Emprisonné depuis 2014, le troisième fils du défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi a été remis en liberté à la demande de la justice de Tripoli. Il se serait aussitôt envolé pour la Turquie.
« Saadi a été remis à sa famille conformément aux procédures légales », indique un communiqué des autorités libyennes publié ce lundi 6 septembre. Lesquelles précisent également que la remise en liberté du fils de l’ancien raïs a été prise « en exécution d’une décision de justice » datant de plusieurs mois et que l’intéressé serait, dès lors, « libre de rester ou de partir. »
Saadi Mouammar Kadhafi, aujourd’hui âgé de 47 ans, ne se l’est apparemment pas fait dire deux fois : de nombreuses sources indiquent qu’il aurait immédiatement quitté son pays à bord d’un vol à destination de la Turquie.
Saadi est la troisième fils de l’ancien dictateur libyen. Trois de ses frères – Seif al-Arab, Mutassim et Khamais – sont morts en 2011, soit aux côtés de leur père soit quelques temps après, au cours des combats. Mohamed, un autre frère, vit actuellement à Oman tout comme sa mère, Safiya, et sa soeur Aisha. Hannibal, de son côté, est détenu au Liban, tandis que Seif el-Islam, le plus médiatique des enfants encore en vie, est récemment revenu sous les feux des projecteurs en annonçant dans la presse américaine son intention de se présenter à la présidentielle organisée fin 2021 dans son pays.
Saadi, quant à lui, avait fui la Libye en 2011 lors du soulèvement qui a conduit à la chute, puis à la mort de son père. Réfugié au Niger, il en avait été extradé en mars 2014 et avait été traduit devant les tribunaux libyens, la justice l’accusant du meurtre de l’ancien entraîneur du club de football Al-Itihad de Tripoli, survenu en 2005. Le fils du colonel était à l’époque le patron de la fédération libyenne de football et il avait été recruté en 2003 par le club italien de Pérouse. La plupart des spécialistes affirmaient que la présence de Saadi sur le terrain devait plus à l’influence de son père et à ses bonnes relations avec le chef du gouvernement italien de l’époque, Silvio Berlusconi, qu’à son talent ballon au pied. Les plus passionnés se souviennent tout de même que Saadi Kadhafi avait joué 15 minutes face à la Juventus de Turin en 2004.
En 2018, la cour d’appel de Tripoli a finalement acquitté Saadi. Certains s’attendaient à ce que la justice lui demande des comptes sur son implication éventuelle dans la répression des événements de 2011. Sa libération semble clore le débat. Elle s’inscrit d’ailleurs dans une démarche générale d’apaisement en vue des élections attendues en décembre. Les autorités de transition ont ainsi annoncé aujourd’hui que d’autres « détenus politiques » avaient été relâchés. Parmi eux : l’ancien colonel Ahmad Ramadan al-Assebeï, surnommé « Black Box », qui occupait le poste de directeur de cabinet du dictateur et dont on dit qu’il connaît tous les secrets.
Depuis 2011, l’ancien président français est soupçonné d’avoir usé de fonds libyens pour financer sa campagne présidentielle de 2007. Retrouvez sur cette page les dernières actualités d’une affaire hors normes, et qui pourrait déboucher sur un véritable scandale d’État.
23 novembre* : Le procès de Nicolas Sarkozy débute et durera jusqu’au 10 décembre. Jugé pour « corruption » et « trafic d’influence », l’ancien chef de l’État risque une peine de dix ans de prison et une amende de un million d’euros.
11 novembre 2020 : Dans un revirement spectaculaire, l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takkiedine revient sur ses accusations dans une interview accordée à BFM TV et Paris Match : « Je confirme que ceci n’est pas vrai. [Nicolas] Sarkozy n’a pas eu de financement libyen pour la campagne présidentielle. [Mouammar] Kadhafi ne pouvait le faire parce qu’il ne le faisait jamais. »
« Depuis sept ans et demi, l’instruction n’a pas découvert la moindre preuve d’un quelconque financement illicite. L’information judiciaire ouverte sur les seules déclarations mensongères de Ziad Takieddine se trouve aujourd’hui dans une impasse complète. Le principal accusateur reconnaît ses mensonges. Jamais il ne m’a remis d’argent, jamais il n’y a eu de financement illégal de ma campagne de 2007 », a réagi de son côté l’ancien président français.
16 octobre 2020 : Après quatre jours d’audition par le Parquet national financier (PNF), Nicolas Sarkozy est mis en examen pour association de malfaiteurs. Sur les réseaux sociaux, l’ex-chef de l’État français évoque une « longue liste d’injustices » et assure : « Mon innocence est à nouveau bafouée. »
24 septembre 2020 : Rejet par la cour d’appel de Paris de la majorité des recours déposés par Nicolas Sarkozy, ses ministres Claude Guéant, Éric Woerth, Brice Hortefeux, et l’intermédiaire Alexandre Djouhri. Ils contestaient la validité de l’enquête sur les soupçons de financement de sa campagne par la Libye. Seul le motif de violation du code électoral a été partiellement annulé. Cela relance l’essentiel des investigations lancées huit ans plus tôt. Les protagonistes se sont pourvus en cassation.
13 février 2020 : Ziad Takieddine est condamné à 8 000 euros d’amende et 6 000 euros de dommages et intérêts par le tribunal correctionnel de Paris pour diffamation à l’encontre de Claude Guéant. Il est estimé qu’il n’a pas apporté « une base factuelle suffisante » à ses propos relayés par Mediapart en novembre 2016, et selon lesquels il aurait remis à Claude Guéant des valises d’argent libyen ainsi qu’à Nicolas Sarkozy. Ce dernier a abandonné en juillet 2020 une procédure similaire à celle de Claude Guéant. Les journalistes de Mediapart sont relaxés au titre de la « bonne foi ».
31 janvier 2020 :
– Mise en examen de Thierry Gaubert, ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, pour « association de malfaiteurs ». Il est soupçonné d’avoir touché des fonds du régime libyen de Kadhafi susceptibles d’avoir alimenté la campagne du candidat. Les investigations ont été élargies à des faits d’« association de malfaiteurs », ouvrant la voie à une aggravation des poursuites.
– Mise en examen et placement en détention provisoire de l’homme d’affaires franco-algérien Alexandre Djouhri pour neuf chefs d’accusation, dont « corruption active », « faux et usage de faux », « complicité et recel de détournement de fonds publics » et « blanchiment ». Considéré comme proche de Claude Guéant, il apparaît notamment dans l’enquête après la vente d’une villa sur la Côte d’Azur à un fonds libyen géré par Béchir Saleh, ex-dignitaire du régime Kadhafi.
1er août 2019 : Brice Hortefeux, ex-ministre de l’Intérieur et aux Collectivités territoriales, placé sous statut intermédiaire de témoin assisté dans l’enquête sur les accusations de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, échappe à une mise en examen. Les soupçons le concernant reposent sur les accusations de Ziad Takieddine et d’Abdallah Senoussi (beau-frère de Mouammar Kadhafi et ex-chef des renseignements militaires libyens).
29 mai 2018 : Mise en examen d’Éric Woerth, ex-ministre du Budget et trésorier de campagne, pour « complicité de financement de campagne ». Il lui est reproché d’avoir versé 11 000 euros aux collaborateurs de Nicolas Sarkozy. Alors qu’il assurait que ces fonds provenaient de dons anonymes par courrier, un rapprochement est fait avec les soupçons de financement libyen.
29 mars 2018 : Nicolas Sarkozy est renvoyé en correctionnelle pour « corruption active et trafic d’influence ».
21 mars 2018 :Mise en examen de Nicolas Sarkozy pour « corruption passive », « financement illégal de campagne électorale » et « recel de fonds publics libyens ».
6 novembre 2017 : Transmission des résultats préliminaires du rapport du procureur général de Libye aux juges d’instruction français. Après audition d’Abdallah Senoussi, Abdallah Mansour (ex-officier des renseignements intérieurs et neveu du Guide), et Baghdadi Al-Mahmoudi (ancien Premier ministre de Libye), il conclut à un soutien à Nicolas Sarkozy via des fonds transmis par l’entremise de son directeur de campagne Claude Guéant et de l’homme d’affaires Ziad Takieddine.
4 octobre 2017 : Les magistrats du Parquet national financier (PNF) demandent le renvoi en correctionnel de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog. Ils ont conclu qu’il existait des charges suffisantes à leur encontre concernant les faits de « corruption » et d’ « influence » actifs pour lesquels ils ont été mis en examen.
5 septembre 2017 : L’Office anticorruption de la Police judiciaire dans son premier rapport sur l’affaire des financements libyens de Nicolas Sarkozy met en cause Éric Woerth, trésorier en 2007 et Claude Guéant, ex-directeur de campagne, et établit une circulation importante d’espèces en marge de la campagne de 2007.
9 juillet 2017 : Nicolas Sarkozy abandonne son action en diffamation contre Ziad Takieddine qui avait assuré à Mediapart en 2016 avoir remis des valises d’argent libyen à l’ex-président français. Son avocat, Thierry Herzog, considère que des éléments parus dans la presse démentent déjà les déclarations de l’homme d’affaires.
7 décembre 2016 : Mise en examen de Ziad Takieddine, homme d’affaires franco-libanais, pour complicité de trafic d’influence et de corruption d’agent public par une autorité publique étrangère, dans le cadre de l’enquête sur les soupçons de financement de la campagne de 2007.
15 novembre 2016 : L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine affirme à Mediapart avoir remis trois valises préparées par le régime libyen contenant cinq millions d’euros à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant, entre fin 2006 et début 2007.
7 mars 2015 : Mise en examen de Claude Guéant, ex-ministre de l’Intérieur et secrétaire général de l’Élysée, pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée » et « faux et usage de faux ». En cause : un virement de 500 000 euros effectué sur son compte en 2008. Il assure que la somme est issue de la vente de tableaux, mais elle est jugée surévaluée. Il est soupçonné d’avoir perçu cette somme d’Alexandre Djouhri en contrepartie de son intervention auprès d’EADS, afin que l’entreprise aéronautique paie une commission à l’intermédiaire dans le cadre d’une vente d’avions à la Libye.
1er juillet 2014 : Placement en garde à vue de Nicolas Sarkozy par l’office anti-corruption de la Police judiciaire et mise en examen pour « corruption active », « trafic d’influence actif » et « recel de violation du secret professionnel » dans l’affaire dite « des écoutes ».
26 février 2014 : Dans l’enquête sur un possible financement libyen de la campagne de 2007 (voir ci-dessous), l’enregistrement d’une conversation téléphonique entre Nicolas Sarkozy, placé sur écoute, et son avocat a abouti à une information judiciaire, le 26 février 2014, pour trafic d’influence et violation du secret de l’instruction. Ils sont soupçonnés d’avoir tenté d’obtenir du haut magistrat Gilbert Azibert des informations couvertes par le secret de la procédure judiciaire.
19 avril 2013 : Ouverture d’une information judiciaire contre X par le Parquet de Paris pour « corruption active et passive », « trafic d’influence », « faux et usage de faux », « abus de biens sociaux », « blanchiment, complicité et recel de ces délits ».
5 septembre 2012 : Lors de son procès en Libye, Abdallah Senoussi – beau-frère de Mouammar Kadhafi et ancien chef des renseignements militaires libyens – déclare que cinq millions d’euros ont été versés pour la campagne de Nicolas Sarkozy par le régime. Il assure avoir personnellement supervisé ce transfert via Brice Hortefeux et Ziad Takieddine.
3 mai 2012 : Via son avocat, Baghdadi al-Mahmoudi, ex-Premier ministre libyen détenu à Tunis, confirme à Mediapart l’existence d’une note rédigée sous son autorité et le déblocage de 50 millions d’euros. Cette déclaration fait suite à celle de Moustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition, qui met en doute l’authenticité d’un document de Mediapart attribué à l’ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye Moussa Koussa, tendant à prouver un financement de la campagne de 2007 par Kadhafi. Celui-ci évoque également un faux.
28 avril 2012 :Mediapart publie une note officielle datée du 9 décembre 2006 et signée par Moussa Koussa, ex-chef des services secrets extérieurs libyens, dans laquelle la Libye s’engage à financer Nicolas Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros « en soutien » pour sa campagne. Ce dernier attaque le site d’information en justice pour « faux ». L’enquête du Parquet de Paris se solde par un non-lieu. Nicolas Sarkozy se pourvoit en cassation.
16 mars 2012 :Mediapart cite le démenti de Jean-Charles Brisard qui dénonce un montage et assure avoir été associé malgré lui aux révélations du journal. L’article souligne : « Après avoir communiqué des informations à la justice, puis à Mediapart, Jean-Charles Brisard, aujourd’hui sous pression, dément et dénonce un “montage”».
15 mars 2012 : Les journalistes de Mediapart publient un article assurant que Jean-Charles Brisard leur a confirmé lors d’un entretien avoir enregistré la mention du nom de l’ancien ministre Brice Hortefeux dans sa note concernant l’affaire du financement libyen. Il y confirmerait également un montage financier via la société panaméenne liée à Brice Hortefeux, adossée à une banque suisse.
12 mars 2012 :Mediapart publie une note de synthèse attribuée à Jean-Charles Brisard, ex-membre de l’équipe de campagne d’Édouard Balladur, dirigeant d’une société de renseignement privé, qui a été versée au dossier le 8 octobre 2011. Y figurent les initiales de Nicolas Sarkozy (NS), Brice Hortefeux (BH), Ziad Takkiedine (ZT) et des entretiens avec Seïf al-Islam Kadhafi y sont évoqués. Elle stipule que les « modalités de financement de la campagne » de « NS» ont été « réglées lors de la visite Libye NS + BH » le 6 octobre 2005, avec un financement de 50 millions d’euros et indique un montage financier.
16 mars 2011 : Quelques jours avant l’intervention internationale contre la Libye décidée lors d’un sommet à Paris (à la suite de la décision de fermeture de l’espace aérien par l’ONU), Mouammar Kadhafi affirme au Figaro qu’il a « fourni des fonds » pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Seïf al-Islam Kadhafi, le fils du colonel, assure également sur la chaîne Euronews que le régime libyen a financé la campagne de l’ex-président français.
Avec Jeune Afrique par Camille Lafrance
*Cet article a initialement été publié le 24 octobre 2020. Nous le publions à nouveau à l’occasion de l’ouverture du procès.
Depuis 2011, l’ancien président français est soupçonné d’avoir usé de fonds libyens pour financer sa campagne présidentielle de 2007. JA résume une affaire aux multiples rebondissements et qui dure depuis presque dix ans.
C’est le dernier épisode en date d’une saga qui dure depuis près de dix ans : le 16 octobre, l’ex-président français Nicolas Sarkozy est mis en examen pour association de malfaiteurs dans le cadre de l’enquête sur un éventuel financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Retrouvez sur cette page les dernières actualités d’une affaire hors-norme, et qui pourrait déboucher sur un véritable scandale d’État.
17 mars-15 avril 2021 : Dates prévues du procès de Nicolas Sarkozy pour le financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012. Dans le cadre de l’affaire dite Bygmalion, il lui est reproché d’avoir plus que doublé le plafond des dépenses de campagne autorisées, par un système de double comptabilité et de fausses factures via des meetings organisés par le prestataire Bygmalion. Nicolas Sarkozy est soupçonné d’avoir engagé des dépenses supplémentaires en réclamant de nouveaux meetings alors que son budget avait déjà dépassé les limites.
23 novembre-10 décembre 2020 : Date prévue du procès des « écoutes » dans lequel Nicolas Sarkozy doit comparaître avec son avocat, Thierry Herzog.
16 octobre 2020 : Après quatre jours d’audition par le Parquet national financier (PNF), Nicolas Sarkozy est mis en examen pour association de malfaiteurs. Sur les réseaux sociaux l’ex-chef de l’État français évoque une « longue liste d’injustices » et assure : « Mon innocence est à nouveau bafouée ».
13 février 2020 : Ziad Takieddine est condamné à 8 000 euros d’amende et 6 000 euros de dommages et intérêts pour diffamation à l’encontre de Claude Guéant par le tribunal correctionnel de Paris. Il est estimé qu’il n’a pas apporté « une base factuelle suffisante » à ses propos relayés par Mediapart en novembre 2016, et selon lesquels il aurait remis à Claude Guéant des valises d’argent libyen ainsi qu’à Nicolas Sarkozy. Ce dernier a abandonné en juillet 2020 une procédure similaire à celle de Claude Guéant. Les journalistes de Mediapart sont relaxés au titre de la « bonne foi ».
31 janvier 2020 :
– Mise en examen de Thierry Gaubert, ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, pour « association de malfaiteurs ». Il est soupçonné d’avoir touché des fonds du régime libyen de Kadhafi susceptibles d’avoir alimenté la campagne du candidat. Les investigations ont été élargies à des faits d’« association de malfaiteurs », ouvrant la voie à une aggravation des poursuites.
– Mise en examen et placement en détention provisoire de l’homme d’affaires franco-algérien Alexandre Djouhri, pour neuf chefs d’accusation dont « corruption active », « faux et usage de faux », « complicité et recel de détournement de fonds publics » et « blanchiment ». Considéré comme proche de Claude Guéant, il apparaît notamment dans l’enquête après la vente d’une villa sur la Côte d’Azur à un fonds libyen géré par Béchir Saleh, ex-dignitaire du régime Kadhafi.
1er août 2019 : Brice Hortefeux, ex-ministre de l’Intérieur et aux Collectivités territoriales, placé sous statut intermédiaire de témoin assisté dans l’enquête sur les accusations de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, échappe à une mise en examen. Les soupçons le concernant reposent sur les accusations de Ziad Takieddine et d’Abdallah Senoussi (beau-frère de Mouammar Kadhafi et ex-chef des renseignements militaires libyens).
29 mai 2018 : Mise en examen d’Éric Woerth, ex-ministre du Budget et trésorier de campagne, pour « complicité de financement de campagne ». Il lui est reproché d’avoir versé 11 000 euros aux collaborateurs de Nicolas Sarkozy. Alors qu’il assurait que ces fonds provenaient de dons anonymes par courrier, un rapprochement est fait avec les soupçons de financement libyen.
29 mars 2018 : Nicolas Sarkozy est renvoyé en correctionnelle pour « corruption active et trafic d’influence ».
21 mars 2018 :Mise en examen de Nicolas Sarkozy pour « corruption passive », « financement illégal de campagne électorale » et « recel de fonds publics libyens ».
6 novembre 2017 : Transmission des résultats préliminaires du rapport du procureur général de Libye aux juges d’instruction français. Après audition d’Abdallah Senoussi, Abdallah Mansour (ex-officier des renseignements intérieurs et neveu du Guide), et Baghdadi Al-Mahmoudi (ancien Premier ministre de Libye), il conclut à un soutien à Nicolas Sarkozy via des fonds transmis par l’entremise de son directeur de campagne Claude Guéant et de l’homme d’affaires Ziad Takieddine.
4 octobre 2017 : Les magistrats du Parquet national financier (PNF) demandent le renvoi en correctionnel de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog. Ils ont conclu qu’il existait des charges suffisantes à leur encontre concernant les faits de « corruption » et d’ « influence » actifs pour lesquels ils ont été mis en examen.
5 septembre 2017 : L’Office anticorruption de la Police judiciaire dans son premier rapport sur l’affaire des financements libyens de Nicolas Sarkozy met en cause Éric Woerth, trésorier en 2007 et Claude Guéant, ex-directeur de campagne, et établit une circulation importante d’espèces en marge de la campagne de 2007.
9 juillet 2017 : Nicolas Sarkozy abandonne son action en diffamation contre Ziad Takieddine qui avait assuré à Mediapart en 2016 avoir remis des valises d’argent libyen à l’ex-président français. Son avocat, Thierry Herzog, considère que des éléments parus dans la presse démentent déjà les déclarations de l’homme d’affaires.
7 décembre 2016 : Mise en examen de Ziad Takieddine, homme d’affaires franco-libanais, pour complicité de trafic d’influence et de corruption d’agent public par une autorité publique étrangère, dans le cadre de l’enquête sur les soupçons de financement de la campagne de 2007.
15 novembre 2016 : L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine affirme à Mediapart avoir remis trois valises préparées par le régime libyen contenant cinq millions d’euros à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant, entre fin 2006 et début 2007.
7 mars 2015 : Mise en examen de Claude Guéant, ex-ministre de l’Intérieur et secrétaire général de l’Élysée, pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée » et « faux et usage de faux ». En cause : un virement de 500 000 euros effectué sur son compte en 2008. Il assure que la somme est issue de la vente de tableaux, mais elle est jugée surévaluée. Il est soupçonné d’avoir perçu cette somme d’Alexandre Djouhri en contrepartie de son intervention auprès d’EADS, afin que l’entreprise aéronautique paie une commission à l’intermédiaire dans le cadre d’une vente d’avions à la Libye.
1er juillet 2014 : Placement en garde à vue de Nicolas Sarkozy par l’office anti-corruption de la Police judiciaire et mise en examen pour « corruption active », « trafic d’influence actif » et « recel de violation du secret professionnel » dans l’affaire dite « des écoutes ».
26 février 2014 : Dans l’enquête sur un possible financement libyen de la campagne de 2007 (voir ci-dessous), l’enregistrement d’une conversation téléphonique entre Nicolas Sarkozy, placé sur écoute, et son avocat a abouti à une information judiciaire, le 26 février 2014, pour trafic d’influence et violation du secret de l’instruction. Ils sont soupçonnés d’avoir tenté d’obtenir du haut magistrat Gilbert Azibert des informations couvertes par le secret de la procédure judiciaire.
19 avril 2013 : Ouverture d’une information judiciaire contre X par le Parquet de Paris pour « corruption active et passive », « trafic d’influence », « faux et usage de faux », « abus de biens sociaux », « blanchiment, complicité et recel de ces délits ».
5 septembre 2012 : Lors de son procès en Libye, Abdallah Senoussi – beau-frère de Mouammar Kadhafi et ancien chef des renseignements militaires libyens – déclare que cinq millions d’euros ont été versés pour la campagne de Nicolas Sarkozy par le régime. Il assure avoir personnellement supervisé ce transfert via Brice Hortefeux et Ziad Takieddine.
3 mai 2012 : Via son avocat, Baghdadi al-Mahmoudi, ex-Premier ministre libyen détenu à Tunis, confirme à Mediapart l’existence d’une note rédigée sous son autorité et le déblocage de 50 millions d’euros. Cette déclaration fait suite à celle de Moustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition, qui met en doute l’authenticité d’un document de Mediapart attribué à l’ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye Moussa Koussa, tendant à prouver un financement de la campagne de 2007 par Kadhafi. Celui-ci évoque également un faux.
28 avril 2012 :Mediapart publie une note officielle datée du 9 décembre 2006 et signée par Moussa Koussa, ex-chef des services secrets extérieurs libyens, dans laquelle la Libye s’engage à financer Nicolas Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros « en soutien » pour sa campagne. Ce dernier attaque le site d’information en justice pour « faux ». L’enquête du Parquet de Paris se solde par un non-lieu. Nicolas Sarkozy se pourvoit en cassation.
16 mars 2012 :Mediapart cite le démenti de Jean-Charles Brisard qui dénonce un montage et assure avoir été associé malgré lui aux révélations du journal. L’article souligne : « Après avoir communiqué des informations à la justice, puis à Mediapart, Jean-Charles Brisard, aujourd’hui sous pression, dément et dénonce un “montage”».
15 mars 2012 : Les journalistes de Mediapart publient un article assurant que Jean-Charles Brisard leur a confirmé lors d’un entretien avoir enregistré la mention du nom de l’ancien ministre Brice Hortefeux dans sa note concernant l’affaire du financement libyen. Il y confirmerait également un montage financier via la société panaméenne liée à Brice Hortefeux, adossée à une banque suisse.
12 mars 2012 :Mediapart publie une note de synthèse attribuée à Jean-Charles Brisard, ex-membre de l’équipe de campagne d’Édouard Balladur, dirigeant d’une société de renseignement privé, qui a été versée au dossier le 8 octobre 2011. Y figurent les initiales de Nicolas Sarkozy (NS), Brice Hortefeux (BH), Ziad Takkiedine (ZT) et des entretiens avec Seïf al-Islam Kadhafi y sont évoqués. Elle stipule que les « modalités de financement de la campagne » de « NS» ont été « réglées lors de la visite Libye NS + BH » le 6 octobre 2005, avec un financement de 50 millions d’euros et indique un montage financier.
16 mars 2011 : Quelques jours avant l’intervention internationale contre la Libye décidée lors d’un sommet à Paris (à la suite de la décision de fermeture de l’espace aérien par l’ONU), Mouammar Kadhafi affirme au Figaro qu’il a « fourni des fonds » pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Seïf al-Islam Kadhafi, le fils du colonel, assure également sur la chaîne Euronews que le régime libyen a financé la campagne de l’ex-président français.
Mis en examen le 21 mars, Nicolas Sarkozy nie farouchement avoir bénéficié des largesses du « Guide » libyen. Retour sur une idylle qui a tourné à l’aigre.
Nicolas Sarkozy a raison. Quand il dit « c’est la France, c’est la fonction de président de la République qui est en cause », il reconnaît – à son corps défendant – que sa mise en examen peut déclencher le plus gros scandale de la Ve République française. Le candidat Sarkozy a-t-il reçu plusieurs millions d’euros de Mouammar Kadhafi, l’ancien numéro un libyen, pour financer sa campagne victorieuse de janvier-mai 2007 ?
Ce 21 mars, après une garde à vue de près de quarante heures, le juge français Serge Tournaire a estimé qu’il disposait de suffisamment d’indices graves ou concordants pour mettre en examen l’ancien président français pour « corruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens ».
Vous êtes mon ami et mon frère. Je vais vous aider
Sarkozy-Kadhafi, c’est Duel au soleil, le western de King Vidor : l’histoire d’un coup de foudre qui se termine par une lutte à mort. En octobre 2005, lors d’une première rencontre à Tripoli, les deux hommes voient tout de suite leur intérêt à bien s’entendre. Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, révèle à son hôte qu’il va se présenter à la présidentielle de 2007. « Vous êtes mon ami et mon frère. Je vais vous aider », lui répond le « Guide ». Sans plus de précisions.
« Ce type est siphonné »
En juillet 2007, deux mois après son élection, Sarkozy – via son épouse de l’époque, Cécilia – réussit à convaincre Kadhafi de relâcher les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien arrêtés huit ans plus tôt à Benghazi. En décembre 2007, lors de sa fameuse visite officielle à Paris, le Libyen s’épanche : « Vous savez, mon frère Sarkozy, j’ai bien changé. J’ai fait beaucoup d’erreurs dans ma vie. J’ai été nationaliste, j’ai été socialiste, j’ai été terroriste. J’ai décidé d’en finir avec tout cela et de me tourner vers l’avenir. » Et Nicolas Sarkozy de répondre : « Excellence, vous avez eu le courage de faire ce geste de pénitence, c’est la voie de la sagesse. » Sortez les mouchoirs…
Avec Kadhafi, j’ai eu droit à un scandale par jour. Il nous a tout fait, c’était insupportable
Dès les mois suivants, les choses se gâtent. En avril 2008, le président français confie à son homologue égyptien, Hosni Moubarak, à propos de la visite de décembre : « Ce type [Kadhafi] est siphonné. Avec lui, j’ai eu droit à un scandale par jour. Il nous a tout fait, c’était insupportable. » Surtout, comme le révélera plus tard Béchir Saleh, le directeur de cabinet du « Guide », ce dernier ne respecte pas les promesses de contrat qu’il a faites à Sarkozy. Résultat, en mars 2011, lorsqu’il tente une dernière médiation à l’Élysée avant que l’aviation française frappe les colonnes blindées libyennes, Saleh pose une seule question à Sarkozy de la part de Kadhafi : « Pourquoi me fais-tu cela ? » Réponse du Français : « Parce que tu te moques de moi. »
Sept mois plus tard, le 20 octobre 2011, après le bombardement de son convoi par l’Otan, le leader de la Jamahiriya est capturé par des rebelles, près de Syrte. Est-il alors lynché par un simple milicien ou tué par un agent secret français ? Le mystère demeure. Nicolas Sarkozy a-t-il déclaré la guerre à son ex-ami pour effacer toute trace des turpitudes passées ? L’accusation semble incroyable. Mais de tous les dirigeants de l’Otan qui ont fait la guerre à Kadhafi, Sarkozy a été celui qui, quelques années plus tôt, entretenait la relation la plus complice avec le dictateur libyen.
Pas de document ?
Risque-t-il un procès, voire la prison, pour financement illicite d’une campagne électorale par un régime étranger ? Attention, on n’en est pas là. « Chacun devrait être prudent, avertit l’intéressé. J’ai été mis en examen dans l’affaire Bettencourt [du nom de la milliardaire Liliane Bettencourt, soupçonnée un temps d’avoir financé la même campagne], puis j’ai eu un non-lieu. […] Mouammar Kadhafi avait l’habitude de tout enregistrer, de tout photographier. Il n’y a pas un document, pas une photo, pas un compte. Il n’y a pas le plus petit commencement d’une preuve. »
Pas de document ? En avril 2012, le site Mediapart a publié une lettre officielle libyenne attestant d’un accord de financement à hauteur de 50 millions d’euros – un document dont l’authenticité fait débat, il est vrai. Le juge s’appuie aussi sur une demi-douzaine de témoignages.
Dans ce thriller où certains témoins risquent toujours leur vie – Béchir Saleh a été blessé par balles le 23 février en Afrique du Sud –, le spectre de Mouammar Kadhafi hante la scène. Face à ce qu’il appelle « l’enfer de la calomnie », Nicolas Sarkozy trouve une nouvelle jeunesse et se bat comme un lion. Mais il joue très gros.
La piste d’un crime crapuleux serait privilégiée par les proches de M. Saleh, qui précisent néanmoins que ce dernier « se sentait particulièrement menacé ces dernières semaines ».
Bachir Saleh en 2003. MARWAN NAAMANI / AFP
L’ancien argentier du régime de Mouammar Kadhafi, Bechir Saleh, homme-clé de l’affaire du présumé financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, a été victime d’une agression violente, vendredi 23 février dans la soirée, sur la route de l’aéroport de Johannesburg, alors qu’il rentrait d’un déplacement bref et discret au Zimbabwe.
« Ce serviteur de la Libye en réserve », comme il s’était lui-même qualifié lors d’une rencontre avec Le Mondeen septembre 2017, a essuyé des tirs alors qu’il se trouvait dans sa berline en compagnie de son chauffeur sud-africain. Gravement blessé par balle, M. Saleh, 71 ans, a été traité en urgence à l’hôpital privé de Milpark. Ses jours ne seraient pas en danger, mais il ne peut pas s’exprimer. Son avocat en France, Eric Moutet, a confirmé l’agression au Monde.
Malgré la personnalité de l’intéressé, son parcours et les nombreux secrets qu’on lui prête, son entourage, prudent, se refuse pour l’instant à envisager une tentative d’assassinat, même si le spectre de Choukri Ghanem est dans toutes les têtes. L’ancien ministre du pétrole libyen (2006-2011), qui consignait tout dans ses carnets, avait été retrouvé mort « noyé » dans le Danube, à Vienne, entre les deux tours de l’élection présidentielle française de 2012.
Sollicité par la justice dans l’affaire du financement libyen de Sarkozy
La route de l’aéroport est réputée prisée des gangs de voleurs. D’ailleurs, précise-t-on au Monde, ce genre de mésaventure est arrivé il y a peu au chef d’état-major du Togo ou encore à une députée sénégalaise. La piste d’un crime crapuleux serait ainsi privilégiée par des proches de M. Saleh, qui précisent néanmoins que ce dernier « se sentait particulièrement menacé ces dernières semaines » et s’étonnent que les agresseurs n’aient rien dérobé dans le véhicule.
Le chauffeur de M. Saleh, légèrement blessé, a été entendu par les autorités sud-africaines qui mènent l’enquête. Les services de sécurité ont depuis considérablement renforcé le dispositif de protection policière autour de cette personnalité libyenne particulièrement exposée. Exfiltré de France en toute discrétion en mai 2012, M. Saleh, pourtant sous notice rouge d’Interpol, avait rejoint le Niger avant de s’installer à Johannesburg. Le président sud-africain d’alors, Jacob Zuma, de même que les caciques du Congrès national africain (ANC), avaient volontiers accueilli ce proche conseiller de Mouammar Kadhafi, important soutien dans la lutte contre l’apartheid.
Ces derniers mois, alors qu’il vit en exil en Afrique du Sud, M. Saleh a repris une intense activité diplomatique dans l’objectif de jouer à nouveau un rôle de premier plan dans la reconstruction de la Libye. Il a ainsi entrepris, fin 2017, une série de déplacements sur le continent africain, où il entretient des relations avec plusieurs chefs d’Etat. L’ancien directeur de cabinet du colonel Mouammar Kadhafi et ancien patron du fonds souverain libyen avait par ailleurs été sollicité à plusieurs reprises par la justice française pour témoigner dans le cadre de l’enquête sur un possible financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, sans jamais y donner suite.
Au Monde, il avait confirmé la tenue d’un déjeuner, le 9 avril 2007, dans sa ferme des environs de Tripoli, en présence du premier ministre, Al-Baghdadi Al-Mahmoudi, et de son ami Choukri Ghanem, qui consignera dans son carnet qu’à cette occasion Bechir Saleh avait prétendu « avoir envoyé 1,5 million d’euros à Sarkozy ». Au Monde, M. Saleh avait simplement affirmé : « Kadhafi a dit qu’il avait financé Sarkozy. Sarkozy a dit qu’il n’avait pas été financé. Je crois plus Kadhafi que Sarkozy.
« Le Monde » révèle les détails de l’instruction judiciaire sur le soupçon de financement illicite de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy.
Le Monde a eu accès aux détails de l’enquête menée par les juges du pôle financier Serge Tournaire et Aude Buresi qui tentent depuis avril 2013 de déterminer si la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy a bien fait l’objet d’un financement illicite provenant de la Libye. Les magistrats disposent désormais de centaines de documents : notes des services déclassifiées, interceptions téléphoniques, témoignages sous X… Trois ans et demi d’investigations poussées, toujours pas l’ombre d’une preuve définitive, mais de très forts soupçons.
L’accumulation de témoignages et d’indices
Les juges ont recueilli de nombreux témoignages d’anciens dignitaires libyens, de diplomates français, fonctionnaires ou hommes d’affaires qui viennent renforcer le soupçon de financement par la Libye de Mouammar Kadhafi. L’ambassadeur de France en Libye entre janvier 2008 et février 2011, François Gouyette, leur a ainsi indiqué avoir entendu parler d’un possible financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, mais ces rumeurs lui sont parvenues après 2011 et le début de la révolution libyenne. Deux personnes lui en ont fait état. Moftah Missouri, l’ancien interprète du guide, et une autre personne dont il a préféré taire le nom devant les magistrats. L’un d’eux parlait de 5 millions d’euros, l’autre de 50. Mais les magistrats n’ont pas pu recouper les faits révélés.
Fin septembre, le site Mediapart dévoilait l’existence de carnets d’un ancien ministre du pétrole libyen qui confirmait plusieurs versements pour un montant de 6,5 millions d’euros. Le Monde révèle les notes exactes des carnets de cet ancien dignitaire retrouvé mort dans le Danube en Autriche le 29 avril 2012. Cinq ans plus tôt, le 29 avril 2007, il se trouvait dans la propriété de Bachir Saleh, directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi et notait : « A midi, j’ai déjeuné avec El Baghdadi [premier ministre] et Bachir Saleh à la ferme de Bachir. Bachir a parlé, disant avoir envoyé 1,5 million d’euros à Sarkozy quand Saïf [Al-Islam Kadhafi, fils du numéro un libyen] donnait 3 millions d’euros. Mais on leur a dit que l’argent n’était pas arrivé. Il semblerait que les “mecs” en chemin l’ont détourné, tout comme ils lui ont pris 2 millions en provenance de Abdallah Senoussi [chef des services de renseignements libyen]. »
Une enquête sous surveillance de la « Sarkozie »
Tout au long de l’instruction, l’ancien président Nicolas Sarkozy et ses proches ont suivi de près les avancées de l’enquête, comme le démontrent de nombreuses retranscriptions des écoutes sous lesquelles ils étaient placés. L’un des proches de l’intermédiaire Alexandre Djouhri, l’avocat Mohamed Aref lâche au téléphone que les enquêteurs « cherchent le lien avec Kadhafi mais ils ne cherchent pas au bon endroit ». Pour Nicolas Sarkozy lui-même, il est impératif de « surveiller l’affaire de nos amis d’outre-Méditerranée », comme il le dit à son directeur de cabinet, Michel Gaudin, en février 2014, lors d’une conversation écoutée.
Le rôle central de l’intermédiaire Alexandre Djouhri
Très proche de Nicolas Sarkozy, l’homme d’affaires français Alexandre Djouhri se retrouve au cœur du système notamment au travers de ses circuits financiers liés à la Libye. Les juges soupçonnent que ces montages aient pu bénéficier au financement de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Comme l’acquisition d’une villa dans le sud de la France, à Mougins (Alpes-Maritimes) qu’il revendra à prix largement surestimé au Libyan African Investment Portfolio (LAP) dirigé par son ami, Bachir Saleh. Ou encore son utilisation des comptes en banque de membres de la richissime famille saoudienne, Bugshan, pour loger dans des palaces parisiens M. Saleh et subvenir à ses besoins. Et ce après avoir mené son exfiltration en lien avec le patron de la direction centrale du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, de Libye en France en 2011, puis de France vers l’Afrique du Sud à l’entre deux-tours de l’élection présidentielle l’année suivante.
En mars 2014, Nicolas Sarkozy lui confiera par l’intermédiaire de Michel Gaudin une autre mission sensible. Organiser la contre-attaque judiciaire en lui faisant rédiger une lettre au nom de Bachir Saleh pour qu’il démente catégoriquement toute idée de financement libyen de la campagne de l’ancien chef de l’Etat.
Acculé, Mouammar Kadhafi a fui Tripoli à la fin d’août 2011. Devant l’avancée des forces rebelles libyennes, un dernier bastion résiste : Syrte, la ville natale du « Guide ». Mais au matin du 20 octobre, un mystérieux convoi s’élance vers le sud…
Depuis l’amorce de la révolution libyenne, le 15 février 2011, dans le sillage des Printemps arabes, la Libye est ravagée par la guerre civile. Alors que la capitale, Tripoli, est définitivement tombée le 27 août aux mains des milices rebelles, les combats font désormais rage aux abords de Syrte, où les derniers soldats loyalistes font face à la suprématie aérienne des avions de l’OTAN. Ceux-ci ont fini par se retrancher dans un quartier qu’ils tiennent à bout de bras : le District 2.
Dans des conditions de vie précaires, le « Guide » et ses soutiens passent de maison en maison pour échapper aux bombardements et tirs de mortiers des rebelles. Tandis que la pression s’accentue, ils se décident à jouer leur va-tout. Et, à l’aube de ce 20 octobre 2011, ils tentent de quitter la ville.
C’est le quatrième fils du « Guide », Mouatassim Kadhafi, qui est en charge de l’opération d’exfiltration. Un convoi impressionnant d’environ 50 véhicules chargés d’essence, d’armes et d’argent prend alors la route du Sud vers une destination inconnue, probablement le Niger.
Les yeux du ciel
Les 4X4 roulent à vive allure. Ils transportent près de 250 personnes dont bon nombre ne se doutent sans doute pas de la présence de Kadhafi parmi eux. Mais la longue file de bolides n’échappe pas aux « yeux du ciel ». Après qu’un drone américain a repéré les véhicules et tiré un premier missile, un avion de chasse français de l’OTAN tire deux missiles vers la colonne motorisée. Une vingtaine de véhicules sont instantanément réduits en poussière.
Les raisons du bombardement restent obscures, puisque l’OTAN affirmera ne pas avoir suspecté la probable présence du « Guide » à la fin du convoi. Ce dernier et ses plus proches collaborateurs sortent d’ailleurs indemnes des multiples explosions. Mais ils n’échapperont pas à la véritable chasse à l’homme qui va s’ensuivre. Escorté et accompagné par ses derniers fidèles (notamment son fils Mouatassim, Abu Bakr Younès, son ministre de la Défense, et Mansour Dhao, le chef de sa sécurité personnelle), Kadhafi s’enfuit vers des villas abandonnées qui jouxtent la route.
Pistolets plaqué or aux poings, vêtu d’un gilet pare-balles et d’un casque, le « Guide » semble prêt à vendre chèrement sa peau
Pistolets plaqué or aux poings, vêtu d’un gilet pare-balles et d’un casque, le « Guide » semble prêt à vendre chèrement sa peau. Lui et ses sbires sont retranchés dans une habitation vide, mais ils viennent d’être repérés par des troupes rebelles. Les premiers salves de mortiers s’abattent déjà sur leur cachette quand Mouattassim Kadhafi crie à son père : « Je vais te sortir de là », avant de se lancer dehors avec une escouade d’une dizaine hommes pour tenter de trouver une issue. Ce seront les dernières paroles qu’ils échangeront.
Au bout du tunnel
Le dernier acte approche. Quelques minutes après le départ de son fils, Kadhafi et ses derniers fidèles courent en direction de tubes en béton servant à drainer l’eau sous une route. Alors que le « Guide » s’enfonce inexorablement dans une bouche d’évacuation, les miliciens de Misrata font leur apparition. Dans un dernier geste de défense, l’un de ses gardes du corps jette des grenades en direction des rebelles. L’une rebondit contre la paroi et blessera le « Guide » à la tempe.
Vidéo de la capture de Mouammar Kadhafi à Syrte, le 20 octobre 2011. Attention, ces images peuvent choquer.
Aux alentours de 15 heures GMT, le porte-parole du CNT à Benghazi annonce au monde la mort de Kadhafi, sans pour autant lever les doutes sur les circonstances de l’événement. Le « Guide » a-t-il été abattu lors d’un échange de tirs entre loyalistes et rebelles, selon la version officielle du CNT ? A-t-il succombé à ses blessures dans l’ambulance qui l’emmena vers Misrata ? A-t-il été tué lors de son lynchage par un simple milicien ou un agent secret français ?Cinq jours plus tard, le 25 octobre, Kadhafi et son fils Mouatassim sont enterrés dans un lieu tenu secret dans le désert libyen. La mort de Kadhafi et la chute de son régime n’empêcheront en rien la dislocation du pays et la poursuite de la guerre civile. La traque du tyran s’est achevée dans le sang. Mais elle laisse un goût de cendres à ceux qui croyaient encore en la justice des hommes.
Avant la chute du régime, les Libyens n’osaient pas s’en approcher. Il ne reste aujourd’hui qu’un terrain vague de la résidence la plus célèbre de Mouammar Kadhafi, dont un autre palais accueille désormais un marché aux animaux.
Au coeur de Tripoli, Bab Al-Aziziya était un immense complexe fortifié où a vécu le défunt dictateur pendant plusieurs décennies.
Résidence personnelle mais aussi QG du régime, il comprenait zoo, piscine, centres de commandement, caserne et même des tentes, le « Guide » ayant toujours prétendu vivre comme un bédouin.
Bab Al-Aziziya n’est aujourd’hui plus que ruines après avoir été rasé par les bombardements de l’Otan puis détruit et pillé par les rebelles qui ont renversé Kadhafi en 2011.
Au sein de ce complexe qui s’étend sur plus de 7 km2,l’emblématique « Maison de la résistance », un bâtiment portant les stigmates d’un bombardement américain en 1986, a totalement disparu.
Le mémorial érigé devant cette maison, célèbre poigne de cuivre écrasant un avion de chasse américain, a été déboulonné et transporté à Misrata, une ville à l’est de la capitale.
Les autorités de transition voulaient transformer Bab Al-Aziziya en une zone verte, un parc d’attraction pour les familles. Un ex-Premier ministre avait proposé en 2012 d’y construire une bibliothèque, un théâtre et un monument à la mémoire des « martyrs de la révolution libyenne ».
Mais le pays a depuis sombré dans l’anarchie, avec deux gouvernements et Parlements rivaux et des combats récurrents entre milices.
Pour le porte-parole du ministère du Tourisme du gouvernement installé à Tripoli, Adel Mohamed Farina, il est « exclu de transformer ce complexe en musée » car il symbolise « une période noire de l’histoire du pays ».
Bâtiments squattés
Les rares bâtiments encore debout sont aujourd’hui squattés par des sans-abris et déplacés du conflit libyen.
Sur leurs murs, sont toujours visibles des slogans peints par les rebelles en 2011. « Manifeste-toi, auteur du livre du mensonge », est-il inscrit sur un mur, en référence au fameux « Livre vert » dans lequel le « Guide » détaillait sa vision de la politique.
Entre les bâtiments éventrés, un réseau de tunnels et un vaste pan de carrelage vert sont les seules traces de la grandeur de cette caserne fortifiée qui inspirait autrefois la crainte. « Les gens redoutaient de passer par ici ou même de jeter un regard au complexe de peur d’être arrêtés », se rappelle Hassan, chauffeur de taxi à Tripoli.
A Sebha, située à 600 km au sud de la capitale, un autre palais de Kadhafi a subi le même sort.
A Benghazi, deuxième ville du pays et haut lieu de la révolte ayant renversé Kadhafi, c’est un marché aux animaux qui a été établi sur les lieux du palais qui s’étendait sur plus de 10 hectares. Les habitants viennent y vendre des oiseaux, des chiens et autres animaux domestiques.
A l’instar de Bab al-Aziziya, l’ancien palais de Benghazi a été pris d’assaut par des familles déplacées. « Nous avons rêvé d’une vie meilleure après la chute de Kadhafi, et nous voilà réduits à habiter ses ruines », regrette Mohamed Souleimane, 43 ans, un déplacé entouré d’enfants.
Benghazi étant devenue un fief des islamistes radicaux, l’ancienne maison personnelle de Kadhafi dans le palais a un temps été occupée par Ansar Asharia, un groupe classé comme « terroriste » par les Etats-Unis et l’ONU. Il y avait installé son QG en 2012.
Mais il n’en reste aujourd’hui qu’un amas de gravats, ce QG ayant été rasé par des raids lancés en octobre 2014 par le général Khalifa Haftar, un officier controversé qui a déclaré la guerre aux groupes islamistes armés.
L’endroit est depuis devenu un dépotoir public.
Il est « tellement chargé d’histoires tristes de l’ancien régime qu’il ne pouvait être autre chose qu’une décharge », résume un passant, Ali Misrati.
La Cour pénale internationale a indiqué mercredi qu’elle saisissait le Conseil de sécurité des Nations unies dans l’affaire Seif el-Islam Kadhafi. Le tribunal réclame que lui soit livré le fils de l’ancien « Guide » libyen.
« La Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (CPI) a pris acte du défaut d’exécution du Gouvernement libyen à l’égard de deux demandes de coopération émises par la CPI, et a décidé de référer cette question au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies », explique la Cour pénale internationale dans un communiqué.
La Cour a toutefois précisé que sa décision ne visait « pas à sanctionner ou critiquer la Libye mais seulement à demander l’aide du Conseil de sécurité afin d’éliminer les obstacles à la coopération ». « La Libye a démontré à plusieurs égards son engagement avec la Cour et a fait des efforts véritables pour maintenir un dialogue constructif », estime ainsi la Chambre préliminaire I.
Le 27 juin 2011, celle-ci avait délivré trois mandats d’arrêt à l’encontre de Mouammar Kadhafi, Seif el-Islam Kadhafi et Abdallah Al-Senussi pour des crimes contre l’humanité (meurtre et persécution) qui auraient été commis en Libye du 15 jusqu’au 28 février 2011 au moins, à travers l’appareil d’État libyen et les forces de sécurité.
En condamnant le 1er octobre un ressortissant canadien pour corruption du clan Kadhafi, le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone a donné un nouvel instrument à la justice suisse. Désormais, le fait de soudoyer des membres de l’entourage d’un régime dictatorial pourra être puni au même titre que la corruption d’agent public étranger.
Un ancien cadre du géant canadien SNC-Lavalin a été condamné à trois ans de prison avec sursis pour corruption, gestion déloyale et blanchiment d’argent. Il avait versé des pots-de-vin au fils de l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, Saadi al Kadhafi.
Dans ses considérants du jugement publiés lundi, le TPF a reconnu ce membre du clan Kadhafi comme « un agent public de fait », soit une personne qui, sans avoir d’attribution officielle au sein de l’Etat, est en réalité celui qui prend les décisions pour l’attribution de marchés.
Le Ministère public de la Confédération (MPC) se félicite de cet « arrêt central qui va permettre de lutter plus efficacement contre la corruption transnationale », a indiqué sa porte-parole Jeannette Balmer à l’ats, confirmant une information publiée lundi sur le site en ligne du « Temps ».
Ce type de situation se présentera typiquement dans des régimes dictatoriaux, dans lesquels l’administration officielle ne constitue qu’une façade qui se borne à exécuter les décisions prises en réalité par les membres de la famille régnante ou leurs proches.
Jusqu’alors, il n’était pas clair de savoir dans quelle mesure des pots-de-vin octroyés à de telles personnes pouvaient être punis par la justice suisse. Désormais, le verdict contre Saadi al Kadhafi fera jurisprudence, a poursuivi le MPC.
40 millions de francs
Le ministère public se félicite par ailleurs de cette première condamnation en Suisse dans le cadre des affaires du « Printemps arabe ». Ces affaires ont été ouvertes en 2011.
La procédure menée par le MPC a bénéficié d’une coopération internationale exemplaire, se réjouit le MPC. Il souligne l’excellente collaboration avec les autorités canadiennes et le précieux soutien reçu de la part des Bahamas, de la France, de l’Ile de Man, du Luxembourg, de Malte ainsi que de Monaco.
La procédure a permis de confisquer des actifs pour un montant total de près de 40 millions de francs. Il s’agit non seulement d’actifs bancaires, mais aussi et surtout de biens immobiliers en Suisse et en France. Ces saisies permettront de dédommager le groupe SNC-Lavalin, qui s’est porté partie plaignante.
Le Canadien a été extradé le 15 octobre dernier au Canada où il doit également rendre des comptes.