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En Tunisie, des Subsahariens sur leurs gardes et désireux de quitter le pays

mars 1, 2023

En appelant, le 21 février, à des mesures radicales contre les « vagues de migration », Kaïs Saïed a rendu la vie des ressortissants subsahariens en Tunisie très difficile, quel que soit leur statut légal. Témoignages.

Devant l’ambassade de Côte d’Ivoire à Tunis, le 1er mars 2023. © Nicolas Fauque

Début février, à Sfax, une jeune Ivoirienne a été assassinée par deux Guinéens. Un fait divers dramatique, dont les autorités tunisiennes se sont aussitôt emparées pour dénoncer un « regain de violence » imputable, selon elles, à ces « migrants subsahariens » à l’encontre desquels le président Kaïs Saïed, évoquant une stratégie visant à modifier la composition de la société tunisienne et à africaniser un pays arabe et musulman, a réclamé des mesures répressives le 21 février.

Si les propos sans précédent du président ont suscité tollé et indignation, ils se sont aussi immédiatement accompagnés d’une multiplication de contrôles et d’arrestations de personnes « de couleur ». Un durcissement qui suscite des réactions partagées. « Ils ne font qu’appliquer la loi », justifie Omar, un épicier de Dar Fadhal, à La Soukra, dans les environs de Tunis, où une communauté des migrants irréguliers est installée. S’il défend la position des autorités, le commerçant réalise aussi qu’il va peut-être devoir se passer d’une clientèle acquise et qui payait comptant.

Mais qui sont ces ressortissants subsahariens présents en Tunisie ? De quels pays viennent-ils et combien sont-ils réellement ? Le flux d’arrivées a en fait commencé à s’intensifier à partir de 2011, à la faveur de la chute du régime de Kadhafi en Libye. Un nombre croissant de personnes fuyant leur pays d’origine, mais aussi les camps libyens, ont alors commencé à affluer dans le pays. Auparavant, les Subsahariens que l’on pouvait croiser étaient pour la plupart des diplomates, des fonctionnaires internationaux, des patients venus se faire soigner ou des étudiants, un diplôme tunisien représentant un bon viatique pour retourner au pays ou s’intégrer ailleurs.

Plus gros contingent : les Ivoiriens

Actuellement, le nombre total de ressortissants subsahariens dans le pays est estimé à 60 000, dont 21 000 sont sans papiers. Selon l’Institut national des statistiques (INS), le contingent le plus nombreux est celui des Ivoiriens, qui sont environ 7 000, souvent arrivés par le biais de réseaux de compatriotes opérant comme des organisations mafieuses et s’adonnant à de la traite de personnes, sous couvert de procurer des emplois dignes et rémunérateurs en Tunisie.

Une pratique d’autant plus simple que, depuis plusieurs années, la plupart des ressortissants subsahariens n’ont pas besoin de visa pour entrer en Tunisie. Un passeport et un billet d’avion aller-retour permettent de séjourner trois mois en toute légalité. Passé ce délai, certains se fondent dans la clandestinité, ce qui est relativement facile pour ceux, et ils sont nombreux, qui se sont installés dans les pôles urbains du littoral comme Sfax, Sousse et Tunis, où ils ont souvent eu le temps de trouver un emploi, certes précaire et non déclaré. Parfois avec l’envie, ensuite, de tenter de passer en Italie, car aucun des Subsahariens en situation irrégulière n’a pour projet de s’installer durablement en Tunisie.

En attendant, leur statut d’irréguliers en fait les victimes toutes désignées de toutes formes d’exploitation. Les Ivoiriens l’ont appris à leurs dépens, mais aussi les Camerounais, les Guinéens, les Congolais et les Sénégalais, qui représentent les communautés les plus importantes parmi les candidats à la traversée vers l’Europe.

Pénalités de retard

On croise aussi, mais en nombre bien plus faible, des Malgaches, des Burundais, des Tchadiens, des Maliens et des Togolais, et depuis peu, des Soudanais. Tous tendent à se montrer discrets, font le maximum pour se couler dans la masse et se conformer au mode de vie tunisien, tremblant à l’idée d’être arrêtés et conduits vers le centre de rétention d’El-Ouardia, dans la périphérie de Tunis.

Cet établissement où sont rassemblés les migrants irréguliers en instance d’expulsion reste peu connu dans le pays, même si son existence a été dévoilée dès 2015 par des Syriens fuyant les exactions de l’État islamique (EI), mais qui n’avaient pas obtenu le droit d’asile en Tunisie.À LIREAprès les propos de Kaïs Saïed, l’absence de réaction des gouvernements africains fait polémique

Aujourd’hui pourtant, certains Subsahariens en arrivent à penser que l’expulsion est peut-être un moindre mal. « Je ne pensais pas que les Tunisiens étaient aussi racistes. C’est difficile à vivre au quotidien et encore plus maintenant », témoigne Sidiki, un Guinéen qui travaillait comme mécanicien à Mandiana, dans l’est de son pays, et s’est improvisé maçon, vivant de travaux non déclarés. Il attend que son épouse le rejoigne par voie terrestre, mais elle se heurte aux contrôles rigoureux récemment instaurés dans les zones frontalières sahariennes avec l’Algérie. Lui-même est arrivé en Tunisie par la Libye, où il assure avoir été témoin de véritables atrocités dans les camps de réfugiés du Fezzan.

Sidiki ne s’attendait pas à rencontrer tant de difficultés en Tunisie à cause de la barrière de la langue et de sa couleur de peau. Il avoue se sentir piégé, d’autant que pour quitter la Tunisie, il devra s’acquitter obligatoirement de pénalités de retard – 20 dinars par jour –, qui courent dès que les trois mois de séjour autorisés arrivent à échéance. « Fais le compte, je suis là depuis dix-huit mois. Je n’ai pas cet argent », confie-t-il. Depuis dix jours, il craint pour sa sécurité, mais parvient encore à travailler grâce à un patron conciliant. Depuis cinq jours, toutefois, il n’a plus de lieu fixe où dormir, ayant été mis dehors avec ses colocataires par son logeur. Il est en contact avec diverses associations et espère être rapatrié par l’ambassade de Guinée à Tunis.

Hébergés dans les ambassades

Les ambassades tunisoises de plusieurs pays subsahariens voient d’ailleurs, depuis quelques jours, défiler un flot croissant de personnes souhaitant être rapatriées. Le 28 février, l’AFP a dénombré une cinquantaine d’Ivoiriens campant dans l’herbe devant leur représentation diplomatique. Selon le responsable d’une association locale d’Ivoiriens, 500 d’entre eux se seraient inscrits « pour repartir au pays ». De son côté, l’ambassade du Mali affirme héberger « une trentaine » de ses ressortissants et avoir établi une liste de 200 personnes désirant être rapatriées. Un diplomate malien cité par l’agence de presse faisait état de pourparlers entre Bamako et Tunis pour que les autorités tunisiennes « annulent les pénalités et permettent à nos compatriotes de rentrer ».

Le même diplomate évoque le cas d’« un étudiant qui a eu le visage tailladé en pleine rue à Bizerte (Nord) et des compatriotes insultés et pris à partie hier dans le quartier aisé de La Marsa ». Quant au Conseil supérieur de la diaspora malienne, il a publié un communiqué condamnant des scènes « inacceptables de violences physiques, d’expulsions ou d’expropriations de biens ». Le communiqué se conclut par ces mots forts : « La Tunisie du président Bourguiba ne mérite pas un président comme Kaïs Saïed. »

Avec Jeune Afrique par Frida Dahmani  – à Tunis

Migration: 7264 demandes de visa court séjour pour la Belgique introduites en RDC en 2021

août 20, 2022

Dans un rapport publié récemment sur ses activités en 2021, la direction générale de l’Office des étrangers (OE) de Belgique indique que les Congolais ont introduit 7264 demandes de visa court séjour pour la Belgique en 2021, tandis que ce chiffre était de 6613 en 2020 et de 26646 en 2019.

Le nombre de demandeurs de visa pour la Belgique a sensiblement baissé à cause de covid-19

En 2019, la République démocratique du Congo (RDC) se classait à la troisième position des pays avec le plus grand nombre de demandeurs de visa derrière la Chine avec 42402 demandeurs et l’Inde avec 31157. En 2020, la RDC s’est classée en tête des pays demandeurs de visa, devant l’Inde (6212 demandes) et les Philippines (3978). En 2021, la RDC se classe à la deuxième position derrière l’Inde (7426) et devant les Philippines (4630).

Pour l’OE, le nombre de demandes de visa court séjour a ainsi sensiblement baissé. Les conséquences de la crise sanitaire sur les déplacements internationaux, explique l’institution, sont ainsi visibles pour la seconde année consécutive, même si on constate un frémissement depuis le mois de septembre 2021, probablement lié aux assouplissements consentis en faveur des voyageurs présentant un schéma vaccinal complet.

Dans son rapport, l’OE définit un court séjour comme un séjour dont la durée maximale ne peut pas dépasser 90 jours sur toute période de 180 jours. Il s’agit, entre autres, d’une visite familiale ou amicale, d’un séjour touristique ou d’un voyage à caractère professionnel, commercial, sportif, culturel ou humanitaire. A cet effet, le rapport indique que les ambassades et consulats de Belgique sont autorisés à délivrer le visa quand le demandeur établit, avec de la documentation, qu’il respecte les conditions d’entrée dans l’espace Schengen. Pendant une année normale, les postes traitent environ 80 % des demandes de visa pour un court séjour (demande et délivrance du visa). Par contre, indique le rapport, la décision de refuser un visa est toujours prise et motivée par l’OE. Les critères d’examen d’une demande de visa et les motifs pour lesquels un visa peut être refusé sont fixés dans le code communautaire des visas.

Les ambassades de Belgique et consulats consultent l’OE quand le dossier présenté ne permet pas la délivrance du visa, c’est-à-dire quand la demande ne répond pas à une ou plusieurs conditions d’entrée dans l’espace Schengen, ou quand l’ambassade ou le consulat a un doute sur l’un ou l’autre élément du dossier et estime qu’un examen approfondi de la demande est nécessaire. Les postes diplomatiques consultent également l’OE quand le demandeur est signalé (risque sécuritaire). La décision de refuser un visa, explique-t-on, est toujours prise par l’OE, raison pour laquelle le nombre de décisions de refus prises par l’OE est supérieur au nombre de décisions d’accord.

Plus de la moitié des visas accordés

En 2021, sur les 7264 demandes congolaises introduites dans un poste diplomatique belge ,  4505 demandes de visas ont obtenu une réponse positive, tandis que 1497 demandes ont essuyé un refus, soit 20,60% des demandes. Le nombre de décisions prises par l’office des étrangers concerne 390 demandes de visas par des Congolais. L’OE a donné son accord pour 260 visas, il a décidé de refuser 1403 demandes en provenance de la RDC, tandis que 49 demandes sont restées sans objet.  

En 2020, 4179 visas ont été accordés à des demandeurs congolais, tandis que 3591 demandes ont essuyé un refus, soit 46,22%. En 2019, sur les 26646 demandes de visa en provenance des Congolais, 18599 visas ont été accordés et 5996 ont été refusés, soit 24,38 %. Pour ce qui est des demandes de visa long séjour pour les étudiants en 2021, les demandes en provenance de la RDC s’élevaient à 586. En outre, 41 demandes de visa humanitaire en provenance de la RDC ont été refusées.

Par ailleurs, avec 174 personnes naturalisées belges en 2021, les Congolais se classent dans le top 5 des nationalités pour les personnes naturalisées, en occupant la deuxième place, derrière le Maroc (332 personnes) et devant l’Arménie (158), le Kosovo (130) et la Guinée (127). En 2020, la RDC figurait à la cinquième place de cette catégorie, avec 232 personnes naturalisées belges, derrière le Maroc (234), le Kosovo (260), la Serbie (286) et l’Arménie (500).

Avec Adiac-Congo par Patrick Ndungidi

Le Tchad exprime son « sentiment d’injustice » après le décret migratoire de Donald Trump

septembre 26, 2017
Le président tchadien Idriss Deby Itno lors d’une conférence de presse en octobre 2016. © Markus Schreiber/AP/SIPA

« Sentiment d’injustice », « incompréhension »… Le gouvernement tchadien s’est plaint mardi auprès de l’ambassadrice américaine à N’Djamena, suite à la publication du décret migratoire du président Donald Trump. Celui-ci interdit de façon permanente aux ressortissants tchadiens d’entrer aux États-Unis.

« Nous avons fait part à l’ambassadrice du sentiment d’injustice et d’incompréhension parce que cette décision ne reflète pas le niveau de coopération entre nos deux pays », a expliqué à la presse le ministre secrétaire général du gouvernement assurant l’intérim des Affaires étrangères, Abdoulaye Sabre Fadoul.

« Les excellentes relations entre nos deux pays »

« Nous avons pris bonne note de cette décision regrettable qui n’a aucune dimension politique », a ajouté Abdoulaye Sabre Fadoul, qui parle de motivations « techniques » justifiant la nouvelle mesure américaine.

L’ambassadrice américaine au Tchad, Geeta Pasi, a déclaré pour sa part avoir discuté avec le ministre de « cette décision qui n’entame en rien les excellentes relations entre nos deux pays ». « On est le pays le plus important pour soutenir le Tchad, car on intervient dans le domaine militaire et de la police, et on est en train de lancer un programme (pour les réfugiés, ndlr) dans le Lac », la région au nord-ouest de N’Djamena en crise humanitaire et touchée par le groupe jihadiste Boko Haram, a ajouté l’ambassadrice.

Le manque de coopération de N’Djamena dénoncé par Washington

Avec la Corée du Nord et le Venezuela, le Tchad est le dernier pays en date à intégrer la liste des personæ non grata sur le sol américain. Une décision motivée selon le président Donald Trump par le manque de coopération de N’Djamena, qui « ne partage pas de manière adéquate les informations concernant la sécurité du public et le terrorisme ». Selon le décret, les groupes jihadistes comme l’État islamique, Aqmi et Boko Haram sont présents sur le sol tchadien.

Le Tchad, qui a subi des attentats de Boko Haram, participe au Mali à la lutte contre les groupes jihadistes et abrite la force multinationale du G5 Sahel, se dit actif dans la lutte contre le terrorisme.

Jeuneafrique.com avec AFP

Washington étend son décret migratoire à trois nouveaux pays, dont le Venezuela

septembre 24, 2017

Le président américain Donald Trump s’adresse à la presse à la Maison blanche, à Washington, le 24 septembre 2017 / © AFP / NICHOLAS KAMM

La Corée du Nord, le Venezuela et le Tchad ont été intégrés dimanche à la liste des pays visés par le décret migratoire américain pour des manquements à la sécurité sur leurs voyageurs et un manque de coopération avec Washington.

Le Soudan, l’un des six pays musulmans visés par le précédent décret, a été retiré de la liste. Le nouveau texte interdit ou limite l’entrée aux États-Unis des ressortissants étrangers de huit pays au total, avec l’Iran, la Libye, la Syrie, la Somalie et le Yémen.

Les mesures de restriction sont différentes selon les pays. Tous les citoyens de Corée du nord et du Tchad sont interdits d’accès au territoire américain, alors que l’interdiction se limite aux membres d’une longue liste d’instances gouvernementales vénézuéliennes et à leur famille.

« En tant que président, je dois agir pour protéger la sécurité et les intérêts des États-Unis et de leur peuple », a affirmé Donald Trump dans ce décret rendu public dimanche en soirée.

« Un petit nombre de pays – sur les quelque 200 évalués – restent insatisfaisants à cette heure sur les questions de gestion des identités et leurs capacités, protocoles et pratiques du partage de l’information. Dans certains cas, ces pays ont aussi une présence terroriste significative sur leur territoire », a-t-il expliqué.

Le président américain avait soutenu début 2017 avoir besoin d’une période de 90 jours d’interdiction d’arrivée des ressortissants de six pays musulmans (Syrie, Libye, Iran, Soudan, Somalie et Yémen), ainsi que de 120 jours d’interdiction des réfugiés du monde entier, afin de mettre en place des nouveaux filtres d’admission.

Après cinq mois de contentieux devant les tribunaux, une version amendée du décret est entrée en vigueur le 29 juin. Sa durée d’application s’achevait ce dimanche.

« Ces restrictions sont vitales pour la sécurité nationale » mais pourront, comme dans le cas du Soudan, être levées, a expliqué un haut responsable du gouvernement. Les pays visés pourront être retirés de la liste s’ils atteignent le niveau américain de contrôle de leurs ressortissants, a-t-il précisé.

L’Irak, dont le niveau de vérification est pourtant très faible, n’a pas été inclus car c’est un allié proche qui accueille un nombre important de militaires et de civils, a-t-il souligné.

– Pas contre les musulmans –

Mais selon des responsables gouvernementaux, l’ajout de la Corée du nord et du Venezuela montre que les restrictions ont été décidées sur des questions de sécurité et que le décret ne visait pas expressément les musulmans, comme l’ont affirmé ses détracteurs.

« La religion, ou la religion d’origine des ressortissants ou de leur pays, n’a pas été un facteur », a assuré à la presse un responsable.

Concernant Caracas et Pyongyang, « ces gouvernements ne se conforment simplement pas à nos demandes de base en matière de sécurité », a-t-il dit.

Le Tchad a quant à lui été ajouté même s’il est, selon le décret, « un partenaire important et de valeur pour le contre-terrorisme ».

Le décret note la présence sur le sol tchadien de différents groupes jihadistes comme le groupe Etat islamique, Boko Haram ou al-Qaïda au Maghreb islamique. Et N’Djamena « ne partage pas de manière adéquate les informations concernant la sécurité du public et le terrorisme ».

La Corée du Nord, engagée cette semaine dans une guerre verbale avec Donald Trump en raison de ses ambitions nucléaires, « ne coopère pas avec le gouvernement des États-Unis ». Pyongyang n’a pas de relations diplomatiques avec Washington.

Le Venezuela, où une crise politique et économique a dégénéré en violences, est visé en raison aussi de son manque de coopération dans les procédures de vérification des voyageurs.

Mais les restrictions ne s’appliquent qu’à des responsables gouvernementaux et à leurs proches, notamment les fonctionnaires des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères, de forces de police et des services de renseignement.

Le décret est prolongé à partir de dimanche pour les cinq pays qui figuraient sur la liste précédente. Il entrera en vigueur pour les trois nouveaux pays le 18 octobre.

Romandie.com avec(©AFP / 25 septembre 2017 03h53)                

Les encres de tatouage migreraient dans le corps jusqu’aux ganglions

septembre 24, 2017

 

 Des encres qui migrent

Selon une étude menée au Synchrotron de Grenoble (France), les particules contenues dans certaines encres de tatouage peuvent migrer dans le corps et aboutir dans les ganglions lymphatiques qui jouent un rôle crucial pour le système immunitaire.

Discret ou affiché, en couleurs ou totalement noir, petit ou recouvrant une partie entière du corps, le tatouage s’est aujourd’hui largement démocratisé pour séduire toute une partie de la population. Mais que connait-on réellement des effets des tatouages sur le corps ? Si tout un chacun sait que l’encre perdure à vie, ses conséquences à plus long terme restent très peu étudiées.

Pourtant, les tatouages n’impacteraient pas que la peau. C’est ce que confirme une nouvelle étude publiée dans la revue Scientific Reports. Menés notamment par des chercheurs de l’European Synchrotron Radiation Facility de Grenoble (ESRF, France), ces travaux révèlent qu’une fois dans la peau, certaines particules contenues dans l’encre voyageraient dans le corps jusqu’à atteindre les ganglions lymphatiques.

Du derme jusqu’aux ganglions

Comme beaucoup le savent, la technique du tatouage consiste à injecter à l’aide d’aiguilles de l’encre sous la peau, plus précisément entre deux couches, le derme et l’épiderme. Étant trop grosses pour être naturellement éliminées par le corps, la majorité des particules d’encre persistent de façon permanente sous la peau, permettant de tracer n’importe quel motif.

Le problème est que les encres des tatouages sont composées de diverses pigments organiques comme inorganiques et ce, en particulier lorsqu’elles sont colorées. Certaines encres peuvent ainsi contenir des métaux plus ou moins toxiques comme du cobalt, du chrome, du manganèse ou du nickel. Parmi les ingrédients les plus régulièrement rencontrés, on trouve le dioxyde de titane (TiO2).

Cet ingrédient est un pigment blanc utilisé pour blanchir les couleurs des encres mais aussi employé comme additif alimentaire, dans les crèmes solaires ou dans les peintures. Ce sont ces particules de dioxyde de titane ainsi que d’autres pigments que les chercheurs ont étudiés à l’aide de différentes méthodes dans l’organisme de plusieurs personnes tatouées décédées.

Les mesures collectées notamment grâce à la fluorescence à rayons X ont ainsi révélé la présence de diverses particules dans la peau mais aussi dans les ganglions lymphatiques situés au niveau du cou, sous les bras et au niveau du pli situé entre les cuisses et l’abdomen. Toutefois, seules les plus petites particules ont été observées dans les ganglions.

Observation in vivo

En réalité, ce n’est pas la première fois que cette migration de pigments est observée chez des personnes tatouées. « Nous savions déjà que les pigments des tatouages peuvent voyager jusqu’aux ganglions lymphatiques grâce à des preuves visuelles : les ganglions se teintent de la couleur du tatouage », a expliqué dans un communiqué Bernhard Hesse, l’un des principaux auteurs de l’étude.

« C’est la réponse du corps pour nettoyer le site d’entrée du tatouage », a poursuivi ce spécialiste du German Federal Institute for Risk Assessment. En effet, une fois la peau tatouée, le système immunitaire se met en marche et certaines de ses cellules vont s’attaquer à l’encre et parvenir à en « détruire » une petite partie qui va ensuite être éliminée par la lymphe. D’où la présence dans les ganglions lymphatiques.

Néanmoins, les scientifiques n’avaient encore jamais observé le phénomène sur des échantillons in vivo. Au cours de l’étude, les résultats ont mis en évidence la présence chez les sujets tatoués étudiés de niveaux élevés d’aluminium, de chrome, de fer, de nickel et de cuivre ainsi que des taux supérieurs de dioxyde de titane dans les ganglions et la peau.

Quelles conséquences pour les personnes tatouées ?

Si la présence de ces particules dans les ganglions lymphatiques qui jouent un rôle immunitaire important peut inquiéter, les conséquences restent pour le moment inconnues. « Le problème est que nous ne savons pas comment ces nanoparticules se comportent », a souligné Bernhard Hesse. « Ces particules pourraient ne pas avoir le même comportement qu’à un niveau microscopique ».

Le dioxyde de titane des tatouages blancs est régulièrement associé à une cicatrisation plus lente, un gonflement de la peau et des démangeaisons. Dans les ganglions, les nanoparticules pourraient ainsi favoriser un gonflement chronique voire une exposition permanente à ce composé. Interrogé par Sciences et Avenir, le Dr Nicolas Kluger, dermatologue spécialiste des problématiques liées aux tatouages, s’est toutefois montré rassurant.

« Jusque là, on n’observe pas de hausse des maladies ganglionnaires chez les personnes tatouées », a assuré ce spécialiste. « Le tatouage, c’est une dose fixe dans la peau à vie, mais il n’y a pas d’exposition répétée à de nouvelles doses comme avec la cigarette ou l’alcool ». Pour les auteurs, cette étude souligne surtout le manque de données concernant les effets à long terme des tatouages.

Être plus vigilant sur les encres

« Quand quelqu’un veut se faire un tatouage, il choisit souvent très prudemment un endroit où l’on emploie des aiguilles stérilisées jamais utilisées auparavant », a avancé Hiram Castillo, autre auteur de l’étude et chercheur au ESRF. « Personne ne vérifie la composition chimique des couleurs mais notre étude montre qu’il devrait peut-être ».

Pour aller plus loin, l’équipe prévoit désormais d’étudier plus amplement les échantillons prélevés sur les patients ainsi que les effets négatifs de leurs tatouages afin peut-être de trouver des liens entre les propriétés chimiques et structurelles des pigments utilisés pour créer l’encre de ces tatouages.

Maxisciences avec gentside.com par Émeline Ferard, le 18 septembre 2017

France: des dirigeants africains et européens attendus à Paris pour un mini-sommet sur la crise migratoire

août 28, 2017

Photo de BrazzaNews.

Le président français Emmanuel Macron, autour de la table avec ses homologues africains sur la crise migratoire 28 août 2017.

Le président français Emmanuel Macron a convié des dirigeants africains et européens à Paris lundi après-midi. L’objectif : conjuguer leurs efforts pour faire face à la crise migratoire.

Côté africain, le président Macron recevra ses homologues tchadien et nigérien, Idriss Déby Itno et Mahamadou Issoufou, ainsi que le chef du gouvernement d’entente nationale libyen Fayez al-Sarraj. Trois pays qui ont en commun de se trouver au cœur du transit des migrants vers les côtes européennes.

Pour l’Europe, le chef de l’État français a convié la chancelière allemande Angela Merkel, la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, le président du conseil italien Paolo Gentiloni et le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.

La séquence diplomatique débutera à partir de 13h00 GMT, avec un entretien entre le président français et ses homologues tchadien et nigérien. Il sera suivi d’une rencontre avec Angela Merkel et Federica Mogherini, avant une réunion commune prévue à 14h55 GMT réunissant l’ensemble des participants.

« Réaffirmer le soutien de l’Europe »

Pour la présidence française, cette rencontre vise à « réaffirmer le soutien de l’Europe au Tchad, au Niger et à la Libye pour le contrôle et la gestion maîtrisée des flux migratoires ». Elle intervient après une série d’initiatives prises par Emmanuel Macron durant l’été, comme l’annonce en juillet de la création de « hotspots » – des centre d’enregistrement des migrants – en Libye. Face aux critiques, qui pointent le risque sécuritaire dans ce pays, le président Macron avait alors rapidement fait machine arrière, pour évoquer seulement le Tchad et le Niger.

Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, les passeurs profitent du chaos politique en Libye pour faire passer chaque année des milliers de migrants à destination de l’Italie. Une crise dont les conséquences s’avèrent également régionales : le président soudanais Omar el-Béchir a déclaré dimanche que l’insécurité en Libye avait rendu plus coûteuse la lutte de son pays « contre le trafic d’êtres humains, l’immigration clandestine et les crimes transfrontaliers ».

Jeuneafrique.com avec AFP

A Daloa, gare clandestine d’où partent les jeunes Ivoiriens en quête de « l’eldorado » européen

octobre 10, 2016

A Daloa, beaucoup de jeunes, sans emploi, n’arrivent pas à occuper leurs journées et rêvent d’Europe.

A Daloa, beaucoup de jeunes, sans emploi, n’arrivent pas à occuper leurs journées et rêvent d’Europe. Crédits : Judith Kormann
En passant devant les hauts murs, hérissés de barbelés, du centre des impôts de Daloa, Abdoulaye*, la trentaine, ne peut retenir un soupir : « Ça fait mal. Ils sucent tout notre argent et ne nous donnent rien, ne font rien pour nous. » Le 1er septembre, avec 173 collègues, il a perdu son emploi à la mairie de cette grande ville du centre-ouest de la Côte d’Ivoire. Depuis, le songe qui trottait dans sa tête depuis plusieurs années s’est transformé en idée fixe : quitter le pays, à tout prix, et rejoindre l’Europe.

Comme des milliers de jeunes Ivoiriens, il rêve d’une autre vie dans « l’eldorado » où, il en est persuadé, « tout est plus facile ». « Il y a trois gares clandestines à Daloa. Les gens viennent de tout le pays pour partir », assure Abdoulaye, sans accepter d’en révéler les emplacements, l’un des secrets les mieux gardés de la ville depuis que les autorités sont aux aguets.

L’ouverture de routes migratoires vers la Méditerranée

A Daloa, les entreprises sont rares, et beaucoup de jeunes, peu enclins au dur labeur des champs ou trop peu qualifiés, se retrouvent sans emploi après leurs études. En attendant des jours meilleurs, ils vivent de petits boulots, comme la vente de téléphones de seconde main à proximité de la gare routière, conduisent des taxis pour 15 000 francs CFA (23 euros) par mois.

Avec la déstabilisation de la Libye et du Sahel, et l’ouverture de routes migratoires vers la Méditerranée, ils ont cru voir leur chance arriver et, comme Abdoulaye, ont préparé leur baluchon. « Depuis novembre 2015, le fléau de l’émigration clandestine mine notre ville. Quand la voie du désert s’est dégagée, il y avait deux cars de soixante places qui partaient chaque jour. Ça a beaucoup diminué aujourd’hui, tout simplement parce que presque tous les candidats au départ sont partis », raconte Mamadou Soro, président de l’Union de la jeunesse communale de Daloa (UJCD). Les bus, qui quittent la ville de nuit, passent par le Burkina Faso ou le Mali pour rejoindre la porte du désert à Agadez, au Niger. Là-bas, des véhicules tout-terrain filent vers la Libye, où un troisième réseau de passeurs réceptionne les migrants, direction la côte.

Aucune donnée concrète n’est disponible sur le nombre de départs depuis les trois gares clandestines. « Ils se cachent pour partir, et les parents ne nous disent rien », déplore-t-on à la mairie. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 7 % des migrants arrivés sur les côtes italiennes de janvier à juillet de cette année étaient ivoiriens, soit environ 6 500 personnes. « Daloa est utilisée comme une plate-forme de départ, explique Issiaka Konaté, directeur général des Ivoiriens de l’extérieur au ministère de l’intégration. C’est un phénomène de mode. Ils dépensent beaucoup pour un hypothétique eldorado où ils devront tout recommencer à zéro, au lieu d’utiliser leurs fonds dans un projet ici. »

« Comment il a grossi depuis qu’il est là-bas »

Sous sa véranda, Abou Coulibaly, fabricant de clés au «  quartier Dioula », se souvient des projets montés pour son fils de 18 ans, danseur de talent qu’il voyait gendarme : « Il est parti sans rien me dire. Maintenant, il est en Italie, dans un coin au nom bizarre. Avec son courage, il pouvait tout faire ici. Là-bas, il est seul. » Autour de lui, les voisins s’attroupent. Tous sont concernés par le départ d’un enfant. Adama Keïta a lui encouragé ses deux fils et sa fille à partir, peu soucieux des dangers de la route. « Ils ont le bac, ont fait des études, mais ça ne leur a rien apporté, s’agace-t-il. Avec mon épouse, on préfère qu’ils s’en aillent, là où ils recevront une bonne formation. »

De l’avis de l’équipe de l’UJCD, outre le manque d’emplois, la principale raison de cette vague migratoire vient des réseaux sociaux. Pour Issiaka Konaté, c’est la raison numéro un. Les Ivoiriens qui parviennent à atteindre l’Italie publient immédiatement des photos d’eux avec des habits neufs, devant des belles voitures ou font des selfies avec des Européens.

« Regardez comment il a grossi depuis qu’il est là-bas », lancent, comme un refrain, plusieurs vendeurs de téléphones, en montrant des photos Facebook d’un frère ou d’un ami qui « a réussi ». Ils s’occultent ainsi la réalité : les morts dans le désert, les kidnappings, la prison en Libye et les rançons demandées aux parents… Et, plus dangereux encore, la traversée de la Méditerranée dans des embarcations de fortune, où les migrants s’entassent par centaines.

« Je ne veux plus courir derrière la vie »

L’horreur de la route, Ahmed Dramé, 28 ans, l’a connue et en est revenu. Après avoir vendu toutes ses affaires, il est parti en avril 2015, avant la grande vague de départ, et est parvenu à atteindre Tripoli, sur la côte libyenne, en août. « Quand nous avons pris l’eau, à plus de cent dans une petite embarcation, les corps habillés libyens nous ont interceptés et enfermés dans une maison. »

Ahmed Dramé est revenu de sa tentative pour rejoindre l’Europe en mars 2016, après avoir connu les geôles libyennes. Reparti dans son petit commerce de téléphones, il « ne veut plus courir derrière la vie ».

Ahmed Dramé est revenu de sa tentative pour rejoindre l’Europe en mars 2016, après avoir connu les geôles libyennes. Reparti dans son petit commerce de téléphones, il « ne veut plus courir derrière la vie ». Crédits : Judith Kormann

Emprisonné à l’étroit avec près de 400 personnes, à peine nourri, on lui dit qu’il ne sortira que si ses proches paient une rançon. « Certains, qui n’ont pas pu payer, sont enfermés là-bas depuis deux ans. Beaucoup ont perdu la tête », assure Ahmed. Orphelin, il n’a personne à contacter, mais parvient à s’échapper après une semaine de détention. Il rebrousse chemin par l’Algérie puis le Maroc, travaillant en route, et arrive à Daloa en mars.

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Depuis, il s’acharne à convaincre tous ses proches que le risque n’en vaut pas la peine, et que la plupart des migrants, quelques jours après le départ, regrettent déjà leur choix. « Ils continuent seulement parce qu’ils ont dépensé trop pour faire demi-tour », précise-t-il. Peu écouté, mis à l’écart et qualifié de « maudit », car il a échoué à traverser, il garde la tête haute et a recommencé son petit commerce de téléphones. « Je ne veux plus courir derrière la vie. J’ai perdu trop de temps et d’argent avec ce voyage », lance-t-il, amer.

« Ça ne sent pas dans les assiettes »

Depuis le début des départs, le gouvernement ivoirien et les autorités de Daloa ont mis en place une grande campagne de sensibilisation et de dialogue, avec l’aide de l’UJCD. Des films présentant les risques ont été projetés dans les quartiers et un avion spécial a été affrété par le ministère de l’intégration, fin novembre 2015, pour rapatrier 44 Ivoiriens bloqués en Libye. Selon Issiaka Konaté, les campagnes, associées à la lutte contre les passeurs, ont porté leurs fruits et réduit les départs.

Le 4 octobre 2016, proches des côtes libyennes, un bateau de migrants attend d’être secouru.

Le 4 octobre 2016, proches des côtes libyennes, un bateau de migrants attend d’être secouru. Crédits : ARIS MESSINIS/AFP

Mais les trois « gares de Libye », invisibles, sont toujours là. Et à Daloa, on continue à rêver. « On connaît le danger. On sait que 20 % de ceux qui partent meurent sur la route ou dans l’eau, concède Abdoulaye, le regard triste. Mais c’est insignifiant comparé au risque de rester ici. On a beau avoir un gouvernement riche, ça ne se sent pas dans les assiettes. » Fin prêt, il a commencé à vendre tous ses objets de valeur pour regrouper le million de francs CFA (1 520 euros) nécessaire pour le trajet jusqu’à Tripoli et la traversée de la mer. S’il arrive en Italie, il tentera de retrouver son petit frère, parti de Daloa en juillet avec tous ses amis.

* Le prénom a été modifié.

Lemonde.fr par Rémi Carlier, contributeur Le Monde Afrique, Daola, envoyé spécial

Pourquoi les révolutions au Nord auront un impact au Sud

août 25, 2011

Sans parler d’une contagion des « révolutions arabes », il se trouve que la Tunisie, l’Égypte et la Libye se situent en Afrique. Il se trouve également que les dynamiques à l’œuvre reposent sur des éléments communs : une population très jeune et l’émergence de ce que l’on peut appeler une classe moyenne – de plus en plus ambitieuse dans ses aspirations et ses revendications matérielles et démocratiques. De ce point de vue, il y a une communauté de situations. Les questions essentielles relatives à la démocratisation de la sphère publique, à la dévolution du pouvoir et aux modalités de son exercice sont partagées. De ce fait, les trajectoires au nord du Sahara vont forcément avoir des conséquences sur la façon dont les Subsahariens vont engager et structurer leur débat politique : les modes et les capacités de mobilisation, la présentation des doléances…

Le principal défi des sociétés subsahariennes n’est pas tant dans l’acceptation de la confrontation électorale : il repose sur l’incapacité à fonctionner sur la base du pluralisme. Le pouvoir est au centre, tout le monde se bat pour y accéder. Conséquences : quand on le perd, on met le feu au pays. Quand on le gagne, on ne cherche qu’à le conserver. Cette crispation au centre – lieu de possession de la richesse et de la redistribution clientéliste – conduit à un comportement clanique au sommet de l’État : vous êtes avec moi, je vous rétribue. Vous êtes contre moi, je vous punis.

Mais face aux tactiques des gouvernants, qui jouent sans cesse sur les antagonismes et les rivalités pour fragiliser les éventuelles contestations populaires, les Africains – jeunes, diplômés, connectés au monde grâce à internet et aux migrations – sont en train de comprendre que leur unité peut et doit reposer sur la définition d’un destin partagé, d’un contrat de confiance et d’une reconnaissance des différences. Et non sur le postulat d’une unité culturelle assénée et imposée par la force répressive et les idéologies « nativistes ». La recomposition des sociétés africaines est en marche. Elle conduira à des manifestations plurielles de la citoyenneté et à la confrontation d’orientations politiques, économiques et culturelles variées. L’époque du parti unique est révolue.

Cette évolution ne se fera pas sans conflits ni crises – comme on l’a constaté en Côte d’Ivoire –, car elle implique la construction de communautés plus larges que la simple appartenance à un groupe. Il convient toutefois de relever qu’en Côte d’Ivoire personne ne veut faire sécession. L’État et ses frontières ne sont pas remis en question. Ce qui est en jeu est un dépassement de la seule compétition partisane pour ouvrir la représentation politique : délégations de pouvoir, relégitimation des notables locaux, processus de décentralisation… Si vous avez dans le même pays des légitimités différentes, vous ouvrez le jeu. L’ethnicité n’est alors plus une menace, ni une force de destruction qui divise, oppose et enferme. Le communautarisme devient inclusif. Il aide à la mise en délibération des blocages générationnels, religieux, régionaux et de genre dans les lieux où ils s’expriment : la famille, la parenté, le clan, l’ethnie, la région et la nation.

De la même manière, le fétichisme des frontières se dissipe. Il est possible, par exemple, d’envisager un espace partagé entre la Côte d’Ivoire et le Burkina. Ces régions sont culturellement et socialement homogènes. Je ne remets pas en question des frontières et des souverainetés mises à mal depuis les indépendances. Je remets ensemble des richesses, des hommes, des produits, des idées et des solidarités réfractaires aux directives de l’État-nation. C’est l’intégration par les pieds. Il faut être créatif. Près de 70 % de la population africaine a moins de 25 ans. Une grande majorité de cette jeunesse n’est ni nationaliste ni souverainiste. Elle propage une vision cosmopolite d’un monde ouvert.

Durant la colonisation et encore après, on a dit aux Africains d’arrêter de penser et d’appliquer les recettes venues d’ailleurs. C’est à présent aux Africains de revoir leur logiciel politique. À nous de faire le boulot. Enraciner la démocratie en Afrique revient précisément à réimaginer l’entreprise démocratique sur la terre africaine.

Jeuneafrique.com par Mamadou Diouf
Professeur d’histoire et d’études africaines à l’Université Columbia (New York)