Posts Tagged ‘Norbert Zongo’

Extradition de François Compaoré : la France réclamera-t-elle d’ultimes garanties au Burkina ?

mai 2, 2022

Après la condamnation de Blaise Compaoré à la perpétuité, son frère François sera-t-il extradé pour que se tienne un nouveau procès historique à Ouagadougou ? Paris doit fournir, ce 3 mai, de nouveaux documents…

© Damien Glez

La justice burkinabè n’a pas attendu le retour de Blaise Compaoré pour condamner l’ancien président à la prison à perpétuité dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara, trente-cinq ans après les faits. Mais elle semble attendre le renvoi du frère au pays pour juger des faits qui lui sont reprochés. C’est que les affaires sont différentes, ainsi que les chances de voir l’un ou l’autre extradé.

Si le procès de l’ancien chef de l’État concernait l’assassinat de son prédécesseur, en 1987, la procédure judiciaire qui cerne son frère cadet traite des meurtres du journaliste burkinabè Norbert Zongo et de trois de ses compagnons, le 13 décembre 1998. Dans ce dossier comme dans le premier, circonstances et exécutants semblent connus, mais la justice devra ici établir le niveau de responsabilité. Le directeur de L’Indépendant enquêtait sur une affaire impliquant directement François Compaoré et la garde présidentielle ainsi que, indirectement, Blaise Compaoré…

Quant aux chances de voir aboutir l’extradition de l’un des deux frères, elles semblent nulles dans le cas de Blaise Compaoré, réfugié en Côte d’Ivoire, dont il a acquis la nationalité. En s’enfuyant en France, François a en revanche péché par excès de confiance – ou manque de jugeote. Une procédure d’expulsion progresse, même au train de sénateur qu’imposent les va-et-vient de recours français puis européens.

Peine de mort

Dès mars 2020, la France autorisait l’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, autorisation validée par la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, en juillet 2021. Mais, en août, la Cour européenne des droits de l’homme suspendait temporairement ladite extradition, dans l’attente de garanties démentant un « risque imminent de dommage irréparable », si les autorités burkinabè venaient à prendre en charge François Compaoré. Ce sera fait, Paris et Ouagadougou mettant notamment en avant l’abolition de la peine de mort, après la chute des Compaoré…

Puis les interlocuteurs burkinabè changèrent, ce fameux 23 janvier 2022 où des militaires renversèrent le président Roch Marc Christian Kaboré. Et la Cour européenne des droits de l’homme de demander aux autorités françaises de produire à nouveau des garanties. Un document est fourni par Paris dès le 30 janvier, mais les avocats de Compaoré le jugent insuffisant, le 17 mars. Et la Cour européenne de préciser, le 21, à l’État français, que les garanties devraient être fournies « par une autorité habilitée à engager l’État burkinabè ». La France négocie alors un délai et relance des putschistes burkinabè jusque-là peu prolixes…

C’est ce mardi 3 mai que les autorités françaises entendent présenter, sous la forme d’un « deuxième mémoire en réplique », les garanties actualisées de nature à permettre l’extradition du frère de l’ancien chef de l’État burkinabè. Si cette étape s’achèvera symboliquement lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse, les observateurs ont conscience que la procédure d’extradition de François Compaoré est loin d’être terminée. Le coup d’État mené par le lieutenant-colonel Damiba avait déjà failli compromettre la conclusion du « procès Sankara », des juristes estimant qu’un putsch de 2022 étrangement « constitutionnalisé » invalidait des poursuites contre une atteinte à la sûreté de l’État datant de 1987…

Avec Jeune Afrique

Par Damien Glez

Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Burkina Faso : le Conseil d’Etat valide l’extradition de François Compaoré

juillet 30, 2021

Le frère cadet de l’ancien chef de l’Etat burkinabé est poursuivi pour « incitation à assassinat » du journaliste d’investigation Norbert Zondo, tué en décembre 1998.

Francois Compaore, en 2012 à Ouagadougou
Francois Compaore, en 2012 à Ouagadougou AHMED OUOBA / AFP

La bataille juridique n’est pas terminée, mais un pas important vers un futur procès vient d’être franchi. Le conseil d’Etat a validé, vendredi 30 juillet, l’extradition vers Ouagadougou de François Compaoré, frère cadet de l’ancien président Blaise Compaoré qui a dirigé le Burkina Faso de 1987 jusqu’à une insurrection populaire en 2014. François Compaoré, âgé de 67 ans, est poursuivi dans le cadre de l’affaire Norbert Zongo, célèbre journaliste burkinabé tué le 13 décembre 1998 avec trois de ses compagnons (Blaise Ilboudo, Ablassé Nikiéma, Ernest Zongo) et dont les dépouilles avaient été retrouvées calcinées dans le sud du Burkina. Leur mort avait provoqué une très vive émotion au « Pays des hommes intègres ».

Arrêté à l’aéroport de Roissy en octobre 2017 en exécution d’un mandat d’arrêt émis par Ouagadougou pour « incitation à assassinat », François Compaoré avait demandé au Conseil d’Etat d’annuler « pour excès de pouvoir » un décret français datant du 21 février 2020 accordant son extradition aux autorités judiciaires burkinabées. Mais la plus haute juridiction administrative française a considéré que ce décret, signé par Edouard Philippe et Nicole Belloubet, alors respectivement premier ministre et garde des Sceaux, ne pouvait être annulé.

Le Conseil d’Etat a rejeté cette demande en considérant notamment que « M. Compaoré n’est pas fondé à soutenir que son extradition aurait été demandée dans un but politique » et que le risque qu’il soit « exposé à des traitements inhumains ou dégradants en raison des conditions de détention dans les prisons burkinabées et de sa condition personnelle » pouvait être écarté grâce à certaines dispositions nationales et des engagements internationaux.

Journaliste d’investigation reconnu

Ses avocats, qui ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme, disent craindre pour la vie de leur client s’il devait être détenu au Burkina Faso. « Il sera malheureusement et assurément exposé à des risques, a fait savoir Maître François Briard, car le pays est en proie à une grave déstabilisation. » « Nous saisissons la Cour européenne car elle est la seule juridiction qui pourra statuer avec une vraie et juste distance dans ce dossier, veut croire Me Pierre-Olivier Sur, un autre avocat de M. Compaoré. En France, il y a une pression politique sur la justice dans cette affaire. La preuve, c’est la réponse faite par Emmanuel Macron lorsqu’il avait dit aux étudiants burkinabés [le 28 novembre 2017 à l’université de Ouagadougou] qu’il allait leur livrer François Compaoré. »

Journaliste d’investigation reconnu et directeur de l’hebdomadaire « L’Indépendant », Norbert Zongo, 49 ans, avait été assassiné alors qu’il enquêtait sur le meurtre du chauffeur de François Compaoré. La mort de ce journaliste, auteur de plusieurs enquêtes retentissantes dénonçant une mauvaise gouvernance sous le régime Compaoré, avait provoqué une profonde crise politique. Classé en 2006 après un « non-lieu » qui avait suscité un tollé international, le dossier judiciaire avait été rouvert en octobre 2014 après la chute de Blaise Compaoré.

Avec Le Monde par Pierre Lepidi

Burkina Faso : la Cour de cassation française examine la demande d’extradition de François Compaoré

mai 22, 2019

François Compaoré, à Paris le 12 septembre 2017. © Vincent Fournier/JA

 

La Cour de cassation française s’est penchée mardi sur le recours de François Compaoré contre son extradition vers le Burkina Faso, où le frère de l’ex-président est mis en cause dans l’assassinat, en 1998, du journaliste Norbert Zongo.

La plus haute juridiction judiciaire française doit se prononcer le 4 juin sur le pourvoi, à l’appui duquel la défense de François Compaoré a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les textes régissant l’extradition.

Le 5 décembre, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait autorisé son extradition vers Ouagadougou, où le dossier Zongo, classé en 2003 après un « non-lieu » en faveur du seul inculpé, a été rouvert après la chute de l’ex-président Blaise Compaoré, fin octobre 2014.

Alors qu’il enquêtait à l’époque sur la mort de David Ouédraogo – chauffeur de François Compaoré -, le journaliste burkinabè Norbert Zongo, 49 ans, et trois personnes qui l’accompagnaient avaient été retrouvés morts calcinés dans leur véhicule en décembre 1998, dans le sud du Burkina Faso.

« Vengeance »

Âgé de 64 ans, François Compaoré avait été arrêté à l’aéroport parisien de Roissy-Charles-de-Gaulle en octobre 2017 sur la base d’un mandat d’arrêt émis par les autorités de Ouagadougou. À ce jour, il n’est pas inculpé dans son pays dans cette affaire, à la différence de trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré.

Devant la Cour de cassation, l’avocat de François Compaoré, Me François-Henri Briard, a souligné le caractère « très sensible » du dossier. L’avocat a eu des mots durs : selon lui, cette affaire concerne un « pays politiquement instable », « dans lequel la justice est délabrée », a-t-il fait valoir. Ce dossier est sensible aussi du fait du nom du requérant, dont le frère s’est réfugié en Côte d’Ivoire, a plaidé l’avocat. Une « voie facile de vengeance » est de diriger « des poursuites vers le frère », a affirmé Me Briard.

Or, pour s’assurer du respect des règles du procès équitable – indispensable pour autoriser une extradition – la chambre de l’instruction ne s’est appuyée que sur des éléments fournis par les autorités burkinabè, a observé l’avocat, remettant en cause leur impartialité. C’est « un homme mort s’il rentre au Burkina Faso », a-t-il assuré.

L’avocate générale a pour sa part expliqué que le ministère de la Justice burkinabè avait « pris l’engagement que M. Compaoré bénéficierait de conditions d’incarcération très améliorées », dans l’hypothèse d’une condamnation dans son pays. Pour être effective, une extradition doit aussi être autorisée par un décret du gouvernement français.

Jeuneafrique.com avec AFP

Journaliste tué au Burkina: le frère de Compaoré arrêté en France

octobre 29, 2017

Un proche du journaliste Norbert Zongo, mort quelques jours auparavant dans des circonstances suspectes, brandit son portrait le 16 décembre 1998 à Ouagadougou / © AFP/Archives / ISSOUF SANOGO

François Compaoré, frère de l’ancien président déchu burkinabè Blaise Compaoré, a été arrêté dimanche à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle en vertu d’un mandat d’arrêt international délivré par le Burkina Faso dans l’enquête sur l’assassinat d’un journaliste en 1998, a-t-on appris de sources concordantes.

Interpellé alors qu’il arrivait d’Abidjan (Côte d’Ivoire), François Compaoré, 63 ans, s’est vu notifier ce mandat d’arrêt, selon une source aéroportuaire et son avocat, confirmant une information de Jeune Afrique. Il se trouvait dimanche dans les locaux de la police aux frontières et doit être présenté à la justice « sous 48 heures », a déclaré Me Pierre-Olivier Sur.

Romandie.com avec(©AFP / 29 octobre 2017 15h14)                

Burkina Faso: mandat d’arrêt international contre François Compaoré dans l’affaire Zongo

juillet 29, 2017
François Compaoré, le frère du président Blaise Compaoré, le 30 novembre 2012 à Ouagadougou, au Burkina Faso. © Ahmed Ouaba/AFP

La justice burkinabè a lancé un mandat d’arrêt international contre François, le frère cadet de l’ex-président Blaise Compaoré dans l’affaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en décembre 1998, a appris vendredi l’AFP auprès de l’avocat de la famille Zongo.

« Je confirme, le mandat d’arrêt a été lancé le 5 mai 2017 suite aux réquisitions du parquet », a déclaré à l’AFP un des avocats de la famille de Norbert Zongo, Me Bénéwendé Sankara, confirmant une information révélée par un journal d’investigations, Le courrier confidentiel.

M. François Compaoré, un des personnages les plus impopulaires des 27 ans du régime Compaoré, est poursuivi pour « incitation à assassinats », a ajouté l’avocat, précisant qu’ »il y a eu quatre crimes », l’assassinat de Zongo et de trois compagnons.

Journaliste d’investigation et directeur de publication de l’hebdomadaire L’indépendant, Norbert Zongo et trois de ses compagnons ont été retrouvés morts carbonisés dans leur véhicule le 13 décembre 1998 dans le sud du Burkina.

L’affaire Zongo et le « petit président »

Auteur de plusieurs enquêtes retentissantes démontrant la mauvaise gouvernance sous le régime du président Compaoré, M. Zongo travaillait au moment de son assassinat sur la mort de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, frère cadet et conseiller économique du président Compaoré surnommé le « petit président ».

François Compaoré, personnage très influent du régime déchu, un temps inculpé de « meurtre et recel de cadavre » après la mort de son chauffeur, n’a jamais été inquiété dans le dossier Zongo.

Il s’est enfui du pays lors de l’insurrection populaire d’octobre 2014 et a obtenu en même temps que Blaise Compaoré la nationalité ivoirienne.

« Tout comme pour Blaise Compaoré, aucun n’est au-dessus de la loi, quelle que soit sa nationalité. Si tu as commis un crime, on doit te juger », a estimé Me Sankara, espérant que « la Côte d’Ivoire n’est pas le berceau de l’impunité ».

« La Côte d’Ivoire ne livre pas ses nationaux, mais elle a l’obligation de coopérer. Donc, je ne me fais pas de soucis quant au respect de ses engagements internationaux par la Côte d’Ivoire ».

Longtemps laissé dans les tiroirs, le dossier Norbert Zongo a été rouvert à la faveur de la chute de M. Compaoré fin octobre 2014, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir.

En décembre 2015, trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de M. Compaoré – dissoute après sa tentative de coup d’Etat mi-septembre 2015 – ont été inculpés par la justice.

Le mandat d’arrêt lancé par la justice burkinabè contre Blaise Compaoré et sa présence à Abidjan avaient envenimé les relations entre les deux voisins avant un réchauffement en 2016.

Jeuneafrique.com avec AFP

Ce jour-là : le 13 décembre 1998, le journaliste burkinabè Norbert Zongo est assassiné

décembre 13, 2016

Norbert Zongo, journaliste burkinabé. Date et lieu inconnus. © DR

En plein milieu d’après-midi ce 13 décembre 1998, un véhicule enflammé est retrouvé sur la route nationale 6, près de Sapouy, dans le sud du Burkina Faso. Une macabre découverte qui va secouer le pays jusqu’à son sommet.

À bord du robuste 4×4 noir – un Land Cruiser Toyota dont la carcasse est encore fumante, les premiers témoins puis les policiers découvrent trois corps sans vie, partiellement calcinés. Aucune trace de freinage où de collision n’est observé sur les lieux et rien ne semble indiquer un banal accident aux conséquences tragiques. C’est le quatrième cadavre, retrouvé gisant tout près du véhicule, qui met la police sur la piste du ou des criminels : deux douilles sont retrouvées près de lui.

L’autopsie confirmera que ni la fumée ni les flammes ne sont à l’origine des décès de Blaise Ilboudo, Ablassé Nikiéma et des frères Zongo – qui se rendaient dans un ranch pour le week-end. Non, les quatre hommes ont d’abord été abattus par balle, avant que leurs corps ne soient brûlés.

Au pays des Hommes intègres, l’annonce de ces assassinats traverse le pays à la vitesse d’un feu de brousse. Et pour cause : l’un des corps est celui du journaliste Norbert Zongo, figure de l’opposition à Blaise Compaoré et directeur de l’hebdomadaire L’Indépendant.

L’affaire Ouedraogo

Né à Koudougou, Norbert Zongo avait entamé une carrière d’enseignant dans les années 1970 avant de bifurquer durant la période sankariste vers le journalisme. Moins d’une décennie plus tard, en 1993, il fondait à Ouagadougou son propre journal, dénonçant les régimes africains autoritaires et corrompus, révélant de sombres affaires impliquant des proches de Blaise Compaoré. Il condamne aussi la politique de « rectification » appliquée après la Révolution burkinabè et l’assassinat de Thomas Sankara, en 1987.

Critique, intègre et indépendant, l’hebdomadaire acquiert rapidement une grande renommée au Faso. Tirant chaque semaine à plus de 15 000 exemplaires, c’est alors le journal le plus lu du pays. Mais de plus en plus connu et apprécié pour ses enquêtes, l’hebdo devient aussi une source de gêne pour l’entourage de Compaoré.

De fait, l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons semble lié à une enquête, entamée depuis presque un an. En 1998 le journaliste – qui écrivait sous le pseudonyme de « Henri Segbo » – travaille sur l’incarcération arbitraire de David Ouedraogo au Conseil de l’Entente, une caserne militaire. Le jeune homme, ex-chauffeur personnel de François Compaoré (le frère cadet du président), avait été accusé de vol à l’encontre de Salah Compaoré, la femme de ce dernier.

Pour Zongo, le chauffeur de François Compaoré ne serait pas décédé des suites d’une maladie, mais à cause de tortures infligées par le RSP

Le 13 janvier 1998, Norbert Zongo publie dans L’Indépendant : « Nous ne cherchons pas à savoir s’il y a eu un vol. (…) Ce qui nous préoccupe, c’est l’incarcération des suspects au Conseil. (…) Nous sommes dans un État de droit paraît-t-il. (…) Où a-t-on gardé les présumés coupables ? ». Cinq jours plus tard, le 18 janvier, David Ouedraogo décède dans les locaux de l’infirmerie de la présidence burkinabè, officiellement « de sa maladie », selon le médecin-chef présent.

Pour le journaliste, l’affaire est trop trouble pour qu’il s’agisse d’une mort naturelle. Le chauffeur du frère du chef de l’État ne serait pas décédé des suites d’une maladie, mais à cause de tortures infligées par des hommes du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP).

Pression populaire

Quoi qu’il en soit, la mort de Zongo déclenche aussitôt une mobilisation sans précédent au Faso. Les membres de la société civile – des étudiants notamment – organisent manifestations et grèves dans les jours qui suivent. C’est la première fois que le régime de Blaise vacille : sous la pression populaire, le gouvernement crée une Commission d’enquête indépendante (CEI) censée censée faire la lumière sur le quadruple assassinat. Elle désignera plusieurs « suspects sérieux », membres du RSP, dont notamment le chef de ce dernier, Gilbert Diendéré.

Un seul militaire sera inculpé en 2001, pour assassinat et incendie volontaire : l’adjudant Kafando. Mais en 2006, le militaire bénéficiera d’un non-lieu après la rétractation de l’un des témoins.

Après enquête, Reporters Sans Frontières affirme en 2006 que le rapport de la CEI fut purgé d’éléments accusant François Compaoré. Puis en 2014, c’est au tour de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples de mettre en évidence les zones d’ombres de l’instruction.

Aujourd’hui, toujours incarcéré depuis le putsch manqué de septembre 2015, l’ancien chef du RSP Gilbert Diendéré est sans doute l’un des seuls, avec l’ancien président Compaoré, à pouvoir dévoiler les vrais responsables de l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons.

Jeuneafrique.com par Pierre Houpert

Burkina : des organisations de la société civile déçues du traitement de l’affaire Zongo

décembre 10, 2015

 

 

La Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC) et le Collectif des organisations démocratiques des masses et des partis politiques (CODMPP) ont adressé au Premier ministre burkinabè, Yacouba Isaac Zida, une lettre ouverte dans laquelle ils se disent déçus de la manière dont la transition a traité le dossier du journaliste Norbert Zongo, assassiné en 1998 avec trois de ses compagnons.
Dans cette lettre dont APA a reçu copie jeudi, les deux OSC soulignent que ‘’ce 13 décembre 2015 encore, les militantes et militants du CODMPP et de la CCVC se retrouveront pour dénoncer l’inaction du gouvernement qui, sur le dossier Norbert Zongo, n’a guère fait mieux, quant au fond, que les gouvernements successifs de Blaise Compaoré ».

La lettre ouverte qui porte la signature du président de la CCVC, Chrysogone Zougmoré, précise qu’à quelques semaines de la fin de la période de la transition, la persistance de l’impunité, notamment dans l’affaire Norbert Zongo, constitue ainsi un échec du Gouvernement.

‘’En vous réitérant notre profonde déception sur le sort que votre gouvernement a réservé au dossier Norbert Zongo, nous vous prions d’agréer, Excellence Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre considération et surtout de notre détermination à poursuivre le noble combat pour la vérité et la justice dans l’affaire Norbert Zongo et pour toutes les autres victimes de crimes impunis dans notre pays », notent les auteurs de la lettre.

Lors de la célébration du 16e anniversaire, le 13 décembre 2014, l’actuel chef de gouvernement, Yacouba Isaac Zida, alors nouvellement nommé, avait promis de s’investir pour que le dossier avance.

‘’Une année après vos déclarations et alors que la Transition tire vers sa fin, le constat est bien triste et amer. Bien que rouvert, le traitement du dossier Norbert Zongo n’a pratiquement pas évolué, malgré vos multiples engagements, de sorte que les assassins de +votre+ camarade courent toujours », regrette M. Zougmoré.

Dimanche 13 décembre 2015 et ce pour la dix-septième année consécutive, les citoyens burkinabè commémoreront, sur l’ensemble du territoire national et au-delà des frontières du pays, l’anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo et de ses trois compagnons d’infortune.

Ils sont morts calcinés dans le véhicule qui les transportait à Sapouy, localité située à environ 100 Km au sud de Ouagadougou.

Depuis lors, le dossier en justice n’a pas évolué. Le seul inculpé a bénéficié, en 2007, d’un non-lieu.

Apanews.net

Burkina Faso : le gouvernement annonce la réouverture du dossier Norbert Zongo

décembre 24, 2014

Portrait du journaliste Nobert Zongo affichée à Ouagadougou, le 13 décembre 2014. © AFP

L’annonce de la réouverture du dossier de l’assassinat de Norbert Zongo en 1998 a été faite mardi par la ministre de la Justice, Joséphine Ouédraogo, lors du Conseil des ministres.

Joséphine Ouédraogo, la ministre burkinabè de la Justice a annoncé mardi 23 décembre en Conseil des ministres que le Procureur général avait été saisi pour la réouverture du dossier Norbert Zongo. Aucune précision n’a été donnée.

Cette annonce devrait ravir bon nombre de Burkinabè. Elle intervient dix jours après le 16e anniversaire de la mort du directeur de « L’Indépendant ». Ce jour-là, des milliers de personnes avaient manifesté à Ouagadougou pour exiger la réouverture du dossier. Le Premier ministre intérimaire, le lieutenant-colonel Zida, et ses ministres de la Sécurité (Intérieur) et de la Justice avaient participé aux derniers mètres de la marche.

« Je demande que les commanditaires soient arrêtés et jugés à la hauteur de leurs forfaits », avait lancé sa veuve Geneviève devant les manifestants.

Norbert Zongo a été tué le 13 décembre 1998 alors qu’il enquêtait sur le meurtre sous la torture de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, frère cadet de Blaise Compaoré. L’annonce de sa mort avait choqué tous les Burkinabè et provoqué un séisme politique. Aucune condamnation n’avait été prononcée malgré des années de procédure.

En 2006, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu en faveur du seul accusé, Marcel Kafando, et a curieusement clos l’enquête. Dans un arrêt daté du 28 mars 2014, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, basée à Arusha, a mis en évidence les carences de l’instruction.

Avec le dossier Thomas Sankara, c’est l’une des principales revendications des Burkinabè. Peu de temps après le départ de Blaise Compaoré, Adama Sagnon, nommé ministre de la Culture dans le gouvernement de transition, avait été contrait de démissionner. Sa nomination le 24 novembre avait provoqué la fureur de plusieurs organisations de la société civile. Sagnon, qui fut procureur sous la présidence de Blaise Compaoré, est en effet accusé par plusieurs de ses compatriotes d’avoir « enterré » le dossier Zongo.

_________________

Jeuneafrique.com par Vincent DUHEM

Burkina : Sankara, enfin toute la vérité ?

décembre 15, 2014

Le dossier de l'assassinat de Sankara va être rouvert.
Le dossier de l’assassinat de Sankara va être rouvert. © Witt/SIPA-PRESS

Le mythe est intact, mais l’Histoire reste à écrire. Vingt-sept ans après, les tombeurs de Blaise Compaoré s’apprêtent à rouvrir le dossier explosif de l’assassinat de l’ancien président. Reste à savoir s’ils auront le courage d’aller jusqu’au bout.

Ce ne sont peut-être que des effets d’annonce. Il n’empêche : en évoquant, dès leurs premiers jours au pouvoir, les fantômes du régime de Blaise Compaoré, en rouvrant des plaies que le palais de Kosyam a longtemps tenté de cacher sous un grossier sparadrap à défaut de les refermer, les deux têtes de la transition burkinabè ont pris rendez-vous avec l’Histoire. Elles pourront difficilement faire marche arrière tant l’attente est grande, au Burkina et au-delà.

C’est d’abord Michel Kafando, le président de la transition, qui, lors de son investiture le 21 novembre, annonce que la famille de Thomas Sankara a obtenu ce pour quoi elle se bat depuis des années : l’exhumation du corps, ou de ce qui est présenté comme tel depuis le 15 octobre 1987, jour de sa mise à mort. C’est ensuite Isaac Zida, le lieutenant-colonel devenu Premier ministre, qui, le 27 novembre, déclare vouloir rouvrir des enquêtes sur les assassinats de Sankara et du journaliste Norbert Zongo. « La justice sera rendue », affirme-t-il, assurant qu' »une bonne partie des dossiers » sera traitée pendant la transition et que, s’il le faut, le Burkina demandera au Maroc l’extradition de son ancien maître, Blaise Compaoré.

Sankara, Zongo : les deux taches indélébiles du régime Compaoré. Ses fantômes les plus tenaces, qui l’ont poursuivi un peu partout en Afrique et jusque dans son cercle le plus étroit. Des disparitions inexpliquées, il y en a eu plusieurs sous son règne, notamment durant la rectification, la période d’exception qui suivit la révolution et au cours de laquelle les « accidents » de la route étaient monnaie courante chez ceux qui en savaient trop. Mais, hormis pour leurs proches, les « disparus » tombaient vite dans l’oubli. Ce ne fut le cas ni pour Sankara ni pour Zongo.

Sankara, c’est le péché originel. Celui par lequel Compaoré a gagné le pouvoir… et perdu à jamais l’estime de nombre de ses concitoyens et pairs. Il y a là une explication d’ordre moral : personne, pas même ceux qui s’opposaient à sa politique, pas même Compaoré lui-même, n’a digéré la mise à mort du capitaine le 15 octobre 1987. Car personne n’a oublié les liens qui unissaient les deux hommes – cette amitié fraternelle, au sens propre du terme, qui faisait dire au père de « Thomas » que « Blaise » était comme son fils. Compaoré a toujours clamé son innocence, sans vraiment convaincre. En dépit de nombreux témoignages, le flou règne, et la justice, qui n’avait jamais été sollicitée jusqu’alors dans cette affaire, aura bien du mal à le dissiper.

Ouvrir une boîte de pandore sans fond

Zongo, c’est autre chose. L’élimination par des militaires, en décembre 1998, de ce journaliste un peu trop curieux qui faisait la fierté des Burkinabè (et le procès qui conclut à un non-lieu huit ans après) fut perçue comme une atteinte grave à la démocratie. Elle a symbolisé tous les abus du système : une armée protégée, une justice aux ordres et des institutions au service d’un clan.

En rouvrant ces dossiers, Kafando et Zida – qui ont longtemps servi le régime Compaoré – ont peut-être voulu se refaire une virginité aux yeux de la jeunesse, laquelle a joué un rôle majeur dans l’insurrection du 30 octobre et se réclame du sankarisme. Ils risquent d’ouvrir une boîte de Pandore sans fond (certains rappellent déjà les épisodes sanglants du régime Sankara), d’être accusés de promouvoir une justice des vainqueurs et de faire de la transition une période de tumulte. Mais n’est-ce pas l’essence d’un pouvoir issu d’une révolte populaire que de donner ce qu’elle veut à la foule?.

Jeuneafrique.com par Rémi Carayol

Burkina: des milliers de personnes manifestent à Ouagadougou pour Norbert Zongo, 16 ans après sa mort

décembre 13, 2014

Ouagadougou – Des milliers de personnes ont manifesté samedi à Ouagadougou en hommage à Norbert Zongo, un journaliste burkinabè assassiné il y a seize ans, le 13 décembre 1998 sous la présidence de Blaise Compaoré, a constaté l’AFP.

Les manifestants, dont certains portaient des pancartes Justice pour Zongo et d’autres étaient vêtus de noir, en signe de deuil, ont marché durant une heure en fin de matinée dans les rues de la capitale du Burkina Faso.

Norbert Zongo a été tué alors qu’il enquêtait sur le meurtre sous la torture de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, frère cadet de Blaise Compaoré.

L’affaire incarne les dérives les plus graves du régime du président chassé par la rue le 31 octobre après 27 ans de règne. Aucune condamnation n’avait été prononcée malgré des années de procédure.

Le cortège, parti de la place de la Révolution, l’ancienne place de la Nation rebaptisée après l’insurrection, s’est achevé sur ce lieu symbolique, où a ensuite débuté un meeting.

Le Premier ministre intérimaire, le lieutenant-colonel Isaac Zida, et ses ministres de la Sécurité (Intérieur) et de la Justice ont participé aux derniers mètres de la marche.

Quelques heures plus tôt, une centaine de personnes, principalement des responsables associatifs et des membres de la famille de Norbert Zongo, s’étaient recueillies sur sa tombe du cimetière de Goughin, un quartier de Ouagadougou.

Ils ont déposé des fleurs sur la tombe de Norbert Zongo ainsi que sur celles de ses trois camarades, dont les dépouilles avaient été retrouvées calcinées dans sa voiture à Sapouy – à environ 100 km de Ouagadougou.

La lutte doit se poursuivre sur le dossier Norbert Zongo, a affirmé Chrysogome Zougmoré, le président du Collectif contre l’impunité, qui a annoncé la transmission d’une requête dès la semaine prochaine au procureur du Faso pour qu’il rouvre l’affaire sur la base de ce que nous pensons être des éléments nouveaux.

Des dizaines de documents ont été retrouvés il y a un mois lors du pillage de la luxueuse demeure de François Compaoré, dont une partie semblait liée au cas Zongo.

Nous avons analysé et expertisé ces documents, dont certains constituent des éléments probants indiquant que le frère de l’ex-président est impliqué d’une manière ou d’une autre dans les crimes de Sapouy, a observé M. Zougmoré.

Nous allons demander la réouverture du dossier, a confirmé Me Bénéwendé Sankara au nom d’un collectif d’avocats.

Après des années d’instruction, le dossier Zongo avait abouti à un non-lieu en 2006, ce que le président intérimaire Michel Kafando a qualifié jeudi d’injustice notoire et flagrante.

On ne peut pas passer ce forfait en pertes et profits, a-t-il lancé.

Directeur de l’hebdomadaire L’Indépendant, Norbert Zongo était connu pour ses positions critiques du pouvoir. Sa mort avait ouvert une longue crise politique et sociale dans le pays.

Romandie.com avec(©AFP / 13 décembre 2014 13h22)