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À Buffalo, « le Canada est à la fois très proche et très loin » pour certains migrants

avril 23, 2023
Un panneau indique la direction du Peace Bridge et du Canada. Le Peace Bridge apparaît à l'arrière-plan.

Le Peace Bridge relie la ville de Buffalo à celle de Fort Erie, au Canada. Photo: Radio-Canada/Maxime Beauchemin

Buffalo a longtemps été la dernière étape à séparer les esclaves de leur liberté au Canada. Aujourd’hui, ce ne sont plus les esclaves, mais des milliers de migrants du monde entier qui y débarquent chaque année, aidés par un réseau de militants, dans l’espoir de traverser la frontière. Cependant, pour beaucoup d’entre eux, les récentes modifications des politiques migratoires entre le Canada et les États-Unis ont mis un frein au rêve canadien.

Je suis en route pour aller chercher ces gens, mais je ne suis pas encore arrivé. Pouvez-vous rester en ligne? demande Matt Tice à la téléphoniste d’un service de traduction en conduisant.

Pas de problème, lui répond la dame au téléphone.

Trente minutes plus tôt, ce travailleur social de formation, qui dirige le refuge pour migrants Vive, à Buffalo, a reçu un appel du service des douanes américaines. Une jeune Hongroise et ses deux enfants, dont un bébé de six mois, venaient d’être interceptés alors qu’ils tentaient de rejoindre la ville canadienne de Niagara Falls.

Matt Tice doit aller les chercher.

Matt Tice parle au téléphone en voiture.

Matt Tice, le directeur du refuge Vive, a dû aller chercher d’urgence une famille de demandeurs d’asile à la frontière canadienne. Photo: Radio-Canada/Maxime Beauchemin

Sur le siège arrière, il a installé un siège pour bébé et un banc pour enfant. Il n’a que très peu d’informations sur cette petite famille, mais le temps presse.

L’autre option pour quelqu’un comme elle, qui se fait refouler et qui n’a pas d’autres ressources, serait de vivre dans la rue, donc c’est urgent. […] Tous les refuges pour sans-abri de la ville sont pleins. […] On ne peut pas laisser une jeune mère avec des enfants dans la rue, dit-il en conduisant vers le poste frontalier du Peace Bridge, qui relie les États-Unis au Canada.

Explosion des demandes

Les cas comme celui-ci sont monnaie courante pour Matt Tice et son équipe.

L’année dernière, l’équipe de Vive est venue en aide à 2281 migrants en provenance de 70 pays. 80 % d’entre eux souhaitaient aller au Canada et 800 ont opté pour le chemin Roxham.

Malgré la fermeture de ce passage, les migrants continuent à affluer à Buffalo. Uniquement depuis le début de la semaine, au moins une trentaine de migrants d’Haïti, du Venezuela, du Congo et de l’Afghanistan se sont présentés au refuge Vive.

Beaucoup cherchent à obtenir de l’aide juridique : depuis les récentes modifications apportées à l’Entente sur les tiers pays sûrs, trouver refuge au Canada est beaucoup plus compliqué.

Des demandeurs d'asile font la file devant un petit bâtiment le soir.

Des demandeurs d’asile se sont précipités au chemin Roxham pour traverser au Canada avant la fermeture officielle de cette voie d’accès. Photo : Radio-Canada/Xavier Savard-Fournier

Les migrants qui arrivent par les États-Unis ne peuvent plus demander l’asile au Canada en traversant la frontière illégalement, comme c’était le cas au chemin Roxham. Ils doivent le faire depuis les États-Unis, à moins de remplir certains critères, notamment avoir un proche qui réside au Canada.

Le nombre de demandes d’aide a augmenté de 400 %. Nos téléphones n’arrêtent pas de sonner, nous recevons des courriels, les gens viennent au refuge et nous devons leur dire qu’ils ne sont plus admissibles ou qu’ils ne pourront pas être réunis avec leurs proches qui vivent au Canada, déplore Matt Tice, dont les journées sont constamment interrompues par l’arrivée de nouveaux demandeurs d’asile et par des appels d’urgence.

Avec seulement deux conseillers juridiques, deux avocats et une poignée de bénévoles pour les aider à monter leurs dossiers d’immigration, la tâche est rude.

Selon lui, beaucoup de demandeurs d’asile perçoivent le Canada comme une destination plus sécuritaire.

Il donne l’exemple de la fusillade perpétrée par un suprémaciste blanc qui a coûté la vie à une dizaine de personnes dans un supermarché près du refuge l’année dernière et qui a fortement ébranlé les pensionnaires du refuge.

Je parlais à des résidents [du refuge] qui avaient choisi de rester aux États-Unis, mais qui ne se sentaient plus en sécurité. Un homme noir m’a dit : « Je dois aller ailleurs », raconte-t-il.

Refuge plein à craquer

Le refuge Vive est situé dans une ancienne école délabrée d’un quartier défavorisé de Buffalo. Sur la porte d’entrée, une affiche indique en plusieurs langues qu’il n’y a plus de lits disponibles.

Depuis des mois, environ 160 personnes y vivent, alors que le refuge ne devrait en accueillir que 120. La demande est telle que la chapelle et une salle de jeu ont récemment dû être converties en dortoirs.

« On est bien au-dessus de notre capacité d’accueil. »— Une citation de  Matt Tice, directeur, refuge Vive

Trois femmes trient d'énormes sacs de linge sale.

Des femmes font le lavage au refuge Vive. Environ 160 personnes y vivent et chaque adulte a des tâches à accomplir. Photo : Radio-Canada/Andréane Williams

Dans les corridors, des jeunes écoutent de la musique ou des vidéos sur leur téléphone portable, tandis que des parents font l’aller-retour entre la salle à manger et leur dortoir, leurs bébés dans les bras.

Un coiffeur originaire du Cameroun, lui, tente de retrouver un semblant de normalité en organisant un coin coiffure à l’aide d’une table, de deux vieilles lampes et de panneaux réfléchissants autocollants en guise de miroirs.

Si beaucoup n’y séjournent que quelques jours ou quelques semaines, certains finissent par y rester pendant des mois, voire des années, en attendant que leur situation se régularise.

Familles déchirées

C’est ce qui pourrait arriver à Valeria, dont Radio-Canada a accepté de changer le nom pour des questions de sécurité.

Cette Sud-Américaine vit au refuge avec ses deux enfants en bas âge depuis près d’une semaine. Elle a emprunté des milliers de dollars à la banque et à ses proches pour fuir son nouveau conjoint violent et pour atteindre Buffalo dans le but de franchir la frontière canadienne.

Cette mère de famille pensait pouvoir demander l’asile au Canada grâce à son ex-belle-sœur qui vit à Toronto, mais elle ne pourra pas le faire parce qu’elle n’est pas reconnue comme un membre de la famille de celle-ci en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Valeria et une de ses filles jouent dans la salle de jeux du refuge Vive.

Valeria et une de ses filles jouent dans la salle de jeux du refuge Vive. Elles ne savent pas si elles pourront un jour rejoindre leurs proches au Canada. Photo: Radio-Canada/Maxime Beauchemin

Elle n’a aucune idée de ce que lui réservent les prochains mois.

J’avais beaucoup de rêves. Acheter une maison à ma mère, faire soigner ma fille au Canada, dit-elle en essuyant ses larmes.

Ses enfants, eux, pourraient traverser la frontière, mais elle refuse de s’en séparer.

Cela montre bien que ces règles [d’immigration] ne sont pas adaptées aux nuances de chaque cas, déplore Matt Tice.

Selon les données préliminaires de l’Agence des services frontaliers du Canada, entre le 25 mars et le 16 avril derniers, les autorités canadiennes ont traité 264 demandes d’asile à partir de points d’entrée officiels. Moins du tiers des demandeurs ont été jugés admissibles.

Matt Tice ajoute que ceux qui se font renvoyer aux États-Unis font souvent l’objet d’une mesure d’exclusion qui les empêche de soumettre une nouvelle demande d’asile au Canada pendant au moins un an.

Réseau d’aide informel

C’est précisément pour éviter de telles situations que Jennifer Connor et Gene Dickson ratissent régulièrement la gare d’autobus de Buffalo.

Ce jour-là, elles distribuent des affiches explicatives en anglais, en français et en espagnol aux employés de la gare et aux chauffeurs de taxi pour qu’ils informent les migrants des récents changements à la frontière.

Jennifer Connor et Gene Dickson marchent dans la gare.

Jennifer Connor, à droite, et Gene Dickson, à gauche, visitent régulièrement la gare d’autobus de Buffalo à la recherche de migrants dans le besoin. Photo: Radio-Canada/Maxime Beauchemin

Rapidement, elles aperçoivent Thomas Rivera, un concierge avec qui elles collaborent régulièrement.

Thomas, tu savais que les règles ont changé à la frontière? lui demande Jennifer Connor, la directrice générale de l’organisme Justice for Migrant Families, en lui tendant une affiche.

Non, je ne le savais pas, réplique-t-il.

L’homme d’origine portoricaine raconte qu’il croise de deux à trois familles de migrants par semaine à la gare. La plupart essaient de se rendre à Plattsburgh afin d’emprunter le chemin Roxham.

Une plaque commémorative à la mémoire du « chemin de fer clandestin » ainsi que les drapeaux américain et canadien.

Un monument à la mémoire du « chemin de fer clandestin », un réseau secret d’abolitionnistes qui aidait les esclaves noirs américains à fuir vers le Canada au 19e siècle, a été érigé près du Peace Bridge à Buffalo. Photo: Radio-Canada/Maxime Beauchemin

Je parle espagnol, donc je les aide. Elles ne savent pas comment aller à Plattsburgh. Parfois, elles n’ont pas de téléphone et je leur prête le mien, explique l’homme.

Gene Dickson fait remarquer que beaucoup de gens ordinaires ont risqué leur vie dans le passé pour aider les esclaves qui fuyaient les États-Unis. C’est là un héritage auquel la ville doit continuer de faire honneur, selon elle.

« Ils ont sacrifié leur sécurité pour aider ces esclaves et je pense qu’on doit se souvenir de cette histoire. »— Une citation de  Gene Dickson, bénévole, Justice for Migrant Families

Le Canada, si proche, mais si loin

Au poste frontalier de Peace Bridge, la famille hongroise apparaît finalement au loin, escortée par deux agents frontaliers américains. L’un d’eux tient la main du bambin tandis que la jeune mère transporte son bébé dans ses bras. Derrière eux, un drapeau américain hissé au sommet d’un gigantesque mât flotte au vent.

Tope là! lancent les agents au petit garçon en lui présentant la paume de leur main pour lui dire au revoir.

Nous voulons simplement aider ces gens, dit l’un d’eux, l’air résigné.

La jeune Hongroise en voiture avec Matt Tice et son bébé.

Une jeune Hongroise voulait aller rejoindre son mari au Canada avec leurs deux enfants, mais elle a été renvoyée aux États-Unis en tentant de passer la douane. Photo: Radio-Canada/Maxime Beauchemin

Dans la voiture vers le refuge, Matt Tice apprend, avec l’aide d’un traducteur hongrois au téléphone, que la jeune femme tentait de rejoindre son mari déjà réfugié au Canada.

Ça s’annonce mal, déplore-t-il.

Accompagnée de Matt Tice, la famille hongroise entre dans le refuge, les mains pleines de sacs.

La famille hongroise ne pourra pas rester au refuge, faute de lits. L’équipe de Vive tentera donc de lui trouver un endroit où elle pourra être hébergée dans la communauté. Photo : Radio-Canada/Andréane Williams

Il craint que la jeune femme ne soit coincée aux États-Unis pendant de nombreux mois avant de pouvoir revoir son époux.

J’ai grandi ici et je pouvais voir le Canada de chez moi, se souvient le directeur du refuge.

Nous traversions la frontière très facilement, mais pour ces gens dont le Canada est la destination, ce pays semble à la fois très proche et très loin. Ils ont vraiment l’impression qu’ils ne l’atteindront jamais.

Avec Radio-Canada par Andréane Williams

Chemin Roxham : Ottawa a conclu une entente avec Washington

mars 23, 2023

La question des migrations irrégulières sera abordée lors de la rencontre entre Justin Trudeau et Joe Biden.

Justin Trudeau serre la main de Joe Biden.

Des discussions autour de la question des migrations irrégulières ont notamment eu lieu pendant la rencontre bilatérale entre le premier ministre Justin Trudeau et le président Joe Biden lors du Sommet des leaders nord-américains en janvier. Photo : Reuters/Kevin Lamarque

Radio-Canada a appris que le gouvernement Trudeau a trouvé un terrain d’entente avec le gouvernement américain à propos des migrations irrégulières.

Selon plusieurs sources de haut niveau, Ottawa serait ainsi en mesure d’annoncer la fermeture du chemin Roxham à la frontière canado-américaine. Le gouvernement canadien se serait mis d’accord avec les Américains pour accueillir un certain nombre de migrants par les canaux officiels.

Les détails précis de l’accord ne sont toujours pas connus, mais selon des informations publiées par le Los Angeles Times, qui ont été confirmées par une source gouvernementale à Radio-Canada, le Canada aurait accepté d’accueillir 15 000 migrants par les canaux officiels.

L’annonce de cette entente pourrait survenir aussi tôt que vendredi. Les autorités doivent fignoler les détails opérationnels autour de l’annonce de la fermeture, car cela pourrait entraîner un bond des arrivées de migrants irréguliers.

Une source proche du dossier a toutefois affirmé à Radio-Canada que l’entente devrait entrer en vigueur dans les prochains jours.

Selon les informations de Radio-Canada, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, ont travaillé fort en coulisses auprès de leurs homologues américains ces dernières semaines pour arriver à ce résultat.

Mercredi, le premier ministre Justin Trudeau avait envoyé le signal en ce sens. En mêlée de presse, il avait déclaré : Ça fait plusieurs mois qu’on travaille de près avec les Américains pour rétablir la situation au chemin Roxham et regarder l’Entente sur les tiers pays sûrs. On va continuer notre travail, puis on va peut-être avoir quelque chose à annoncer.

Un enfant dans les bras d'une femme dans une file d'attente devant un chapiteau.

Une file de demandeurs d’asile venant d’Haïti attendent d’entrer au Canada depuis Champlain, État de New York, en août 2017. Photo: Reuters/Christine Muschi

La pression est forte sur le gouvernement Trudeau en provenance de Québec et des partis d’opposition à Ottawa. Hier, les chefs du NPD et du Bloc québécois ont réitéré au gouvernement leur demande de suspendre l’application de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis.

Avant la période de questions à l’Assemblée nationale ce matin, le premier ministre du Québec, François Legault, a répété qu’il faut fermer le chemin Roxham. En mars, on est rendu à 58 % des arrivants par le chemin Roxham qui sont envoyés à l’extérieur du Québec, a-t-il indiqué lors d’un impromptu avec la presse parlementaire. C’est pas encore suffisant. Le Québec, a-t-il ajouté, a dépassé sa capacité d’accueil.

Près de 40 000 demandeurs d’asile ont traversé la frontière depuis le chemin Roxham en 2022. Ces migrants provenaient majoritairement d’Haïti, de la Turquie, de la Colombie, du Chili, du Pakistan et du Venezuela.

Le gouvernement Trudeau a investi pour y construire un complexe. Près d’un demi-milliard de dollars avaient été déjà dépensés par le gouvernement fédéral avant même l’afflux historique de 2022, que ce soit pour l’hébergement, les infrastructures ou la location de terrains.

Des contrats consultés par Radio-Canada, qui offrent un récapitulatif des sommes versées par le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada entre 2021 et octobre 2022, montrent que plus du tiers des nouvelles dépenses fédérales, soit environ 61 millions, concerne la location de chambres d’hôtel et d’immeubles de bureaux.

Avec Radio-Canada par Louis Blouin

Rétropédalage de la Tunisie, qui annonce des mesures d’aide aux résidents étrangers

mars 6, 2023

Pour la première fois depuis les propos du président Kaïs Saïed sur les migrants, le 21 février, et alors que les rapatriements de ressortissants subsahariens craignant pour leur sécurité se poursuivent, Tunis a présenté de nouvelles mesures visant à améliorer le quotidien des étrangers, en particulier les étudiants

Des Ivoiriens de retour dans leur pays, à Abidjan, le 4 mars 2023. © SIA KAMBOU/AFP

Au terminal 2 de l’aéroport Tunis-Carthage, les longues files d’attente de ressortissants subsahariens souhaitant quitter le pays et échapper au cauchemar qu’ils vivent depuis quelques jours sont toujours là. Un mouvement déclenché le 21 février, lorsque le président Kaïs Saïed a qualifié les Subsahariens clandestins de hordes d’envahisseurs, parlant d’une tentative de transformer la composition démographique d’un pays « arabo-musulman ». Des propos bientôt suivis d’actes de violence contre les migrants et qui ont provoqué un tollé dans le pays et à l’étranger.

Les pays subsahariens, en particulier ceux dont les communautés sont les plus importantes en Tunisie, comme la Guinée et la Côte d’Ivoire, ont entrepris de rapatrier leurs ressortissants dès le 3 mars tandis que le ministre tunisien des Affaires étrangères, Nabil Ammar, répétait de son côté que la Tunisie ne s’excuserait pas. Une intervention mal venue dans un contexte où les mots et les nuances comptent.

Indignation au Tunisia-Africa Business Council

Nul ne reproche à la Tunisie de vouloir réguler le flux migratoire, c’est son droit, mais tous dénoncent la manière brutale et peu respectueuse des droits humains qui a été employée. « Il y aurait eu une annonce donnant un délai pour quitter le territoire, on aurait compris. Mais l’attitude du pouvoir à été perçue comme un appel à la chasse à l’homme », déplore Fatou, qui s’apprête à rentrer en Côte d’Ivoire par le biais de son ambassade.

Les autorités tunisiennes ont campé pendant dix jours sur leurs positions, invoquant leur bon droit et la souveraineté nationale qui les autorisent à prendre ce genre de décision radicale. Mais les manifestations de protestation, les déclarations hostiles aux propos du président, puis les photos montrant la situation précaire des Subsahariens chassés de leur emploi et de leur logement, qui circulent abondamment sur les réseaux, ont provoqué une telle cassure entre Tunis et l’Afrique subsaharienne qu’une réaction devenait indispensable.

Au-delà des relations diplomatiques et de l’image du pays, c’est désormais le milieu de l’entrepreneuriat qui s’alarme de l’avenir des entreprises tunisiennes installées en Afrique. Anis Jaziri, président du Tunisia-Africa Business Council (TABC), plateforme de réseautage entre la Tunisie et l’Afrique, affiche ainsi son inquiétude, après s’être indigné face à ce qu’il considère comme « une déportation ».

Boycott de produits tunisiens

Dans un post publié sur ses réseaux sociaux, il fait le bilan des jours de crise : il y est question de blocages de marchandises dans certains ports africains, d’annulations de commandes et de marchés, de campagnes de boycott des produits tunisiens, de réorientation des patients vers d’autres destinations que la Tunisie, du retour de dizaines d’étudiants pourtant en situation régulière, d’annulations de voyages d’affaires, de mission, salons, forum… Il exprime aussi son inquiétude pour les milliers de Tunisiens installés en Afrique et conclut : « Le temps presse, la Tunisie doit agir vite et correctement. »

Il a peut-être été entendu. Dans un communiqué daté du 5 mars, la présidence a annoncé  des mesures qui tentent de donner une cohérence au traitement de la migration en général. Ce rétropédalage qui ne dit pas son nom porte sur l’obtention des cartes de séjour, les durées de séjour, l’organisation des départs pour qui veut quitter le Tunisie, l’exonération des pénalités de retard pour ceux qui ont dépassé les dates limites de séjour, et prévoit aussi un appui psychologique et sanitaire, ainsi que la mise en place d’un numéro vert pour dénoncer les abus.

Le texte rappelle aussi que toute forme de trafic humain et l’exploitation des migrants irréguliers sont interdites et seront contrôlées, une manière d’empêcher les migrants d’accéder à des emplois même temporaires, ce qui expose les employeurs à des poursuites pour traite humaine.

Une image à restaurer

Parallèlement, la présidence rappelle que la Tunisie est membre fondateur de l’Union africaine et réaffirme son attachement au continent, tout en se défendant d’être raciste ou xénophobe. Une série d’arguments qui laissent surtout penser, même si rien n’est dit explicitement, que nul n’avait mesuré les conséquences catastrophiques de la séquence ouverte le 21 février.

« Les fonds italiens pour bloquer les flux migratoires ne sont rien comparés aux pertes que la Tunisie va enregistrer sur l’Afrique », assure un cadre de la STEG (Société tunisienne de l’électricité et du gaz), la deuxième entreprise du pays. Quant à Anis Jaziri, il veut croire que la relation n’est pas définitivement gâchée : « Il faut restaurer l’image de la Tunisie en Afrique, il faudra faire un énorme effort mais nous ne laisserons pas le pays tomber. »

Avec Jeune Afrique par Frida Dahmani

Des centaines de migrants maliens et ivoiriens rapatriés de Tunisie

mars 5, 2023

Près de 300 ressortissants de Côte d’Ivoire et du Mali ont rejoint samedi leurs pays pour fuir des agressions et des manifestations d’hostilité après le discours du président Kaïs Saïed contre les immigrés subsahariens en situation irrégulière.

Le premier ministre ivoirien, Patrick Achi, accueille les ressortissants ivoiriens rapatriés de Tunisie à leur arrivée à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny à Abidjan, le 4 mars 2023. © Sia Kambou / AFP

Ce samedi 4 mars, en fin de journée, 135 ressortissants maliens sont arrivés à Bamako, rapatriés par avion de Tunisie. Ils ont été accueillis par le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Sadio Camara, et le ministre des Maliens établis à l’étranger, Alhamdou Ag Ilyene, qui a expliqué que le gouvernement malien avait affrété l’avion. Selon le ministre, 97 hommes, 25 femmes et 13 enfants étaient à bord de l’appareil.

À Abidjan, un vol de 145 passagers a également atterri en fin de journée. Ils ont été accueillis par le Premier ministre, Patrick Achi, et plusieurs ministres, puis ont été conduits dans un centre d’accueil où ils passeront trois jours pour une prise en charge médicale et psychologique, avant de retrouver leurs familles.

Le 21 février, le président Kaïs Saïed avait affirmé que la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays. Ce discours, condamné par des ONG comme « raciste et haineux », a provoqué un tollé en Tunisie, où les personnes d’Afrique subsaharienne font état depuis d’une recrudescence des agressions les visant et se sont précipitées par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriées.

« Les Tunisiens ne nous aiment pas »

Devant l’ambassade du Mali, surchargés de valises et de ballots, tous ont dit fuir un climat lourd de menaces. « Les Tunisiens ne nous aiment pas, donc on est obligé de partir mais les Tunisiens qui sont chez nous doivent partir aussi », disait Bagresou Sego, samedi, avant de grimper dans un bus affrété par l’ambassade pour l’aéroport.

Arrivé il y a 4 ans, Abdrahmen Dombia a interrompu ses études de master en pleine année universitaire : « La situation est critique ici, je rentre parce que je ne suis pas en sécurité. » Baril, un « migrant légal », s’est dit inquiet pour ceux qui restent : « On demande au président Kaïs Saïed avec beaucoup de respect de penser à nos frères et de bien les traiter. »

Selon le gouvernement ivoirien, 1 300 ressortissants ont été recensés en Tunisie pour un retour volontaire. Un chiffre significatif pour cette communauté qui, avec environ 7 000 personnes, est la plus importante d’Afrique subsaharienne en Tunisie, à la faveur d’une exemption de visa à l’arrivée.

Issus souvent de familles aisées, des dizaines d’étudiants d’Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des universités ou centres de formation en Tunisie. Apeurés, beaucoup sont déjà repartis par leurs propres moyens, selon leurs représentants. L’Association des étudiants étrangers Aesat a documenté l’agression, le 26 février, de « quatre étudiantes ivoiriennes à la sortie de leur foyer universitaire » et d’«une étudiante gabonaise devant son domicile ». Dès le lendemain du discours de Kaïs Saïed, l’Aesat avait donné comme consigne aux étudiants subsahariens « de rester chez eux » et de ne plus « aller en cours ». Une directive prolongée au moins jusqu’au 6 mars.

Exonération des pénalités

Des Guinéens rentrés par le tout premier vol de rapatriement mercredi ont témoigné d’un « déferlement de haine » après le discours du président tunisien. Bon nombre des 21 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail et leur logement. Des dizaines ont été arrêtés lors de contrôles policiers, certains sont encore en détention. D’autres ont témoigné auprès d’ONG de l’existence de « milices » qui les pourchassent et les détroussent.

Cette situation a provoqué l’afflux de centaines de personnes à leurs ambassades pour être rapatriés. D’autres, encore plus vulnérables car issues de pays sans ambassade à Tunis, ont rejoint un campement improvisé devant le siège de l’Office international des migrations (OIM), où elles dorment dans des conditions insalubres.

La Tunisie a décidé samedi d’exonérer les ressortissants d’Afrique subsaharienne qui veulent retourner volontairement dans leur pays des pénalités imposées aux personnes en situation irrégulière (80 dinars, soit 25 euros par mois de séjour irrégulier) qui, pour certains, dépassaient les 1 000 euros.

Par Jeune Afrique avec AFP

Racisme en Tunisie : les Guinéens de retour à Conakry racontent leur « calvaire »

mars 3, 2023

La Guinée est le premier pays d’Afrique subsaharienne à avoir rapatrié certains de ses ressortissants désireux de quitter la Tunisie. Les récits de ceux qui commencent à témoigner de ce qu’ils y ont vécu sont cauchemardesques, et font état d’une véritable « sauvagerie » à l’œuvre dans certaines parties du pays.

Devant les bureaux du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), à Tunis, le 27 février 2023. Le président tunisien a été accusé le 22 février de racisme et de discours de haine après avoir déclaré que des « hordes » de migrants d’Afrique subsaharienne étaient à l’origine de la criminalité et constituaient une menace démographique. © FETHI BELAID/AFP

Ibrahima Barry et Dame Mariama Barry sont visiblement épuisés et racontent leur histoire des sanglots dans la voix. Ils sont rentrés mercredi en Guinée dans le premier vol de rapatriement de Tunisie, après plusieurs jours de « calvaire ». « Un déferlement de haine qui n’a pas de raison », lâche Ibrahima Barry, encore sonné, dans une voiture l’emmenant rejoindre son frère dans la banlieue de Conakry. Le jeune homme de 26 ans s’interrompt, puis reprend: « En Tunisie, si je vous dis qu’ils sont sauvages, le mot n’est pas de trop ».

Les Noirs recherchés, pourchassés, violentés

Comme pour de nombreux migrants subsahariens, sa situation est devenue intenable après le discours du président tunisien Kais Saied appelant à des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine de ces Africains. Il affirmait que leur présence était source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », et visait à modifier la composition démographique du pays.

Un grand nombre des 21 000 migrants originaires d’Afrique subsaharienne en situation irrégulière présents en Tunisie ont perdu du jour au lendemain travail et logement. Les premiers Guinéens rapatriés racontent des scènes d’agression et de chasse à l’homme.

UN AFRICAIN QUI TRAITE COMME ÇA UN AUTRE AFRICAIN EST TOUT SIMPLEMENT INHUMAIN

Arrivé en Tunisie en 2019 pour aller à l’université grâce à une bourse de l’État guinéen, Ibrahima Barry vivait de petits métiers à Gabès, dans le sud-est du pays, dans l’annexe d’une « belle concession ». « J’étais couché quand un ami m’a appelé pour me dire de ne pas sortir, qu’un nationalisme anti-Noirs s’était déclenché partout dans le pays après un discours du chef de l’État », explique-t-il. Le lendemain, des voisins se sont introduits chez lui en brisant la porte, lui ordonnant de ne plus faire un geste. Il a dû son salut à son logeur, qui a fait partir les intrus en disant qu’Ibrahima Barry était « à sa disposition, à son compte ». Il le conduira ensuite jusqu’au consulat de Tunis, à quelque 400 km. « Dans mon quartier, les Noirs étaient recherchés, pourchassés, violentés, et leurs résidences pillées par des Tunisiens », assistés parfois par des agents de police, assure-t-il.

À coups de pierres ou de bâtons

« Il leur suffisait de voir un Noir, même assis devant sa porte ou en ville, pour qu’ils l’attaquent à coups de pierres ou de bâtons (…) C’est un cauchemar que nous avons vécu en Tunisie », dit-il. « Un Africain qui traite comme ça un autre Africain est tout simplement inhumain, sauvage ». Depuis le discours du président Kais Saïed, des centaines de Subsahariens se sont inscrits dans leurs ambassades sur des listes de rapatriement. La junte guinéenne a été la première à faire rentrer une cinquantaine de ressortissants mercredi soir.

ÉCHAPPER À « UNE MORT PROGRAMMÉE »…

Dame Mariama Barry, 27 ans, était dans l’avion avec Ibrahima Barry, avec qui elle n’a aucun lien de parenté. Brisée, elle a tout perdu. Arrivée en Tunisie en 2022 dans l’espoir de gagner l’Europe, elle travaillait dans un salon de coiffure à Tunis depuis huit mois. « Pur survivre », « j’étais obligée de tout accepter, même l’inacceptable », et de supporter le racisme des Tunisiens, affirme-t-elle.

Après le discours du président Kais Saïed, « c’est d’abord ma patronne qui m’a insultée, me traitant de sale nègre, d’aventurière sans origine, de mal fichue… Là j’ai compris qu’il fallait partir, et très vite ». Son quartier était en ébullition, les Africains subsahariens étaient traqués, raconte-t-elle. « Des jeunes m’ont arrêtée, l’un d’entre eux m’a giflée. J’ai demandé pardon, qu’on me laisse partir. Un autre m’a donné un coup de pied dans les fesses, je suis tombée. On m’a arraché mon sac ».

La jeune femme raconte son errance, en larmes, dans les rues de Tunis, sans argent, sans téléphone, jusqu’à ce qu’un taxi s’arrête pour l’emmener chez une amie compatriote. Là, elles se barricadent dans un studio, jusqu’à leur départ pour Conakry, qui leur permet d’échapper à « une mort programmée », dit-elle.

Dame Mariama Barry et Ibrahima Barry ont fait connaissance dans l’avion. Comme les autres rapatriés, la première nuit, ils ont été logés par les autorités dans un hôtel. Une même voiture les emmenait jeudi soir dans la banlieue de Conakry, où un frère d’Ibrahima devait le récupérer. Dame Mariama devait retrouver une demi-sœur, et leur chemin se séparer là. Aucun d’eux ne sait de quoi demain sera fait. Qu’ils semblent loin maintenant, leurs espoirs d’une vie meilleure.

À des milliers de kilomètres de là, la déferlante raciste continue de submerger la Tunisie, mais Dame Mariama et Ibrahima, eux, sont bien en vie.

Par Jeune Afrique avec AFP

Près de 300 Ivoiriens et Maliens seront rapatriés de Tunisie ce samedi

mars 3, 2023

Les rapatriements de migrants subsahariens se multiplient en Tunisie après que le récent discours du président Kaïs Saïed a déclenché une vague de xénophobie dans le pays.

Des migrants ivoiriens se pressent devant leur ambassade de Tunis en vue de leur prochain rapatriement. © Yassine Mahjoub / NurPhoto / NurPhoto via AFP

« Un départ sur Air Côte d’Ivoire est prévu samedi à 7h du matin (6h GMT) avec 145 passagers à bord », a déclaré l’ambassadeur ivoirien à Tunis, Ibrahim Sy Savané, interrogé depuis Abidjan. « Le nombre de candidats au retour atteint 1 100 à ce jour », a-t-il poursuivi.

L’ambassade du Mali à Tunis a quant à elle indiqué qu’un avion pouvant transporter 150 personnes avait été affrété sur ordre du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta. L’avion quittera Tunis à 8h samedi (7h GMT).

« Prison à ciel ouvert »

Il s’agit des premiers vols de rapatriement en Côte d’Ivoire et au Mali depuis le discours le 21 février du président tunisien Kais Saïed, qui avait annoncé des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine en provenance d’Afrique subsaharienne. Dans ce discours qualifié de « raciste » par des ONG, il avait affirmé que leur présence en Tunisie était source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ».

Selon Ange Séri Soka, responsable d’une association de ressortissants ivoiriens en Tunisie, rentré à Abidjan cette semaine, « la Tunisie est devenue une prison à ciel ouvert aujourd’hui », pour les migrants d’Afrique subsaharienne.

Abus de pouvoir et agressions physiques

« La question de la carte de séjour bloque tout », a-t-il poursuivi lors d’une conférence de presse à Abidjan, affirmant qu’il était quasiment impossible pour les travailleurs migrants d’obtenir ce sésame en Tunisie. « Sans carte de séjour, vous ne pouvez pas aller au poste de police si vous êtes agressé, vous travaillez au noir » et « cela encourage les abus de pouvoir », a-t-il dit.

Un grand nombre des 21 000 migrants originaires de pays d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail (généralement informel) et leur logement. D’autres ont été arrêtés pour des contrôles policiers et certains ont témoigné d’agressions physiques.

Par Jeune Afrique avec AFP

La Côte d’Ivoire va rapatrier 500 de ses ressortissants de Tunisie

mars 2, 2023

Après les propos du président tunisien Kaïs Saïed contre l’immigration clandestine d’Africains subsahariens dans son pays, Abidjan débloque un milliard de francs CFA pour une opération spéciale de rapatriement.

Le 1er mars 2023 devant l’ambassade de Côte d’Ivoire à Tunis : les migrants ivoiriens viennent s’enregistrer en espérant un rapatriement, suite aux propos de Kaïs Saïed contre la communauté subsaharienne en Tunisie. © Nicolas Fauque

La Côte d’Ivoire a annoncé le mercredi 1er mars le rapatriement de 500 Ivoiriens résidant en Tunisie. L’annonce a été faite à l’issue du Conseil des ministres par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly. « Le Conseil a été informé de la situation en Tunisie, où nos compatriotes vivent des moments particulièrement difficiles. […] Aujourd’hui, nous avons un effectif de 725 Ivoiriens identifiés. Parmi eux, nous avons 500 volontaires pour le retour », a-t-il précisé. Au total, les Ivoiriens seraient jusqu’à 7 000 dans le pays, selon l’Institut national des statistiques tunisien.

Le lundi 27 février, certains avaient manifesté devant l’ambassade de Côte d’Ivoire à Tunis pour réclamer ce rapatriement. Cette mobilisation faisait suite aux propos tenus par le président tunisien Kaïs Saïed contre l’immigration clandestine d’Africains subsahariens dans son pays, affirmant que leur présence était source de « violence et de crimes » et provoquant dans la foulée une série d’agressions contre ces expatriés.

1 milliard de francs CFA

« Notre compagnie nationale Air Côte d’Ivoire a été missionnée pour opérer ces retours », a détaillé Amadou Coulibaly. Le gouvernement ivoirien a par ailleurs promis d’allouer à ces 500 ressortissants un pécule à leur arrivée à Abidjan afin de « faciliter leur réintégration ». Le montant total de cette opération est estimé à 1 milliard de francs CFA (un peu plus de 1,5 million d’euros).

En attendant ce retour, dont la date n’a pas été précisée, le porte-parole du gouvernement a assuré que « des dispositions ont été prises pour identifier et héberger les compatriotes dans des conditions acceptables grâce à des ONG caritatives ».

De son côté, la Guinée a d’ores et déjà procédé à une première vague de rapatriements. Une cinquantaine de Guinéens sont arrivés ce mercredi 1er mars à Conakry grâce à un avion mis à leur disposition par les autorités de leur pays.

Avec Jeune Afrique par Florence Richard

Le pape se rendra en Hongrie pour rencontrer Viktor Orban en avril

février 27, 2023

Le pape François voyagera à Budapest pour rencontrer le Premier ministre hongrois et discuter des prises de position de la Hongrie.

Le pape Francois se rendra a Budapest afin de discuter de la politique du gouvernement de Viktor Orban.
Le pape François se rendra à Budapest afin de discuter de la politique du gouvernement de Viktor Orban.© VATICAN MEDIA / CPP / HANS LUCAS / Hans Lucas via AFP

Une visite plus qu’attendue. Le pape François se rendra du 28 au 30 avril à Budapest où il rencontrera le Premier ministre hongrois Viktor Orban, dirigeant souverainiste dont il ne partage pas la politique anti-migrants et désireux de maintenir le lien avec Moscou.

Le jésuite argentin de 86 ans sera reçu le 28 avril par Viktor Orban, a annoncé lundi 27 février le Vatican. Le souverain pontife et le dirigeant s’étaient déjà rencontrés au Vatican ainsi qu’à Budapest, lors d’une première visite éclair du pape en septembre 2021.

Pour son 41e voyage international depuis son élection en 2013, Jorge Bergoglio rencontrera également des réfugiés et des personnes pauvres, des jeunes, des membres de l’Église locale et des représentants du secteur universitaire et culturel, selon le programme diffusé par le Vatican.

« Nous n’avons aucun problème avec les réfugiés »

« Je suis très heureux, le pape avait depuis longtemps ce projet dans le cœur », a réagi auprès de l’Agence France-Presse l’ambassadeur de Hongrie près le Saint-Siège, Eduard Habsburg. Selon lui, « la vision du Saint-Père sur le thème des migrants et réfugiés est beaucoup plus nuancée qu’on en a parfois l’impression dans les médias ».

« Le gouvernement hongrois n’a jamais eu de problème avec des réfugiés. Le problème, ce sont les migrants illégaux ; mais un réfugié sera toujours accueilli en Hongrie, comme on le voit actuellement avec les réfugiés ukrainiens », a-t-il ajouté. Des centaines de milliers d’Ukrainiens ont passé la frontière depuis le début de l’invasion russe, il y a un an, et 34 248 ont obtenu le statut de réfugié en Hongrie au 24 février, selon les derniers chiffres de l’Autorité hongroise pour l’Immigration.

« Ouverts à tous »

Le pape avait déjà fait une escale de sept heures à Budapest en septembre 2021 avant une visite en Slovaquie. À cette occasion, il avait présidé une messe et appelé les Hongrois à être « ouverts » à tous.

Quelques mois plus tard, en avril 2022, le chef de l’Église avait reçu pour la première fois Viktor Orban au Vatican. Au cours de cette audience privée, il avait exprimé au dirigeant hongrois sa reconnaissance pour la protection que la Hongrie offre aux réfugiés fuyant la guerre dans l’Ukraine voisine.

Les deux hommes ont des conceptions de la religion aux antipodes : Viktor Orban, issu d’un milieu calviniste, brandit son attachement à une « Europe chrétienne » pour justifier sa politique anti-migrants, tandis que le souverain pontife fait d’un accueil bienveillant un devoir de croyant.

Kiev au centre des discussions

La guerre en Ukraine devrait constituer l’un des enjeux de cette visite, alors que les innombrables appels du pape à la paix et l’initiative du Saint-Siège pour une médiation sont restés lettre morte.

Attaché à la défense des « valeurs chrétiennes », Viktor Orban est soucieux de maintenir des liens avec Moscou. Il se garde de critiquer le président russe Vladimir Poutine et refuse d’envoyer des armes à Kiev, appelant à la place à un cessez-le-feu immédiat et à des pourparlers de paix.

François est le deuxième pape à se rendre en Hongrie, pays d’Europe centrale de près de 10 millions d’habitants, après les visites de Jean-Paul II en 1991 et 1996. Malgré son âge avancé et ses douleurs au genou l’obligeant à se déplacer en fauteuil roulant, le chef de l’Église catholique continue de voyager. Il doit se rendre en août à Lisbonne et à Marseille en septembre.

Le Point par V.P. avec AFP

L’Union africaine condamne les déclarations « choquantes » de Kaïs Saïed sur les migrants

février 25, 2023

L’Union africaine a condamné les propos de président tunisien sur les migrants originaires d’Afrique subsaharienne et appelé ses états membres à « s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste ».

Des migrants africains au large de la ville de Sfax, dans le sud de la Tunisie, le 28 octobre 2022. © Yassine Gaidi / Anadolu Agency via AFP

Kaïs Saïed avait provoqué la stupeur le 21 février en prônant des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine de ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, affirmant que leur présence en Tunisie était source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », des propos dénoncés par des ONG.

Lors d’une réunion, le président tunisien avait aussi tenu des propos très durs sur l’arrivée de « hordes de migrants clandestins » et insisté sur « la nécessité de mettre rapidement fin » à cette immigration. Il avait en outre soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».

« Traiter tous les migrants avec dignité »

Dans un communiqué vendredi, le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, « condamne fermement les déclarations choquantes faites par les autorités tunisiennes contre des compatriotes Africains, qui vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit de notre Organisation et de nos principes fondateurs ».

Il « rappelle à tous les pays, en particulier aux États membres de l’Union africaine, qu’ils doivent honorer les obligations qui leur incombent en vertu du droit international (…), à savoir traiter tous les migrants avec dignité, d’où qu’ils viennent, s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste, susceptible de nuire aux personnes, et accorder la priorité à leur sécurité et à leurs droits fondamentaux ».

Crise économique

Moussa Faki Mahamat réitère « l’engagement de la commission à soutenir les autorités tunisiennes en vue de la résolution des problèmes de migration afin de rendre la migration sûre, digne et régulière ».

Le discours de Kaïs Saïed, qui concentre tous les pouvoirs après avoir suspendu en juillet 2021 le Parlement et limogé le gouvernement, survient alors que le pays traverse une grave crise économique marquée par des pénuries récurrentes de produits de base, sur fond de tensions politiques.

Selon des chiffres officiels cités par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), la Tunisie compte plus de 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, en majorité en situation irrégulière.

Par Jeune Afrique (Avec AFP)

États-Unis/Canada: La Ville de New York finance le transport des migrants voulant aller au chemin Roxham

février 6, 2023

Face à la crise humanitaire qui touche la plus grande ville américaine, des titres de transport gratuits sont distribués aux migrants, y compris à ceux souhaitant aller au Canada.

Un taxi devant les installations canadiennes à Roxham Road

La plupart des demandeurs d’asile qui viennent au chemin Roxham arrivent dans la ville américaine de Plattsburgh, souvent en autobus, avant de prendre un taxi jusqu’à la frontière canado-américaine. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada/Romain Schué

Se rendre au chemin Roxham grâce à un billet d’autobus payé par les autorités américaines, c’est possible.

Notre objectif est d’aider les demandeurs d’asile qui souhaitent se déplacer vers un autre endroit, confirme une porte-parole de la Ville de New York à Radio-Canada.

Depuis plusieurs mois, la Ville de New York fait face à une crise sans précédent.

Plusieurs États républicains envoient chaque semaine, par différents moyens de transports, des centaines de personnes arrivées par le Mexique vers le nord-est du pays. Et les centres new-yorkais d’aide aux migrants, récemment ouverts, sont débordés.

La Ville de New York, dirigée par le démocrate Eric Adams, a donc pris la décision d’aider [ces gens] à rejoindre leur destination finale, même si celle-ci n’est pas New York, explique l’attachée de presse Kate Smart.

« Beaucoup de gens qui sont arrivés ici en bus ne voulaient pas ou n’avaient pas l’intention d’aller à New York, ou ne voulaient pas rester ici à long terme. »— Une citation de  Kate Smart, porte-parole de la Ville de New York

Des organisations communautaires ont également aidé à émettre des titres de transport pour ceux qui veulent aller ailleurs, précise-t-elle.

Les migrants qui arrivent en sol américain dans les États du sud du pays ne sont pas les bienvenus

Les migrants qui arrivent en sol américain dans des États du sud du pays ne sont pas les bienvenus. Photo: Getty Images/David McNew

Des billets jusqu’à Plattsburgh

Le cabinet du maire Adams n’admet pas cependant financer des billets jusqu’au chemin Roxham, et donc n’aide pas à franchir la frontière canado-américaine par cette route devenue mondialement célèbre.

En réalité, les personnes qui le désirent peuvent aller jusqu’à Plattsburgh en autobus. Dans le terminus d’autobus de cette ville américaine située à une trentaine de minutes de la frontière, une véritable industrie, très lucrative, s’est organisée pour déposer ensuite les migrants au chemin Roxham.

Des chauffeurs de taxi les attendent, à bord de véhicules faisant mention de la frontière et du chemin Roxham, pour parcourir cette dernière étape avant d’entrer au Canada.

Nous ne traitons pas Plattsburgh différemment de toute autre ville, mentionne d’ailleurs l’équipe du maire Adams.

Un journal américain, le New York Post(Nouvelle fenêtre), s’est d’ailleurs rendu sur place, à Plattsburgh, et a rencontré des migrants dont le titre de transport a été payé par les autorités publiques américaines.

Le maire Adams sait-il que ces personnes iront ensuite au Canada? Son cabinet n’a pas répondu à cette question posée par Radio-Canada.

Le chemin Roxham connaît, depuis plus d’un an, un achalandage record. L’an passé, plus de 39 000 personnes ont utilisé cette voie de passage pour entrer au Canada.

Une pancarte pour aller au chemin Roxham.

À Plattsburgh, des chauffeurs de taxi proposent aux migrants de les conduire au chemin Roxham. Photo : Radio-Canada/Romain Schué

Une faille qui dérange

En raison de l’Entente sur les tiers pays sûrs, signée en 2002 entre le Canada et les États-Unis, ces migrants ne peuvent se présenter dans un poste de douane officiel. Selon cet accord, ils doivent présenter leur demande d’asile dans le premier des deux pays qu’ils traversent.

Cette entente n’encadre cependant pas les entrées irrégulières, comme le chemin Roxham. Une fois au Canada, ces personnes ont le droit de demander le statut de réfugié.

Cette faille fait l’objet, depuis plusieurs années, d’une discussion entre les autorités canadiennes et américaines. Le gouvernement de Justin Trudeau souhaite moderniser ce texte, mais les discussions tardent à aboutir.

Tout en questionnant la pertinence du gouvernement [américain de] payer des tickets pour aller au Canada, la ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, réclame des actions rapidement de la part d’Ottawa.

Il y a urgence, a-t-elle clamé mardi lors d’un point de presse.

« [Cette histoire] démontre surtout l’importance de régler le problème du chemin Roxham et de cette entente. On attend que cette négociation se conclue pour que l’Entente s’applique sur l’ensemble de la frontière. »— Une citation de  Christine Fréchette, ministre de l’Immigration

Un nouveau record en perspective

En décembre, près de 4700 personnes sont passées par cette route pour entrer au Canada.

Selon nos informations, malgré le froid et des conditions climatiques difficiles, le flux ne s’arrête pas. Tout indique même que la hausse pourrait se poursuivre en 2023.

Les journées avec plus de 200 personnes arrivant au chemin Roxham seraient de plus en plus fréquentes, d’après des sources policières.

Les nationalités des demandeurs d’asile sont également variées. Outre les Haïtiens, toujours très présents, il y a de plus en plus de Vénézuéliens, de Turcs et même d’Afghans.

Avec Radio-Canada