En Guinée, le chef de la junte a répété mardi 21 février, à l’occasion du lancement de la rédaction de la nouvelle Constitution, qu’il rendrait le pouvoir aux civils à l’issue de la transition, fin 2024.
Le chef de la junte en Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya, a réaffirmé mardi qu’il quitterait le pouvoir à l’issue de la transition fin 2024. Une déclaration faite lors du lancement de la rédaction de la nouvelle Constitution un an et demi après le coup d’État qui a renversé le président Alpha Condé.
La junte à la tête de la Guinée s’est engagée auprès des États ouest-africains à rendre le pouvoir aux civils au bout de deux ans à compter du 1er janvier 2023. Le colonel Mamady Doumbouya, qui s’est imposé par la force le 5 septembre 2021, a été investi président. « Nous allons bien sûr organiser la transition mais nous ne ferons pas partie de l’après transition. Pour nous, c’est clair et ça doit l’être », a insisté le colonel Doumbouya à l’ouverture d’un colloque organisé au Palais du peuple à Conakry, siège du Parlement de transition.
La parole donnée au peuple
Quand elle aura été rédigée, « c’est le peuple de Guinée dans son entièreté qui adoptera la Constitution par référendum », a dit le chef de la junte guinéenne. Il est « important que la Constitution ne soit pas faite sur mesure pour un parti politique ou une personne politique parce que nous-mêmes, nous ne ferons pas partie de la mesure », a-t-il ajouté devant des membres du Parlement de transition et des magistrats guinéens et étrangers. Le processus de rédaction de la nouvelle Constitution doit s’achever avant la fin de l’année 2023, ont indiqué des magistrats.
Le colonel Doumbouya a déjà assuré qu’il « ne passera pas un jour de plus à l’issue des 24 mois de la transition. Il a donné sa parole au peuple de Guinée », selon des propos rapportés le 9 février par le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, après un Conseil des ministres. Un engagement qu’il avait déjà pris lors de son discours du Nouvel an.
La junte en Guinée interdit toute manifestation depuis 2022. Elle s’est engagée à céder la place à des civils élus au terme d’une période au cours de laquelle elle dit vouloir mener de profondes réformes.
« Dans un compromis dynamique, les experts de la Cedeao et de la Guinée ont conjointement développé un chronogramme consolidé de la transition étalé sur 24 mois », indique un document de l’organisation ouest-africaine transmis vendredi 21 octobre à l’AFP et publié sur les réseaux sociaux par les autorités guinéennes.
Le président de la transition Mamadi Doumbouya a ensuite précisé que ce calendrier prendra effet à compter du 1er janvier 2023, au cours de la cérémonie de clôture de la mission technique de la Cedeao dépêchée à Conakry cette semaine.
Sommet de la Cedeao avant la fin de l’année
Ce calendrier devrait être présenté au prochain sommet de la Cedeao « pour son approbation, afin de déclencher sa mise en œuvre », dit le document de l’organisation régionale. Un sommet ordinaire de la Cedeao est programmé avant la fin de l’année.
Après le coup d’État du 5 septembre 2021 qui avait renversé Alpha Condé, le colonel Mamadi Doumbouya s’était fait investir président, s’engageant à céder la place à des civils après des élections. La junte avait jusqu’alors affirmé son intention de gouverner pendant trois ans, le temps pour elle d’organiser des élections crédibles et de mener à bien d’importantes réformes nécessaires à ce qu’elle appelle une « refondation » de l’État guinéen.
La Cedeao a dit un tel délai inacceptable. Le 22 septembre, les dirigeants des États membres, réunis en sommet à New York sans la Guinée, avaient donné un mois aux autorités pour présenter un calendrier « raisonnable et acceptable », faute de quoi des « sanctions plus sévères » que celles déjà imposées seraient appliquées.
Sanctions
Les ponts n’ont cependant jamais été rompus et les autorités guinéennes ont répété être prêtes à coopérer avec la Cedeao, qui a dépêché cette semaine une mission à Conakry pour élaborer un échéancier de compromis. Le Premier ministre Bernard Goumou avait déclaré jeudi que les autorités n’étaient « pas figées » sur les trois ans.
Différents responsables ouest-africains avaient signalé qu’une période de deux ans serait acceptable. C’est sur une durée similaire que la Cedeao et les militaires au pouvoir au Mali avaient fini par s’entendre, après des mois de bras de fer et de sévères mesures de rétorsion régionales.
Le compromis trouvé à Conakry l’a été dans un climat de grandes tensions entre la junte et l’opposition. Au moins quatre civils ont été tués jeudi et vendredi lors de manifestations contre les autorités, à l’appel d’un collectif citoyen qui réclame un retour rapide des civils au pouvoir et la libération de tous les prisonniers détenus selon lui pour des raisons politiques.
L’opposition accuse la junte de confisquer le pouvoir et de faire taire toute voix discordante. Les grands partis refusent le dialogue avec les autorités sur le contenu de la période dite de transition dans les conditions fixées par Mamadi Doumbouya. Ils demandent que le dialogue ait lieu sous arbitrage de la Cedeao. Celle-ci a affirmé sa volonté d’associer toutes les parties pour une « mise en oeuvre inclusive du chronogramme de la transition ».
Le colonel Mamadi Doumbouya a atterri le 21 septembre en fin d’après-midi, à l’aéroport de Bamako, dans un contexte international particulier, puisque des sanctions pourraient être prises contre les autorités de Conakry lors de la session extraordinaire de la Cedeao prévue ce 22 septembre, à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.
Le colonel Doumbouya « a été accueilli, avec tous les honneurs, à sa descente de l’avion présidentiel de la République du Mali, par le président Goïta », chef de la junte malienne, ont indiqué les autorités maliennes qui parlent d’une « visite d’amitié et de travail ».
« Je suis à Bamako à côté de mon frère, le président Assimi Goïta, pour fêter l’indépendance du Mali et accompagner le peuple malien, qui est un peuple frère », a déclaré de son côté le chef de la junte guinéenne. Le 22 septembre, le Mali célèbre le 62ème anniversaire de son indépendance. Le même jour doit se tenir un sommet extraordinaire de l’organisation des États ouest-africains (Cedeao) qui devrait être principalement consacré à la Guinée et au Mali. Le Mali, à deux reprises, et la Guinée font partie avec le Burkina Faso des pays de la Cedeao où les militaires se sont emparés du pouvoir au cours des deux dernières années.
Fin janvier, la Cedeao a infligé un sévère embargo commercial et financier au Mali, pour sanctionner le projet des militaires de rester au pouvoir jusqu’à cinq années supplémentaires. La junte dirigée par le colonel Assimi Goïta s’est depuis engagée sous la pression à organiser des élections en février 2024, et l’embargo a été levé.
Les autorités guinéennes avaient été parmi les rares à rester solidaires du Mali face aux sanctions, et avait maintenu les frontières ouvertes.
Le gouvernement mis en place par la junte militaire du colonel Mamadi Doumbouya a conclu, le 29 avril, un forum politique contesté, en annonçant avoir reçu des « propositions » pour un calendrier pour restituer le pouvoir à des civils élus.
En Guinée, la transition ne pourrait être effective qu’en 2026, voire plus tard. C’est du moins la fourchette haute des différentes « propositions » de calendrier de transition politique qu’a reçues, ce 29 avril, au sortir d’un forum politique contesté, le gouvernement mis en place par la junte en Guinée. Les autorités issues du coup d’État ayant renversé le président Alpha Condé ont lancé depuis mars deux consultations politiques – une conférence dite de réconciliation et « un cadre de concertation inclusif » –, toutes deux boudées par un grand nombre de partis politiques.
En clôturant le « cadre de concertation inclusif », le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Mory Condé, a déclaré que l’ »ensemble des acteurs » ayant accepté d’y participer avaient « proposé des durées allant de 18 à 52 mois » pour la transition, sans préciser à partir de quelle date. « La durée et le chronogramme de la transition seront définis de commun accord entre le CNRD [le Comité national du rassemblement et du développement, l’organe dirigeant de la junte] et les acteurs des forces vives », a-t-il ajouté.
L’opposition réclame un dialogue permanent
Mais Rafiou Sow, porte-parole de l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (Anad) et du G58, deux importantes coalitions politiques, a déclaré à l’AFP que « le cadre de concertation […] ne nous concerne pas, les conclusions de ce cadre de concertation ne nous engagent pas […] ce cadre de concertation n’est pas valable, il n’est pas national ».
Sow a réclamé au contraire la mise en place d’un « cadre de dialogue permanent » incluant « un facilitateur désigné par la communauté internationale », faute de quoi les partis qu’il représente seront « obligés d’user de manifestations pacifiques pour [se] faire entendre ».
Vers un allongement des sanctions ?
Après le putsch militaire du 5 septembre 2021 ayant porté à la tête de l’État le colonel Mamady Doumbouya, Conakry est sous la pression de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour restituer le pouvoir à des civils élus le plus rapidement possible. Fin mars, la Cedeao avait sommé Conakry de lui présenter « au plus tard le 25 avril » un calendrier de transition« acceptable », sous peine d’une extension des sanctions économiques décidées contre le pays, après le coup d’État et le refus manifeste de la junte d’organiser rapidement des élections.
Mais celle-ci a laissé passer l’échéance et, selon un communiqué de la Cedeao publié le 27 avril, Conakry a demandé à disposer de « davantage de temps par rapport à l’échéance du 25 avril », afin de « permettre la poursuite des consultations ».
Farouche opposant à Alpha Condé, le militant a été nommé le 3 février à la tête du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Libéré de prison au lendemain du coup d’État, il ne mâche pas ses mots face aux autorités de la transition. Et se dit prêt, s’il le fallait, à redescendre dans la rue.
Le 5 mars, six mois se seront écoulés depuis la chute d’Alpha Condé. Six mois durant lesquels Mamadi Doumbouya a imprimé sa marque au sommet de l’État et qui, pour Oumar Sylla, alias Foniké Mengué, ont un goût de liberté : le 7 septembre, alors que le sort du président déchu était encore incertain, l’infatigable activiste sortait de prison. Il avait été incarcéré un an auparavant, à la veille de l’élection présidentielle remportée par Alpha Condé, puis condamné à trois ans de détention.
Mais s’il doit sa libération au putsch, le nouveau chef du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC, qui s’était engagé contre le troisième mandat d’Alpha Condé), ne retient pas ses coups envers les autorités de la transition.
« Inquiet » face à la manière dont les militaires gèrent le pays, Foniké Mengué réclame un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Mais s’abstient toutefois de critiquer Mamadi Doumbouya, qu’il estime « soucieux de bien faire », ni certaines de ses décisions les plus controversées.
Jeune Afrique : Presque six mois après le coup d’État, comment jugez-vous la situation dans le pays ?
Foniké Mengué : Elle est inquiétante. Nous n’avons aucune visibilité sur la marche de la transition. Nous ne connaissons même pas la liste des membres du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD). La charte de la transition stipule qu’ils ne participeront pas aux élections, mais comment s’assurer du respect de cette disposition si l’on ne sait pas qui siège au CNRD ? Et pourquoi les grands acteurs politiques que sont le FNDC et les partis politiques ne sont-ils pas davantage associés à ce que fait le comité ? Il n’y a aucun dialogue entre eux et nous.
N’êtes-vous pas en contact avec les autorités de transition ?
Les deux premières semaines, nous avons été reçus par le CNRD, à qui nous avons conseillé de rendre la transition inclusive. Force est de constater que nous n’avons pas été entendus. Or l’exclusion peut créer des mécontentements et des frustrations, et nous souhaitons que cette transition réussisse.
Le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la transition, ne permet-il pas aux différents acteurs de s’exprimer ?
Il n’est ni représentatif ni légitime. La plupart de ses membres ont été cooptés, ils sont là par copinage. Si le CNT était représentatif, ses membres n’auraient pas besoin de réaliser la tournée annoncée pour rencontrer des citoyens à travers le pays. Et n’oublions pas que son président, Dansa Kourouma, a été un grand promoteur du troisième mandat d’Alpha Condé.
LE DURÉE DE LA TRANSITION DOIT ÊTRE TRÈS RAISONNABLE ET LE RETOUR À L’ORDRE CONSTITUTIONNEL RAPIDE
Une critique dont il se défend lui-même…
Il n’a pas la probité morale et la crédibilité requises pour le poste.
Que lui reprochez-vous exactement ?
Comme dit le dicton, qui ne dit mot consent. De la création du FNDC, le 3 avril 2019, à la chute d’Alpha Condé, Dansa Kourouma n’a jamais lutté contre le troisième mandat. De plus, il s’exprimait publiquement contre les opposants. Nous n’avons pas confiance en lui ni dans le CNT. La durée de la transition doit être très raisonnable et le retour à l’ordre constitutionnel rapide.
Quelle serait la durée raisonnable ?
Nous nous prononcerons très bientôt sur cette question.
Quelle opinion avez-vous de Mamadi Doumbouya ?
Il a pour l’instant ma confiance. Il est rentré dans l’Histoire, à lui maintenant de se battre pour y rester de façon positive. Mais des gens toxiques dans son entourage veulent l’induire en erreur. À mon sens, il préside mais ne dirige pas.
Au sein du CNRD ?
Au CNRD, mais aussi dans son entourage direct ou indirect. Certains partent nuitamment pour le rencontrer, lui disent qu’il faut qu’il reste au pouvoir. C’est mauvais pour lui. La même chose s’est produite concernant Alpha Condé. Certes, il avait lui-même la volonté [de se représenter]. Mais ses ministres auraient pu le convaincre de renoncer, ou à défaut démissionner pour manifester leur désaccord. On voit le résultat aujourd’hui.
Que pensez-vous de ces anciens du parti d’Alpha Condé, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), qui s’organisent pour les futures élections et pour désigner un candidat à la présidentielle ?
Tous ceux qui ont fait la promotion du troisième mandat doivent être sanctionnés. Il a coûté cher à la Guinée et causé la mort d’une centaine de Guinéens. Mais en attendant que la justice fasse son travail, ceux qui ont soutenu le troisième mandat doivent être écartés de la gestion publique pendant au moins cinq ans.
Si l’on suit votre raisonnement, tous ceux qui n’ont pas lutté activement contre le troisième mandat pourraient être entendus par la justice…
Les personnes aux postes de responsabilité sont facilement identifiables. Les procureurs, les ministres, par exemple, pourraient être convoqués. La justice est la priorité des priorités.
L’AVENIR D’UN PAYS N’EST PAS L’AFFAIRE D’UN GROUPE DE COPAINS QUI SE RETROUVENT DANS DE PETITS BUREAUX
Qu’attendez-vous des leaders de l’ex-opposition à Condé, dont certains étaient ou demeurent proches du FNDC ?
Je pense qu’ils veulent s’impliquer et apporter leur savoir-faire. Mais sans discussions, comment faire ? L’avenir d’un pays n’est pas l’affaire d’un groupe de copains qui se retrouvent dans de petits bureaux.
La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avait requis une transition de six mois au lendemain du putsch en Guinée. Le risque de voir le régime de sanctions aggravé après cette date vous inquiète-t-il ?
Bien sûr. C’est au CNRD de négocier un délai plus long, mais jusqu’à présent, il ne s’est pas exprimé sur la question. Mamadi Doumbouya doit penser au peuple. Et si celui-ci doute, c’est largement à cause de cette nomination de Dansa Kourouma. Elle tire le colonel vers le bas et entame l’estime du peuple. C’est l’un des facteurs qui peut faire échouer la transition.
Votre nom avait un temps circulé. Auriez-vous pu mieux faire ?
Le FNDC souhaitait, en tant que mouvement, diriger le CNT et obtenir quelques sièges, c’est vrai. Nous avons lutté contre le tripatouillage de la Constitution et aurions pu être utiles, changer les choses.
Si le CNRD n’a pas voulu me donner le poste, c’est parce que je ne suis ni un béni-oui-oui, ni manipulable. On ne peut que prendre acte de cette décision et continuer à jouer notre rôle de sentinelle de la démocratie.
Pourriez-vous redescendre dans la rue pour vous faire entendre ?
Ce n’est pas ce que nous souhaitons, mais la reprise des manifestations n’est pas à exclure.
Avec Jeune Afrique par Marième Soumaré – à Conakry
Le chef de l’État a nommé samedi les 81 membres du Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif devant décider de la date du retour des civils au pouvoir.
Selon un décret lu samedi soir à la télévision publique, le médecin Dansa Kourouma a été nommé président du CNT. Proche de l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, il était jusqu’ici président du Conseil national des organisations de la société civile (CNOSC).
Les membres du CNT représentent toutes les organisations socio-professionnelles du pays ainsi que les partis politiques. Ils doivent participer aux discussions sur l’agenda de la transition.
Tensions avec la classe politique
La charte de transition, sorte d’acte fondamental, signée le 27 septembre indique que la durée de la transition doit être fixée « d’un commun accord entre les forces de la nation et le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) », la junte au pouvoir.
La durée de la transition est également au centre de la brouille entre les militaires au pouvoir et certains partenaires internationaux du pays. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) insiste sur la nécessité de respecter le délai de six mois pour la tenue des élections et presse les autorités guinéennes de soumettre rapidement un calendrier en ce sens. Elle a en outre suspendu la Guinée de ses organes de décision et infligé des sanctions individuelles aux membres de la junte.À LIRELe Mali à la recherche d’alliés dans la sous-région
Depuis le putsch du 5 septembre, un gouvernement a été formé. Dirigé par Mohamed Béavogui, un technocrate spécialiste des questions de développement, il a bien promis de rendre le pouvoir aux civils après des élections. Mais il refuse de se laisser dicter un délai et dit que celui-ci sera fixé par le CNT.
Par Jeune Afrique avec AFP
La liste des membres du Conseil National de transition :
E. Forces de défense et de sécurité 31-Général 2ème section Amadou Kaba 32-Général 2ème section Abdoulaye Keïta 33-Général 2ème section Pépé Roger Sagno 34-Colonel Laye Manfa Condé 35-Colonel Lamine Diallo 36-Colonel Maïmouna Sidibé 37-Capitaine de vaisseau à la retraite Amadou Sow 38-Commissaire divisionnaire André Bangoura 39-Adjudant-chef Mama Samy Béavogui
F. Organisations de défense des droits de l’homme 40-Mory Douno 41-Fatoumata Lamarana Bah
G. Organisations des Guinéens de l’étranger 42-Dominique Kpoghomou 43-Tiguidanké Traoré 44-Mohamed Naby Sylla 45-Abou Kaba 46-Aïcha Diallo
H. Organisations de femmes 47-Mme Fatoumata Yébhè Bah 48-Mme Saran Traoré 49-Dorcas Néma
I. Organisations de jeunesse 50-Hamidou Camara 51-Mamadi Fonfo Camara 52-Bademba Baldé 53-Mme Fanta Conté 54-Mme Maïmouna Barry
J. Organisations culturelles 55-Gouamou Fabara Koné 56-Mamadou Lamine Diallo
K. Confessions religieuses 57-Monseigneur Jacques Boston 58-El Hadj Seny Facinet Sylla (2ème vice-président)
L. Secteurs informels et métiers 59-Bangaly Chérif 60-Mme Fatou Holo Kaba
M. Organisations paysannes 61-Gilbert Andéga Camara 62-Mme Mahawa Soumano Tounkara
N. Sages des régions 63-El hadj Amadou Togba 64-Mohamed Lamine Bangoura
O. Personnes vivant avec le handicap 65-Kabinet Camara 66-Mme Massoud Barry
P. Organisations socioprofessionnelles 67-Me Mohamed Traoré 68-Hassane Bah 69-Hawa Diakité
Le corps de la fille aînée de Sékou Touré a été rapatrié en Guinée, le 17 janvier. Un événement hautement symbolique, en cette période de récupération tactique.
Solidaires face aux admonestations d’une communauté internationale plus ou moins sous-régionale, les juntes jumelles d’Afrique de l’Ouest vont-elles se forger une légitimité populiste en invoquant l’esprit des anciens chefs d’État ? Au Mali, les putschistes qui ont poussé Ibrahim Boubacar Keïta à la démission saluent aujourd’hui la mémoire du disparu et font vibrer la corde sensible d’une reconnaissance formelle de la nation. En Guinée voisine, le président de la transition s’incline, lui, devant la mémoire d’Hadja Aminata Touré, fille aînée de Sékou Touré où Mamadi Doumbouya tente, depuis quelques semaines, de conquérir les nostalgiques.
Hadja Aminata Touré
Autorisation de Mohammed VI
Le 12 janvier, la mairesse de Kaloum décède à l’hôpital militaire de Rabat, des suites d’un cancer du pancréas. La junte obtient le rapatriement de son corps, en dépit de la fermeture actuelle des frontières marocaines. Après la prise en charge, par le Maroc, de l’intégralité des frais médicaux de la fille de Sékou Touré, c’est le roi Mohammed VI lui-même qui autorise le rapatriement de la dépouille, en affrétant un vol spécial des Forces armées royales.
Mamadi Doumbouya peut-il se gargariser d’une mansuétude du roi à son égard ? Le geste du monarque ne souligne-t-il pas simplement la fidélité du royaume à la famille de la défunte ? Ce sont déjà les services royaux marocains qui avaient assuré le transport de la dépouille de Sékou Touré, décédé à Cleveland en 1984. Dès cette époque, la fille de l’ancien président guinéen avait été parrainée par Hassan II, le père de Mohammed VI. Le lien a perduré…
C’EST LA DÉPOUILLE D’UNE FIGURE PRÉSENTÉE COMME FÉDÉRATRICE QUE LA GUINÉE ACCUEILLE
Toujours est-il que la junte actuelle flatte, depuis quelques temps, la mémoire du premier président de la République de Guinée. Un jour, Mamadi Doumbouya se recueille sur la tombe de Sékou Touré. Un autre, il restitue le domaine des Cases de Bellevue à sa veuve. Un autre encore, il rebaptise l’aéroport de Conakry du nom de celui qui avait dit « non » au général de Gaulle.
Cette semaine, c’est donc la dépouille d’une figure présentée comme fédératrice que la Guinée accueille. À l’arrivée du corps, l’ancien Premier ministre guinéen Kabinet Komara n’a pas manqué de souligner le « besoin de se donner la main » pour que la Guinée « construise le futur tout en n’oubliant pas le passé », mais en « conservant le passé comme un tremplin pour bien construire le futur ». Or, des journalistes guinéens présentent Komara comme le « VRP » du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) de Mamadi Doumbouya…
Pour nombre de leaders de partis, l’heure est à la désillusion et à la méfiance envers la junte au pouvoir. Estimant ne pas être écoutés, ils tentent de s’unir.
Ces derniers jours, Mory Condé, le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation tente de rassurer les leaders des partis partis politiques guinéens. « Les mémorandums que nous avons reçus lors des consultations nationales nous ont permis d’élaborer la charte de la transition, de mettre en place un gouvernement 100 % civil et de conduire les actions du pays », leur a-t-il déclaré début janvier. Car la grogne ne cesse de monter contre le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD). Et la méfiance s’est installée à l’égard d’un président, Mamadi Doumbouya, qui n’a toujours pas annoncé quand prendrait fin la transition.
« Le pouvoir a fait ce qu’il a voulu »
Pourtant, tout semblait avoir bien commencé. En septembre, juste après son arrivée au pouvoir, la junte avait lancé de grandes consultations nationales, auxquelles s’étaient pressés les représentants de partis, opposants à Alpha Condé en tête. Mamadi Doumbouya avait promis un changement de gouvernance. C’en était le premier acte. Mais depuis, la désillusion et la méfiance ont gagné les formations politiques. « Tout le monde sait que le pouvoir de transition n’a pas tenu compte de ces consultations. Toutes nos propositions ont été mises de côté, et le pouvoir a fait ce qu’il a voulu », proteste un cadre d’un parti politique guinéen qui a requis l’anonymat.
IL FAUDRAIT QUE DOUMBOUYA RESPECTE LA CHARTE SUR LAQUELLE IL A PRÊTÉ SERMENT
« Lorsque la charte a été publiée, ce fut la surprise : rien de ce qui figurait dans nos propositions n’avait été retenu. Ni le gouvernement de 23 ministres, ni le Conseil national de transition de 150 membres que nous suggérions, abonde Mamadou Sylla, président de l’Union démocratique de Guinée et de la Convergence pour la renaissance de la démocratie en Guinée (Corede). Comment voulez-vous qu’on s’en sorte avec un CNT de 81 membres dont 15 sièges pour la classe politique alors qu’il y a 200 partis ? Et pour la formation du gouvernement, c’est pareil, nous n’avons pas été consultés. »
Ce leader politique estime que Mamadi Doumbouya ne tient pas ses promesses. « Il faudrait qu’il respecte la charte sur laquelle il a prêté serment, même si elle n’est pas l’émanation du peuple, rappelle-t-il. Il avait dit aussi que ceux qui ont pris part au troisième mandat d’Alpha Condé ne participeraient pas à la transition. Et pourtant, à la douane, aux finances… ce sont toujours les mêmes. Idem pour le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Abé Sylla : c’est un ancien député de l’Assemblée nationale. »
Une façon pour cette classe politique, en proie à des guerres d’egos, d’adopter des positions communes face aux questions cruciales du moment : la Constitution, le code électoral, l’organe de gestion des élections, le chronogramme et la durée de la transition, le fichier électoral… « Si la classe politique s’unit aujourd’hui, c’est parce que nous ne nous sentons pas entendus », confirme notre source anonyme. Le CNRD a-t-il entendu le message ? Il a en tout cas relancé les pourparlers avec la société civile et la classe politique. Reste à savoir si leurs conclusions finiront dans les tiroirs, comme celles des consultations nationales.
Mamadi Doumbouya a assuré qu’il n’y avait pas de crise dans son pays et que la Guinée était capable de « régler (ses) problèmes » sans que l’organisation régionale ouest-africaine n’applique les mêmes mesures qu’au Mali.
Dans un entretien diffusé par la télévision nationale dimanche soir, le nouvel homme fort de la Guinée a déclaré que l’ancien président Alpha Condé, que lui et ses hommes ont renversé le 5 septembre, était bien traité, mais que son avenir serait réglé entre Guinéens, sans exclure qu’il ait à rendre des comptes à la justice.
La Communauté des États ouest-africains (Cedeao), confrontée à un troisième putsch dans la région en un an après le double coup d’État au Mali, a suspendu mi-septembre la Guinée de ses instances et infligé des sanctions individuelles aux putschistes. Elle a nommé le 7 novembre un envoyé spécial, Mohamed Ibn Chambas, et continue de réclamer la tenue d’élections dans un délai de six mois, ainsi que la libération de l’ex-président Condé, détenu en un lieu gardé secret.
Dans son premier entretien prolongé avec un média, le colonel Doumbouya, investi président de transition, a exprimé son opposition à la nomination d’un envoyé spécial, ainsi qu’à un délai imparti par la Cedeao. « Je pense qu’on est assez intelligent pour régler nos problèmes ensemble entre nous. Ce n’est pas un pays qui est en crise, c’est un pays qui est en phase de prendre son destin en main (…) S’il y avait une crise ici, on pourrait envoyer un envoyé spécial », a-t-il déclaré. Nous voulons tout simplement régler nos problèmes (en) interne. »
NOUS RÉSERVONS À ALPHA CONDÉ UN TRAITEMENT DIGNE
Le colonel Doumbouya a aussi demandé « d’éviter la comparaison » entre Mali et Guinée. « Il n’y a pas de crise en Guinée, a-t-il martelé. Vouloir toujours donner les mêmes remèdes à deux maladies ou trois maladies différentes, je pense que ce n’est pas adapté ». Quant au sort de l’ancien président, « nous lui réservons un traitement digne. Son intégrité physique et morale sont protégées (…) Nous tenons beaucoup à la dignité, la dignité de l’Afrique, à la dignité aussi de nos pères fondateurs ».
Alors que les forces spéciales guinéennes ont « visité » sans ménagement le siège de Djoma Média, un groupe appartenant à un proche d’Alpha Condé, l’inquiétude grandit pour la liberté de la presse.
Après avoir renversé l’ancien président Alpha Condé, le 5 septembre, Mamadi Doumbouya assurait qu’il « n’y aura[it] aucun esprit de haine, ni de vengeance [ni] de chasse aux sorcières ». Mais pour la presse, certaines méthodes sont bien moins rassurantes que ces paroles. Le 9 octobre, les forces spéciales guinéennes ont fait une descente musclée au siège de Djoma Média, dans la banlieue sud-est de Conakry, un groupe audiovisuel privé connu pour appartenir à un proche d’Alpha Condé. Son patron, Kabinet Sylla – surnommé « Bill Gates » – était intendant à la présidence sous l’ancien chef de l’État.
Les militaires se sont présentés en affirmant vouloir « vérifier une information faisant état du stationnement de véhicules volés dans l’enceinte » du siège du groupe, rapporte son directeur général, Kalil Oularé, interrogé par Jeune Afrique. Mais la situation a dégénéré quand les policiers qui montaient la garde devant l’entrée s’y sont opposés. Les forces spéciales n’avaient ni mandat ni ordre de mission.
Deux blessés
Des renforts, avec à leur tête le colonel Amara Camara, qui commande la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (CMIS) numéro 21 du quartier populaire de Cosa, sont alors arrivés pour prêter main forte aux policiers. Des affrontements ont éclaté entre les deux unités et des coups de feu ont brièvement été entendus. Deux hommes ont été blessés.
Mais la tempête n’était pas encore finie à Djoma Média. « Vers 23h10, un commandant de l’armée et un civil se sont à nouveau présentés à notre siège, toujours pour les mêmes motifs, explique Kalil Oularé. Quand j’ai remonté l’information au colonel Balla Samoura [membre du Comité national de rassemblement pour le développement], il m’a répondu de les laisser faire. Après vérification, ils sont repartis. » Puis vers 4h du matin, des hommes en uniforme des forces spéciales ont fait irruption au domicile du colonel Amara Camara et ont emporté de l’argent et des bijoux, selon la famille de ce dernier.
LES MÉDIAS ONT ÉTÉ EXCLUS DES PRESTATIONS DE SERMENT DE MOHAMED BÉAVOGUI ET DE MAMADI DOUMBOUYA
Interdits aux journalistes
L’incident survenu au siège de Djoma Média a provoqué une levée de boucliers au sein de l’opinion. L’Union des radiodiffusions et télévisions libres de Guinée (Urtelgui) a condamné « énergiquement cette agression armée et ciblée de la part d’éléments présumés issus de l’Unité d’élite anciennement commandée par le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya ».
L’émotion a été assez forte pour que le colonel Balla Samoura se fasse l’émissaire du président de la transition. Le 11 octobre, ce haut membre de la junte s’est voulu rassurant : « À moins qu’il ne commette un jour une faute grave, Djoma n’est la cible d’aucune action de déstabilisation de la part des nouvelles autorités. » Cela n’a pas rassuré : le 8 octobre, le média apprenait que ses comptes étaient gelés.
Les premières semaines du régime de Mamadi Doumbouya ne paraissent pas de bon augure pour la liberté de la presse. La prestation de serment du nouveau Premier ministre, Mohamed Béavogui, a notamment été interdite aux journalistes, exception faite de la RTG, le média d’État. Cela avait déjà été le cas pour celle de Mamadi Doumbouya lui-même ou lors des concertations nationales avec les forces vives du pays.