
James Fernandez est devenu un redoutable homme d’affaires. Photo : (James Fernandez/Instagram)
Le modèle d’affaires de James Fernandez n’a rien de secret. En deux ans, ce résident de London a acheté plus de 20 maisons en utilisant ce que les gens du secteur appellent « le modèle BRRRR », qui signifie buy, renovate, rent, refinance, repeat (« acheter, rénover, louer, refinancer, recommencer »).
Il existe de nombreuses façons de procéder et il y a des milliers de vidéos YouTube sur la façon d’acheter des propriétés avec une faible mise de fonds ou sans mise de fonds
, déclare James Fernandez.
M. Fernandez vivait dans le sous-sol de ses parents en 2016 lorsqu’il a acheté une maison pour lui-même avec une mise de fonds de 12 500 $.
Quatre ans plus tard, il a acheté sa première propriété à revenus dans l’est de la ville et, depuis, il achète des propriétés délabrées à un rythme impressionnant.
Par exemple, en octobre dernier, il a acheté une maison qui avait grand besoin de réparations dans l’est de London pour 220 000 $ et a dépensé 150 000 $ pour la rénover, ce qu’il a fait avec des cartes de crédit et des marges de crédit.
Il a ensuite demandé à la banque de réévaluer la maison.
La valeur ajoutée était nettement plus élevée que cela, ce qui m’a permis de rembourser cette dette
, explique-t-il.
« Vous entrez et vous vomissez presque tout de suite. C’est aussi grave que ça. Et des gens y vivent. Ce n’est pas du tout humain. »— Une citation de James Fernandez, résident de London
Lorsque James Fernandez a acheté la maison, les personnes qui y vivaient ne payaient pas de loyer au propriétaire précédent, affirme-t-il, ajoutant qu’avant de faire des améliorations, il a trouvé des logements pour les locataires dans un meilleur environnement.
Je n’expulse à peu près personne. Je ne fais pas ça
, indique-t-il.
Dans la plupart des cas, il trouve un logement provisoire pour les locataires ou leur apporte un soutien d’une autre manière, dit-il.
J’essaie de les écouter et de résoudre leur problème. Il suffit d’écouter et de trouver une solution à partir de là
, indique-t-il.
Un rêve hors de portée pour certains
Selon M. Fernandez, les voisins semblent aimer la façon dont il a réussi à transformer une maison quasi invivable en une propriété louable. Certains s’arrêtent pour jeter un coup d’œil. D’autres livrent même de la nourriture, dit-il.
Cela a toujours été mon objectif : fournir des logements sûrs et habitables
, affirme-t-il.
Les défenseurs du droit au logement craignent pourtant que le manque de surveillance gouvernementale qui permet à ce modèle d’affaires de fonctionner n’écarte de nombreux Canadiens du marché.
Je suis de plus en plus préoccupée par ce type d’activité où un individu […] commence à acheter plusieurs propriétés
, déclare Leilani Farha, ancienne rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit au logement et directrice mondiale de l’organisation de lutte pour l’accès au logement The Shift.
Mme Farha souhaite que davantage de Canadiens à faible revenu puissent s’acheter une maison, mais elle pense que cela devient de moins en moins possible, surtout quand des gens utilisent des stratégies comme celle de James Fernandez.
Si nous refusons [l’accès à la propriété] aux familles à faible revenu, ce que nous refusons, c’est la possibilité, pour beaucoup de personnes racisées – par exemple les nouveaux arrivants au pays –, d’avoir accès à cette richesse intergénérationnelle, parce qu’il n’y a pas beaucoup de façons de créer de la richesse intergénérationnelle de nos jours
, explique-t-elle.
« L’utilisation de son portefeuille pour refinancer et pour acheter d’autres propriétés le place dans une meilleure position qu’une famille à faible revenu qui essaie d’accéder à la propriété. »— Une citation de Leilani Farha, ancienne rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit au logement
Surveillance accrue?
Ce type ne fait rien d’illégal
, reconnaît Mme Farha en parlant de James Fernandez. Il utilise un système et utilise des taux d’intérêt bas et du financement qui sont à sa disposition.
L’activité de M. Fernandez se situe cependant dans un domaine qui relève des droits de la personne
, poursuit-elle.
Le Canada a reconnu le logement comme un droit de la personne. Lorsque le logement est un droit de la personne, cela signifie que les gouvernements doivent prendre des mesures concrètes pour assurer l’accès à un logement abordable et adéquat pour les personnes à faible revenu. Or, à l’heure actuelle, dans ce pays, ce n’est pas accessible
, précise-t-elle.
Si Mme Farha ne pense pas que les investisseurs immobiliers devraient être tenus de fournir des logements abordables, elle estime qu’il ne devrait pas être aussi facile pour certains individus de s’approprier plusieurs propriétés.
L’argent est trop bon marché dans le secteur du logement. La façon dont les prêts peuvent être structurés, la façon dont l’argent peut être mis à profit, tout ça doit changer
, explique-t-elle.
Leilani Farha n’approuve pas les procédés de James Fernandez. Photo : Reuters/Amir Abdallah Dalsh
Leilani Farha ne croit pas non plus que l’ajout d’un plus grand nombre de logements locatifs correspondant à la valeur du marché entraînera une baisse globale des loyers. Il n’y a aucune preuve de cela
, dit-elle.
Nous savons que ce n’est pas vrai, parce que […] nous sommes au milieu d’une crise du logement assez grave dans ce pays, et voici ce qui se passe si nous permettons tout simplement aux acteurs de faire ce qu’ils veulent avec le logement
, ajoute-t-elle.
Mme Farha cite Singapour comme exemple de lieu qui a imposé des taxes élevées sur les achats de propriétés secondaires, de même que la Nouvelle-Zélande, où le gouvernement a demandé à sa banque centrale de prendre en compte le prix du logement dans ses décisions.
Nous devons voir plus de créativité et une activité plus soutenue de la part des gouvernements
, explique-t-elle.
Avec Radio-Canada