Posts Tagged ‘mauritanie’

Mauritanie : adieu, Mariem Daddah

février 15, 2023

Veuve du premier président mauritanien, Moktar Ould Daddah, décédé en 2003, Mariem Daddah s’est éteinte ce 12 février à Nouakchott. Le pays pleure cette Française d’origine, qu’on appelait encore affectueusement « Madame la présidente »

Mariem Daddah, à Nouakchott, en novembre 2013. © Laurent Prieur

Des racines rabougries, des acacias tremblant sous un vent léger… Plus loin, une sorte de grand hangar, puis des tentes blanches, beaucoup de tentes, de rares maisons, modestes, dont on distingue difficilement la forme à travers le hublot, et, tout autour, des dunes, une immensité blanche infinie, du sable, rien que du sable.
Marie-Thérèse Gadroy s’imagine dans un paysage directement sorti de l’imagination de Jules Verne : « Nous devons être aux alentours de la capitale, certainement », dit-elle. « Non, lui répond Moktar Ould Daddah, son jeune mari, Premier ministre d’un État balbutiant. Non, c’est notre future capitale, Nouakchott. »

Tiers-mondiste dans l’âme

La jeune Française n’est pas au bout de ses surprises : la toute petite maison blanche où ils descendent, leur « palais », côtoyant quelques habitations de dignitaires semblables les unes aux autres, la 2CV ronronnante, souvent ensablée, de son époux, pourtant première personnalité du pays, le menu on ne peut plus frugal… Mais il y a pire : ces hommes du désert, frustes, portant souvent des boubous malpropres et parlant à son mari d’égal à égal tout en la regardant de haut, ces femmes emmitouflées dans d’épaisses melhfa et qui la scrutent, étonnées, comme si c’était elle la curiosité, cette société qui ignore l’idée même d’égalité et où des suffisances enturbannées détiennent encore la réalité du pouvoir, malgré soixante années d’un colonialisme français décidément plus soucieux de stabilité que de respect des principes républicains… Pétrie des idéaux de progrès, militante d’un catholicisme de gauche, tiers-mondiste dans l’âme, Marie-Thérèse Gadroy mesure alors l’immensité de la tâche qui attend son mari. Et décide de l’épauler de toutes ses forces.

Elle parcourra ce pays immense avec lui, ville par ville, village par village, douar par douar. Elle parlera aux gens, aux femmes surtout. Elle les comprendra, et, petit à petit, Marie-Thérèse Gadroy deviendra Mariem Daddah. Elle ne se fera pas que des amis. Les émirs, les chefs de tribus, les milieux religieux les plus rétrogrades verront toujours d’un mauvais œil toute ses actions. Elle ne cessera de plaider pour une plus grande indépendance de la Mauritanie vis-à-vis de son pays natal, la France. Elle encouragera la mise en œuvre de « réformes révolutionnaires » en faveur de l’égalité hommes-femmes.

Bien qu’il partage ces idées, Moktar Ould Daddah se verra contraint de tempérer l’enthousiasme de son épouse par égard pour les forces traditionnelles et, aussi, pour préserver la stabilité nécessaire à la construction d’un État. Dans la Françafrique, Mariem Daddah ne se fera pas beaucoup d’amis. D’ailleurs, Jacques Foccart, son grand gourou, ne manquera pas d’égratigner la première dame dans ses Mémoires.

Raviver la mémoire

Tout au long de ces années, Mariem Daddah ne cessera de s’intéresser à la vie du pays, d’encourager les initiatives féminines, de nouer le dialogue avec une jeunesse de plus en plus révoltée. Ce n’est que dans les années 1970, quand Moktar Ould Daddah sentira son pouvoir affermi, qu’il prendra de grandes mesures : révision des accords avec la France, dialogue avec les jeunes contestataires, nationalisation de la principale mine du pays, la Miferma, rapprochement avec les pays socialistes… Mais la guerre du Sahara, qu’il n’a su éviter, combinée à la sécheresse, mènera le pays à une quasi banqueroute et fera le lit des militaires. Ils s’emparent du pouvoir le 10 juillet 1978. Mariem Daddah accompagne alors son mari en exil mais ne cessera de se battre pour ce qu’elle considère être l’héritage de Ould Daddah et pour une meilleure gouvernance.

Mariem Daddah s’installera par la suite à Nouakchott, retrouvera la villa familiale et créera la Fondation Moktar-Ould-Daddah pour raviver la mémoire du premier président de la Mauritanie indépendante. Ses enfants, Mohameden, Azzedine et Faïza, ne choisiront pas de vivre un exil doré et travailleront, occupant des fonctions somme toute modestes. Seul Mohameden deviendra ambassadeur, après de longues années dans la carrière diplomatique.

Avec Jeune Afrique

Mbarek Ould Beyrouk

Par Mbarek Ould Beyrouk

Écrivain mauritanien

Mauritanie : Mohamed Ould Abdelaziz de nouveau assigné à résidence

janvier 10, 2022
Mohamed Ould Abdelaziz à Nouakchott, le 10 avril 2021. © BECHIR MALUM pour JA

Si l’ancien président doit demeurer en détention provisoire jusqu’en juin prochain, il n’est plus incarcéré à l’École de police de Nouakchott, depuis sa sortie de l’hôpital, dans la nuit du 8 au 9 janvier. Explications.

Depuis qu’il a quitté le Centre national de cardiologie, Mohamed Ould Abdelaziz est placé en résidence surveillée dans sa villa du quartier des Bourses (Soukouk), à Nouakchott. Cette décision a été prise le 7 janvier par le juge d’instruction, qui s’est basé sur le rapport médical établi à l’issue d’une période d’observation par les trois spécialistes qui suivent l’ancien président.

L’École de police de la capitale, où il était incarcéré depuis le 22 juin 2021, a été jugée inadaptée à son état de santé. Le contrôle judiciaire dont il est l’objet a donc été modifié. Chez lui, « Aziz » est soumis aux mêmes règles que celles qui prévalaient avant son arrestation, lorsqu’il était déjà assigné à résidence. Il ne peut se déplacer que pour recevoir des soins et se rendre à la mosquée. Il n’est désormais plus tenu de se présenter au commissariat spécial chargé des crimes économiques, mais il devra répondre aux éventuelles convocations judiciaires.

Évacuation sanitaire ?

Une différence toutefois, et de taille : ses visites sont filtrées. Il ne peut recevoir que ses enfants, ses avocats et ses médecins. Des éléments des forces de sécurité – la police antiterroriste, selon son entourage – sont chargés de surveiller les entrées donc, mais aussi ses allées et venues, le bracelet électronique n’étant pas utilisé en Mauritanie.

L’ex-chef de l’État a été hospitalisé en urgence dans la nuit du 28 au 29 décembre, après avoir été pris de malaise et de saignements. Le 31, il a été transféré au Centre national de cardiologie où il a subi, selon les médecins, un cathétérisme cardiaque. La question de son évacuation sanitaire s’était alors posée, sa famille demandant à ce qu’il soit transféré à l’étranger afin d’y recevoir des soins, sans toutefois préciser de destination. Aziz, qui continue de vouloir se faire soigner à l’extérieur, n’a pas émis de souhait particulier quant au pays dans lequel il souhaite se rendre.

En décembre 2021, sa détention provisoire, d’un an maximum, avait été prolongée de six mois supplémentaires. Il demeure inculpé pour, entre autres, corruption, blanchiment d’argent, enrichissement illicite, dilapidation de biens publics et octroi d’avantages indus. La date de son procès n’est pas encore connue.

Avec Jeune Afrique par Justine Spiegel

Mauritanie : pourquoi Mohamed Ould Abdelaziz est hospitalisé

décembre 31, 2021
L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. © Steve Holland/G20 Australia via Getty Images

L’ancien président mauritanien a été admis en urgence à l’hôpital militaire de Nouakchott, dans la nuit du 28 au 29 décembre.

Pris de malaise, Mohamed Ould Abdelaziz a donné l’alerte à ses gardiens le 28 décembre, à minuit. Selon ses proches, qui assurent qu’il n’a été transporté à l’hôpital militaire que trois heures plus tard et qu’eux-mêmes n’ont été informés de la situation que le lendemain matin, l’ex-homme fort de Nouakchott est « conscient », mais « extrêmement affaibli ». Toujours en détention préventive, il demeure sous forte protection. Des véhicules blindés sont stationnés devant le bâtiment et plusieurs éléments des forces de sécurité gardent la porte de sa chambre.

Accident vasculaire cérébral

Toujours selon son entourage familial, la piste d’un accident vasculaire cérébral (AVC), évoquée alors qu’il a été victime de saignements, a été confirmée dans la soirée du 30 décembre par le corps médical. Sa fille, Asma (qui continue de lui apporter à manger), son épouse, Tekber Mint Melainine Ould Ahmed, et l’un de ses avocats, Mohameden Ould Ichidou, ont pu se rendre à son chevet.

À la demande de ses proches, « Aziz » devrait être transféré, très probablement dans la journée, au Centre national de cardiologie, toujours à Nouakchott.

« Son état général s’est dégradé en raison de ses conditions de détention, très sévères, dénonce Me David Rajjou, l’un des conseils de l’ex-chef de l’État. Ces dernières semaines, son moral était toujours bon, mais l’isolement total auquel il est soumis a fini par lui peser physiquement. Nous demandons à ce qu’il soit pris en charge dans une unité médicalisée adaptée. » La famille d’Aziz multiplie en effet les démarches auprès du président Mohamed Ould Ghazouani afin qu’il autorise une évacuation sanitaire à l’étranger.

Caméras de surveillance

Arrêté depuis le 22 juin pour non-respect de son contrôle judiciaire, Mohamed Ould Abdelaziz était incarcéré dans une villa au sein de l’École de police de Nouakchott. Il est poursuivi pour, entre autres, corruption, blanchiment d’argent, enrichissement illicite, dilapidation de biens publics et octroi d’avantages indus.

Ses conditions de détention s’étaient durcies ces dernières semaines, avec en particulier l’installation de caméras de surveillance dans sa cellule. Interdit de promenade, il avait finalement été autorisé la semaine dernière à sortir dans la cour à raison d’une heure par jour. Les cinq dernières demandes de remise en liberté formulées par ses avocats – dont la dernière a été déposée après son admission à l’hôpital – ont toutes été rejetées.

Avec Jeune Afrique par Justine Spiegel

Mauritanie: l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz écroué

juin 22, 2021
L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz.

L’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a été écroué mardi 22 juin au soir sur décision du juge chargé d’une enquête pour corruption présumée, dans laquelle l’ancien chef de l’État, au pouvoir jusqu’en 2019, a été inculpé en mars, a-t-on appris auprès du parquet et de son parti.

Un magistrat du parquet, s’exprimant sous couvert de l’anonymat, ainsi que le porte-parole de son parti, l’ancien ministre Djibril Ould Bilal, ont confirmé son placement sous mandat de dépôt sans en préciser la cause. Mais cette mesure intervient quelques jours après le refus de l’ancien dirigeant de continuer à se présenter à la police, comme le lui imposaient les conditions de son placement en résidence surveillée.

Par Le Figaro avec AFP

Mauritanie : ce qui attend Mohamed Ould Abdelaziz, inculpé pour corruption

mars 12, 2021
L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz.

Après une garde à vue de deux jours, l’ancien président mauritanien a été placé sous contrôle judiciaire le 11 mars. Voici, en exclusivité, les coulisses de la procédure judiciaire.

Retardée à deux reprises, d’abord en novembre, puis en février, la procédure ouverte en août 2020 contre l’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz s’est accélérée le 11 mars. L’ancien chef de l’État a été inculpé pour, entre autres, corruption, blanchiment d’argent, enrichissement illicite, dilapidation de biens publics, octroi d’avantages indus et obstruction au déroulement de la justice.

Il a été placé sous contrôle judiciaire avec treize de ses anciens collaborateurs. Parmi ces personnalités, figurent les Premiers ministres Mohamed Salem Ould Béchir et Yahya Ould Hademine, l’ex-directeur du Port autonome de Nouakchott et candidat à la tête de l’Asecna Hacena Ould Ely, ou encore l’homme d’affaires Mohiedine Ould Sahraoui (chargé de la construction du nouvel aéroport international de la capitale).

Si son épouse et ses enfants n’ont pas été inquiétés ni convoqués, le gendre de Aziz, Mohamed Ould Msabou, a lui aussi été inculpé. En revanche, les anciens ministres Mohamed Ould Abdel Vetah (Pétrole) et Mohamed Ould Kombou (Budget), ainsi que la patronne de Mauritania Airlines Amal Mint Maouloud ont été acquittés.

L’option prison écartée

Selon nos informations, le procureur, Ahmedou Ould Abdallahi, a étudié plusieurs options : les placer tous ensemble en résidence surveillée dans une même villa ou les incarcérer à la prison civile de Nouakchott. Mais, ne souhaitant pas, selon nos sources proches de l’enquête, « humilier » l’ancien président ni l’exposer à des violences, il a opté pour l’assignation à résidence surveillée durcie.

Ce dernier, ainsi que les treize autres inculpés, ont en effet l’obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat spécial chargé des crimes économiques. S’ils dérogent à cette règle, ils pourraient être emprisonnés.

Aziz était déjà placé en résidence surveillée depuis août 2020, avec interdiction de sortir de la capitale. Le procureur avait requis que ce périmètre soit cette fois restreint à 500 mètres, mais le juge d’instruction, Houssein Ould Kebadi, qui vient d’être désigné, a préféré ne pas retenir cette limite.

Deux nuits à la Sûreté

En prévision de leur comparution devant le parquet jeudi, Aziz et ses anciens collaborateurs ont été entendus par la police, du 9 au 11 mars. L’ancien président a encore refusé de répondre aux questions des enquêteurs, se retranchant derrière l’article 93 de la Constitution mauritanienne, lui conférant selon lui l’immunité présidentielle. Tous ont donc passé deux nuits dans les locaux de la Direction générale de la sûreté, dans des chambres aménagées. Toujours selon nos sources, l’ancien président a partagé la sienne avec ses deux anciens Premier ministres.

Il a ensuite regagné son domicile du quartier des Bourses aux alentours de minuit dans la nuit du 11 au 12 mars. Ses biens demeurent confisqués, et ses comptes bancaires gelés. Grâce aux saisies, opérées également sur les autres personnalités inculpées, le Procureur estime avoir déjà récupéré plus de 41 milliards d’ouguiyas (94,8 millions d’euros), dont 29 milliards auprès d’Aziz et son gendre.

Simple justiciable ?

Libre désormais au juge d’instruction de reprendre l’enquête et de faire évoluer les modalités du contrôle judiciaire. Il pourra ensuite décider d’une ordonnance de renvoi ou de non-lieu. Bien qu’il continue à s’en prévaloir, Aziz ne bénéficie plus, selon l’accusation, de l’immunité présidentielle. S’il devait être jugé, ce serait donc devant une juridiction ordinaire et non par la Haute cour de justice, réhabilitée en juillet 2020.

« Le procureur est entré par effraction sur ce dossier. Une exception d’incompétence doit être soulevée. Nous continuerons à défendre devant le juge l’article 93, plaide Me Taleb Khiyar Ould Mohamed Maouloud, l’un des avocats d’Aziz. Par ailleurs, nous estimons malheureusement que la Constitution a été violée, l’immunité et le privilège de juridiction dont bénéficie notre client n’ayant pas été respectés. Cette décision du parquet nous plonge dans l’incertitude, car nous ne pouvons pas encore évaluer l’impact négatif qu’elle aura sur le fonctionnement des institutions. »

Avec Jeune Afrique par Justine Spiegel

Mauritanie : « Sidi » s’en est allé

novembre 23, 2020
Sidi Ould Cheikh Abdallahi restera dans les mémoires comme le premier président civil élu démocratiquement en Mauritanie.

Premier président civil élu démocratiquement en 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi est décédé le 22 novembre à Nouakchott.

Avec lui, c’est un morceau de l’histoire de la Mauritanie qui s’en va. Le 22 novembre, Sidi Ould Cheikh Abdallahi a rendu son dernier souffle dans une clinique de Nouakchott. Il avait 82 ans.

« Honnête » et « pieux »

Unanimement salué comme un homme « cultivé », « honnête » et « pieux », il restera dans les mémoires comme le premier président civil élu démocratiquement du pays. Cet économiste de formation (il avait officié au Koweït et au Niger), ancien ministre de Mokhtar Ould Daddah (Développement industriel, Économie), était arrivé au pouvoir avec le soutien de l’armée, à l’issue de la transition menée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall (2005-2007), après la chute de Maaouiya Ould Taya.

Les militaires et notamment le général Mohamed Ould Abdelaziz, qui sera son chef d’état-major particulier, ont toujours exigé, en vain, un retour d’ascenseur. « On attendait de lui qu’il soit docile, mais il était fort, dit un proche. Attaché à la démocratie et aux droits de l’homme, il comprenait parfaitement les problèmes de la Mauritanie et pensait pouvoir gouverner avec de très bonnes intentions, mais cela n’était pas suffisant. »

Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’a en effet pas su, ou pu, prendre le contrôle de deux importants leviers du pouvoir mauritanien, l’armée et le Parlement. Toute la sécurité était concentrée entre les mains du général Aziz, lequel a renvoyé les militaires en désaccord avec son autorité. « Avec son Premier ministre, Yahya Ould Ahmed El Waghf, ils ne pouvaient plus se parler car ils se savaient écoutés. Lorsqu’ils se voyaient, ils s’écrivaient pour communiquer », dit-on dans son entourage.

Le président, qui avait ouvert son gouvernement à l’opposition et notamment aux islamistes de Tawassoul, a été déposé dans la matinée du 6 août 2008, avant d’être emprisonné jusqu’au 21 décembre. Très calme, il se serait endormi, le jour de son arrestation, dans une chambre du Bataillon pour la sécurité présidentielle (Basep).

Dans la tranquillité des dunes

Sidi Ould Cheikh Abdallahi était arrivé au pouvoir avec le soutien de l’armée, à l’issue de la transition menée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall après la chute de Maaouiya Ould Taya.

Il a ensuite été assigné à résidence dans son village natal de Lemden, près d’Aleg (250 kilomètres au sud de Nouakchott), où il vivait toujours avec son épouse, préférant la tranquillité des dunes au tumulte de la capitale.

Après son exil forcé, cet homme très réservé ne s’est exprimé publiquement qu’en 2017, lorsqu’il a pris position, par communiqué, contre l’amendement constitutionnel voulu par Aziz, élu chef de l’État en juillet 2009.

Membre influent de la confrérie tidjane et fils d’un cheikh soufi, il consacrait ses journées à la prière – alors au pouvoir, il avait fait construire une mosquée à la présidence, qui existe toujours – et à sa famille. Il avait également commencé à écrire ses mémoires. Il recevait également ses fidèles amis, dont son ex-Premier ministre Yahya Ould Ahmed El Waghf, par ailleurs président d’Adil, l’ex-parti présidentiel.

Sidi Ould Cheikh Abdallahi était sorti de sa grande réserve le 28 novembre 2019, pour assister à la cérémonie de la Fête de l’indépendance, aux côtés de son prédécesseur Mohamed Khouna Ould Haidalla, à l’invitation du président actuel Mohamed Ould Ghazouani – une reconnaissance, pour celui que les Mauritaniens avaient un peu perdu de vue. Mohamed Ould Abdelaziz avait quant à lui décliné l’invitation.

Le chef de l’État, qui a décrété un deuil national de trois jours, s’est joint ce matin à la prière funéraire célébrée à la mosquée Ibn Abbas de Nouakchott. Sidi Ould Cheikh Abdallahi reposera chez lui, à Lemden.

Avec Jeune Afrique par Justine Spiegel

Mauritanie : les naufrages de migrants se multiplient

novembre 10, 2020
Des migrants arrivent au port d'Arguineguin, dans les îles Canaries, après avoir été secourus par l'Espagnol Salvamento Maritimo alors qu'ils contournaient l'île à bord de pirogues, le 7 novembre 2020.

Malgré l’épidémie et les risques encourus, pas une semaine ne passe sans que des Subsahariens ne trouvent la mort en tentant de rejoindre les îles Canaries depuis le continent.

Selon le collectif Caminando Fronteras, quelque 92 migrants qui avaient pris place à bord d’une pirogue partie du Sénégal avec 119 passagers sont morts noyés, le 3 novembre, dans le naufrage de leur embarcation au large de la Mauritanie. Quelques jours plus tôt, 36 migrants avaient disparu en face de Nouadhibou.

Aucune semaine ne passe sans de telles macabres informations, comme le confirme l’Organisation internationale pour les migrations (OIM, de l’ONU). Dans un communiqué daté du 6 novembre, elle estime à « environ 400 » le nombre de migrants « interceptés ou secourus au large des côtes mauritaniennes depuis la mi-octobre ».

Flux important

Ces chiffres confirment la reprise d’un flux important de migrations subsahariennes en direction des îles Canaries (Espagne), situées à la hauteur du Sahara occidental, d’où les Subsahariens espèrent pouvoir gagner l’Europe.

Ils sont très jeunes, ces candidats à un voyage risqué parce qu’entrepris sur des embarcations de fortune surchargées et dotées de moteurs au fonctionnement aléatoire. Ils viennent du Mali, de Gambie, de Guinée, du Sénégal ou de Mauritanie, où ils estiment n’avoir aucun avenir.

ILS ONT PAYÉ LES PASSEURS MOINS CHER QU’AVANT L’ÉPIDÉMIE

Ils ont payé les passeurs moins cher (700 euros) qu’avant l’épidémie (1 500 euros), car celle-ci a réduit provisoirement la demande. Partis des plages de Mbour (Sénégal), de Nouakchott ou de Nouadhibou, ils ont affronté un océan aux courants puissants. À la moindre panne, ils se sont retrouvés dans la situation des naufragés du radeau de La Méduse, qui ont connu le même sort dans les parages, au XIXe siècle.

Dénutris et déshydratés

Depuis fin septembre, 200 bateaux ont débarqué 5 000 migrants aux Canaries, soit dix fois plus que durant la même période en 2019. 

Dénutris et déshydratés après des jours de dérive, ils peuvent s’estimer chanceux de se retrouver dans un hôpital de Nouadhibou après avoir été récupérés par les gardes-côtes mauritaniens et pris en charge par l’OIM et le Croissant rouge.

PLUS DE 400 MORTS LORS DE LA TRAVERSÉE VERS L’ARCHIPEL ESPAGNOL

Selon l’OIM, 14 bateaux transportant 663 migrants ont quitté le seul Sénégal pour les Canaries au mois de septembre. Un quart d’entre eux ne sont pas arrivés à bon port parce qu’ils ont coulé ou sont tombés en panne.

Depuis le début de l’année, on déplore plus de 400 personnes mortes dans la traversée vers l’archipel espagnol.

Cette poussée migratoire (11 000 arrivées aux Canaries en dix mois) dépasse le niveau de l’an dernier (2 557 arrivées), mais elle est encore loin des chiffres de 2006 (32 000 arrivées). Elle inquiète pourtant les autorités espagnoles et européennes, car elle s’aggrave : depuis fin septembre, 200 bateaux ont débarqué 5 000 migrants aux Canaries, soit dix fois plus que durant la même période en 2019. 

La Guardia Civile à Nouakchott

Un avion C-235 de la Guardia Civile espagnole équipé de radars et de caméras est désormais positionné à l’aéroport de Nouakchott. En collaboration avec l’armée de l’air et la marine mauritaniennes, il patrouille chaque jour au-dessus de l’océan pour détecter les migrations illégales. Il a déjà permis d’arraisonner un bateau parti de Nouakchott qui naviguait plein nord avec 50 personnes à son bord.

DES CENTAINES DE CLANDESTINS RENVOYÉS

Car le voyage vers l’eldorado européen se conclut souvent par un retour à la case départ. Le ministère de l’Intérieur espagnol s’apprête ainsi à renvoyer des centaines de clandestins vers la Mauritanie, avec laquelle il a noué un partenariat dans la lutte contre l’immigration illégale en 2003.

De son côté, la Mauritanie a expulsé le 7 novembre, vers le Sénégal et le Mali, 210 migrants arrêtés la semaine dernière en mer ou sur une plage de Nouadhibou.

Avec Jeune Afrique par Alain Faujas

Mauritanie : le gouvernement «indigné» par les attaques contre l’islam et son prophète

octobre 27, 2020

Le gouvernement mauritanien s’est dit «indigné» par les attaques contre l’islam «sous le fallacieux prétexte de la liberté de la presse», tout en «dénonçant» tout acte de «terreur» au nom de la religion, après la défense par le président français Emmanuel Macron de la liberté de caricaturer le prophète Mahomet.

«La République islamique de Mauritanie suit avec indignation les actions d’incitation menées depuis un certain temps contre l’islam sous le fallacieux prétexte de la liberté de la presse, ainsi que la provocation des musulmans en portant atteinte à notre Prophète» Mahomet, a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué reçu mardi 27 octobre. Le pays sahélien, où est appliquée la charia (loi islamique), «dénonce» cependant «tout acte de terreur commis au nom de la religion contre des innocents», dans ce communiqué.

Emmanuel Macron est devenu la cible de manifestations dans plusieurs pays après avoir promis que la France continuerait à défendre ce genre de caricatures, lors d’un hommage national le 21 octobre à Samuel Paty, un professeur décapité dans un attentat islamiste le 16 octobre pour en avoir montré certaines à ses élèves. Des dizaines de jeunes ont par ailleurs manifesté lundi près de l’ambassade de France à Nouakchott pour dénoncer les propos du dirigeant français, a constaté un journaliste de l’AFP.

Le parti islamiste Tewassoul, première force de l’opposition à l’Assemblée nationale, a quant à lui appelé le gouvernement mauritanien à prendre «une forte position contre les propos indécents et inacceptables de Macron» et appelé «à un boycott économique de la France», à l’instar de celui prôné par le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Par Le Figaro avec AFP

La France et ses alliés sahéliens tiennent un sommet contre le djihadisme

juin 29, 2020

Six mois après avoir décidé d’intensifier leur effort dans la région, les pays du G5 Sahel et la France font le point ce mardi à Nouakchott, en Mauritanie.

Les pays du G5 Sahel et la France font le point mardi à Nouakchott sur leur combat contre les djihadistes six mois après avoir décidé d’intensifier l’effort commun pour reconquérir le terrain perdu dans la région. Le constat attendu des pertes infligées à l’ennemi au cours de ces six mois est contre-balancé par la précarité de la situation et le peu de progrès accompli sur les fronts autres que militaire: la reconstruction politique et civile, ainsi que la réconciliation. Or ces volets sont unanimement jugés indispensables pour sortir la sous-région de la spirale des violences commencée en 2012 dans le nord du Mali.

En janvier, le sommet de Pau (France) avait été organisé sous la pression d’une série de revers des armées de la région face aux djihadistes, de la mort de treize soldats français en opération et de remises en question de l’intervention française. Les chefs d’Etat du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) et l’allié français s’étaient entendus pour resserrer les rangs. Ils avaient décidé de concentrer leur action contre l’organisation Etat islamique dans la «zone des trois frontières» (Mali, Burkina, Niger) sous un commandement conjoint de la force française Barkhane et de la Force antidjihadiste du G5 Sahel, se donnant rendez-vous pour un nouvel état des lieux à Nouakchott.

Les six mêmes présidents sont annoncés présents physiquement mardi dans la capitale mauritanienne, leur premier déplacement officiel à l’étranger pour les Sahéliens, le premier hors d’Europe pour le Français Emmanuel Macron depuis le début de la pandémie de coronavirus. Les six hommes et des représentants d’organisations internationales (Union africaine, Francophonie, Onu, Union européenne) s’entretiendront à huis clos. Motif de satisfaction pour la France, qui cherche depuis des mois à impliquer ses partenaires européens: la réunion sera ensuite élargie aux chefs de gouvernement allemand, espagnol et italien, par visioconférence pour la plupart. La progression rapide du Covid-19 en Mauritanie, l’arrivée de délégations en provenance de différents pays alors que les frontières aériennes sont fermées, les exigences de la distanciation ont confronté les autorités à un casse-tête logistique.

«Période de consolidation»

Au cours des six mois écoulés, la France a augmenté les effectifs de Barkhane de 500 militaires pour les porter à 5.100. Elle et ses partenaires ont multiplié les offensives dans la zone des trois frontières, revendiquant la «neutralisation» de centaines de djihadistes. A Nouakchott, il s’agira selon l’Elysée d’ouvrir une «période de consolidation» dans cette région. Autre succès enregistré: dans le nord du Mali, où les forces spéciales françaises, aiguillées par un drone américain, ont tué le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l’Algérien Abdelmalek Droukdal. «On a inversé le principe d’incertitude. C’est nous qui sommes imprévisibles pour les groupes terroristes», se félicitait juste après l’opération un haut gradé français.

D’autres relativisent ces succès: à l’Onu début juin, les Etats-unis s’inquiétaient d’une «incapacité des signataires (de l’accord de paix de 2015 au Mali, NDLR) à faire des progrès significatifs» qui «perpétue l’aggravation de la situation sécuritaire au Sahel». «Le nombre d’attaques dans la région de l’Ouest sahélien a augmenté de 250 pour cent depuis 2018. Les pays partenaires restent déterminés contre le terrorisme, mais n’ont pas les moyens de contenir ni réduire la menace de façon soutenue», estime le département d’État américain dans un rapport récemment publié.

Dans le centre du Mali, les affrontements locaux sont «largement passés inaperçus ces derniers mois», note Ibrahim Maïga, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS) à Bamako. Les groupes djihadistes étendent leur emprise au Burkina, qui s’enfonce dangereusement. Au Burkina, au Mali, au Niger, les accusations d’exactions contre les civils se sont aussi multipliées depuis le sommet de Pau contre les armées nationales.

La communauté internationale suit aussi avec préoccupation les évolutions politiques, alors que 2020 est une échéance électorale dans les trois pays: législatives en mars/avril au Mali, et surtout présidentielle au Burkina et au Niger à la fin de l’année. Au Burkina, des zones entières menacent d’être privées du scrutin présidentiel, qui risque donc d’être contesté. Quant au Mali, son président est confronté à une importante contestation intérieure dont l’issue pour l’instant imprévisible inquiète ses voisins ouest-africains et ses alliés.

Par Le Figaro avec AFP

Mauritanie: inquiétude d’Amnesty après l’interpellation de militantes des droits humains

février 19, 2020

 

Amnesty International s’est dit mercredi 19 février «extrêmement préoccupé» par l’interpellation en Mauritanie de deux célèbres féministes et militantes des droits humains, accusées aux côtés de 12 autres personnes de porter préjudice à l’unité nationale et au caractère religieux de cette république islamique d’Afrique de l’Ouest.

Une source judiciaire à Nouakchott a confirmé à l’AFP l’arrestation la semaine dernière de 14 personnes, dont quatre ont été remises en liberté mais restent poursuivies.

Lors d’une audience mardi devant un tribunal de Nouakchott, le procureur a renvoyé leurs dossiers à la sûreté de l’État, chargée de «clarifier et d’approfondir certains aspects de l’enquête», selon cette source.

Dans un volet du dossier, l’audience a surtout porté sur la laïcité que prôneraient certains des prévenus, membres présumés de l’Alliance pour la refondation de l’État mauritanien (Arem), un mouvement créé en début d’année à Paris. Son manifeste fondateur prône un «divorce avec les vieilles pratiques de mauvaise gouvernance, d’injustice et d’impunité».

Les militantes de l’Arem sont «soupçonnées de porter préjudice à l’unité nationale, à la cohésion sociale, et à la religion, alors que la Mauritanie est une république islamique», selon la source judiciaire.

Parmi les personnes poursuivies figurent deux personnalités connues depuis des années pour leur défense des droits humains, en particulier des femmes, Aminetou Mint El Moctar et Mekfoula Mint Brahim, a confirmé à l’AFP François Patuel, chercheur à Amnesty pour l’Afrique de l’Ouest.

Aminetou Mint El Moctar est la deuxième vice-présidente de l’Arem, selon le manifeste de l’association. Elle a été remise en liberté sous contrôle judiciaire, a indiqué Amnesty International.

Mekfoula Mint Brahim, lauréate du Prix Franco-Allemand des droits de l’Homme en 2018 et décorée de la Légion d’honneur française en décembre, a également été remise en liberté conditionnelle, selon l’ONG. «Sans tabou, elle soutient le mouvement de la jeunesse mauritanienne en faveur de la laïcité et de la liberté d’orientation sexuelle», peut-on lire à son propos sur le site de l’ambassade de France en Mauritanie. Elle avait été interpellée pour avoir accueilli dans son auberge une réunion de l’Arem, dont elle se défend d’être membre, selon une source judiciaire. «Nous savons qu’elle est poursuivie pour avoir hébergé une réunion sans avoir notifié les autorités. Pour les autres personnes arrêtées, les chefs d’inculpation ne sont pas clairs», a dit M. Patuel, disant ignorer de qui il s’agit exactement. Un autre volet de l’affaire concerne trois personnes «prises en flagrant délit de distribution de copies de la Bible», selon une source proche du dossier.

Après l’arrivée au pouvoir en août d’un nouveau président, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, Amnesty avait appelé le pouvoir à «mettre fin au harcèlement judiciaire dont font l’objet les défenseurs des droits humains», a rappelé M. Patuel. «Nous réitérons cet appel et nous demandons la libération immédiate de ces personnes si elles sont uniquement poursuivies pour avoir exercé leur liberté d’expression et de rassemblement».

Par Le Figaro avec AFP