
L’église du Très-Saint-Rédempteur, dans Hochelaga-Maisonneuve Photo: Radio-Canada/Philippe-Antoine Saulnier
L’église du Très-Saint-Rédempteur, sur la rue Adam, dans Hochelaga-Maisonneuve, a finalement trouvé preneur. Son avenir est assuré, promet le nouveau propriétaire, mais des dizaines d’autres à Montréal sont menacées de fermeture.
Avec sa nef de plus de 16 mètres de haut et ses vitraux de l’artiste Guido Nincheri, l’église du Très-Saint-Rédempteur a tout pour impressionner les visiteurs.
Ezio Carosielli, dont l’entreprise vient de faire l’acquisition de l’immeuble, a été charmé dès sa première visite.
On ne veut rien détruire, on ne veut rien changer, on veut mettre en valeur ce qu’il y a ici, évidemment.
Construite en 1927 et 1928 à l’angle des rues Adam et Joliette, l’église a été dessinée par les architectes Donat-Arthur Gascon et Louis Parant, qui a aussi signé les plans de reconstruction de l’hôtel de ville de Montréal dans les années 1920.
Son style beaux-arts est peu fréquent parmi les églises montréalaises. Vous avez une combinaison d’architecture qui est classique, mais aussi moderne
, fait remarquer M. Carosielli. La fenestration est moderne, elle n’est pas classique du tout, mais les colonnes et tout ça, c’est classique.

Ezio Carosielli est le nouveau propriétaire de l’église du Très-Saint-Rédempteur, sur la rue Adam, dans Hochelaga. Photo: Radio-Canada/Philippe-Antoine Saulnier
Une nouvelle vocation
Le Groupe Carosielli, qui est propriétaire du Théâtre Rialto et du Théâtre St-James, dans le Vieux-Montréal, prévoit faire de cette église un espace locatif pour différents événements.
Des levées de fonds, des galas, beaucoup de tournages aussi, beaucoup de remises de prix, de conférences
, explique M. Carosielli. On verra ce que le marché nous dira. Ça se peut que ce soit une location pour des services religieux, ça peut être un usage communautaire, toutes sortes de choses.
C’est d’ailleurs la même vocation qui attend l’ancienne église Saint-Vincent-de-Paul, située au coin des rues Sainte-Catherine Est et Fullum, que le Groupe Carosielli a acquise en 2018. L’espace, rebaptisé Théâtre Cartier, doit ouvrir ses portes cet été, après d’importants travaux.
On va essayer, autant que possible, de conserver tous les aspects historiques
, indique M. Carosielli. Même le monumental autel devrait garder sa place, une fois dépouillé de certains éléments religieux.
Des travaux seront toutefois nécessaires, notamment pour installer un système de ventilation et de climatisation.

L’intérieur de l’église du Très-Saint-Rédempteur Photo: Radio-Canada/Philippe-Antoine Saulnier
La transition du patrimoine religieux
Si les ventes d’églises ont été peu nombreuses dans la dernière décennie [le diocèse ne retrouve que quatre autres transactions depuis 2013], au moins une trentaine de lieux de culte à Montréal sont menacés de fermeture.
C’est le constat de la Fondation des Centres Trinité, qui vient de réaliser un portrait analytique des lieux de culte de la métropole.
On a une énorme concentration d’églises par rapport à d’autres provinces et d’autres endroits au Canada, et on les a aussi désinvesties massivement, très rapidement
, rappelle l’avocate Julie Favreau, consultante auprès de la Fondation des Centres Trinité.
Le bilan que dresse l’organisme laisse entrevoir une vague de faillites à moyen terme. Près de 40 % des lieux de culte montréalais affichent un déficit annuel, et le tiers de ceux-ci doivent composer avec des dépenses qui sont au moins 30 % plus élevées que leurs revenus.
Ça veut dire que, dans trois ans maximum, ces églises-là sont en faillite
, explique Julie Favreau. Elles sont déjà en faillite technique, mais dans trois ans, elles vont avoir épuisé leurs économies et elles vont être obligées de fermer, si ce n’est déjà le cas.

Ezio Carosielli, du Groupe Carosielli, a acheté l’église du Très-Saint-Rédempteur, dans Hochelaga-Maisonneuve. Photo: Radio-Canada/Philippe-Antoine Saulnier
Une table ronde pour trouver des solutions
C’est pour trouver de nouvelles vocations à ces lieux de culte en difficulté que la Fondation des Centres Trinité a mis sur pied, il y a un an, une table ronde qui réunit les congrégations religieuses propriétaires des bâtiments, le milieu communautaire et culturel, des fondations philanthropiques et différents ordres de gouvernement. Une rencontre de ces divers partenaires a eu lieu au cours des derniers jours.
Les lieux de culte abritent souvent des groupes communautaires et artistiques, des garderies ou des entreprises d’économie sociale qui ont besoin de ces espaces. Or, la menace de fermeture qui plane sur certaines églises met en péril la pérennité de ces missions sociales.
L’aspect le plus important souligné par les partenaires, selon Mme Favreau, concerne l’approche québécoise face au patrimoine religieux.
De voir les églises comme l’héritage historique, les biens patrimoniaux québécois, c’est une chose
, explique Mme Favreau. Mais de le faire au prix du service social qu’elles opèrent, ça crée des enjeux.
Il faut aussi penser à pérenniser le patrimoine immatériel de ces bâtiments, selon Julie Favreau.

L’église du Très-Saint-Rédempteur Photo: Radio-Canada/Philippe-Antoine Saulnier
Les églises ont été des lieux de culte, mais surtout de rassemblement, de rencontre et d’échange. C’est le filet social du Québec qui s’est bâti à travers les églises, il ne faut pas l’oublier
, poursuit-elle.
Maintenant, on préfère garder le bâtiment comme tel plutôt que les services qu’il pourrait rendre, des services qui ne peuvent plus cohabiter avec un espace qui est muséal, à toutes fins pratiques.
L’avocate souhaite que le gouvernement québécois fasse l’arbitrage entre les églises qu’il faut conserver et celles que l’on devrait démolir.
D’après Ezio Carosielli, qui dit avoir déboursé trois millions et demi de dollars pour acquérir l’église de la rue Adam, une réduction de la fiscalité pourrait faciliter la transition du patrimoine religieux. Par exemple, la taxe de bienvenue [droit de mutation immobilière] pour acheter cette église, c’était 200 000 $
, note-t-il. Ça, c’est un obstacle à des ventes possibles dans le futur.
Le Groupe Carosielli ne prévoit pas demander de subvention pour les travaux qui devront être réalisés à l’église du Très-Saint-Rédempteur.
Avec Radio-Canada par Philippe-Antoine Saulnier