanda 1994, Glénat BD) ou Patrick de Saint-Exupéry et Hippolyte (La Fantaisie des Dieux, Rwanda 1994, Les Arènes). Parmi d’autres.

Le grand voyage d’Alice, de Gaspard Dalmasse.
Le grand voyage d’Alice, de Gaspard Dalmasse. © La boîte à bulles

Cette abondante production a un avantage : elle autorise la complexité de l’analyse par rapport à un événement historique récent dont on continue d’interroger les tenants et les aboutissants. Avec Le grand voyage d’Alice (La boîte à Bulles), le dessinateur belge Gaspard Dalmasse se penche à son tour sur l’histoire en narrant le parcours de sa propre épouse, Alice Cyuzuzo.

Maniant avec dextérité les ocres et les verts propres aux paysages rwandais, Dalmasse déroule le film de son récit à hauteur d’enfant, évitant tout didactisme. S’il distille, ici et là, des informations permettant de situer et de dater certains événements, la trajectoire d’Alice et de sa famille n’est vue qu’à travers les yeux de la petite fille, qui n’est jamais vraiment en capacité de mettre en perspective ce qui lui arrive.

Particularité remarquable de ce terrible récit : Alice et sa famille sont Hutu et l’album se concentre sur leur exil, après le génocide des Tutsi, vers le Congo voisin, et sur les tueries de masse dont furent victimes bien des civils. Émouvant et complexe, Le grand voyage d’Alice peut se lire avec des yeux d’enfants ; il doit aussi donner l’occasion d’explications adultes.

Joséphine. Joséphine Baker, la danse, la résistance et les enfants, de Patricia Hruby Powell et Christian Robinson, adapté de l’anglais par Laurana Serres-Giardi, Rue du monde, 108 pages, 19,50 euros

Aucun romancier n’aurait osé imaginer la vie de Joséphine Baker : impossible ! Incroyable ! Invraisemblable ! Et pourtant, chacun a pu, à l’occasion de l’entrée au Panthéon de cette grande dame, découvrir ses combats, depuis sa naissance en 1906 à Saint-Louis du Missouri à sa mort et ses funérailles grandioses à Paris en 1975 : « Un corbillard couvert de fleurs transporte lentement son cercueil à travers les rues de la capitale. Des centaines de policiers canalisent la foule émue. Une voix lance : – Elle est morte et immortelle. »

Joséphine. Joséphine Baker, la danse, la résistance et les enfants, de Patricia Hruby Powell et Christian Robinson.
Joséphine. Joséphine Baker, la danse, la résistance et les enfants, de Patricia Hruby Powell et Christian Robinson. © Rue du monde

L’immortelle Joséphine Baker a souvent été racontée, et même récemment en bande dessinée par Catel & Bocquet (Joséphine Baker, Casterman, 2021). Mais comment résumer l’œuvre d’art que fut sa vie auprès d’un public plus jeune ? Connues pour leurs engagements humanistes, les éditions Rue du monde ont choisi d’adapter un livre de Patricia Hruby Powell et Christian Robinson qui revient sur toute l’histoire de l’artiste en 108 pages.

Si l’on regrettera l’abus de mots en lettres capitales inutiles, on se réjouira d’un texte facile d’accès qui aborde avec élégance même les questions les plus sensibles. « Dans la haute société, on se fait bronzer pour ressembler à Joséphine… Alors que Joséphine tente de blanchir sa peau avec du citron pour ressembler aux gens de la haute société ! », peut-on ainsi lire au détour d’une page. Un brin rétro, le dessin est vif et les pages éclatent de mille couleurs. Un album à mettre entre toutes les mains et qui rend hommage à cette France universaliste qui sut accepter une artiste noire à une époque où la ségrégation régnait avec violence aux États-Unis.

Awa, Faut qu’on change le monde, de Zélia Abadie et Gwenaëlle Doumont, Talent hauts, 66 pages, 11,90 euros

Vous ne la connaissez pas ? Normal, elle est toute jeune et vous n’êtes plus à l’école primaire. Mais vos enfants peut-être. Alors écoutez-la se présenter : « Je suis liégeoise-belge de ma naissance, guinéenne de ma maman et de ses parents, française, marseillaise de mon papa, mais aussi italienne, sicilienne des parents de mon papa. C’est pas compliqué, c’est magique. » Elle, c’est Awa.

JE M’EN FICHE DES PRINCESSES, JE M’EN FICHE DE ME MARIER, JE M’EN FICHE DU ROSE

Et comme le dit son père, elle n’a pas la langue dans sa poche : « Que ce soit bien clair, je m’en fiche des princesses, je m’en fiche de me marier, je m’en fiche du rose. Et je suis pas mignonne et je suis pas gentille avec tout le monde. » Autant d’affirmations que l’on pourra vérifier – et parfois même infirmer – au fil de ses aventures (d’une page) écrites par Zélia Abadie et dessinées par Gwenaëlle Doumont.

Awa, Faut qu’on change le monde, de Zélia Abadie et Gwenaëlle Doumont.
Awa, Faut qu’on change le monde, de Zélia Abadie et Gwenaëlle Doumont. © Éditions talents hauts

« Souvent, quand elle me dessine, son crayon me fait trop rire de chatouilles, nous dit encore Awa. Elle rit avec moi parce que j’ai un rire contaminateur (c’est ma maman qui le dit). » Bille en tête, les autrices de cet album vif abordent, la plupart du temps avec légèreté, parfois au bazooka, des problématiques actuelles comme le racisme ou la misogynie à travers des instants volés au quotidien. Un quotidien pétillant que l’on envie parfois, surtout quand Awa joue avec notre gourmandise : « J’ai trop de la chance. Je connais plein de plats. Les arancini de ma nonna Enza, les pieds-paquets de mon pépé Paolo, le riz au gras de ma grand-mère Fanta, les lasagnes de mon papa et le magret de canard aux mangues de ma maman. »

Avec Jeune Afrique par Nicolas Michel

Congo-Disparition de Clément Mouamba : un livre de condoléances ouvert à la primature

novembre 6, 2021

Le Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, a officiellement rendu hommage, le 5 novembre à Brazzaville, à l’ancien chef du gouvernement, Clément Mouamba, décédé le 29 octobre dernier à Paris, en France, en inaugurant le livre de condoléances ouvert pour la circonstance.

Anatole Collinet Makosso, Premier ministre

Outre la signature du livre de condoléances qui restera ouvert dans le hall de la primature pour permettre à tous ceux qui ont connu l’ancien Premier ministre de pouvoir témoigner, la cérémonie d’hommage a été marquée par une revue de troupes, l’observation d’une minute de silence et de la sonnerie aux morts.

« …tu auras été et seras pour longtemps un repère important dans ma carrière et dans ma vie. Par cet acte, j’anticipe simplement la longue chaîne de témoignages que tes anciens collaborateurs qui t’ont côtoyé et accompagné pendant ta riche carrière vont à tour de rôle porter dans ce livre, ouvert pour la circonstance. Il sera, pour chacun de nous, question de rappeler les riches souvenirs, enseignements et bonnes pratiques que nous avons retenus de toi et qu’il nous faut transmettre aux générations futures dans un élan d’altruisme et d’allocentrisme de sorte que la nation entière profite de ton expérience, de ton patriotisme et de ton dévouement au service de la République et de la mère patrie… », a écrit Anatole Collinet Makosso dans le livre de condoléances ouvert à la primature.

Notons que la cérémonie s’est déroulée en présence des cadres et agents de la primature, ainsi que ceux des structures rattachées, notamment la Direction centrale des logements et bâtiments administratifs et l’Autorité de régulation des marchés publics.

Avec Adiac-Congo par Parfait Wilfried Douniama

Espérance, la Boréale des tropiques : « des saveurs tropicales à la poutine boréale »

juin 10, 2021

Espérance, la Boréale des tropiques, est un titre alléchant et entraînant parmi tant d’autres que l’on trouve dans les rayons des librairies françaises et parisiennes, publié chez Essor-Livres-Éditeur: 86 pages. Cette belle œuvre de l’esprit figure aussi dans le magazine : Les Libraires.fr mais également dans le bimestriel Les Libraires.ca d’avril et mai 2021, numéro124, page 44.

Dans ce beau livre né au cœur du printemps avec les couleurs boréales qui attirent le lecteur puis éclairent l’esprit, les personnages de la trame, si attachants et si révoltants, séduisent, tout au long de l’intrigue, par les beaux rôles selon leur rang social. Ils tiennent, en alerte, le fil de la narration injectant, par endroits, des doses d’attention.

Fleurons de chaque paragraphe, ces personnages phares Esther et Issa puis Hawa et Martin mais également Espérance, qui orchestrent la soudure des épisodes, aux antipodes – des machinations et des manipulations voire de la réconciliation de cette nouvelle création littéraire, nous donnent la soif de les découvrir afin d’aimer l’autofiction, de son auteure, d’origine congolaise : Eugere Hodri Mountali.

Espérance, la Boréale des tropiques est une addition des faits sociaux épiques et typiques, dont la somme qui en résulte, fait sourire et réfléchir.

Eugere Hodri Mountali, nous offre un beau livre aux saveurs tropicales, qui se termine avec la poutine boréale.

https://distribulivre.com/boutique/fr/eugere-hodri-mountali/esperance-la-boreale-des-tropiques-eugere-hodri-mountali-p1539/

Bernard NKOUNKOU

«On ne brûle pas un livre»: l’éditeur italien de Gabriel Matzneff défend la publication de Vanessavirus

mai 28, 2021

Boycotté par le monde de l’édition en France, l’écrivain sous le coup d’une enquête pour pédocriminalité a pu publier son livre polémique à 2000 exemplaires de l’autre côté des Alpes.

«Les livres se lisent, ils ne se brûlent pas.» L’éditeur italien Michele Silenzi a défendu, dans un entretien à l’AFP, la publication de Vanessavirus, le dernier livre de Gabriel MatzneffIl s’agit de la réponse de l’écrivain français au Consentement de Vanessa Springora. Vanessavirus est sorti cette semaine en Italie aux éditions Liberilibri avec un premier tirage de 2000 exemplaires.

Cet opus de 108 pages (dans l’édition italienne) traduit par Giuliano Ferrara, journaliste et ancien ministre de Silvio Berlusconi, «est l’histoire d’une chasse à l’homme, l’histoire d’un assassinat», affirme la maison sur son site. «Nous l’avons d’abord publié parce qu’il nous semblait juste d’accorder un droit de réponse à un homme et un artiste dont la vie et l’œuvre sont détruites», explique Michele Silenzi. Mais «c’est aussi un beau livre. Un texte d’une grande valeur littéraire», poursuit l’éditeur, qui exalte «la force indiscutable et délicate, également très dramatique, du récit».

Gabriel Matzneff a auto-édité en France Vanessavirus, avec un tirage de 200 exemplaires réservé à des lecteurs choisis, pour un prix de 100 euros. D’après les informations de l’AFP, tous les éditeurs qu’il avait approchés ont refusé l’ouvrage sans le lire. L’édition italienne, qui peut être commandée depuis la France pour un prix bien moindre, est «la première à être acceptée par une maison d’édition européenne et à être présente dans les librairies», se félicite Liberilibri, fondée en 1986 à Macerata.

«Les livres se publient et se lisent, ils ne se brûlent pas», plaide Michele Silenzi. Le mouvement #MeToo «n’est pas un problème en soi», selon lui. Ce qui l’est, en revanche, «c’est que ce type de mouvements tend trop souvent à imposer une “cancel culture” aux effets culturels dévastateurs». «On ne peut plus réfléchir sur rien si un fait n’est pas historicisé et compris dans son contexte et dans son évolution historique».

«Inévitablement de façon controversée»

«J’ai survécu au Coronavirus. Je ne survivrai pas au Vanessavirus», écrit Gabriel Matzneff en ouverture de son récit en italien dont l’AFP s’est procuré un exemplaire. «Le capitaine Dreyfus était innocent. Moi, je ne le suis pas. Je suis coupable d’avoir adoré la liberté, la beauté, l’amour».

Gabriel Matzneff, 84 ans, est visé par une enquête pour viols sur mineur de moins de 15 ans ouverte après la publication en janvier 2020 du récit de Vanessa Springora, Le Consentement. Celle-ci y racontait comment dans les années 1980 elle avait été entraînée à 14 ans dans une relation avec un écrivain qui en avait près de 50.

Dans une procédure distincte, le tribunal correctionnel de Paris a invalidé la semaine dernière une citation à comparaître visant l’écrivain pour «apologie» de la pédocriminalité après la parution de trois articles entre fin décembre et début janvier dans L’ObsLe Parisien et L’ExpressLe Consentement est sorti en mars en Italie sous le titre Il consenso aux éditions La Nave di Teseo.

Michele Silenzi explique que la philosophie de la maison Liberilibri est de «diffuser les idées qui stimulent l’émancipation intellectuelle et la liberté de pensée». Selon lui, «que doit faire un éditeur sinon favoriser ce processus, même si c’est parfois inévitablement de façon controversée?»

Tous les éditeurs français de Gabriel Matzneff ont suspendu indéfiniment la vente de ses ouvrages évoquant ses amours avec des garçons et filles mineurs. D’autres, au contenu moins polémique, sont cependant en vente, comme le recueil d’articles avec lequel il avait obtenu le prix Renaudot de l’essai en 2013, «Séraphin, c’est la fin!».

Par Le Figaro avec AFPPublié il y a 3 heures, mis à jour il y a 3 heures

Canada-Québec: Hodri Eugère Mountali, une boréalaise venue des tropiques

mai 16, 2021

Espérance, la Boréale des tropiques est une première création littéraire de Hodri Eugère Mountali. Femme, originaire du Congo-Brazzaville, elle vient de publier son premier livre. Espérance, la Boréale des tropiques est un récit épisodique, publié aux Éditions Essor-Livres, Lanoraie, au Québec. 86 pages. 14,95$ CA. Il est disponible chez https://www.distribulivre.com › boutique – depuis le 14 mai 2021.

Dans ce beau livre d’aurore et d’espérance boréales, aux lueurs et lumières saisissantes et émouvantes mais aussi drapés de voiles violets et verdoyants et surtout d’écrins jaunâtres, se projettent admirablement, sous les yeux, des signes d’espoir.

Car dans la marche du printemps se partageant encore des moments de fraîcheur et des instants de chaleur, l’auteure qui vient des pays tropicaux, cherche à dénoncer les silences et à percer les injustices maritales.

En quête d’identité au Canada, elle relate et restitue, avec beauté et transitivité, son vécu de Côte d’Ivoire et de Guinée qu’elle peint et présente sous forme de longues nouvelles, où les personnages principaux qui animent les intrigues, sont d’abord Esther et Issa ensuite Hawa et Martin enfin Espérance avec sa fille Emma.

De ces expériences de vie de femmes, aux similarités étonnantes et agissantes, après avoir exprimé leur amour, manifesté leur tendresse et soutien indéfectible à leur mari, qui les ont remerciées, en monnaie de singe, par des violences intempestives, le dénigrement, tous azimuts. Elles ont fini par arrêter les machinations et manipulations des machos.

Espérance, la Boréale des tropiques est un récit aimable et sensible, aux questions adorables et actuelles mais aussi touchant et révoltant. Rendu parfois dans un style alerte mais également vif et incisif ; il se lit facilement entre trois moments de la journée comme une dose prescrite de médecin de la lecture, à travers l’écriture.

Espérance, la Boréale des tropiques est devenue une femme libre et charnelle, ivre des mots et réparatrice des maux qui aime réfléchir et discuter.

  

https://distribulivre.com/boutique/fr/eugere-hodri-mountali/esperance-la-boreale-des-tropiques-eugere-hodri-mountali-p1539/

Par Bernard NKOUNKOU

Ces « turbulentes » pionnières africaines oubliées de l’histoire

mai 16, 2021
Géraldine Faladé Touadé, à Paris, le 11 février 2020.

Dès les années 1930, des Africaines en avance sur leur temps se sont imposées dans des bastions farouchement masculins. Géraldine Faladé Touadé ranime le souvenir de ces pionnières injustement méconnues dans un essai remarquable.

Madeleine Ly, Marie Madoé Sivomey, Jeanne Martin Cissé, Sita Bella… Ces noms de femmes n’évoquent rien pour certains d’entre vous ? Ils devraient pourtant. Médecin, maire, institutrice ou journaliste, elles ont été des pionnières dans leur domaine dès les années 1930, dans des bastions jusque-là réservés aux hommes. L’ancienne journaliste Géraldine Faladé Touadé leur rend hommage dans un essai paru en septembre dernier aux éditions Présence africaine : Turbulentes ! Des Africaines en avance sur leur temps.

À 86 ans, celle qui se présente comme une « passeuse de mémoire » dresse le portrait de dix-sept « combattantes » déterminées, anticonformistes, qui ont fait bouger les lignes malgré les obstacles et parfois au péril de leur vie. À défaut d’en faire leurs modèles, Géraldine Faladé aimerait que les jeunes générations découvrent ces femmes injustement méconnues, et sachent ce qu’elles ont enduré pour leur ouvrir la voie.

Précurseuse du mouvement nappy

Première de ces guerrières placées sous les projecteurs, une « simple esthéticienne » : Josepha Jouffret, dite Josepha. « Dans les années 1960, les Parisiennes noires qui ne défrisent pas leurs cheveux dissimulent leurs tresses sous un foulard. Inconsciemment – ou peut-être pas –, elles s’ingénient à renier leur africanité. Josepha leur a appris à l’aimer et à l’assumer. Elle nous a donné envie d’être nous-mêmes », explique Géraldine Faladé Touadé.

Elle déroule ensuite la success story de cette femme née à la Martinique, mais qui se présentait toujours comme Guinéo-Sénégalaise : l’ouverture, audacieuse, au cœur du Quartier latin, du premier espace de beauté entièrement consacré à la femme noire ; la ruée du tout-Paris de la mode vers la rue Gay-Lussac, contribuant à la notoriété d’une adresse qui devient vite mythique ; la concurrence des géants de la cosmétique qui fleurent le bon filon…

ELLE NOUS APPORTAIT GLAMOUR ET STYLE ET NOUS CESSIONS D’ÊTRE DES AFRICAINES EN PEINE

À la puissance financière de ces derniers, Josepha oppose sa culture, son assurance et sa créativité. Sur les bâtons à lèvres, elle convoque le bleu et l’ambre en lieu et place du rouge écarlate, qui devient criard sur les peaux mates et alourdit les traits. Aux fonds de teint, elle attribue des noms évocateurs de peuples d’Afrique : bambara, peul… « Elle nous apportait glamour et style et nous cessions d’être des Africaines en peine. » Pour Géraldine Faladé Toundé, Josepha a ouvert la voie à la reconnaissance de la grâce particulière des femmes noires, et son mode de pensée est précurseur de mouvements d’aujourd’hui, tel le nappy.

Une des premières sage-femme d’Afrique francophone

Autre portrait marquant, celui d’Aoua Kéita, femme aux talents multiples et au caractère de feu. Son carburant ? D’abord son père, qui l’a toujours soutenue. Puis son mari, qui l’éveille à la politique avant leur séparation – la pression familiale aura raison de leur couple sans enfants. Et sans doute aussi, les déboires qu’elle rencontre sur son chemin. Née dans le Bamako colonial de 1912, Aoua Kéita est destinée à être mère au foyer. Son père l’inscrit en secret à l’école, contre l’avis de son épouse, qui tente de freiner l’enthousiasme de la gamine.

Peine perdue : brillante, elle deviendra, dans les années 1930, la première sage-femme du Soudan français (actuel Mali) – l’une des premières d’Afrique francophone – et, en 1976, la première lauréate du Grand Prix littéraire d’Afrique francophone, pour son autobiographie Femme d’Afrique. Géraldine Faladé s’est appuyée sur ledit ouvrage pour retracer le parcours de cette militante acharnée, considérée comme l’un des fers de lance du Rassemblement démocratique africain (RDA).

ELLE DÉCOUVRE QUE L’AUTORITÉ COLONIALE DISSIMULE AUX SOUDANAISES LEURS DROITS, DONT CELUI DE VOTER

L’autorité coloniale qui la catalogue comme communiste tente de la détourner de la politique à coups d’affections disciplinaires et d’humiliations. Las. À Gao, elle crée plutôt une branche féminine du RDA. Et découvre que l’autorité coloniale dissimule aux Soudanaises leurs droits, dont celui de voter. Aoua Kéita ira jusqu’à renoncer à sa citoyenneté française pour pouvoir accomplir ce devoir civique. Et finira par être expulsée du Soudan en juillet 1951. Exilée au Sénégal, elle poursuit son combat à l’échelle continentale en compagnie de la Guinéenne Jeanne Martin Cissé, autre bête noire de l’autorité coloniale mutée à Dakar car « turbulente ».

Des militantes panafricanistes

Le nom de cette dernière à lui seul symbolise le combat que les femmes ont mené contre le bastion du monde masculin dès la première moitié du XIXe siècle… Celle qui deviendra en 1972 présidente du Conseil de sécurité des Nations unies appartient en effet à la génération de combattantes qui ont œuvré à convaincre leurs sœurs de prendre part à la construction de leur pays.

Avec, entre autres, Caroline Faye Diop (députée dès 1963 et future ministre), Angie Elizabeth Brooks (future présidente de l’Assemblée générale des nations unies) et Maria Ruth Neto (sœur du président angolais Agostinho Neto), Martin Cissé et Kéita feront partie des « mères fondatrices de l’Organisation de la panafricaine des femmes ». En 1962, elles rassemblent à Dar es-Salaam des Africaines francophones, anglophones et lusophones pour une conférence, et créent, un an avant l’Organisation de l’unité africaine (OUA), cette panafricaine dont le siège est à Bamako.

LE TRAIT COMMUN À CES FEMMES D’HORIZONS DIVERS AURA ÉTÉ LEUR AMOUR POUR LE CONTINENT

Si nombre de pionnières se sont illustrées dans des combats pour la cause des femmes, Géraldine Faladé, elle, les perçoit plus comme des militantes panafricanistes que féministes. « Le trait commun à ces femmes d’horizons divers aura été leur amour pour le continent. Toutes rêvaient d’une Afrique unie et profitaient de la moindre occasion pour tenter de lui donner corps, persuadées qu’elles n’y arriveraient qu’ensemble. »

L’administration coloniale leur a fait payer leur militantisme

Selon Faladé Touadé, la plupart des pionnières n’ont pas eu les postes et les parcours qu’elles méritaient. L’administration coloniale leur a toujours fait payer leur militantisme. Elle en veut pour preuve l’exemple de sa sœur, Solange Faladé, première psychanalyste du continent. Élève et proche collaboratrice de Jacques Lacan puis partenaire de Françoise Dolto, elle brigue la chaire d’hygiène à la faculté de médecine de Dakar après son doctorat, afin de se mettre au service de l’Afrique.

L’autorité coloniale préfère un Français à celle qui fut qualifiée « d’ardente nationaliste » alors qu’elle assurait la présidence de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (Féanf). « Un traitement d’autant plus injuste que ces femmes ne pensaient pas à leur carrière ; elles ne demandaient qu’à servir », estime Faladé Touadé.

Après les indépendances, leur sort ne s’est pas trouvé amélioré pour autant. Patriarcat – hérité de la colonisation – oblige, les postes prestigieux étaient dévolus aux hommes. « Baroudeuse, aviatrice dans l’âme, la journaliste et réalisatrice Sita Bella a été baladée tout au long de sa carrière par l’administration camerounaise et n’a jamais pu exercer pleinement son art », regrette Faladé Touadé, qui l’a très bien connue.

Un moindre mal, au regard du sort spectaculairement tragique réservé à Funmilayo Ransome-Kuti, mère de Fela, décédée quelques mois après avoir été défenestrée en raison de son activisme. « Le bonheur des femmes ordinaires était son bonheur”, écrira-t-on de cette intellectuelle formée en Angleterre, qui avait commencé par créer des Ladies Club afin d’initier les jeunes Nigérianes au mode de vie occidental.

Dans son roman Aké, son neveu Wole Soyinka résume ainsi son œuvre : « Le mouvement […] commença autour de tasses de thé et de sandwiches […] pour résoudre les problèmes de jeunes mariées, qui manquaient de manières pour se tenir en société. […] Il s’est transformé en lutte pour mettre fin au règne des Blancs dans le pays. » Mais c’est en se dressant contre les exactions d’un régime militaire post-indépendance que Funmilayo Ransome-Kuti perdra la vie.

Pour Géraldine Faladé Touadé, de nombreuses autres turbulentes restent à découvrir, telle la comédienne Lydia Ewandè. L’ex-journaliste de l’Office français de coopération radiophonique  (Ocora, ancêtre de RFI) prépare le deuxième tome de son essai.

« Turbulentes ! Des Africaines en avance sur leur temps », de Géraldine Faladé Touandé, éd. Présence Africaine, 270 pages.

Journée internationale de la femme africaine

Le 31 juillet. S’il est une date qui passe inaperçue sur le continent, c’est bien celle-là. Elle marque pourtant la Journée internationale de la femme africaine, éclipsée par le 8 mars. Créée en 1962 à Dar es-Salaam (Tanzanie), lors de la première Conférence des femmes africaines (CFA – transformée en Organisation panafricaine des femmes en 1974), elle est reconnue par l’UA et par l’ONU. En 2012, lors de son cinquantième anniversaire célébré à l’Unesco, les premières dames africaines ne s’étaient pas bousculées au portillon, à l’exception d’Antoinette Sassou N’Guesso, marraine de l’événement.

Turbulentes. Des Africaines en avance sur leur temps, de Géraldine Faladé Touandé, éd. Présence Africaine, 270 pages.

Avec Jeune Afrique par Clarisse Juompan-Yakam