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Côte d’Ivoire – Un trafiquant de cocaïne s’évade : poudre blanche et poudre d’escampette

juin 21, 2022

Le détenu Mohamed Tambedou s’est échappé, le 16 juin, de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan. En passant par la grande porte…

© Damien Glez

Drogue et évasion seraient-elles les deux mamelles d’un feuilleton judiciaire ivoirien désormais bien rodé ? C’est un communiqué daté du 19 juin et rédigé par le ministère de la Justice et des Droits de l’homme qui annonce l’évasion effarante du détenu Mohamed Tambedou, le 16 juin dernier, de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Ce jeudi, le Franco-Sénégalais de 39 ans, condamné à 10 ans d’emprisonnement pour des faits de trafic international de drogue, obtient des agents pénitentiaires Sakaridja Koné et Lacina Koné et de l’agent du service social Zeba Koné un document illicite de la prison pour effectuer une présumée opération bancaire à l’extérieur, en violation des procédures et des règles de sécurité en vigueur…

S’estimant suffisamment prudents, les trois agents extraient le prisonnier de sa cellule, mais décident de ne pas le lâcher d’une semelle. Sauf que quelques heures plus tard, ils reviennent à la Maca sans lui, expliquant que celui-ci est parvenu à s’échapper après avoir conduit ses accompagnateurs dans une résidence de la Zone 4. Les trois naïfs sont immédiatement soumis à une procédure pour complicité d’évasion…

La cocaïne à la une de la presse

Drogue et évasion ? Les échappées belles parsèment l’histoire carcérale contemporaine de la Côte d’Ivoire. Il y a 10 ans déjà, le gouvernement ivoirien révoquait deux directeurs de prison – dont celui de la Maca –, après l’évasion de 240 détenus en quelques mois, notamment au cours d’évasions collectives.

Quant aux affaires de drogue, elles font la une de la presse ivoirienne, après de nombreuses saisies récentes de cocaïne et l’arrestation de présumés trafiquants. Des étrangers, mais aussi un haut responsable ivoirien de la police criminelle, des hommes d’affaires exerçant dans le milieu de la pâtisserie et de la boulangerie, du bâtiment, de l’hôtellerie ou encore de la sécurité privée. Dans la conclusion du communiqué annonçant l’évasion récente du trafiquant franco-sénégalais, le ministère de la Justice et des Droits de l’homme a tenu à préciser que « contrairement aux informations relayées sur les réseaux sociaux, Tambedou Mohamed ne figure pas au nombre des personnes interpellées dans le cadre de la procédure ouverte à la suite de la découverte de l’importante quantité de cocaïne à Abidjan et à San Pedro, lesquelles demeurent en détention ». Rassurant 

Avec Jeune Afrique par Damien Glez

Côte d’Ivoire : bienvenue dans le quartier « bébés-mamans » de la Maca

novembre 23, 2016

Une Ivoirienne et son enfant dans un centre social de Yopougon, à Abidjan, en 2011. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

De très jeunes enfants vivent avec leur mère à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), où certains sont nés. Ni prisonniers, ni libres, ils ne sont référencés sous aucun titre d’incarcération car ils n’ont évidemment commis aucun crime ni délit. Administrativement, ils n’ont aucun statut. Reportage.

Maëlis, 7 mois : née en détention. Samaké, 2 ans : entré en détention à l’âge de 6 mois. Marie-Yvonne, 1 an : née en détention… En épluchant les registres carcéraux, on trouve des prisonniers à la situation pour le moins déconcertante. De fait, en Côte d’Ivoire, seize enfants ne possédant aucun titre de détention vivent dans les trente-quatre prisons que compte le pays.

C’est un paradoxe du Code pénal ivoirien. L’article 48 stipule bien que « la femme enceinte condamnée à une peine privative de liberté ne doit subir sa peine que huit semaines au moins après son accouchement. » Mais au ministère de la Justice, on peine à justifier la présence de ces femmes et nouveau-nés en détention au sein de la prison. « Un article inconnu des magistrats », « une loi peu appliquée », « le juge a le dernier mot »… Officiellement inexistants, ces enfants sont ainsi les grands oubliés des budgets alloués à l’alimentation ou à la santé.

Maëlis, 7 mois, n’a jamais connu d’autre univers que la prison

À l’entrée de la cour de la Maca, une phrase à la peinture bleue effritée annonce l’entrée du bâtiment des femmes. Derrière, se trouve le quartier « bébés-mamans ». Une pièce de 18m2 où s’entassent quatre enfants de 6 mois à 2 ans et demi, accompagnés de leurs mères, ainsi que de trois femmes enceintes. « C’est une chambre prévue pour deux personnes mais on manque un peu de place », avance maladroitement la gardienne en entrant dans la cellule.

La prison, censée accueillir 1 500 personnes, héberge aujourd’hui 4 165 détenus. Au milieu de la cellule, en train de tirer frénétiquement sur une des moustiquaires, Maëlis, 7 mois, n’a jamais connu d’autre univers que la prison. Avec pour tout cadre de vie une cour, une cellule surpeuplée et, de temps à autre, l’infirmerie. Dès qu’elle tente de rejoindre une cellule voisine en rampant, sa mère la rattrape rapidement. « Je ne peux pas la laisser s’éloigner », justifie Juliana. « À l’extérieur ce serait différent. Ici, je n’ai pas confiance. Une des détenues est parfois violente. »

Enfants morts-nés

Pour l’accouchement, Juliana a pu sortir de prison. Sans menottes, mais sous la surveillance constante de deux gardiennes en treillis. Arrivée un mardi à 15h à l’hôpital de Yopougon, elle en est sorti moins de 24h plus tard, direction la Maca. « Parfois la femme enceinte voit les signes trop tard et accouche sur place, mais c’est rare », assure Bouaffou Kouamé, le médecin chef de la prison. Quelques cas d’enfants morts-nés sont évoqués. On n’en parlera pas plus : « c’est marginal », assure-t-il.

Depuis un an, le suivi médical des enfants se fait entièrement en interne. Le personnel de la prison achète les vaccins à l’extérieur et deux sages-femmes s’occupent de les administrer. « Comme ça les enfants n’ont plus à sortir », se félicite l’administration pénitentiaire.

Quand ils sortent, les enfants doivent se détacher de leur maman mais également de la prison

Sortir de la prison. Passé l’âge de deux ans, cette question devient une urgence pour ces « enfants-Maca. » Emmanuel a quitté la prison il y a un an, après plus de quatre années passées au sein du bâtiment des femmes. Au moment de sa sortie, le diagnostic du médecin chef est alarmant. « Comportement agressif, violent. Il renvoie aux autres l’environnement hostile qu’il perçoit et pense être sa norme. »

Pourtant, Emmanuel fait partie des rares enfants à avoir pu sortir pendant le temps de leur incarcération. En 2013, l’association Mireille Hanty a mis en place un projet de scolarisation des enfants en détention. Les débuts ne sont pas faciles. « C’est d’autant plus anxiogène pour ces enfants qu’ils doivent se détacher de leur maman mais également de la prison, le seul environnement qu’ils connaissent », explique Christelle Dezaké, en charge du programme auprès de l’association.

Détention illégale pour les enfants de plus de deux ans

Cris, pleurs… La première fois qu’il a croisé une poule sur le chemin de l’école, Emmanuel s’est enfui en courant. Qu’en est-il de sa scolarisation ? Chaque matin, un bénévole de l’association vient chercher un des enfant à la Maca pour le conduire jusqu’à l’école et le ramener le soir. Une logistique complexe puisque la prison ouvre à 10h quand l’école commence à 8h.

« Ce ne sont techniquement pas des prisonniers, mais ils restent soumis aux horaires carcéraux », se désole Christelle. Aujourd’hui, le programme est à l’arrêt par manque de financements. Interrogé sur la présence de ces enfants en prison, Amonku Monsan, le directeur de la Maca, assume une situation… illégale. « Dans la loi, les enfants de plus de deux ans ne peuvent pas rester en détention. Mais dans la pratique, beaucoup de femmes veulent rester avec leur enfant alors on les laisse. » Quid de l’article 48 qui interdit la présence des femmes enceintes ? Le discours est le même qu’au ministère.

« Un article inconnu des magistrats ». « Une loi peu appliquée ». « Le juge a le dernier mot ».

Jeuneafrique.com par Océane Lerouge

Côte d’Ivoire/Mutinerie à la prison d’Abidjan : deux morts et dix blessés (officiel)

février 20, 2016

Au moins deux personnes sont mortes dans une mutinerie qui s’est produite, samedi, à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA), faisant également dix blessés, indique le bilan officiel communiqué par les autorités.

Dans une déclaration remise à APA par le Directeur général de la police nationale, le Contrôleur générale Brédou M’Bia, le gouvernement déplore un « incident grave » survenu, samedi, aux environs de 9h00, Gmt et heure locale à la MACA.

En effet, explique la note, « à la suite d’une opération de renforcement de la sécurité à l’intérieur de l’établissement, certains détenus menés par Coulibaly Yacouba ont opposé une farouche résistance et ce, pendant plusieurs heures ».

Ce refus, a occasionné des « heurts au cours desquels 10 agents pénitentiaires ont été blessés dont l’un a malheureusement succombé à ses blessures », ajoutent les autorités.

Du côté des détenus, poursuit le texte, « l’on déplore la mort de Coulibaly Yacouba alias Yacou le Chinois ». D’autres sources non officielles comptabilisent au moins sept autres morts en plus des deux annoncés officiellement. Cinq kalachnikovs et des armes blanches ont été saisies par les forces de l’ordre au bâtiment C de la MACA, annonce à APA, une source sécuritaire.

« Tous les blessés ont été évacués au CHU (Centre hospitalier et universitaire) de Yopougon où ils reçoivent les soins appropriés », conclut le texte.

Apanews.net

 

Côte d’Ivoire : Yacou le Chinois, le voyou qui fait trembler la Maca

septembre 23, 2014

Yacou le Chinois est au centre des rumeurs.
Yacou le Chinois est au centre des rumeurs. © DR

La Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan est tenue d’une main de fer par… un prisonnier. Derrière les barreaux, Yacou le Chinois fait la loi. Et est devenu célèbre dans tout le pays.

Sur les photos, il est parfois assis sur une chaise, tout de blanc vêtu, un smartphone à la main. On peut aussi le voir debout devant une télévision, une grosse montre au poignet. Ou entouré de jeunes, lunettes de soleil sur le nez, sirotant une boisson énergisante.

Sur internet, les images sont nombreuses. Sur les réseaux sociaux aussi, où certains s’arrogent déjà son surnom… Yacouba Coulibaly, dit Yacou le Chinois en raison de ses yeux bridés, est devenu une sorte de star locale dont les frasques, réelles ou fantasmées, font régulièrement les gros titres de la presse ivoirienne.

Le hic, c’est que Yacou le Chinois est en prison, plus précisément à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), la plus grande du pays. Si sa célébrité actuelle peut paraître quelque peu surréaliste, son parcours pénitentiaire l’est tout autant. Condamné une première fois à vingt ans de détention en 2010 pour vol aggravé, il s’évade peu de temps après.

Lorsqu’il réapparaît, c’est pendant la crise postélectorale de 2011 en tant que membre des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), loyales à Alassane Ouattara. Il prend même du galon et devient caporal.

Mais très vite, dans le quartier de Cocody, le Chinois refait parler de lui. Agressions, vols, braquages puis meurtre… Retour à la case Maca, avec de nouveau une condamnation à vingt ans ferme. Le prisonnier est incarcéré au bâtiment C, celui des criminels endurcis qui purgent de longues peines de détention. Construite en 1980, la Maca était prévue pour accueillir 1 500 prisonniers. Aujourd’hui, ils sont 4 600, selon les chiffres officiels. Une véritable ville dans la ville sur laquelle règnent Yacou le Chinois et ses lieutenants.

Complicité des gardes et des chefs de bâtiment officiels

Gilles (par peur des représailles, il préfère taire son vrai nom) a passé vingt mois à la Maca entre 2012 et 2014. Il était logé au bâtiment A mais se souvient très bien du célèbre détenu : « Yacou se comporte comme le chef de la Maca, ce qu’il est de toute façon. Il peut aller partout, dans tous les bâtiments, toutes les cellules, toutes les cours, avec la complicité des gardes et des chefs de bâtiment officiels. »

Gilles reconnaît que lui-même n’était pas à plaindre. Cet homme d’affaires avait les moyens de s’offrir les services d’un boy, chargé de faire ses courses, de préparer ses repas et de lui monter l’eau pour sa douche quotidienne.

En revanche, le privilège d’occuper une cellule de « seulement » onze détenus – un vrai luxe à la Maca, où quarante personnes doivent souvent partager le même espace réduit -, c’est à Yacou qu’il a dû l’acheter : 20 000 F CFA (environ 30 euros) directement versés aux lieutenants du « chef ». Pour une cellule de cinq personnes, le tarif aurait été double. Et là encore, c’est avec Yacou et ses hommes qu’il aurait fallu négocier. À la Maca, tout se paie. Et mieux vaut avoir une famille qui vient vous réapprovisionner lors des trois parloirs hebdomadaires.

La mère de Yacou, sexagénaire, vient elle aussi souvent le voir à la Maca. Et il le lui rend bien. Tous les mois, le fils prodigue lui envoie une aide financière. Il faut dire que la lecture et les prêches de religieux, pourtant nombreux en prison, ce n’est pas vraiment son dada… Lui, ce qu’il préfère, c’est le business. « Il ne se déplace jamais seul et dirige tous les trafics possibles et imaginables grâce à une quarantaine de détenus qui l’entourent, raconte encore Gilles. C’est la loi du plus fort. Ils sont nombreux, organisés et se connaissent souvent depuis l’extérieur. Bref, ils règnent. »

Des témoignages comme celui-ci, les ONG de défense des droits de l’homme en ont recueilli des dizaines. On pense par exemple à cette vieille femme dont le petit-fils, pris en flagrant délit de vol, a été condamné à une peine de prison ferme et envoyé directement à la Maca. Désespérée, elle raconte comment le jeune homme s’est vu réclamer, dès son arrivée, 10 000 F CFA pour que la bande de Yacou lui accorde un simple matelas…

Mutinerie soldée par la mort de trois prisonniers

Le ministère de la Justice n’a pas souhaité répondre à nos questions, mais n’ignore pas le problème. Depuis plusieurs mois, les ONG pressent Gnénéma Coulibaly, titulaire du portefeuille, de transférer Yacou le Chinois dans une prison plus sécurisée – idéalement à Bouaké. Un transfert a d’ailleurs été tenté, en juillet 2013, mais il a débouché sur une mutinerie qui a duré près d’une journée et s’est soldée par la mort de trois prisonniers. Certaines associations affirment ne plus se rendre à la Maca parce que leurs employés y ont été directement menacés. Pour elles, cela ne fait aucun doute : c’est Yacou le Chinois qui fait la loi à la prison d’Abidjan.

En mai, Eugène Nindorera, le chef de la division droits de l’homme de la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), s’en inquiétait sur les ondes de Radio France internationale (RFI). « Yacou le Chinois, expliquait-il, est quelqu’un qui a le sentiment d’être au-dessus des lois et qui bénéficie de certaines protections. Il faudrait mettre fin à cette situation le plus rapidement possible. » Derrière ses lunettes noires, pas sûr que l’intéressé se soit senti particulièrement menacé.

 Jeuneafrique.com par Haby Niakate, envoyée spéciale