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Canada/Pénurie de main-d’œuvre : le gouvernement du Québec cible des étudiants étrangers

mai 27, 2022
Une pancarte de l'université.

Des étudiants de l’Université du Québec à Trois-Rivières pensent que la mesure d’exemption des droits de scolarités en faveur des étudiants étrangers devaient s’appliquer à tous les programmes d’étude (archives). Photo : Gracieuseté: UQTR

Des étudiants internationaux à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) voient en la mesure d’exemption du gouvernement du Québec une occasion manquée d’économiser sur leurs droits de scolarité. Une mesure tardive selon eux, mais qui constitue un plus pour les futurs étudiants internationaux.

Les étudiants internationaux ciblés dans le programme d’exemption des droits de scolarité doivent s’intéresser aux domaines où le manque de main-d’œuvre est le plus criant. Ils n’auront plus à payer 24 000 $ pour une année d’études à l’université, mais 3000 $, comme c’est le cas pour les étudiants québécois. De plus, ils doivent s’inscrire à temps plein dans une université francophone et être prêts à s’installer en région.

Masseni Doumbia vient de boucler sa maîtrise en gestion de projet à l’UQTR. Les deux années d’études lui ont coûté plus de 30 000 $. La nouvelle mesure annoncée par Québec arrive un peu tard dans son parcours académique. Elle y voit tout de même l’occasion d’embrasser de nouvelles opportunités.

« C’est sûr que j’aurais préféré en bénéficier, mais bon je peux toujours m’inscrire dans une autre matière et apprendre plus. Cela me donne l’opportunité d’avoir plus de diplômes. »— Une citation de  Masseni Doumbia, étudiante internationale finissante à la maîtrise à l’UQTRUne étudiante internationale à l'UQTR assise près de la cafétéria.

Même si elle vient de terminer sa maîtrise en gestion de projet à l’UQTR, Masséni Doumbia affirme qu’elle profitera de la nouvelle mesure d’exemption du gouvernement pour obtenir plus de diplôme Photo : Radio-Canada/Josée Ducharme

C’est une bonne idée au départ, estime Masséni Dumbia. Mais elle croit que la meilleure formule c’est d’élargir le cadre du programme pour permettre à plus d’étudiants d’en bénéficier.

Élisabeth Gomis, une autre étudiante internationale, abonde dans le même sens. Elle trouve dommage que la mesure ne s’applique pas à l’ensemble des professions.

C’est aussi le point de vue du recteur de l’UQTR. Ç’aurait été bienvenu que ce soit l’ensemble des programmes qui soit visé, dit Christian Blanchette, mais on voit que le gouvernement a une stratégie très orientée vers certaines des professions qui sont en manque. C’est bienvenu dans ces professions-là.

« On apprécierait un programme qui nous permet d’attirer des étudiants dans toutes les disciplines parce que la pénurie de main-d’œuvre s’observe dans toutes les disciplines. »— Une citation de  Christian Blanchette, recteur de l’UQTR

Par ailleurs, M. Blanchette pense que la mesure d’exemption du gouvernement est une solution à moyen terme qui peut contribuer à atténuer le problème, et qu’il ne s’agit pas de la seule solution à mettre en place. Il admet toutefois qu’il s’agit d’une mesure attractive qui permettra de recruter plus d’étudiants.

Les étudiants francophones traités en parents pauvres

Christian Blanchette déplore le temps pris par Ottawa pour livrer les permis aux étudiants étrangers. Il appelle à une hausse du taux d’acceptation des étudiants internationaux francophones.

Les dossiers des étudiants francophones qui ont choisi des universités québécoises doivent être traités de manières diligentes et qu’on ait des taux d’acceptation plus élevée qu’un étudiant sur 10 affirme t-il.

Le président de l’Association générale des étudiants de l’UQTR accueille positivement la nouvelle mesure d’exemption, cependant il aurait préféré que le gouvernement règle le problème à la source en adoptant une résolution face à la déréglementation des droits de scolarité des étudiants internationaux. Philippe Dorion invite le gouvernement à revoir son plan pour cette catégorie d’étudiants.

« L’ Association Générale des étudiants de l’UQTR est contre la déréglementation, et nous demandons au gouvernement de faire une étude d’impact sur les droits de scolarité des étudiants internationaux et sur le financement des universités au Québec. »— Une citation de  Philippe Dorion, président de l’Association générale des étudiants de l’UQTR

Il faut que la solution dure dans le temps et ne s’applique pas à une période spécifique ou à un groupe d’étudiants, soutient M. Dorion.

Cette mesure non rétroactive entrera en vigueur à partir de l’automne 2023. Une enveloppe de 80 millions $ sera disponible sur quatre ans dans le cadre de ce programme.

Avec Radio-Canada par

Anne Merline Eugène

Anne Merline Eugène

Canada-Ontario: Des campements de travailleurs pour attirer et retenir la main-d’œuvre en région rurale

décembre 17, 2021

L’entreprise EACOM construit un campement pour accueillir les travailleurs de sa scierie d’Ostrom, près de Gogama dans le Nord de l’Ontario. Une initiative « intéressante », estiment des intervenants, et qui devrait être adoptée par de plus en plus d’employeurs de la région afin de faciliter le recrutement et la rétention de la main-d’œuvre.

Au cours des 10 dernières années, les travailleurs de la scierie d’EACOM devaient soit trouver un logement dans des communautés environnantes, comme Gogama à environ 50 km.

D’autres habitaient dans les quelques locaux que l’entreprise avait mis à la disposition de ses employés, plus près de la scierie.

Mais ces locaux commencent à battre de l’aile», souligne le directeur des communications d’EACOM, Jean Brodeur, et on avait besoin de trouver un [autre] endroit où ces gens-là peuvent rester.»

[Le logement] est un enjeu à Gogama, dans la communauté la plus proche, il n’y avait pas de disponibilité. C’est vrai dans la plupart des régions où on opère, mais à Gogama, c’était encore plus pressant comme besoin», note-t-il.

Des ouvriers posent les dernières touches sur le nouveau campement des travailleurs de la scierie d'EACOM.

© Bienvenu Senga/Radio-Canada Des ouvriers posent les dernières touches sur le nouveau campement des travailleurs de la scierie d’EACOM.

Mais au lieu de simplement effectuer des rénovations de fond en comble», l’entreprise a choisi de construire un campement modulaire de 44 places.

Il s’agit d’une première pour EACOM, qui a d’autres installations en Ontario, comme à Ear Falls, à Timmins et à Matagami.

Au site du campement lui-même, tout semble bien avancer.

Les chambres sont déjà meublées, des appareils électroménagers comme les machines à laver sont en train d’être installés, quelques coups de marteau résonnent et des ouvriers vissent des détecteurs de monoxyde de carbone dans les murs.

Un ouvrier installe des détecteurs de monoxyde de carbone dans le campement de travailleurs de la scierie d'EACOM à Gogama.

© Bienvenu Senga/Radio-Canada Un ouvrier installe des détecteurs de monoxyde de carbone dans le campement de travailleurs de la scierie d’EACOM à Gogama.

La construction devrait être terminée le 5 janvier, indique l’entreprise, et le campement pourra ainsi accueillir ses premiers occupants.

Le recrutement étranger en vogue

Parmi les premiers à emménager figureront 12 travailleurs qui arriveront de l’étranger au cours des prochains mois.

En 2019, EACOM a pris la décision d’avoir recours plus agressivement» au recrutement à l’étranger pour combler ses besoins en main-d’œuvre.

Présentement, il y a un enjeu majeur de recrutement partout. De notre côté, on côtoie aussi les mines, qui sont de gros employeurs», explique M. Brodeur.

L'entreprise EACOM emploie déjà 66 travailleurs recrutés à l'étranger; une dizaine d'entre eux à la scierie de Gogama.

© Bienvenu Senga/Radio-Canada L’entreprise EACOM emploie déjà 66 travailleurs recrutés à l’étranger; une dizaine d’entre eux à la scierie de Gogama.

Les industries à Timmins, à Val-d’Or du côté du Québec, ce sont des endroits où il y a du plein emploi, donc c’est de plus en plus difficile de recruter des personnes compétentes dans les communautés.On a besoin d’avoir recours à d’autres régions, à d’autres pays», précise-t-il.

Le logement, une grande préoccupation» pour les recrues

En tout, EACOM a déjà fait venir 66 travailleurs étrangers issus de pays comme le Mexique, le Pérou, l’Ukraine et le Honduras. Ils sont dispersés à travers quatre de ses usines ontariennes et deux québécoises.

À l’usine d’Ostrom, ils sont une dizaine à être déjà à l’œuvre, des employés hautement motivés, très à leurs affaires, ils veulent apprendre», selon M. Brodeur.

Michael Leitch est le chef de l'usine d'EACOM à Gogama.

© Bienvenu Senga/Radio-Canada Michael Leitch est le chef de l’usine d’EACOM à Gogama.

Ces propos sont corroborés par le chef d’usine, Michael Leitch, qui indique que les recrues étrangères aiment bien leur immersion dans la culture et le [nouveau] milieu de travail.»

Pendant leur intégration, un accent particulier doit être mis sur leur sensibilité à la sécurité, parce que tout le monde vient d’endroits différents où la sécurité est perçue différemment.»

Il y a quelques barrières linguistiques qui se sont manifestées, mais ça a été réglé», affirme M Leitch, qui ajoute que l’accueil des premiers travailleurs permet d’ajuster la formation de ceux qui suivront.

Pour la nourriture au campement — qui comprend un réfectoire —, EACOM a retenu des services de traiteur.

Recruter pour le Nord de l’Ontario

Le recrutement étranger est pris en charge par la firme Groupe IVEY basée à Sudbury.

Le cofondateur et président de la firme, Anthony Lawley, dit souvent trouver des candidats motivés, mais non sans faire du marketing», car normalement, les gens ne savent rien de ce qui se trouve au nord de Toronto.»

L’entreprise tient toujours à leur expliquer la réalité de vivre dans le Nord [de l’Ontario] et pas dans les grosses villes.»

Moi-même, je viens de Timmins, donc le froid, la neige, je sais ce que c’est et les membres de notre équipe aussi […] et même là, il y a une grande motivation pour venir travailler au Canada parce qu’ils veulent développer leurs compétences, contribuer à l’économie canadienne et donner une opportunité à leurs enfants et au Canada de grandir au Canada», raconte-t-il.

L’intégration sociale pour retenir les travailleurs

Les candidats retenus par EACOM détiennent des permis de travail qui les lient directement à l’entreprise pendant deux ou trois ans. Ils ne peuvent donc pas changer d’emploi pendant cette période.

Mais après cela, et surtout après l’obtention de la résidence permanente, ils sont libres d’opter pour un changement d’emploi ou de carrière.

Aux usines d’EACOM, le taux de rétention jusqu’à présent est de 100 %, mais Anthony Lawley, qui travaille avec plusieurs autres entreprises nord-ontariennes, reconnaît que les employeurs ont un rôle ultra-important à jouer» dans la rétention des employés recrutés de l’étranger.

Le président du Groupe IVEY, Anthony Lawley (gauche), et le président de la firme de consultance LIRC, Patrice Dubreuil (à droite), sont impliqués respectivement dans le recrutement des travailleurs étrangers et dans l'aménagement du campement d'EACOM à Gogama.

© Bienvenu Senga/Radio-Canada Le président du Groupe IVEY, Anthony Lawley (gauche), et le président de la firme de consultance LIRC, Patrice Dubreuil (à droite), sont impliqués respectivement dans le recrutement des travailleurs étrangers et dans l’aménagement du campement d’EACOM à Gogama.

C’est ça qu’on leur dit. C’est de donner de bonnes conditions de travail, de prendre soin d’eux, de donner de la bonne rétroaction, de les aider aussi à s’intégrer [socialement], par exemple de leur montrer quelles sont les activités d’hiver, la raquette, le patinage», affirme-t-il.

Ils ont besoin de quelqu’un pour les soutenir et les exposer à ces choses-là […]. Il y a beaucoup de choix et si les employés ne sont pas contents, ils peuvent aller trouver un travail ailleurs.»

Le travailleur peut avoir un super bon emploi, mais si la famille n’est pas contente, il n’y a pas d’amis, il n’y a rien à faire, ça peut causer un problème», ajoute M. Lawley.

Les 44 chambres du campement sont déjà meublées.

© Bienvenu Senga/Radio-Canada Les 44 chambres du campement sont déjà meublées.

L’entrepreneur Patrice Dubreuil de Sudbury est du même avis. Un tel environnement permet de créer une certaine loyauté […] entre l’employé et l’employeur.»

Sa firme de consultance s’est chargée de trouver les entreprises responsables de la construction du campement de Gogama ainsi que de la restauration.

Au campement, il est par ailleurs prévu des journées thématiques, signale l’entrepreneur, où des mets typiques de leurs pays d’origine seront au menu, pour que les gens sentent qu’ils peuvent partager [leur] culture avec [leurs] collègues.»

Patrice Dubreuil a récemment construit un campement de 700 places dans la région de Dubreuilville pour les travailleurs de la mine d’Argonaut Gold.

Il dit trouver intéressante cette idée de développer des campements dans les régions du Nord de l’Ontario où justement on n’a pas eu de nouvelles infrastructures depuis longtemps.»

C’est un défi d’attirer des gens d’un peu partout, alors là, en ayant des dortoirs, on offre une façon temporaire pour justement les apprivoiser […], c’est une belle opportunité», avance-t-il.

Les appareils électroménagers sont en cours d'installation au campement des travailleurs de la scierie d'EACOM à Gogama.

© Bienvenu Senga/Radio-Canada Les appareils électroménagers sont en cours d’installation au campement des travailleurs de la scierie d’EACOM à Gogama.

Jean Brodeur indique que des discussions entre EACOM et la communauté de Gogama se poursuivent au sujet du développement d’infrastructures de logement.

Mais il reconnaît qu’il s’agit d’une petite communauté qui n’a pas nécessairement les fonds pour bâtir des immeubles à logements» et que la pression sur le logement à Gogama ne fera que s’accroître en raison d’une nouvelle mine d’or dans la région.

On avait besoin de donner un coup de barre maintenant parce que le problème devenait trop criant, nos problèmes devenaient trop immédiats par rapport au temps que ça aurait pris d’avoir une entente au niveau communautaire.»

Avec Radio-Canada par Bienvenu Senga