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Livre : Le retour du conte dans la littérature congolaise avec La Princesse, le Papillon, l’Abeille et autres contes (1) de Bernard NKOUNKOU BOUESSO

septembre 21, 2022

CONGO. Pousser les enfants et les amateurs du conte à s’intéresser aux livres fondés sur le fantastique et le merveilleux, voilà une option que semblent oublier les écrivains congolais de la nouvelle génération.

Il y a quelques années, des écrivains tels Guy Menga et Caya Makhélé nous faisaient découvrir la littérature de jeunesse à travers le conte. Avec le premier, les enfants pouvaient se délecter avec Les aventures de Moni Mambou de Guy Menga aux éditions Clé tandis que le second nous offrait Une vie d’éléphant à l’edicef. Aujourd’hui, quelques auteurs de notre époque comme Liss Kihindou avec Mwanna la petite fille qui parlait aux animaux, éditions L’Harmattan et Bernard Nkounkou Bouesso avec La Princesse, le Papillon, l’Abeille, éditions LC de Paris se révèlent comme héritiers de Guy Menga et de Caya Makhélé, pour nous replonger dans le conte.

Trois petites histoires constituent le petit ouvrage de Bernard Nkounkou Bouesso, trois textes assez brefs et succincts pour s’adapter à la perception des amateurs des livres qui aiment parfois que l’on leur raconte des histoires qui se fondent sur le fantastique et le merveilleux.

C’est le texte intitulé « L’Écureuil, la Corneille et l’Érable » qui ouvre la lecture de l’ouvrage de Bernard Nkounkou Bouesso. Rencontre de l’Écureuil avec une Corneille au niveau des branches de l’Érable. Se crée une ambiance amicale entre les trois protagonistes malgré la plainte de l’Érable qui se voit martyrisé par la neige de l’hiver. Malade, la Corneille sera soignée par son ami l’Écureuil qui va l’héberger chez lui avant qu’ils puissent prendre la route du Parc des Pins. Et l’auteur de résumer cette belle histoire, en affirmant que « depuis lors, l’Écureuil et la Corneille avaient tissé une fidèle amitié sur les branches de l’Érable sans se battre comme deux ennemis (…). La couleur des poils, des plumes et de la peau ne peut pas être un obstacle pour l’amitié et la compagnie dans le monde des vivants ».

Dans le deuxième conte, nous sommes en présence du Grillon qui vient de s’apercevoir qu’une partie de son champ de légumes a été dévastée au moment où il comptait en vendre deux sillons. Son amie La Luciole qui le surprend dans son désarroi, va l’aider à découvrir l’auteur de son malheur. Quelle surprise pour elle en apprenant que c’est son meilleur ami l’Escargot, celui-même qui était avec lui au mariage du Crapaud à l’île Tsoukoula, qui est à l’origine de son malheur. C’est La Luciole qui, avec ses larves, va mettre fin à l’existence de l’Escargot. Ce dernier ne pourra plus mettre en exécution son intention de détruire les champs de légumes restants du Grillon. Conclusion moralisante de l’auteur : « Chacun de nous dans la nature a son rôle et la nature sait les choses devant le désespoir d’une situation alarmante ».

Du conte éponyme de cet ouvrage, nous découvrons enfin un univers spatiotemporel dans lequel évoluent enfin l’humain (La Princesse et son prince) et deux insectes appelés couramment « Papillon » et « Abeille ». C’est l’histoire d’une princesse martyrisée par son prince après leur mariage quand ils rentrent d’un voyage de noces sous le soleil des Caraïbes. Aussi, le désespoir la pousse à aller se reposer dans un jardin public où va la surprendre Le Papillon. Aidée par celui-ci en complicité avec la « Fourmi docteur », l’Abeille, et le Saule pleureur, la Princesse va retrouver sa beauté et la joie de vivre. Et quand ses amis la ramènent au palais, notre prince ne croit à ses yeux : le spectacle dressé devant lui est éblouissant, à la grande satisfaction du Papillon et de l’Abeille, les deux amis de la Princesse. L’amour renaît alors entre les deux tourtereaux qui auront des triplés, au grand bonheur des enfants des Caraïbes qui l’avaient souhaité.

À la manière de Jean de la Fontaine au XVIIe siècle qui moralise l’homme à travers la société des animaux, Bernard Nkounkou Bouesso a réalisé trois contes pour inciter les hommes à prendre conscience des relations sociales et sociétales. Et comme les fables de la Fontaine, l’auteur a terminé ses trois textes par des leçons de morale implicites : tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir dans toute chose. La Princesse, Le Papillon, l’Abeille et autres contes, un ouvrage écrit dans une langue soutenue, des contes dont la lecture respecte l’imaginaire des enfants ainsi que celui de leurs parents. Et comme le souligne les éditions LC, « ce recueil de contes pour adultes, de création nouvelle aux allures de fables, poétiques regorge de leçons de vie et de valeurs morales ».

Avec Pagesafrik.com

Par Noel Kodia Ramata

Docteur en littérature française de l’Université de Paris IV Sorbonne, il a enseigné les littératures française, congolaise et francophone à l’Ecole Normale Supérieure de Brazzaville. Essayiste, romancier, poète et critique littéraire, il est l’auteur du premier Dictionnaire des œuvres littéraires congolaises dans le domaine du roman.

Conte : Le Grillon, la Luciole et l’Escargot

juin 30, 2011

Un Grillon des champs, aux antennes fines et sensibles, aux yeux luisants, à l’allure robuste, cultivait des épinards pour sa subsistance.

Travailleur diurne, assidu et résistant, il avait étalé de longs sillons de légumes que la nature arrosait par des petites pluies douces dans un relais permanent du soleil qui apportait la lumière et la chaleur pour leur bonne croissance.

Une fois les légumes à maturité, les trois sillons qu’il avait préparés donnèrent une bonne production. Il en récolta un pour sa ration personnelle. Il garda les deux autres pour la vente afin d’avoir un peu d’argent.

Quand arriva le jour le plus favorable pour réaliser son profit monétaire, il se rendit aux champs avec sa corbeille d’osier. Il marchait fièrement en chantant pour exprimer sa joie :  « crin, crin, crin ». Cette cueillette devrait lui procurer un bonheur complémentaire.

Jetant au loin son regard sur l’étendue en série de ses sillons; le doute des images gagnait le reflet de la perception. Vint soudain la surprise la plus étonnante, il ne retrouva pas la totalité des épinards car mangés, par segments, lui laissant de simples tiges debout sur les deux sillons comme de vieux soldats effeuillés, sans galons sur les épaulettes.

Il pleura toute la journée devant ses sillons dévastés; la fonte de ses larmes avaient mouillé tous ses habits. Il avait perdu tout espoir. Il maudit celui qui lui avait causé un tel préjudice.

A la tombée de la nuit, il chercha à rentrer chez-lui. A mi-chemin, il fit égarer au point de ne plus reconnaître l’emplacement de son domicile. Il se mit encore à chanter et à pleurer. Soudain, une belle petite Luciole, aux yeux noirs vint lui tourner trois fois émettant sa lumière verte sous ses ailes et lui montra la direction de sa maison sous le bois sacré.

La Luciole lui posa la question :
– Pourquoi, pleures-tu cher Grillon à cette heure-ci ?
– Je pleure parce qu’une partie de mes épinards a été mangée
– Ah, bon ! Ne connais- tu pas l’auteur de ce mauvais acte ?
– Point du tout.

La Luciole l’accompagna chez-lui. Il ne cessait en cours de route de lui expliquer avoir été victime dans son champ d’épinards d’une razzia de sa production vivrière. Après une brève escale dans sa maison, elle lui demanda d’aller lui montrer, en pleine nuit, ses sillons endommagés.

La Luciole le devança pour illuminer le chemin avec ses phares arrière que suivait gentiment le Grillon.

– Tu vois mes sillons qui ont été pris d’assaut maladroitement?
– Bien sûr !

La Luciole dit au Grillon :  « Je vais monter la sentinelle ici ». Il le remercia pour cette bonne proposition consistant à retrouver la piste du voleur. Il ajouta, en outre : « Comme tu as laissé une moitié d’épinards, je suis sûr que le malfaiteur reviendra sur le lieu de sa consommation ».

Le Grillon courut en dansant, sautant, vola et rentra dans sa maison aux multiples galeries.

Pendant ce temps, la Luciole était aux aguets, perchée sur la branche de l’arbuste en bordures des sillons. Elle vit, en pleine nuit, un Escargot marron, à la coquille rondelette, aux nombreux enfants, qui envahissait la portion congrue d’épinards. La Luciole décolla, sillonna les épinards, torcha l’Escargot de sa lumière de laser. Effrayé et ébloui, il se cacha avec tous ses enfants sous les feuilles vertes des épinards. Trop tard, la Luciole les avait déjà vus. Il partit rendre compte chez le Grillon. Celui-ci ne croyait pas un seul instant que l’Escargot pouvait lui causer un quelconque préjudice d’une si haute méchanceté. Je ne m’en reviens pas, dit-il : à peine trois mois, nous étions ensemble au mariage du Crapaud, à l’île Tsoukoula, et que nous étions assis sur la même table.

Eh, ben ! C’est bien ton ami que j’ai vu et surpris entrain de manger tes épinards.

La Luciole promit au Grillon une solution rapide et efficace. EIle repartit aux champs, pondit ses œufs sous les pieds des épinards. A leur éclosion ceux-ci devinrent des larves protectrices des légumes.

Voulant récidiver son acte dévastateur, l’Escargot repartit la nuit, comme à son habitude, pour racler le reste des épinards. Malheureusement, au même moment les larves de la Luciole qui patrouillaient entre les sillons, attrapèrent l’Escargot et toute sa famille; les mangèrent copieusement comme un régal de bon goût. L’information arriva dans les oreilles de la Luciole que le sort de l’Escargot était réglé. Elle partit chez le Grillon pour lui apporter la nouvelle. Celui-ci n’en croyait pas de ses yeux et demanda d’y faire un tour pour vivre la réalité de la mort de l’Escargot et de sa famille. Il l’embrassa, le félicita et lui offrit une coupe de vin pour célébrer ce grand événement de la victoire sur le malfaiteur et sa cohorte.

Après la dégustation du fruit de leur solution, ils se rendirent au champ et le Grillon trouva parsemé, par endroits, de nombreux cadavres d’Escargots, au contenu vide de leur coquille, car ils étaient dévorés par des larves de Luciole. Il était finalement convaincu de ce qui était arrivé. Il a cru au bon service reçu de la part de la Luciole, faisant de lui son meilleur ami pendant la saison de son existence.

La Luciole réitéra sa disponibilité auprès du Grillon, en lui disant : «  A chaque fois que tu seras dans le besoin, tu pourras compter sur moi ». Le souci du Grillon fut soulagé et réglé pour ses épinards. Je ne savais pas que tes larves avaient la particularité de manger des Escargots ce que toi-même ne sait pas faire.

Chacun de nous dans la nature a son rôle et la nature s’est réglée les choses devant le désespoir d’une situation alarmante.

© Bernard NKOUNKOU