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Syrie: couvre-feu à Raqa contre l’EI et le mécontentement populaire

juin 24, 2018

Les forces de sécurité à Raqa annoncent un couvre-feu de deux jours à partir de dimanche pour prévenir d’éventuelles attaques du groupe Etat islamique (EI) dans cette ville du nord de la Syrie / © AFP/Archives / DELIL SOULEIMAN

Les forces de sécurité à Raqa ont annoncé un couvre-feu de deux jours à partir de dimanche pour prévenir d’éventuelles attaques du groupe Etat islamique (EI) dans cette ville du nord de la Syrie.

L’EI a été chassé en octobre dernier de son bastion de Raqa par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis, qui ont ensuite formé des unités de police pour y maintenir la sécurité.

Le couvre-feu permet également aux FDS de museler un groupe de combattants rivaux à Raqa, ont estimé la faction concernée et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Dimanche, les FDS ont indiqué avoir reçu « des informations selon lesquelles des groupes terroristes travaillant pour le compte de Daech (…) sont entrés dans la ville de Raqa pour mener des attaques ».

Elles ont donc décidé de mettre en place « l’état d’urgence et un couvre-feu dans la ville de Raqa à partir de 05H00 (02H00 GMT) dimanche jusqu’à 05H00 mardi ».

Quelque 5.000 combattants des FDS se sont déployés à Raqa et dans certains secteurs de sa province pour une vaste opération de sécurité, selon l’OSDH.

L’EI a perdu son fief syrien de Raqa après quatre mois de violents combats et de bombardements par les FDS et la coalition sous commandement américain, qui ont laissé la ville en ruines.

Les FDS ont depuis fait reculer l’EI ailleurs dans le nord et l’est de la Syrie, réduisant les territoires contrôlés par les jihadistes à quelques poches isolées. Mais, parallèlement, les incidents liés à la sécurité à Raqa se sont multipliés ces dernières semaines.

Vendredi, l’EI a revendiqué son premier attentat dans la province de Raqa depuis qu’il en a été chassé, annonçant via ses organes de propagande avoir fait exploser une bombe au nord-est de la cité.

Le 15 juin, un combattant des FDS a été tué à un barrage au nord de Raqa, une attaque de l’EI selon l’OSDH. Le groupe jihadiste n’a toutefois pas revendiqué cette attaque.

Outre les attaques jihadistes, la ville de Raqa, dévastée par des mois de combats, est aussi en proie à l’agitation en raison de manifestations des habitants réclamant un retour des institutions du régime de Bachar al-Assad.

Dans un communiqué, les FDS ont d’ailleurs précisé que le couvre-feu était mis en place en raisons des « opérations terroristes » mais aussi de ces manifestations « appuyées par le régime syrien ».

Des raids des forces de sécurité ont également « ciblé des cellules terroristes et des groupes qui ont pour but d’ébranler la sécurité et la stabilité » de Raqa, selon le texte qui rapporte des arrestations et la saisie d’armes et de munitions.

Parmi les cibles de ces raids, « la Brigade des révolutionnaires de Raqa », un groupe de combattants arabes originaires de la ville, qui ont autrefois combattu au côté des FDS.

Le couvre-feu a été imposé en raison des « tensions entre les FDS et la Brigade, plus que les attaques de l’EI », a estimé le directeur de l’Observatoire, Rami Abdel Rahmane.

La faction a indiqué sur sa page Facebook que ses hommes à Raqa étaient encerclés par les FDS.

Plus de 150 combattants de la Brigade et son chef ont été interpellés lors de cette opération, durant laquelle quatre combattants des FDS ont été tués, selon l’OSDH.

Romandie.com avec(©AFP / 24 juin 2018 18h57)

Le chômage des jeunes au Maroc, une « bombe à retardement »

février 11, 2018

Manifestation à Imzouren, dans le rif marocain, contre notamment le chômage et la corruption, le 11 juin 2017 / © AFP / FADEL SENNA

Une « bombe à retardement » et une question à « prendre très au sérieux »: au Maroc, le chômage touche plus de quatre jeunes urbains sur dix, une problématique au centre des préoccupations sociales qui nourrit frustration et mécontentement populaire.

Sept ans après le Mouvement du 20 février, version marocaine du Printemps arabe, l’avenir de la jeunesse est plus que jamais d’actualité dans le royaume, agité ces derniers mois par des mouvements de protestation menés le plus souvent par des jeunes au chômage.

Selon les données du Haut-commissariat au plan (HCP) publiées au cours de la semaine écoulée, le Maroc a enregistré à fin 2017 un taux de chômage de 10,2% contre 9,9% une année auparavant. Surtout, celui-ci touche principalement les jeunes âgés de 15 à 24 ans (26,5%), avec un taux qui culmine à 42,8% en milieu urbain.

Ce chômage des jeunes « n’est pas un phénomène récent, mais il a tendance à devenir structurel avec la déperdition scolaire et la faible diversification du tissu productif national », explique à l’AFP Ahmed Lahlimi, le Haut-commissaire au plan.

« La précarité de l’offre d’emploi n’encourage pas l’investissement des ménages dans l’enseignement de leurs enfants. Cela participe à la déperdition scolaire », ajoute-t-il.

– ‘A la rue!’ –

Le fléau est aussi lié à « la transition démographique » de ce pays de près de 35 millions d’habitants, qui tend « à recomposer la pyramide des âges (…), avec de plus en plus de jeunes arrivant sur le marché du travail », souligne l’économiste Larbi Jaidi.

L’économie marocaine, bien que portée par une croissance de 4% en 2017 contre 1,2% l’année précédente, « n’a pas créé suffisamment d’emplois par rapport au nombre de jeunes arrivés sur le marché du travail », poursuit M. Jaidi.

Selon les données du HCP, les diplômés sont, par ailleurs, davantage exposés que les personnes n’ayant suivi aucune formation.

Au tournant de la décennie, les gouvernements ont tenté d’apaiser les tensions sociales avec la promesse d’embauches dans la fonction publique. Et, dans les rues de la capitale Rabat, entre bâtiments administratifs et immeubles Art-déco, les « diplômés chômeurs » continuent, des années plus tard, à réclamer leur « droit » à intégrer cette fonction publique, gage de sécurité de l’emploi.

Diplômés mais souvent peu qualifiés, ils pâtissent des défaillances du système éducatif et de son inadéquation avec le marché du travail.

« Tu fais des études, après tu te retrouves à la rue! », se lamente Achraf, 25 ans, titulaire d’une licence en gestion. « C’est la faute du gouvernement! », accuse ce diplômé sans emploi qui dit manifester depuis deux ans « sans résultat ».

Le chômage touche aussi de plein fouet les femmes, avec un taux de 14,7% contre 8,8% chez les hommes. Un écart qui s’explique en partie par la tendance des parents à « favoriser les garçons au détriment des filles », sans compter les discriminations en termes de salaires, décrypte M. Lahlimi.

– ‘Système D’ –

La presse locale tire régulièrement la sonnette d’alarme sur le chômage des jeunes, qualifié de « bombe à retardement » qui nourrit « mécontentement et frustration ».

Le roi Mohammed VI a lui-même reconnu dans un discours en octobre que les progrès enregistrés ne profitent pas aux « jeunes, qui représentent plus d’un tiers de la population ». « Parmi eux, nombreux sont ceux qui souffrent de l’exclusion, du chômage », a-t-il dit.

Le mois dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a de son côté appelé les autorités du royaume à « réduire les niveaux toujours élevés de chômage, notamment chez les jeunes ». Une question à prendre « très au sérieux », a prévenu la Banque mondiale.

In fine, les demandeurs d’emploi, diplômés ou pas, découragés par d’interminables recherches infructueuses, optent souvent pour le « système D ».

« La seule possibilité d’insertion des jeunes, quand ils arrivent à s’insérer, c’est le marché de l’informel, avec une très grande précarité en termes d’emploi et de revenu, ainsi qu’une absence de protection sociale », soutient M. Jaidi.

C’est le cas de Mehdi, 28 ans, qui distribue dans le vieux Rabat des prospectus deux demi-journées par semaine, pour une cinquantaine d’euros par mois, tout en déposant ici et là son CV.

« Je n’ai pas de contrat de travail, pas de couverture médicale », souffle ce jeune Marocain qui a suivi une formation en cuisine il y a quelques années, mais qui n’a jamais trouvé d’emploi dans « son domaine ».

Romandie.com avec(©AFP / 11 février 2018 16h23)                

Brésil: Dilma Rousseff seule en première ligne face à la rue

mars 16, 2015

Brasilia – Fragilisée par le scandale de corruption Petrobras, la présidente brésilienne Dilma Rousseff se retrouve seule, en première ligne du mécontentement populaire au lendemain de manifestations massives, alors que son propre camp digère mal sa conversion à l’austérité budgétaire.

Trois mois seulement après avoir entamé un second mandat, le camp présidentiel de gauche a été visiblement pris de cours par l’ampleur des manifestations de dimanche.

A l’appel de trois mouvements officiellement apolitiques, mais au discours proche de la droite, ces manifestations ont réuni jusqu’à 1,7 million de personnes, selon les estimations de la police militaire. Soit autant que lors du pic de la fronde sociale historique de juin 2013 contre la facture du mondial de football, la corruption et la misère des services publics.

A la différence près que ce mouvement spontané et diffus stipendiait l’ensemble de la classe politique. Dimanche, les manifestants n’avaient qu’une seule cible, l’héritière politique de l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).

Le chiffre de la participation à la manifestation de Sao Paulo, capitale économique d’un géant sud-américain au bord de la récession, faisait polémique lundi. L’institut Datafolha a estimé que 210.000 personnes avaient défilé, et non un million comme l’affirme la police militaire de cette ville contrôlée par le Parti social-démocrate brésilien (PSDB) du rival malheureux de Mme Rousseff à la présidentielle de novembre, le sénateur Aecio Neves.

– ‘Très grande frustration’ –

Il n’empêche que la participation a été massive.

Dans plus de 80 villes, de très nombreux manifestants ont réclamé tout haut ce que soupèse en coulisses une partie de l’opposition : l’engagement d’une procédure de destitution contre Mme Rousseff, après les révélations en cascade sur le scandale de corruption au sein du groupe étatique pétrolier Petrobras, dont les ramifications politiques ébranlent sa majorité parlementaire.

Un courant nettement plus minoritaire, mais néanmoins fourni, arborait des pancartes en faveur d’une intervention de l’armée pour mettre fin à 12 ans de règne du Parti des travailleurs, réveillant les fantômes de la longue dictature militaire qui a pris fin il y a exactement 30 ans dimanche.

La présidente a remporté de peu l’élection de 2014, très polarisée et marquée par de vives attaques personnelles.

Une partie de l’opinion estime que ce résultat lui confère une moindre légitimité. Il existe une très grande frustration liée à ce processus électoral, attisée par la corruption et la détérioration économique, analyse Michael Mohallem, politologue et professeur à la Fondation Getulio Vargas de Rio de Janeiro.

Mme Rousseff a vu chuter sa popularité de 19 points en février, à seulement 23%. Elle a été huée début mars à une réunion d’entrepreneurs à Sao Paulo. Son discours lors de la Journée de la femme a été salué par des concerts de casseroles, tout comme l’intervention télévisée de deux ministres envoyés dimanche soir au front pour commenter les manifestations à la télévision.

Le ministre de la Justice, José Eduardo Cardozo, a annoncé que la présidente proposerait dans les prochains jours un paquet de mesures contre la corruption. Il a prôné l’interdiction du financement des campagnes par les entreprises, première porte d’entrée de la corruption politique au Brésil.

– L’austérité passe mal –

Les organisateurs des marches de dimanche appellent à manifester encore le 12 avril. L’opinion publique est entrée en jeu et c’est le fait le plus important. Le gouvernement va devoir analyser à fond ce que cela signifie, prévient l’analyste politique André Cesar.

Les conditions juridiques d’une destitution semblent loin d’être réunies. Mais Dilma Rousseff est confrontée à des difficultés politiques immédiates et sérieuses dans son propre camp.

En sourdine, certains secteurs du PT lui reprochent son manque de capacité d’articulation avec son puissant et indiscipliné allié centriste PMDB, de plus en plus enclin à bloquer ses projets au Parlement.

L’austérité budgétaire engagée en janvier pour redresser les comptes publics passe mal auprès de la gauche car la présidente avait exclu tout ajustement pendant sa campagne.

Certains médias évoquent une dégradation de ses relations avec Lula, qui souhaiterait pouvoir se représenter, en conditions de l’emporter, à la présidentielle de 2018.

Il est clairement apparu aujourd’hui qu’un cycle politique est en train de s’achever au Brésil. Le gouvernement Dilma a épuisé ses munitions et ne sait plus quoi faire pour calmer les masses, commentait dimanche sur son blog le journaliste Ricardo Kotscho, ancien secrétaire de presse de Lula.

Romandie.com avec(©AFP / 16 mars 2015 20h22)