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« Deux ans après le décès d’Idriss Déby Itno, le Tchad reste debout »

avril 21, 2023

La mort du maréchal a laissé le pays face à une transition aux défis multiples, que son fils Mahamat Idriss Déby Itno s’efforce de relever, maintenant la main tendue aux Tchadiens absents des assises de Doha et de N’Djamena, souligne Jean-Bernard Padaré, ministre d’État et conseiller à la présidence.

Un homme tient un livre en mémoire de feu le président Idriss Déby Itno, trois jours après la mort de celui-ci à N’Djamena, le 23 avril 2021. © Christophe Petit Tesson/AFP.

Le 20 avril 2021, le chef de l’État tchadien, le maréchal Idriss Déby Itno, décédait dans des conditions tout aussi soudaines que brutales. Les inquiétudes qui s’emparèrent du pays étaient d’autant plus légitimes et fondées que, depuis son arrivée au pouvoir le 1er décembre 1990, le président s’était employé sans répit, au prix de moult sacrifices, à force de dialogue, et, lorsque cela était nécessaire, de concessions à ses adversaires politiques, à solidifier l’appareil d’État, à garantir la stabilité du pays et à protéger ses frontières.

Il tenait à ces deux piliers de son projet politique comme à la prunelle de ses yeux, raison pour laquelle il s’en est allé les armes à la main, sur le champ d’honneur de la défense de la patrie et de l’intégrité territoriale du Tchad.

Un dialogue réellement inclusif

Deux ans après la disparition tragique de Déby Itno, le Tchad demeure debout, les institutions sont solides. Compte tenu du rôle pivot que le défunt président a longtemps assumé dans la gestion des affaires du pays, les forces politiques, les acteurs de la société civile, nos principaux partenaires au développement ont estimé à l’unanimité la tenue nécessaire d’une vaste concertation entre les forces politiques et les acteurs de la société civile, sans exclusive.

À l’issue de ces assises, les Tchadiens ont défini de manière consensuelle les contours d’un nouveau projet de refondation de l’État et de progrès, en vue d’une paix réelle et durable.

Au commencement, l’équipe chargée de l’organisation de cette grand-messe avait mis en place les pré-dialogues dans les 23 provinces du pays. Des pourparlers de paix qui ont été concrétisés par les rencontres de Doha au Qatar entre les différents groupes armés alors en désaccord sur les lignes d’horizon du pays. Ce premier round des négociations inter-tchadiennes en prélude au Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) trouvait sa raison d’être dans la singularité de la scène politique intérieure du Tchad. En effet, au regard du poids des groupes armés dans l’espace politique national, il apparaissait indiqué de faire précéder la paix des âmes par la paix des armes.

A posteriori, le choix de cette méthode de cheminement vers la paix fut clairvoyant, même si certaines parties conviées à ces pourparlers n’ont pas été, in fine, signataires des accords de Doha ou des conclusions du DNIS. De ces assises, on retiendra non seulement la présence constructive de groupes armés – et non des moindres –, mais aussi, et surtout, leur participation au gouvernement d’union nationale, qui gère depuis le 12 octobre 2022 les affaires du pays.

Singularité politique

Les assises du DNIS furent le second round de la feuille de route des autorités de la transition pour préserver la stabilité du Tchad et impulser les mutations institutionnelles, notamment le retour à l’ordre constitutionnel. Autant d’étapes qu’ont rendues nécessaires les évolutions de notre société et les enjeux de notre environnement géopolitique. Le chef de l’État Mahamat Idriss Déby Itno, soucieux d’associer la nation tout entière à l’œuvre de construction de notre pays, a nommé dès son entrée en fonction un Premier ministre civil en la personne d’Albert Pahimi Padacké, que remplacera dix-huit mois plus tard Saleh Kebzabo.

LE CHEF DE L’ÉTAT MAINTIENT LA MAIN TENDUE AUX TCHADIENS ABSENTS À CES ASSISES

La nomination de cet opposant historique traduit, s’il en était encore besoin, la volonté de large ouverture du président, à savoir renforcer la cohésion nationale, dans le droit fil de la philosophie politique de son prédécesseur, ainsi que de celles des négociations de Doha et des conclusions du DNIS. Pour s’en convaincre davantage, la physionomie du gouvernement d’union nationale possède cette singularité dans l’histoire politique de notre pays de rassembler en son sein, des personnalités fortes et de poids.

La nouvelle équipe s’échine depuis les premiers instants de son entrée en fonction à poser les balises qui conduiront le pays jusqu’aux prochaines consultations électorales et donc au retour à l’ordre constitutionnel. Si ces échéances tiennent une place centrale dans la feuille de route du gouvernement, celui-ci s’attèle dans le même temps à conduire les divers chantiers de développement indispensables à l’émergence du pays, qu’ils soient sociaux, infrastructurels ou institutionnels.

Une certaine lecture de la situation politique présente pourrait objecter qu’à Doha comme à N’Djamena, tous les acteurs politiques ou de la société civile n’ont pas été signataires des accords de paix, et par conséquent ne sont pas solidaires de la transition. Nous ferions observer que le chef de l’État maintient la main tendue aux Tchadiens absents à ces assises, comme il l’a martelé dans son discours de clôture du DNIS.

Étape cruciale

Au Mouvement patriotique du salut (MPS), nous avons conscience que la transition ne sera pas un long fleuve tranquille. Les événements du 20 octobre 2022 en sont l’illustration tragique. Toutefois, nous exhortons les autorités de la transition à maintenir le cap du rassemblement des Tchadiens.

Le prochain référendum en vue de l’adoption de la forme de l’État et celle d’une nouvelle constitution, socle des institutions de notre pays et de notre vivre-ensemble sera en ce sens une étape cruciale. Il y a d’ores et déjà lieu de se réjouir de voir certains de nos compatriotes retrouver la liberté à l’occasion des récentes mesures de clémence du chef de l’État. Nous l’encourageons autant que faire se peut à persévérer dans la réconciliation entre Tchadiens. Et ceux de nos compatriotes qui ont délibérément décidé de s’auto-exclure du processus en cours, nous les exhortons à rejoindre leur juste place au sein de la République.

Enfin, il va de soi que face à tous ces défis, l’appui multiforme de nos partenaires demeure vital. Jusqu’au terme de la deuxième phase de la transition en cours, notre pays aura besoin de l’accompagnement de tous. La réussite de la transition est dans l’intérêt de tous les Tchadiens et de tous ses amis.

Avec Jeune Afrique

Jean-Bernard Padaré

Par Jean-Bernard Padaré

Ministre d’État, conseiller à la présidence du Tchad, secrétaire général adjoint et porte-parole du MPS (Mouvement patriotique du salut).

Au Tchad, grâce présidentielle pour 380 rebelles emprisonnés à vie

mars 26, 2023

Le président Mahamat Idriss Déby Itno a gracié ce samedi 25 mars 380 membres du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), condamnés mardi dernier à la prison à perpétuité pour leur implication dans la mort de l’ancien chef de l’État Idriss Déby Itno.

Lors des funérailles d’État du président Idriss Déby Itno, le 23 avril 2021 à N’Djamena. © Christophe PETIT TESSON / POOL / AFP

Dans un commniqué publié le samedi 25 mars, les services de Mahamat Idriss Déby Itno ont annoncé que « les membres du groupe armé dénommé FACT [Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad] condamnés pour des faits d’atteintes à l’intégrité de l’État […] bénéficient de la Grâce présidentielle ».À LIRETchad : qui sont les rebelles du FACT que combattait Idriss Déby ?

Plus de 400 rebelles avaient été condamnés le mardi 21 mars à la prison à perpétuité, notamment pour « atteinte à la vie » de l’ancien président Idriss Déby Itno, tué au front en 2021 lors de leur offensive. Ils avaient également été reconnus coupables d’« acte de terrorisme, mercenariat, et atteinte à la sécurité du territoire national ».

Francis Lokoulde, l’un des avocats des membres du FACT, a dit son « soulagement » pour les 380 rebelles graciés. Le chef du FACT en exil, Mahamat Mahdi Ali, et 55 membres de l’organisation condamnés par contumace à la prison à vie mardi ne sont néanmoins pas concernés par cette mesure, a-t-il précisé.

Accord de paix de Doha

Au printemps 2021, le FACT, alors le plus puissant des groupes rebelles, avait lancé à partir de ses bases arrières en Libye, une offensive en direction de la capitale, N’Djamena. Le 20 avril, l’armée annonçait que le maréchal Déby, qui dirigeait le Tchad depuis plus de trente ans, avait été tué au front par les rebelles ; et elle nommait un de ses fils, le jeune général Mahamat Idriss Déby Itno, président de la République pour une période de transition, à la tête d’une junte militaire de 15 généraux.

Mahamat Idriss Déby Itno a été reconduit à la tête de l’État à l’issue d’une période de transition de dix-huit mois, finalement repoussée de deux ans en octobre 2022, au terme d’un dialogue de « réconciliation nationale » boycotté par l’opposition et les rebelles les plus actifs. À l’issue de ce dialogue, il a réitéré son engagement pris dans le cadre d’un accord de paix signé à Doha le 8 août avec certains groupes rebelles de libérer des « prisonniers de guerre ». Il en avait fait élargir des centaines mais maintenu d’autres en prison, notamment ceux du FACT.

Par Jeune Afrique (avec AFP)

Tchad : une « cinquantaine de morts » après les manifestations, mise en place d’un couvre-feu

octobre 20, 2022

Policiers et manifestants s’affrontent ce jeudi dans la capitale, où des centaines de personnes se sont réunies à l’appel de l’opposition pour protester contre la prolongation de la transition et le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno.

Le corps d’un manifestant recouvert du drapeau tchadien, à N’Djamena le 20 octobre 2022. © AFP

Au moins « une cinquantaine » de personnes ont été tuées, dont « une dizaine » de membres des forces de sécurité, dans des heurts qui opposent manifestants et forces de l’ordre, a déclaré le Premier ministre Saleh Kebzabo, qui a annoncé la « suspension de toute activité » d’importants groupes d’opposition et un couvre-feu.

Dans les rues de la capitale, des nuages de fumée noire sont visibles et des tirs de gaz lacrymogène se font régulièrement entendre, tandis que des barricades ont été dressées dans plusieurs quartiers de la ville et que des pneus sont brûlés sur les principaux axes routiers afin d’obstruer la circulation.

Dans le 7e arrondissement de la capitale, sur l’axe principal du quartier Abena, un corps est recouvert du drapeau tchadien, entouré de plusieurs manifestants. Dans le 6e arrondissement, fief de l’opposition où est également situé le domicile du Premier ministre Saleh Kebzabo – nommé le 12 octobre à la tête du gouvernement qu’il avait rallié il y a dix-huit mois –, les rues sont désertes. Des pneus, des troncs d’arbre, des amas de briques jonchent les rues. Les établissements scolaires et universitaires sont fermés.

Les manifestations de ce jeudi 20 octobre ont fait une « cinquantaine » de morts à travers le Tchad, a déclaré le Premier ministre Saleh Kebzabo, qui a annoncé la « suspension de toute activité » d’importants groupes d’opposition et un couvre-feu.

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Des membres de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) déblaient les débris après l’incendie au sein de leur quartier général, à N’Djamena, le 20 octobre 2022, au Tchad. © AFP.

« Il y a eu une cinquantaine de morts, surtout à N’Djamena, Moundou et Koumra, et une centaine de blessés », a-t-il affirmé, précisant que l’instauration du couvre-feu de « 18 h à 6 h du matin » durera jusqu’au « rétablissement total de l’ordre » à N’Djamena, à Moundou, à Doba et à Koumra » et a prévenu que le gouvernement « fera régner l’ordre sur l’ensemble du territoire et ne tolèrera plus aucune dérive d’où qu’elles viennent ».

Le siège du parti de Kebzabo incendié

« Ils nous tirent dessus. Ils tuent notre peuple. Les soldats du seul général qui a refusé d’honorer sa parole et aujourd’hui c’est la fin des 18 mois, voilà comment il entend installer la dynastie en tuant le peuple », a écrit dans un message sur Twitter Succès Masra, l’un des principaux opposants au pouvoir. Le leader du parti Les Transformateurs avait lancé mercredi un appel à une manifestation pacifique, qui a été interdite par les autorités.

Le siège du parti de Saleh Kebzabo, l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), a été pris pour cible par les manifestants et a été « en partie incendié », a indiqué le vice-président du parti, Célestin Topona.

Ces violences se déroulent alors que la transition de dix-huit mois, qui devait s’achever ce jeudi 20 octobre, a été prolongée. Fin septembre, Mahamat Idriss Déby Itno a été maintenu président jusqu’à des élections libres et démocratiques, censées se tenir à l’issue d’une deuxième période de transition et auxquelles le président pourra se présenter. Cette prolongation, annoncée à l’issue du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS), boycotté par une partie de l’opposition, a braqué les opposants politiques et armés.

Par Jeune Afrique avec AFP

Tchad : un gouvernement d’union nationale dans « les tous prochains jours »

octobre 10, 2022

Mahamat Idriss Déby Itno a annoncé lundi 10 octobre, lors de son investiture comme président de la transition, la formation prochaine d’un gouvernement d’union nationale.

Mahamat Idriss Deby Itno lors de son investiture en tant que président de la transition, à N’Djamena le 10 octobre 2022. © DENIS SASSOU GUEIPEUR / AFP

Le Dialogue national inclusif et souverain (DNIS), qui s’était ouvert le 20 août, après de multiples reports, et qui s’est achevé samedi 8 octobre à N’Djamena, a prolongé de deux ans la transition vers des élections « libres et démocratiques ». Il a aussi entériné la possibilité pour Mahamat Idriss Déby Itno de s’y présenter.

« Deuxième phase »

Lors de cette « deuxième phase », le futur gouvernement, dont la composition doit être annoncée prochainement, « s’emploiera corps et âme pour que la volonté du peuple tchadien ne souffre d’aucune entorse », a déclaré Mahamat Idriss Déby Itno, ajoutant que « des élections seront organisées dans la transparence et la sérénité pour permettre aux Tchadiennes et Tchadiens de mettre un terme à la transition et assurer le retour à l’ordre constitutionnel ».

En attendant, la présidence tchadienne a annoncé, ce lundi 10 octobre, la nomination de Gali Ngothe Gatta au poste de secrétaire général, avec rang de ministre d’État. Ancien conseiller d’Hissène Habré devenu opposant sous la présidence d’Idriss Déby Itno, c’est lui qui avait été choisi pour piloter le dialogue.

Cette deuxième investiture en tant que président de la transition s’est déroulée en présence du chef de l’État nigérian, Muhammadu Buhari, et de plusieurs ministres d’Afrique de l’Ouest et centrale (Niger, Centrafrique, RDC), mais aussi des ambassadeurs de France et de l’Union européenne.

Le jeune général de 38 ans avait déjà été proclamé par l’armée président de la République, à la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT, désormais dissout) de 15 généraux, le 20 avril 2021, jour de l’annonce de la mort de son père Idriss Déby Itno, tué au front contre des rebelles.

Par Jeune Afrique avec AFP

Tchad : Mahamat Idriss Déby Itno signe un accord avec des rebelles

août 8, 2022

Mahamat Idriss Déby Itno, a signé lundi au Qatar un accord avec une quarantaine de groupes rebelles destiné à lancer un dialogue national le 20 août à N’Djamena.

Mahamat Idriss Déby, à N’Djamena, le 12 juin 2021. © Vincent Fournier/JA

Le président de transition au pouvoir à N’Djamena, arrivé vendredi 5 août à Doha, a signé lundi au Qatar un accord avec une quarantaine de groupes rebelles destiné à lancer un dialogue national le 20 août à N’Djamena. Le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), l’un des principaux groupes rebelles, n’a pas signé l’accord, malgré les espoirs des médiateurs à Doha qui ont cherché à le convaincre jusqu’à la dernière minute.

Joint par Jeune Afrique, le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères Majid Al Ansari estime néanmoins que les « lignes de communication restent ouvertes avec toutes les parties (y compris le FACT, ndlr) qui ont participé aux négociations. Le Qatar est prêt à poursuivre son rôle en tant que médiateur si la demande nous est faite à l’avenir. » Il signale que 42 groupes sur les 47 représentés à Doha pendant les négociations ont signé l’accord.

Cette signature intervient après cinq mois de négociations entre le Conseil militaire de transition tchadien (CMT) et des groupes armés, qui ont débuté en mars, après plusieurs reports, pour mettre fin à des décennies de troubles et d’instabilité au Tchad.

« Ces négociations ont pris un peu de temps, en raison d’abord du nombre de participants, puis des différentes versions de l’accord et des changements de dernière minute. L’accord porte d’abord sur le format des discussions qui auront désormais lieu à N’Djamena », précise encore le porte-parole du ministère qatari.

Cessez-le-feu, désarmement…

Quant au contenu de l’accord, selon une source qui y a eu accès, il prévoit : un cessez-le-feu permanent et l’arrêt des hostilités entre toutes les parties ; l’engagement du Conseil national de transition à ne pas mener d’opérations militaires ou policières contre les groupes signataires sur le territoire tchadien ou dans les pays voisins ; un consensus sur la nécessité du désarmement des groupes militaires et leur intégration dans l’armée, et l’ouverture d’un dialogue national pour répondre aux problèmes institutionnels et organiser des élections.

Sur ce dernier point, Majid Al Ansari se montre optimiste et affirme que l’accord « ouvre désormais la voie à un scrutin », dont les modalités doivent désormais être discutées à N’Djamena. Censé ouvrir la voie au retour à un pouvoir civil, le texte a été qualifié de « moment clé pour le peuple tchadien » par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.

Depuis plusieurs années, le Qatar est engagé dans une diplomatie de la médiation, qui a poussé l’émirat à organiser des discussions sur le Darfour et l’Afghanistan, notamment. Majid Al Ansari se félicite du fait que le Qatar soit désormais considéré comme « un partenaire international de confiance, doté d’une solide expérience dans la construction de la paix. »

Par Jeune Afrique (Avec AFP)

Tchad : un an après la mort de Déby, la transition dans l’impasse ?

avril 18, 2022

CONTEXTE. Fin du prédialogue entre les politico-militaires et le gouvernement à Doha, élections, transfert du pouvoir aux civils : l’horloge tourne pour la transition.

Mahamat Idriss Deby Itno, le fils du president Idriss Deby Itno, dirige depuis un an le Conseil militaire de transition (CMT).
Mahamat Idriss Déby Itno, le fils du président Idriss Déby Itno, dirige depuis un an le Conseil militaire de transition (CMT).© BRAHIM ADJI / Tchad Presidential Palace / AFP

Il y a un an, l’armée annonçait que le président tchadien Idriss Déby Itno, à la tête d’un pouvoir très autoritaire depuis 30 ans, avait été tué au front contre une énième rébellion. Soit neuf jours après la présidentielle qu’il a remportée dès le premier tour, pour un sixième mandat. Le même jour, le 20 avril 2021, son fils Mahamat Idriss Déby Itno, jeune général de 37 ans, est proclamé chef d’une junte de 15 généraux et président de la République de transition, en accord avec le président de l’Assemblée nationale, Haroun Kabadi, successeur constitutionnel en cas de décès du chef de l’État.

Il est aussitôt adoubé par la communauté internationale, France, Union européenne (UE) et Union africaine (UA) en tête, les mêmes qui sanctionnent des militaires putschistes ailleurs en Afrique. Parce que son armée est indispensable dans la guerre contre les djihadistes au Sahel et que Mahamat Déby promet de remettre le pouvoir aux civils dans les 18 mois. Mais la situation s’est figée depuis.

Qu’a promis la junte il y a un an ?

Le nouvel homme fort de N’Djamena dissout immédiatement le Parlement, limoge le gouvernement, abroge la Constitution, mais promet des « élections libres et démocratiques » après une transition de dix-huit mois. Renouvelable « une fois », tempère, le lendemain, une « Charte de transition ». Le général Déby s’engage aussi à ne pas se présenter à la future présidentielle.

Paris, l’UE et l’UA demandent que la transition ne dépasse pas 18 mois, ce qui suppose l’organisation d’élections à l’automne 2022.

Premier coup de canif dans ces engagements deux mois plus tard : Mahamat Déby envisage une prolongation de la transition, si les Tchadiens ne sont pas « capables de s’entendre », et « remet à Dieu » son « destin » personnel pour la présidentielle.

Autre promesse importante : un « Dialogue national inclusif » ouvert à « toutes » les oppositions, politiques et armées, donc à la cinquantaine de groupes et groupuscules rebelles qui harcèlent le pouvoir depuis 30 ans.

Pourquoi ce sera difficile, voire impossible, à tenir ?

Aujourd’hui, les élections sont une chimère à six mois de la date butoir théorique, tant les positions sont aux antipodes et les retards irréversibles.

Un « prédialogue de paix », impératif pour leur participation au dialogue inclusif, s’ouvre à Doha le 13 mars avec « tous » les groupes armés. Une « main tendue », comme l’affirme Mahamat Déby, qui tranche avec l’intransigeance de son père. C’est là que le bât blesse : plus de 250 membres d’une cinquantaine de mouvements rebelles sont, depuis un mois, dans la capitale du Qatar mais refusent de parler directement aux émissaires de la junte et ne parviennent même pas à s’entendre entre eux.

L’opposition y voit une manœuvre dilatoire du pouvoir pour saboter par avance ces pourparlers en imposant au médiateur qatari, qui s’y opposait, un nombre hallucinant d’interlocuteurs, recette garantie pour un dialogue de sourds.

Un mois après, à Doha, aucun progrès tangible ne perce et le maintien du dialogue national prévu le 10 mai à N’Djamena semble illusoire. D’autant que l’opposition politique – que Mahamat Déby laisse manifester, chose inconcevable sous son père – boude depuis début avril l’organisation du forum et menace de le boycotter, accusant la junte de perpétuer les « violations des droits humains » et de préparer une candidature du général Déby à la présidentielle.

Quels scénarios possibles ?

« Le calendrier de la transition ne sera pas respecté », prédit Thierry Vircoulon, spécialiste de l’Afrique centrale à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

« Doha n’avance pas, un accord sera très difficile à trouver, ce qui repousse la transition », abonde Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris.

Pourtant, samedi 16 avril, la junte a promis que la date du 10 mai sera maintenue. « Le dialogue attendu par tous doit impérativement déboucher sur des institutions démocratiques », martèle le gouvernement de transition nommé par Mahamat Déby à l’adresse des sceptiques.

Mais pour l’heure, la perpétuation du régime du père semble l’hypothèse la plus probable. Son pouvoir très autoritaire s’appuyait sur sa toute-puissante armée, dont l’encadrement est verrouillé par son ethnie zaghawa. Or, le fils a rapidement « consolidé son pouvoir en s’entourant des caciques de l’ancien régime », assure Thierry Vircoulon, « il y a une vraie continuité entre le père et le fils, le système Déby est toujours en place ». « Ce sont toujours les mêmes qui sont au pouvoir, autour des Zaghawas », renchérit Roland Marchal.

Ce statu quo pourrait d’ailleurs convenir à une majorité de Tchadiens comme à la communauté internationale, qui y voient un gage de stabilité dans une région tourmentée – avec la Centrafrique, la Libye et le Soudan pour voisins – et contre l’activisme des djihadistes de Boko Haram et du groupe État islamique autour du lac Tchad. « Sur la sécurité, les choses sont assez gérées pour l’instant, les groupes armés ne représentent pas une menace », assure Thierry Vircoulon. Depuis un an, les rebelles n’ont lancé aucune offensive.

Par Le Point avec AFP