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Nicaragua: nouvelles attaques des forces de l’ordre, 8 morts dont un enfant

juin 24, 2018

Un étudiant fait le guet sur une barricade dans la zone de l’Université nationale autonome du Nicaragua (UNAN), où des heurts avec la police sont survenus, le 23 juin 2018 à Managua / © AFP / Marvin RECINOS

Au moins huit personnes, dont un enfant de 15 mois, ont été tuées dans des opérations samedi des forces de l’ordre et des groupes paramilitaires au Nicaragua, marquant un regain de la répression contre les opposants au président nicaraguayen Daniel Ortega.

Le bilan de la vague de contestation lancée le 18 avril pour exiger le départ du président Ortega et de sa femme Rosario Murillo, vice-présidente, dépasse les 200 morts.

Le dernier bilan de huit morts, dont sept à Managua et un dans la ville rebelle de Masaya, au sud de la capitale, a été communiqué à l’AFP par le Centre nicaraguayen des droits de l’Homme (CENIDH).

Dans la nuit de vendredi à samedi, et huit heures durant, les forces de l’ordre et groupes paramilitaires ont lancé une attaque contre des étudiants retranchés dans les locaux de l’Université nationale autonome du Nicaragua (UNAN), au sud-ouest de Managua, ainsi que dans six quartiers de l’est de la capitale, selon le témoignage d’étudiants, confirmé par des défenseurs des droits de l’Homme.

« Ils nous attaquent depuis une heure du matin. (…) Il y a aussi des franc-tireurs, nous sommes sur les barricades », a témoigné un jeune homme, le visage masqué par un foulard, dans une transmission en direct sur Facebook, où on le voit dans une tranchée avec d’autres jeunes tandis que l’on entend des tirs.

Un étudiant portant une cagoule se tient devant l’université UNAN, au sud-ouest de Managua, le 23 juin 2018 / © AFP / MARVIN RECINOS

– « Ils tirent pour tuer » –

« Ils tirent pour tuer. Ils sont en train de massacrer le peuple, les jeunes. Nous sommes assiégés. C’est une guerre inégale », a-t-il ajouté.

Un autre jeune évoque le survol du campus universitaire par « quatre drones ». Pendant ces témoignages en direct sur les réseaux sociaux, des tirs se faisaient entendre. « Nous ne nous rendrons pas », criaient des jeunes.

Le CENIDH a précisé que deux des morts avaient été tués dans la zone de l’université UNAN. Quinze étudiants ont été blessés.

Rosario Sanchez pleure son petit-fils Teiler Lorio, 15 ans, mort pendant une opération des forces de l’odre à Managua, le 23 juin 2018 / © AFP / MARVIN RECINOS

Plusieurs autres décès, y compris l’enfant mortellement touché par une balle perdue, ont été recensés dans d’autres quartiers, selon la même source.

« La police a tiré. Je l’ai vu: c’étaient des policiers et ils ont commencé à tirer (…) J’attends que justice soit faire », a affirmé à l’AFP la mère de l’enfant, Karina Navarrete.

Dans un communiqué, la police a imputé la responsabilité de ce décès aux « délinquants » qui occupent les quartiers.

La Conférence épiscopale du Nicaragua (CEN), qui a oeuvré depuis le début de la crise pour maintenir un dialogue entre le gouvernement et ses opposants, a mobilisé une délégation de quatre prêtres pour évaluer la situation.

Cette mère a perdu son bébé dans les violences au Nicaragua / © AFP / Inti Ocon, Luis Sequeira, Marvin Recinos, Myriam Adam

« Au nom de Dieu, nous demandons que cessent ces attaques, que cesse cette vague de violence, que cessent les morts », a déclaré le père Raul Zamora depuis l’université.

Le cardinal Leopoldo Brenes, archevêque de Managua et président de la CEN, a appelé le gouvernement et les groupes armés légaux et illégaux à ne plus ouvrir le feu. Personne ne doit « pointer son arme pour enlever la vie à un frère », a-t-il déclaré.

Une coalition de groupes d’opposition de la société civile, l’Alliance civique pour la Justice et la Démocratie, a annoncé suspendre une « marche des fleurs » en mémoire des victimes de la répression, programmée dans l’après-midi de samedi dans la capitale.

Ce groupe a toutefois appelé « tous les secteurs de la société à observer une grève de 48 heures » dans les jours à venir. Une grève générale avait déjà paralysé le Nicaragua le 14 juin.

L’Eglise appelle le président Ortega à organiser des élections générales anticipées en mars 2019, au lieu de fin 2021. L’ex-guérillero de 72 ans, au pouvoir depuis 2007 après l’avoir déjà été de 1979 à 1990, reste muet sur ce point.

« L’action répressive de l’Etat a fait au moins 212 morts au 19 juin et 1.337 blessés », avait indiqué vendredi la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), ajoutant que plus de 500 personnes avaient été détenues au 6 juin.

Romandie.com avec(©AFP / 24 juin 2018 16h16)

Nicaragua: nouvel assaut contre Masaya, l’Église craint « un massacre »

juin 21, 2018

Des manifestants contre le gouvernement brandissent leurs armes artisanales derrière une barricade à Managua, le 20 juin 2018 / © AFP / MARVIN RECINOS

Les forces de l’ordre du Nicaragua ont lancé jeudi un nouvel assaut contre la ville de Masaya, déclarée en rébellion par ses habitants, et les évêques catholiques ont décidé de se rendre sur place « pour éviter un nouveau massacre ».

Alors que l’Église avait l’espoir de voir repartir le dialogue national, suspendu depuis lundi, l’annonce de cette offensive, qualifiée de « disproportionnée » par le secrétaire de l’Association nicaraguayenne (pour les) droits de l’homme (ANPD), Alvaro Leiva, a ravivé les craintes de violences.

« C’est incohérent de parler de dialogue et d’être en train d’assassiner le peuple à tour de bras », a dénoncé M. Leiva. « Je lance un appel au président (Daniel) Ortega pour qu’il arrête la tuerie contre le peuple de Monimbo », quartier indigène de Masaya ciblé selon lui par l’intervention.

Inquiète, l’Eglise catholique, qui avait appelé à une journée de prières, a annoncé qu’elle envoyait ses évêques sur place.

« Nous, les évêques de Managua, avons décidé d’aller ce matin par bus, avec tout le clergé, depuis Managua et jusqu’à Masaya et Monimbo, pour éviter un nouveau massacre, consoler et prier avec notre peuple », a-t-elle indiqué dans un communiqué.

« Nous allons dans une mission de paix pour apporter du réconfort et arrêter la violence », a déclaré l’archevêque auxiliaire de Managua, Mgr Silvio Baez.

Depuis le 18 avril, quand ont éclaté les premières manifestations, le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh) a dénombré 187 morts et plus de 1.000 blessés.

– « Peur » –

Les violences sont quotidiennes dans le pays, le plus pauvre d’Amérique centrale, alors que les forces du gouvernement tentent de reprendre le contrôle des villes auto-déclarées en rébellion, notamment Masaya, commune de 100.000 habitants située à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale Managua et devenue l’épicentre des protestations.

Un homme passe à bicyclette devant des inscriptions « Ortega assassin » et « Notre lutte est juste », dans la ville de Masaya, le 20 juin 2018 / © AFP / MARVIN RECINOS

« Nous vivons dans la peur. J’ai vu passer des camionnettes avec des civils armés de fusils AK-47 », a raconté à l’AFP Ivania Miranda, une habitante de 53 ans, alors que les violences ont provoqué ces derniers jours au moins 23 morts à Masaya, ainsi que des pillages et incendies.

Selon le leader étudiant Cristian Fajardo, des détonations ont été entendues dans le nord de la ville où « environ 500 hommes encagoulés et fortement armés sont en train d’avancer ».

Les habitants restaient enfermés chez eux pendant que des agents anti-émeutes et des hommes masqués et armés parcouraient les rues en tirant et en enlevant les barricades érigées par les riverains, selon des images diffusées par la télévision.

« La douleur au Nicaragua est grande, un peuple désarmé est en train d’être massacré. Les villes sont aux mains de bandits », a dénoncé Mgr Baez dans son homélie de jeudi.

Ailleurs dans le pays, d’autres offensives ont été signalées: ainsi, les cloches des églises ont sonné dans la nuit dans plusieurs villes comme Diriamba (ouest), pour alerter de la présence d’hommes armés tentant de démonter les barricades.

– Vers une guerre civile? –

Suspendu depuis lundi, le dialogue entre gouvernement et opposition semblait pourtant sur le point de reprendre, alors que l’exécutif a finalement invité, comme il l’avait promis, des organismes internationaux comme l’Union européenne ou le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à venir enquêter sur les violences commises.

L’Eglise comme l’opposition appellent le président Ortega – un ex-guérillero de 72 ans au pouvoir depuis 2007 après l’avoir déjà été de 1979 à 1990 – à permettre l’organisation d’élections générales anticipées en mars 2019 (au lieu de fin 2021). Ce dernier reste muet sur ce point.

Un couple de manifestants s’embrasse, sur une barricade à Mangua le 20 juin 2018 / © AFP / MARVIN RECINOS

La vague de contestation, engagée pour dénoncer une réforme de la sécurité sociale qui a depuis été abandonnée, cible le chef de l’Etat et son épouse et vice-présidente, Rosario Murillo: le couple est accusé de confisquer le pouvoir et de brider les libertés.

« Le peuple ne se rend pas », « Dehors Ortega », « Non à la dictature orteguiste », pouvait-on lire jeudi sur les murs de Masaya.

Le couple Ortega-Murillo accuse les rebelles d’être des « délinquants » et « vandales », coupables de « terrorisme » et de mettre à mal l’économie du pays.

De nombreux commerces sont fermés et des milliers de camions de marchandises restent bloqués sur les routes du Nicaragua.

« Nous allons vaincre le mal, la perversité, l’ignominie et l’abomination », a lancé Rosario Murillo, surnommée « La sorcière » par ses détracteurs.

« Nous voyons qu’il y a une volonté politique de l’Etat de pousser vers une guerre civile », s’inquiète Marlin Sierra, directrice exécutive du Cenidh.

Le département d’Etat américain a appelé à organiser des élections anticipées et dénoncé la répression par les forces de l’ordre, de même que l’ONU, le Parlement européen ou encore Amnesty international.

Romandie.com avec(©AFP / 21 juin 2018 19h45)